𝐈𝐗.
09; The dark side
𝑫𝑬̀𝑺 𝑳𝑶𝑹𝑺, 𝑺𝑬𝑺 𝑹𝑬̂𝑽𝑬𝑺 𝑵𝑬 𝑭𝑼𝑹𝑬𝑵𝑻 𝑷𝑳𝑼𝑺 𝑸𝑼'𝑼𝑵 𝑳𝑶𝑵𝑮 𝑹𝑼𝑩𝑨𝑵 𝑫𝑬 𝑵𝑼𝑰𝑻. La licorne redressa la tête avec raideur. Ses jambes remuèrent, puis, tel un jeune poulain ou un faon qui apprend à marcher, elle eut un spasme convulsif, prit maladroitement appui sur ses pattes et, moitié descendant, moitié tombant, s'affala pour se rétablir dans la boue. Son flanc gauche, celui sur lequel elle avait été couchée dans le carrosse, était tout gonflé et noir à cause du sang et des humeurs accumulés. Handicapée par son oeil crevé, elle tituba en direction de l'aiguille minérale jusqu'à une petite dépression qui faisait comme un bassin à sa base. Là, elle tomba à genoux sur ses antérieurs dans une macabre parodie de prière.
666 se réveilla transpirante elle attrapa l'origami de Stephen Sheffield, et tout de suite elle fut soulagée. Son cœur se réchauffa. Elle sursauta au grincement de la clé dans la serrure de sa cellule, comme à l'accoutumé. Ses yeux, aveuglés par l'éclat des tubes luminescents, reconnurent néanmoins la silhouette de l'infirmier qui se chargerait de sa personne. Elle fut surprise que se soit Henry Creel qui vienne la chercher.
Elle le savait intègre, et lui il la savait inoffensive, indépendamment de ce qu'en disaient ces rapports. Cela ne l'empêchait toute fois pas d'avoir toujours en sa main gauche le bâton télesco pique. Elle savait cette précaution de mise. Henry se rapprocha, la jeune femme effaré poussa la fleur en papier dessous son matelas furtivement.
— Bonjour, 666, salua-t-il en déposant au pied du lit les usuels vêtements qu'elle devait porter. Comment vas-tu aujourd'hui ?
666 ne pouvait pas à chaque fois s'empêcher de croire que ces politesses étaient forcées ; comment pouvait on faire preuve d'autant de douceur et d'affabilité face à une femme telle qu'elle ? Elle avait beau être jeune, se savoir belle encore, ne serait-ce qu'en raison des compliments qu'elle attirait naguère, il lui semblait si naturel de se mépriser au vu de sa situation. Son visage gardait les traces d'un épuisement et de détresses perpétuelles ; sa chevelure rêche, qu'on lui coupait périodiquement avec la froideur d'un embaumeur, tombait piteusement jusqu'à la hauteur de son cou nue ; et son corps était maigre de tous ces repas qu'elle ne parvenait qu'à avaler au tiers.
Il aurait pu lui demander sur le-champ de se dénuder devant lui, de s'agenouiller sous ses yeux bleus malicieux, et elle n'aurait pas eu d'autre choix que d'obéir. Une femme que l'on respecte en était une que l'on désire, et le désir n'existait pas lorsque persiste la contrainte d'obéir. Mais Henry n'aurait jamais osé se salir les yeux d'une pareille immondice. Pas lui.
— Je vais bien, répondit t'elle en se redressant.
Leurs regards se croisèrent brièvement étant tous deux accoutumés à la routine, il sut qu'elle attendait qu'il se détourne, ce qu'il fit aussitôt. Lui laissant le peu d'intimité, qu'il lui fallait pour se redresser et enfiler ses vêtements le blond s'appuya le dos contre le mur en levant le menton vers le plafond. Sa vision périphérique était certes informée de chacun des mouvements de la brune, mais sans plus.
— Merci.
Il fit de nouveau face à la jeune femme. Il ne lui était plus nécessaire de verbaliser les formalités : 666 tendit ses bras, qu'il menotta avec douceur ; ce geste lui donna l'impression d'un baiser envoyé depuis des lèvres barbelées. Plongeant sa main au fond de l'une de ses poches, Henry en retira un petit contenant sans étiquette dans lequel il plongea l'aiguille d'une seringue. C'était chaque jour ainsi : une dose le matin et une dose le soir. Évidemment, la première fois que l'on avait tenté d'injecter à la brune ce produit, elle s'étais défendue à en mordre deux intervenants. Ce jour-là, la vue de cette aiguille ne causait à 666 plus un pli ; elle lui chatouilla le bras durant quelques secondes, et ce fut tout. Un simple hochement de la tête l'incita à suivre Henry dans le dédale des blêmes couloirs. Quelques alcoves étaient déverrouillées, tandis que d'autres infirmiers se chargeaient de détenu enfants.
Ils serpentèrent entre les chariots, les fauteuils roulants et les gardes de sécurité, qui jetèrent sur la brune des yeux si austères qu'elle baissa forcément les siens vers ses pieds. Henry toqua à la porte du docteur Bumby avant d'entrer, lui apportant du thé et sa patiente. Le bureau du docteur était sobre, il y avait quelque diplômes, une grande commode, surement là où se trouvait ses vêtements, de la paperasse et un gros fauteuil marron près de la fenêtre.
— Docteur... fit simplement Henry en tendant la tasse de thé. Voilà 666.
— Mmh en effet je te remercie.
Tandis que le psychiatre se munissait de son carnet. Henry délivra les poignet de 666. Cette dernière rougit au contact des doigts fin et délicat de l'aide-soignant. Henry ne détacha pas ses prunelles scintillantes des siennes. Elle déglutit avec difficulté en se positionnant sur le fauteuil, et le docteur alla prendre place en face, Henry se mit à l'écart dans un coin de la pièce les mains derrière son dos, sa présence avait été sollicité en cas de débordage, compte tenu de la dernière fois.
— Tu as rêvé cette nuit 666 ? demanda le médecin d'un ton monotone.
— Oui, toujours ce cauchemar, mais cette fois. Il était presque différent, je pensais pouvoir m'en sortir !
— C'est un début, ne te décourage pas, aujourd'hui nous allons essayer autre chose.
Le psychiatre trempa ses lèvres sur la tasse pour déguster une gorgé de sa boisson, mais il posa cette dernière immédiatement en mettant sa main sur sa bouche.
— Encore trop chaud, déclara t'il la langue brûlée.
— Certain l'aime chaud, commenta Henry poliment.
— Mais pas aussi chaud Peter, tu vas finir par brûler quelqu'un avec un thé comme ça...
La jeune femme tiqua au nom utilisé, il ne s'appelait pas Peter. Brenner occultait souvent les choses peu gratifiantes. Il les justifiait, les couvrait de jolis mensonges ou de l'épaisse poussière de l'oubli. 666 claqua de la langue et si c'était un piège. Leur relation n'aurait été en rien différente à celle que entretient le chasseur au gibier au travers de sa visière. Henry ou Peter était un complice, elle en avait la certitude. Le médecin pivota sur ces talons en s'excusant pour utiliser les toilettes.
Le silence dans la pièce était si profond, que l'on remarquait tout de suite le tic tac de l'horloge. 666 paniquait, au fond elle savait que d'une quelconque manière l'aide-soignant pouvait lire chacune de ses pensées. C'était si dur de bouger, même un simple doigt, ses veines allaient exploser. Elle ressemblait à une petite biche vulnérable.
— Ça ne va pas ? Tes pieds ainsi que les muscles de tes molets sont tendues. Tes épaules et tes bras sont raides et ta joue frimousse. Est-ce que je te rend nerveuse ?
666 prit son courage à deux mains et affronta l'œilade bleuté de son interlocuteur.
— Peter ou Henry peut importe ton nom, es-tu de mèche avec Brenner ?
Le doute la plongeait dans un tourbillon d'incertitude tel le serpent qui se mordait la queue. Et soudain 666 était un ange sur le plancher de la salle, portant du gore, un regard vide, rien de plus. À l'impassibilité du blond, elle s'empara si vite de la tasse, qu'il n'eut le temps de réagir que lorsque le liquide épais du thé bouillant atterrit sur sa chemise blanche. Le mystère le plus insondable n'était pas celui des autres : c'était le mystère de soi-même.
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