𝐒𝐢𝐱𝐢𝐞̀𝐦𝐞 𝐋𝐮𝐧𝐞
« Son Sang Avait Une Odeur De Poison »
par champagneandhoney♡
/!\ Mention de cadavres, de sang et présence d'une scène à caractères sexuels /!\
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La journée n'était pas différente que les autres jours.
La nuit et le silence.
C'était le même rituel, la même routine, encore et toujours. Hoseok attaché aux lourdes chaînes, à demi-allongé sur le lit, la fraîcheur de la cave l'enveloppant dans un cocon, et le bandeau de soie noire sur ses paupières. L'obscurité était devenue son amie, lui qui, enfant, la craignait tant ; mais c'était dans son monde mystérieux et bien souvent inquiétant qu'il se sentait le plus à l'aise. Le plus familier, aussi ; que ce soit entre la pénombre de la cave ou la lune qui accompagnait le frisson de sa chasse.
C'était toujours la pénombre, son amie, son amante, sa confidente ; il avait grandi dans l'ombre, et continuait de vivre dans ces ténèbres qui semblaient couler dans ses veines, à présent. Il savait que, pour les humains, il n'était qu'une créature de la nuit, un suppôt de Satan, l'instrument de torture de Lucifer. Alors, peut-être que cela n'était que la suite logique des choses, que de vivre constamment dans ce brouillard épais et froid.
La goule soupira ; malgré tous les coussins contre son dos, il était difficile pour lui de se reposer, les autres sens en alerte.
À chaque fois, il étudiait les pas de Namjoon, au-dessus de sa tête ; imaginait la façon dont il se déplaçait dans la pièce. Avec le temps, il avait appris à reconnaître ses humeurs à ses simples sons ; quand il était las et fatigué de sa chasse, préoccupé par l'affaire qu'il avait sous les bras. Quand il était énervé par les scènes d'horreur et par l'incompétence des humains. Il l'entendait, aussi, quand il hésitait à pousser la lourde porte qui menait à la cave pour le détacher. Mais généralement, cette hésitation ne durait pas longtemps, et très vite, la nuit se dissipait en même temps qu'il enlevait son bandeau.
Et il l'accueillait de l'autre côté de l'abîme, son sourire réconfortant et ses mains calleuses sur ses joues ; et, à chaque fois, cette odeur de sang qui lui faisait perdre la tête, avant de chuchoter contre ses lèvres qu'il avait besoin de lui, une fois encore. Massait ses poignets endoloris par les morsures des chaînes, enlaçait leurs doigts et le conduisait à l'étage, à la surface.
Namjoon le traitait bien, c'était indéniable. Il savait qu'il était nécessaire qu'il reste dans une aussi mauvaise posture, ou bien il serait tenté de l'attaquer pendant son sommeil. Qu'il était nécessaire qu'il reste dans cette cave, sinon le Centre de Contrôle des Goules lui retirerait sa garde, rencontrant une mort certaine ou un maître moins attentionné. Il avait l'impression que tout ce qu'il connaissait du monde extérieur, c'était lui, ses orbes profondes et son rictus ravageur — tout ce qu'il y avait eu avant lui, avant qu'il ne le recueille et ne l'élève en véritable goule chasseuse de goule, n'était que des souvenirs imprécis et froids qu'il avait laissé tombé depuis longtemps.
Et puis, régulièrement, il le sortait de ce sous-sol ; tant pis si c'était en temps que chien de guerre, à flairer la piste de gens de son espèce, puisque au final, il respirait l'air frais et se nourrissait de chair fraîche. Que ce soit de ses semblables n'avait guère plus de différence que d'un humain ; et, depuis que Namjoon l'avait recueilli, il y a de ça ce qui semblait être des millénaires, il lui répétait sans cesse ces mots :
" Régale-toi. Et n'oublie pas : tu tires ta force de ceux que tu manges. "
Aujourd'hui, son ventre le tiraillait. Cela devait faire plusieurs jours qu'il était ici, et il sentait à la posture de Namjoon qu'il était contrarié. Il n'avait pas besoin de le voir pour le comprendre ; son odeur seule le trahissait, ses pas rapides montrant sa préoccupation. Il ne fallut pas longtemps pour que le grincement lourd de la porte ne parvienne à ses oreilles, et pour que le bruit de ses bottes ne claquent contre les marches en pierre.
Hoseok retint son souffle ; maintenant qu'il était auprès de lui, l'odeur de l'humain était presque entêtante, enivrante, et comme à son habitude, il lui faisait tourner la tête. L'esprit trop embrumé par ce doux fumet, ce fut presque pris par surprise qu'il sentit le bandeau glisser de ses paupières. Difficilement, quittant le monde obscur de la nuit, il cligna furieusement les yeux, et fut accueilli, comme à l'accoutumée, par le visage du blond. Seulement, cette fois-ci, ce n'était pas un sourire qui caressait ses croissants de chair mais un froncement de sourcils qui venait soucier son front.
Une affaire le préoccupait, une de celles particulièrement sanglantes où il fallait généralement avoir l'estomac bien accroché. On appelait Namjoon que dans ces cas-ci, quand l'horreur de la scène donnait envie de vomir et quand il ne restait que des lambeaux hurlants d'un couple, d'une famille, d'enfants. Car si même les goules se nourrissaient en secret, prudentes, certaines d'entre elles restaient affamées, insouciantes, ne laissant derrière elles qu'une flaque immonde de sang. On murmurait à son sujet qu'il en avait vu d'autres, des atrocités, et qu'il était bien l'un des seuls à ne pas perdre la raison face à ces tableaux démoniaques ; on murmurait qu'il avait décapité tant de créatures que la lame de son épée était rougie à jamais, comme cette clé que Barbe-Bleue avait donné à sa femme et qui était tombée dans l'hémoglobine — on avait beau frotter, il était impossible d'enlever ces tâches carmins, douloureux rappel de la violence de ce monde.
Hoseok le regarda d'un air curieux, essayant de sonder ses prunelles, question silencieuse qui dansait sur ses orbes, mais Namjoon ne dit rien, se contentant de le fixer et de chercher en lui un semblant de réponses à ses questionnements.
Alors, devant son silence qui le rendait presque inconfortable, le brun ne put que demander :
" Qu'est-ce qu'il se passe ? "
Sa voix était rauque, non-utilisée depuis des jours déjà, mais apparemment suffisamment audible pour sortir le chasseur de goules de sa torpeur. Et, au lieu de répondre expressément à son interrogation, il encadra son visage de ses grandes mains, dures et fortes à force de serrer le manche de son sabre entre ses doigts.
" Dis-moi que je peux te faire confiance. "
Et, bien sûr qu'il pouvait. Il n'avait même pas à demander.
Cela était une hérésie pour des gens de son espèce d'être au service des humains, de traquer ses semblables et d'arracher leurs gorges de ses dents, mais c'était tout ce qu'Hoseok n'avait jamais connu.
Namjoon, la cave, la chasse. La nuit, son sourire, l'odeur du sang.
Mais le blond pouvait faire ce qu'il voulait de la goule ; pouvait lui demander de décimer la ville entière, de vendre son âme au diable — si ce n'était déjà fait —, ou même donner sa propre vie pour lui, et Hoseok le ferait. Aveuglément. Alors oui, il comprenait pourquoi ces chaînes, ce bandeau et cette précaution autour de lui même quand ils s'adonnaient à d'autres plaisirs de la chair, mais Namjoon n'avait rien à craindre. Il savait que les autorités lui demandaient certaines mesures pour garder une telle goule chez lui et pour l'emmener sur le terrain, mais Hoseok pourrait dormir dans son lit sans toucher un seul de ses cheveux, s'il le fallait.
Mais il savait aussi que tout ce que Namjoon voyait, toutes ces ignominies laides et monstrueuses, le poussaient à se poser des questions. À se demander s'il finirait comme eux, ces pauvres victimes sans nom et sans visage, s'il ne fermait pas bien les menottes autour de ses mains.
" Bien sûr, souffla le brun, perdu dans l'immensité de ses yeux. "
Et Namjoon dut y lire sa sincérité, puisqu'il hocha imperceptiblement de la tête et se pencha dans un cliquetis de clés. Quelques instants plus tard, il massait, comme à son habitude, les poignets endoloris et fatigués du brun, et embrassa chastement ses lèvres dans un signe d'excuse. Hoseok ne lui en voulait pas trop, de toute manière.
" Allez viens, c'est l'heure du repas, dit-il, avec son éternel sourire en coin. "
Le doute venait de se dissiper, et le chasseur était de retour. Carnassier, létal, et en quête d'un semblant de justice.
***
Un bain de sang.
Un véritable bain de sang.
Quand Hoseok arriva sur la scène, il fut pris à la gorge par cette odeur d'hémoglobine et de chair déchiquetée, et dut physiquement déglutir pour reprendre un semblant de composition. Les lampadaires, faibles bougies contre les démons de la nuit, éclairaient maladivement l'objet de toute leur attention, force pénible contre les ombres qui les entouraient. Le collier serrait sa nuque et le métal était froid et inconfortable contre sa peau, mais il savait que Namjoon ne pouvait le détacher de sa laisse. Pas devant son coéquipier Jimin, du moins.
Le carnage avait eu lieu en pleine rue. Une famille, rentrant du supermarché si on en croyait les sacs de provisions éventrés sur le bas côté. La femme avait été dévorée jusqu'au tronc, les jambes et un bras manquant, les yeux écarquillés dans un masque d'horreur, figé à jamais dans la mort. L'homme avait eu le visage déchiqueté et il y avait un trou si béant dans son estomac qu'Hoseok pouvait y compter le nombre de côtes. Quand à leur enfant, il ne restait qu'une petite main plongée dans une flaque vermeille.
Ce n'était pas étonnant si Namjoon avait été mis sur le coup. Toute personne normalement constituée aurait déjà rendu le contenu de son repas, tant la scène était d'une violence et d'une débauche inouïe. Et pourtant, malgré cela, il était évident de voir qu'il n'était pas insensible. Son odeur était plus âcre, plus amère, comme une odeur de cendres sur sa langue. Et qui ne serait resté indemne face à tout cela ?
Le Centre de Contrôle des Goules continuait d'envoyer Namjoon sur les scènes, persuadés qu'il était le seul à pouvoir maîtriser la situation. Et il l'était, et même s'il faisait bonne figure devant ses supérieurs et devant Jimin, il était évident de lire dans ses cernes, dans la façon dont il glissait une main dans ses cheveux, qu'il était las et qu'un peu de repos ne lui ferait pas de mal. Loin de toute cette folie.
Mais la grande horloge de la place indiquait 3 heures du matin, et les voilà scrutant une scène d'une horreur indescriptible.
" Elle devait être affamée, commenta Jimin en s'accroupissant légèrement, prenant quelques notes sur les corps. "
Généralement, les goules faisaient attention quand elles se nourrissaient ; se substanter de façon aussi importante et de façon aussi exposée relevait d'une négligence aiguë voire même d'un caractère suicidaire.
Namjoon se pencha à l'oreille d'Hoseok. Même s'il se nourrissait que de goules, l'odeur des humains n'étaient pas sans l'affecter ; quelque chose de primaire et de féral dans ses gênes le poussait à finir ce qu'il restait des pauvres corps, mais son esprit lui commandait de contenir la bête en lui. La nature, la raison, ce combat manichéen qui prenait possession de son esprit à chaque fois qu'il sortait de la cave, et Namjoon s'assurait toujours qu'il ne se laisserait pas tomber du mauvais côté du fil. Il ne s'attaquait pas aux humains, c'était la règle d'or. Alors, quand le blond chuchota à son oreille, ses pensées furent un peu bousculées par ce trémor interne.
" Tu as une piste ? "
Le brun fit taire l'animal en lui pour se concentrer sur sa tâche. Namjoon avait besoin de lui, et il ferait n'importe quoi pour lui, alors il se concentra. Là, dans la nuit fraîche et dangereuse, il huma l'air comme le chien de chasse qu'il était. Car au milieu de tout ce sang et des odeurs des humains, il y en avait une autre, plus caractéristique, redoutable et perfide, létale et menaçante. Il l'avait trouvé.
Quand il se tourna vers le chasseur, ses yeux teintés de rouge en dirent long, et Namjoon le félicita silencieusement d'un autre de ses rictus ravageurs. Allons en chasse, sembla-t-il dire, tandis qu'il détachait la laisse en chaîne du collier autour du cou de la goule.
" Tu sais que les autorités n'aiment pas quand tu fais ça, commenta Jimin sur le côté, les bras croisés sur son torse et observant du coin de l'œil l'échange entre les deux. "
Il n'y avait pas de haine particulière dans le ton de sa voix ; tous deux savaient pertinemment que le blond n'avait que faire des procédures créés par des fonctionnaires qui n'avaient pataugé dans des marres de sang.
Namjoon l'ignora un instant et Hoseok, inspirant encore une fois à fond et gonflant ses poumons de l'odeur du criminel qu'il cherchait, s'avança vers une ruelle adjacente. La main sur la poignée décorée de son sabre traditionnel, le blond le suivit à quelques pas de distance, les yeux rivés sur l'homme devant lui. Un faux pas, et c'était la tête du brun qui roulerait à terre à ses pieds ; mais cela faisait des années qu'ils travaillaient ensemble, des années déjà qu'Hoseok était dans sa cave, et jamais il n'avait eu à se plaindre, bien au contraire. Jamais il n'avait fait de faux pas, et même s'il en faisait un, il aimait penser que le lien particulier qu'il entretenait avec le chasseur lui sauverait la vie.
Les méthodes étaient peut-être douteuses, mais les résultats étaient là, alors les supérieurs dans les bureaux ne se contentaient que de regarder le duo d'un mauvais œil, ne pouvant décemment interdire Namjoon de la garde d'Hoseok. Lui retirer la garde, c'était perdre leur meilleur élément et laisser la ville en proie à des goules encore plus viscérales. Lui retirer la garde, c'était tirer un trait définitif sur la survie de l'humanité, et laisser les flammes de l'Enfer lécher leurs ruelles, affamées et meurtrières.
" Ce qu'ils ignorent ne peuvent leur faire de tort, murmura l'aîné à l'attention de son coéquipier, juste quelques pas derrière lui. "
Et il put presque deviner Jimin lever les yeux au ciel ; même s'il n'approuvait pas à 100% la façon dont les deux se mettaient en chasse, au moins lui aussi se basait sur les résultats. Et si Namjoon avait confiance en Hoseok, alors Jimin avait confiance en Namjoon. C'était aussi simple que cela.
Leurs chemins les menèrent à l'entrée de la forêt. La nuit était claire, et l'astre rond dans le ciel illuminait de ses rayons argentés la cime des arbres. C'était le début de l'hiver, alors beaucoup d'entre eux avaient perdu leurs feuillages, ne laissant apparaître que des branches squelettiques et cauchemardesques. Derrière eux, les lumières de la ville semblaient bien pâles, bien faibles, et si Lucifer ouvrait en grand les portes des ténèbres, ce ne serait qu'une question de temps avant que la capitale ne soit engloutie sous l'obscurité et sous la démence.
" Sors ton arme, intima le chasseur en direction de son cadet. "
Il entendit le bruit caractéristique de la flèche qu'on encoche, et il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que l'arbalète de Jimin était calée sur son épaule, prêt à décocher et à planter sa pointe entre les deux yeux d'une goule, peu importe si c'était l'assassin de cette terrible mise en scène ou non. Tout comme lui, le jeune homme avait été entraîné pour ne devenir qu'une machine de guerre ; car la véritable guerre, la survie de l'humanité contre les créatures comme Hoseok, se faisait dans l'ombre, dans le secret. C'était plus que des chasseurs, c'était des soldats, prêts à tuer, à donner plus que leur propre vie — leur raison, leur lucidité, leur âme — pour que la population continue à vivre dans un semblant d'ignorance et de béatitude.
Nombre d'entre eux étaient devenus fous, fous par ce qu'ils voyaient ou fous parce qu'on ne leur donnait pas assez de reconnaissance ; et, dans des nuits sans étoiles comme celle-ci, Namjoon ne pouvait que leur donner raison.
Ils continuèrent leur procession silencieuse dans les bois. De temps à autres, Hoseok changeait légèrement de cap, s'enfonçant encore plus dans le brouillard de la lande, l'odorat et tous les sens à l'affût. Même une bougie n'aurait pu éclairer l'épaisseur profonde et ténébreuse.
Et soudain, sa silhouette se détacha.
Une cascade de cheveux d'or se détacha de la noirceur des bois, des vêtements aussi pâles que la lune. L'apparition était presque fantomatique, comme une dame blanche qui hantait les rêves, comme ces mythes que les parents racontaient à leurs progénitures pour qu'elles se tiennent correctement. Et elle aurait presque pu être hypnotique, si ce n'était pour son visage maculé de sang et de sa blouse tâchée d'hémoglobine qui leur offrit un sourire à la fois triste et affamée quand elle se retourna. Namjoon ne serait pas surpris s'il trouvait quelques morceaux d'intestin dans ses cheveux.
" Oh, dit-elle simplement en apercevant les chasseurs. "
Il était inutile de lui faire quelconque forme de procès : l'odorat d'Hoseok ne les avait jamais trahi, et le sang encore frais qui la couvrait jusqu'à son scalp était une preuve suffisante de sa culpabilité. Même si ce n'était pas l'assassin de la famille qu'ils avaient découvert en lambeaux au bord du trottoir, peu importe ; il était de leur devoir de la neutraliser et de l'empêcher de frapper à nouveau.
L'odeur de chair humaine se mélangeait au parfum des sous-bois ; un arôme que Namjoon ne connaissait que trop bien.
Face à l'éclair de lune glissant sur le visage impassible et sinistre du chasseur, la goule sembla se reprendre, et, un air faussement désespéré peint sur son visage — Namjoon savait mieux que quiconque qu'il ne fallait jamais faire confiance à une goule, surtout pas si sa bouche était encore fraîche des corps qu'elle avait déchiquetée entre ses dents —, elle murmura :
" Pardonnez-moi... J'avais si faim... "
" Ne bouge pas, lui intima le blond. "
Hoseok était sur ses gardes, les muscles tendus et prêt à bondir, légèrement en retrait. C'était à Namjoon que revenait l'honneur de décapiter la créature qui avait laissé derrière elle que chaos et rage ; une fois sa besogne terminée, le chasseur laissait le noiraud enfoncer ses dents dans la chair de sa propre espèce. Ça non plus, ce n'était pas apprécié par les supérieurs.
Mais avant d'entendre le bruit sourd d'un corps qui tombe sur les feuilles mortes, il fallait rester aux aguets. Et cela, Hoseok ne le savait que trop bien, parce que c'était futile de croire qu'une goule allait obéir aux ordres d'un humain, quand l'odeur mortelle des deux chasseurs envahissaient les sous-bois. C'était dans leurs gènes, dans leurs ADN, que de se jeter sur eux, de planter leurs dents dans la chair fraîche, et d'en faire un véritable festin. Même si le noiraud était plus sensible au parfum de son maître, il était inutile de prétendre que celle de Jimin ne lui faisait aucun effet.
" Tu sens si bon, humain, souffla-t-elle, ses yeux affamés posés sur la silhouette de Namjoon, qui avançait à pas prudents en sa direction. "
À peine ses mots entrèrent au contact de l'air, que le chasseur sortit son long sabre japonais de son fourreau ; pas entièrement, puisqu'il savait que Jimin était en joug derrière lui, et qu'Hoseok n'attendait que de se jeter sur son prochain repas, mais suffisamment pour laisser la lame brillante refléter les rayons clairs de la lune.
" Fais le moindre mouvement et je te tranche la gorge, gronda-t-il d'un ton sans appel. "
Hoseok ne devait pas penser à cette voix, rauque, basse et autoritaire, qu'il aimait entendre au creux de son oreille quand il n'était réduit qu'à une créature gémissante aux portes de l'orgasme. L'odeur du sang, la posture dominante qu'avait le blond, et l'adrénaline de la course ; tout son esprit semblait embrouillé, mais il devait se rappeler qu'il devait rester concentré, que les humains avaient besoin de lui. Que Namjoon avait besoin de lui.
Le chasseur fit un autre pas en sa direction, alors que les instincts de la goule lui criait de ne pas bouger, que c'était trop dangereux, qu'il avait un mauvais pressentiment à propos de la criminelle. Mais son aîné était entraîné, avait vu bien pire, avant même que ne lui soit confiée la garde du noiraud, alors sûrement savait-il ce qu'il faisait.
Wrong.
Car, l'instant d'après, le temps de cligner des yeux et c'était déjà trop tard, puisque la grande blonde à la bouche ensanglantée se jeta sur Namjoon avec un grognement féroce et bestial, toutes dents dehors, et si ce n'était pour Hoseok, sûrement que le chasseur se serait retrouvé avec une marque de canines fermement enfoncées dans son épaule. Mais son protégé était rapide et instinctif, et il n'eut même pas le temps de réfléchir, que lui aussi sauta dans les airs pour attraper son ennemie en plein vol, les yeux rouges lançant des éclairs. Personne, personne, à part lui, ne pouvait toucher l'humain ; et ce n'était pas une femme aux airs faussement innocents qui allaient lui prendre la vie.
L'action fut trop rapide pour que Jimin ne puisse décocher sa flèche sans blesser Hoseok, alors les deux créatures roulèrent sur le tapis de feuilles dans un râle rauque, le bruit des mâchoires qui claquent et des griffes qui raclent la terre. L'instant d'après, et le noiraud se retrouvait à califourchon sur la tunique blanche tâchée, un bras bloqué sous la gorge de la femme et un grognement bestial et menaçant, ses dents seulement à quelques centimètres de son visage, en guise d'avertissement. Le moindre mouvement, et elle mourrait.
" Tu... dit-elle sous le coup de la surprise, avant que la réalisation ne traverse ses pupilles carmin. Tu es une goule ? fulmina-t-elle en tentant de renverser Hoseok. Sale traître à ton sang ! "
" Tais-toi, aboya le noiraud en claquant ses dents juste devant ses yeux. "
Sa voix était rauque, n'ayant prononcé un mot depuis la découverte des corps sauvagement déchiquetés. Il ne fallait pas être un génie pour savoir qu'il était affecté par l'odeur de sang sur la blouse de celle sous lui, encore plus maintenant qu'il avait presque le nez dessus, sa pomme d'Adam déglutissant difficilement. Du coin de l'œil, il perçut du mouvement : mais ce n'était que Namjoon, sortant enfin son long sabre de son fourreau avec une lenteur calculée, fer poli miroitant entre les arbres.
Il était beau, ainsi, si beau qu'il aurait pu décimer une ville entière rien que pour ses yeux s'il lui demandait ; sa longue cape noire flottait derrière lui, comme un spectre, comme la Mort elle-même, qui attendait de pouvoir donner son coup fatal. Ses cheveux étaient revenus en arrière, mais une mèche de cheveux, plus claire que sa chevelure blonde, lui tombait devant ses yeux si sombres, si noirs, qu'Hoseok ne sut si ce frisson était dû à son regard plein de ténèbres ou au vent frais qui venait de se lever.
Il ne sentit pas encore le regard de surprise qui se posa sur lui.
" Tu.. souffla la goule sous lui, l'expression confuse et lavée de toute agressivité. "
Et quand il tourna enfin le regard vers elle, ce fut son nom qui retentit dans les sous-bois.
" H-Hoseok ? "
" Comment connais-tu mon nom, gronda-t-il en raffermissant sa prise autour de sa mâchoire, pour l'empêcher de le mordre. "
" H-Hoseok, c'est moi ! Tu n-ne me reconnais pas ? Oh mon dieu, on te croyait perdu, Seokjin t'as cherché par— "
Et, d'un coup sec, interrompant son venin de sorcière, le sabre de Namjoon se planta dans son front. Hoseok releva la tête rapidement, surpris de voir son chasseur aussi près — trop absorbé par les paroles étranges, il ne l'avait vu venir, son pas léger comme une ombre. La pointe de la lame s'était enfoncée profondément dans son crâne, suffisamment pour transpercer le cerveau et pour la tuer d'un coup net ; et le noiraud était persuadé que quelques gouttes d'hémoglobine décorait ses joues comme des tâches de rousseur.
Lentement, le blond retira son arme, et la lame rougie vint à son tour briller dans les rayons glaciaux de l'astre, comme voulant laver l'horreur qui venait de se jouer dans les ténèbres de la forêt. Sans un mot, il essuya sa lame dans un des pans de sa cape, avant de le ranger dans son fourreau, de cette lenteur languide et caractéristique. Aux sons qu'il faisait, Jimin était en train de rengainer son arme, mais il n'en avait cure. Tout ce qui importait, c'était Namjoon, là, au-dessus de lui, ses gestes professionnels et calculés. Tout ce qui importait, c'était Namjoon en train de s'accroupir devant lui, pour sonder son regard profond dans celui rougeâtre et légèrement affamé de sa goule.
Il lui attrapa le bas du visage, serrant sa mâchoire entre ses doigts, comme pour l'obliger de le regarder dans les yeux ; mais où diable Hoseok aurait-il pu regarder ? Hypnotisant, magnétique, obnubilant, magnifique. Sa poigne autour de ses joues était sûrement un moyen pour lui maintenir la tête de l'eau, l'obliger à résister à la tentation ; mais le simple contact de peau contre peau était suffisant pour envelopper l'esprit d'Hoseok d'un voile épais et cousu de luxure et de concupiscence. Il avait hâte de rentrer chez eux, pour que Namjoon l'attache au lit et qu'il le transporte vers les confins de l'orgasme.
" Tu as faim, puppy ?"
La goule eut tout le mal du monde pour ne pas laisser ses yeux rouler en arrière ; l'odeur du sang, le parfum du chasseur, ce surnom qu'il utilisait seulement quand son sexe était profondément ancré en lui, tout cela, c'était trop. Il devait planter ses crocs dans le corps inerte sous lui maintenant, ou il allait devenir fou.
Mais il connaissait Namjoon, et savait à quel point il aimait le torturer, encore un peu, avant de le laisser bondir sur son repas. Et, à présent, le blond attira son visage à lui — allait-il l'embrasser ? —, ses ongles se plantant toujours dans sa peau, et la douleur le gardait lucide, du moins en partie. Son visage était si proche du sien, ses lèvres si tentantes, et le plus jeune avait envie de barbouiller du sang sur ses lippes pour pouvoir les dévorer après.
Mais bientôt, tout self-contrôle s'évapora comme neige au soleil, quand le blond laissa sa langue mutine lécher les perles carmin qui décoraient ses joues, et... Grands dieux. Il pouvait déjà sentir un début d'excitation au niveau de son entrejambe, et il dut retenir de tout son soûl le gémissement bas qui manquait de s'échapper de ses lèvres.
" Namjoon... souffla-t-il, presque pantelant, l'envie, la faim et le sexe le rendait presque délirant. "
Après un dernier baiser chaste sur ses lèvres, n'ayant cure si Jimin pouvait les apercevoir dans cette position, il se recula un peu, et quand il planta de nouveau ses orbes ébènes dans celles aux milles nuances de cendre de son protégé, un sourire fin et carnassier s'étendait sur ses croissants de chair, à présent.
" Tu as bien travaillé, puppy. Tu peux manger à présent. "
Et il n'en fallut pas plus pour qu'il, au moment même où le blond relâcha son emprise autour de sa mâchoire, laissa ses crocs ses planter dans l'épaule de la femme. Et il se nourrit, encore et encore ; arracha la chair, encore et encore ; se délecta du sang sur sa langue, encore et encore.
Il n'avait aucun scrupule à se nourrir sur une créature de son espèce ; parce que aussi longtemps qu'il avait été avec Namjoon — combien de temps exactement, il ne saurait le dire —, le chasseur lui avait appris à manger ses semblables, et non des humains. Et aujourd'hui, c'était le goût d'une autre goule sur la langue qui le faisait gémir, pas le goût rêche des organes d'un homme. L'odeur de leur sang était suffocante et hypnotisante certes, mais pas au point de les attaquer de son plein grès.
Et s'il soupirait de plaisir autour d'une main qu'il était en train de mâchouiller, c'était aussi parce qu'il était impatient pour la suite du menu, une fois dans la cave.
***
Le cliquetis des chaînes contre la tête de lit dure de la cave. Ses poignets qui se tordent dans ses menottes, son dos qui se cambre. Les mains puissantes de Namjoon contre ses hanches, pour l'empêcher de bouger, tandis qu'il s'empalait doucement sur son membre tendu. C'était une délicieuse torture, et Hoseok ne pouvait que demander plus, encore plus, toujours plus.
La vue était... Sublime. Namjoon était sublime. Là, au-dessus de lui, ses cuisses puissantes de part et d'autres de son bassin, ses biceps se contractant à chaque va-et-vient, ses cheveux humides contre son front et son regard de feu, si puissant, qu'à lui seul faisait comprendre qu'Hoseok ne devait bouger, devait prendre et prendre et prendre, devait absorber la sensation qu'était son membre à l'intérieur de l'antre délicieuse du chasseur.
Et par tous les saints, quelle sensation était-ce là.
Parce que même si c'était l'humain qui contractait la mâchoire à chaque fois que le sexe de son protégé allait plus profondément en lui, c'était lui qui avait tout le contrôle. Tout le pouvoir. Que ce soit dehors en pleine nuit où ici, sur ce lit, cela n'avait que peu d'importance. Parce que le noiraud pouvait être proche de son acmé et il lui suffisait de s'arrêter et de l'appeler " puppy " et de serrer sa mâchoire entre ses doigts pour qu'il lui obéisse et attende que le blond jouisse d'abord.
" Namjoon... souffla-t-il, rejetant la tête en arrière, après un grognement rauque de l'homme spectaculaire au-dessus de lui. "
" Tu aimes ça, puppy ? ricana-t-il, presque euphorique, rejetant la tête en arrière et se pinçant un téton, tandis qu'il continuait d'onduler au-dessus de lui. "
Une torture délicieuse, vraiment. Parce que les chaînes autour de ses poignets l'empêchaient de glisser ses mains le long du torse musclé de Namjoon, l'empêchaient d'agripper ses cheveux à l'arrière de sa nuque pour l'embrasser férocement. L'empêchaient d'engloutir le sexe à la peau palpitante qui frottait contre son ventre de sa main. Mais pour rien au monde aurait-il changé cela.
Parce que Namjoon était celui qui le détruisait et le reconstruisait pièce par pièce, nuit après nuit, baisers après baisers.
La goule, l'humain, et toutes ces infimes particules qui faisaient que ce soir, ils n'étaient qu'un.
Le frisson de la chasse était excitant, le repas qui l'attendait à la fin encore plus, endormant son appétit pour quelques temps. Mais sa faim ne se calculait pas seulement aux nombres de jours qu'il passait dans sa cave, seul, dans le noir. C'était ce besoin, ce manque irrépressible, cette envie féroce qui lui donnait envie de dévorer les lèvres de son aîné, ne se contenant pas de deux ou trois orgasmes. Il lui en fallait toujours plus, intarissable, comme un homme qui avait marché des jours, des mois, des années dans le désert, et qui rencontrait enfin un peu d'eau. Un mirage, un oasis, un endroit où se reposer. Où transposer les horreurs de leur monde en cette partie de coït, animale et brutale.
Namjoon laissa ses mains glisser sur son cou, et l'espace d'un instant, Hoseok crut qu'il allait l'étrangler — papillonnant déjà des paupières d'impatience, se délectant déjà des grands doigts du chasseur lui coupant la respiration. À la place cependant, un éclair zébra la pénombre de la pièce, et ce fut tout comme s'il avait été bel et bien étranglé, la respiration se coupant dans sa gorge à l'idée de ce qu'il pouvait se passer ensuite.
Parce que là, faisant glisser la lame contre ses propres lèvres, Namjoon eut un rictus en coin, presque carnassier, ses doigts osseux s'enroulant autour du manche du couteau qu'il venait de sortir de sous l'oreiller. Il était presque certain apercevoir sa langue joueuse caresser le fil de son arme dans un rictus ravageur, mais Hoseok n'en était pas sûr, se cambrant à nouveau pour gémir ; parce que l'idée seule de ce qu'il se passerait avec ce couteau lui donnait envie de jouir à l'intérieur du blond, là, tout de suite.
Bonté divine.
" Oh, c'est une réaction qui me plaît, murmura le blond avec une étincelle appréciative dans le regard. "
Et forcément, que cela flattait l'ego de la goule ; qui ne voudrait pas faire plaisir à Namjoon ? Mais ce compliment lui fit tressauter les hanches inconsciemment, plongeant encore plus profondément en lui.
" Tsk, amour, c'est moi qui décide du rythme ici. "
Et la lame toucha enfin la peau brûlante de son torse.
Ce qu'il ressentit en premier, c'était le contact froid, glacial, presque électrique de la lame sur sa peau brûlante par le désir, véritable électrochoc qui lui fit courber les orteils et mordre l'intérieur de sa joue. Les menottes laissaient des traces agressives sur ses poignets sous ce geste, mais il n'en avait cure.
Ensuite, ce fut le ricanement de Namjoon, au-dessus de lui, continuant son implacable va-et-vient au-dessus de lui, et la goule se demandait par quels diables réussissait-il à être aussi maître de lui-même — quand les rôles étaient inversés, quand le blond prenait violemment son cadet contre le mur, claquant son fessier à chacun de ses coups de reins, il ne pouvait être réduit qu'à une pauvre créature gémissante et subissant avec délice et luxure les douces et brutales caresses de son amant.
Et puis le couteau entra en action. S'enfonçant dans la peau, trop léger pour couper l'épiderme mais suffisamment profond pour qu'Hoseok ressente cette adrénaline, ce danger qui pulsait dans ses veines, ce regard imperturbable et satisfait du soupirant au-dessus de lui. Suffisamment profond pour que, le lendemain, le noiraud puisse admirer ces lignes rougeâtres qui barraient son torse.
Preuve éphémère des jouissances qui se chuchotaient au creux de la nuit.
Un autre gémissement se coinça dans sa gorge quand il sentit la pointe fraîche s'aventurer en direction de ses boutons de chair, tendus à l'extrême, et si Namjoon ne faisait pas quelque chose rapidement, il allait sûrement jouir avant d'en avoir l'autorisation.
" Nam— commença-t-il, mais un autre râle lui échappa, le chasseur redoublant de vitesse sur son bassin, sa propre respiration erratique. "
" Qu'est-ce qu'il y a, babe ? Tu as besoin de quelque chose ? "
Et son sourire était féroce et impitoyable, parce qu'il savait pertinemment ce dont il avait besoin. Ce petit plus, ce petit quelque chose pour le faire basculer de l'autre côté de l'abîme, pour tomber dans les méandres des ténèbres et de la concupiscence, pour se laisser consommer par les flammes érotiques de l'Enfer.
Alors, se redressant — et laissant le sexe de son sigisbée buter contre sa prostate —, il apporta le couteau à sa propre main. Un autre éclair jaillit dans la pièce, et en moins d'un dixième de seconde, les yeux roulant à l'arrière de son crâne, Hoseok put sentir la douce odeur, ce parfum si caractéristique du sang de Namjoon entrer en contact avec l'air ambiant. Il en salivait presque d'avance, se languissant de sa langue goûtant le carmin de son maître, de celui sans qui il n'était rien, bon à être décapité comme tant d'autres goules comme lui.
Un soir, Namjoon l'avait edge pendant des heures, lui faisant savourer seulement goutte par goutte son hémoglobine, lui demandant d'un sourire en coin quel goût avait son cruor. Bien sûr que le noiraud avait été incapable de lui répondre, tant la vision nue du chasseur devant lui, et de l'odeur du sang qui pulsait dans son entrejambe le distrayait. Ce soir-là, il avait joui dans un sanglot, la bouche du blond autour de son érection douloureuse et suçotant comme un désespéré le vermillon qui coulait le long de son pouce.
Mais les souvenirs, aussi lourds de sous-entendus étaient-ils, n'étaient rien comparé au présent, à cette douce et bestiale réalité.
" Allez, puppy. Bois. "
Et son sourire était plus doux, son expression plus tendre, comme si, même si tout cela était un jeu — sadique, vil, et diablement excitant —, Namjoon ne pouvait s'empêcher de ne vouloir que le bien d'Hoseok, ne pouvait s'empêcher de ressentir ce pincement au cœur quand il le voyait au bord du black out. La langue mutine de son protégé, de celui pour qui il pouvait combattre l'Humanité tout entière, vint glisser le long de sa paume, se délectant dans un râle de cette saveur rubiconde.
Certes, ce n'était rien comparé au goût de la chair fraîche ; mais depuis que Namjoon l'avait entraîné à ne ressentir du plaisir que lorsque c'était une goule entre ses dents, cette petite sucrerie avait l'effet d'une drogue. Comme un alcoolique qui embrassait son dernier verre, comme un camé qui s'enfonce enfin une aiguille. Une bulle d'air, entêtante, tournoyante, lui faisant perdre les pédales.
" N-Nam— "
Sa respiration était plus qu'hachée à présent et Namjoon sentait déjà la boule de plaisir sur le point d'éclater à l'intérieur de son ventre. Parce que si Hoseok était désespéré, impatient, derrière son masque maîtrisé, il l'était tout autant. Alors, retirant sa main des lèvres pulpeuses de la goule — à son plus grand dam —, il apporta l'hémoglobine à ses lippes pour rougir sa bouche.
L'instant d'après, ils s'embrassaient dans un grognement, franc, rapide, avant de se laisser transporter.
Leurs gémissements d'extase lorsque leurs acmées délicieuses les saisirent résonnèrent entre les murs de la cave ; mais, prisonniers du sous-sol, ils ne purent s'échapper à la surface, gardant secret cette relation honteuse, dangereuse et impossible qui les unissaient dans les ténèbres.
***
Ce fut une main plaquée sur sa bouche qui le réveilla en sursaut.
La soirée avec Namjoon l'avait épuisé, et nul doute qu'il s'était endormi au moment où son amant s'était éclipsé à l'étage. À présent, il pouvait sentir contre ses paupières le tissu familier du bandeau de soie, la morsure fraîche des menottes contre ses poignets. Et, aussi, cette main inconnue, plaquée contre ses lèvres pour qu'il ne fasse pas de bruit. Cela ne pouvait être Namjoon, ce n'était pas son parfum si caractéristique ; et avant qu'il ne puisse identifier le nouveau venu, le bandeau lui fut retiré.
" Ne bouge pas, camarade, chuchota une voix grave à ses côtés, je vais te libérer. "
Hoseok cligna furieusement des yeux ; c'était toujours la même cave, mais après des années à vivre dans ce sous-sol miteux, il pouvait dire quasi certainement que la nuit se levait doucement. Il avait toujours un nuage confus au-dessus de sa tête, ne comprenant ce qu'il se passait ; les actions étaient rapides et son odorat repéra d'autres odeurs inconnues, à l'étage.
Par tous les diables, où était Namjoon ?
les actions semblaient s'accélérer, à moins que son esprit était encore trop mou pour tout saisir. L'ombre à côté de lui se précisa, au fur et à mesure qu'il recouvrait sa vision : des cheveux de couleur feu, un sourire en coin et qui ne présageait rien de bon quand il lui jeta un coup d'œil — et, encore trop désorienté par cet inconnu au sein de leur maison, il ne sentit pas les morsures de fer se libérer autour de ses mains.
" Qu'est-ce que— "
" Chut, Hoseok, lui intima l'inconnu en l'aidant à se relever. On est là pour toi. "
Et si la goule était dans ce brouillard d'incompréhension quand il avait été réveillé, cette sensation ne put que s'accentuer. Comment connaissait-il son nom ? La créature blonde qu'il avait dévoré la veille semblait le connaître aussi, mais hypé par l'excitation et le désir qui émanait de son aîné, il n'avait eu le temps ni l'envie de se pencher plus sur la question.
" Dire que depuis tout ce temps, tu étais sous notre nez, continua l'inconnu à la crinière de feu en se dirigeant vers l'escalier qui menait au rez-de-chaussée, inconnu des tumultes internes qui prenait possession de la raison du noiraud. Seokjin n'en reviendra pas quand il te verra. Si tu savais depuis combien de temps il te cherche... "
Et là encore, Hoseok ne put que foncer des sourcils, les sens aux aguets. Qui diable était ce Seokjin, ce même nom dans la bouche de la goule couverte de sang avant que Namjoon ne lui enfonce son sabre dans le crâne ? Qui étaient tous ces gens, et pourquoi parlaient-ils de ce qui semblait être un passé dont il n'avait aucun souvenir ? Il n'avait jamais réellement cherché à savoir d'où il venait, quelle était son histoire, quand il avait été recueilli par le chasseur ; et, à présent, il n'appréciait guère de passer pour celui qui en savait le moins, surtout sur lui-même.
Au fur à mesure qu'il grimpait les marches, ses muscles se tendirent. La noirceur de la cave et ce réveil brutal jouaient encore avec ses nerfs, mais là, derrière la brume de parfums inconnus et hostiles, se distillait celui plus reconnaissable et plus addictif de Namjoon. La pointe de colère et d'appréhension qu'il y distingua ne put que rendre son expression amère, trop préoccupé par la sécurité de son amant que des bavardages incompréhensibles que l'homme devant lui débitait.
Bientôt, le salon.
Et l'horreur qui l'accompagna.
Car là, au milieu des chaises retournées et des débris qu'étaient devenus les meubles, se trouvait Namjoon. Namjoon, ligoté sur une chaise, la tête penchée en avant, les gouttes de sang tombant lourdement sur le paquet ciré. Ploc, ploc, ploc.
" Alors c'est vraiment toi, souffla une nouvelle voix derrière le chasseur. "
Mais Hoseok ne lui prêta pas attention. Ne prêta attention à personne d'autre ici que celui qui saignait, l'odeur de son carmin imprégnant ses narines comme les flagrances des embruns qui entêtent les marins. Son phare, sa bouée de sauvetage, celui pour qui il traverserait mers et contrées... Gravement blessé.
Soudain, une main lui tira les cheveux en arrière, et dans un grognement bas, la gorge du blond fut exposée à la vue de tous, les vilaines traces de doigts plongées dans le liquide rougeâtre décorant la vallée basanée de sa peau. Comme si quelqu'un, l'un d'entre eux de toute évidence, avait pris un malin plaisir à le torturer lentement, lui faisant croire à chaque moment qu'ils pourraient arracher sa gorge d'un coup de griffes. Quelqu'un avait donc osé le toucher...?
" Allez, Hoseok, dit la voix. Je sais que tu en as envie. Achève-le. "
La tension était épaisse dans la salle, et cette phrase eut le mérite de retrousser sa lèvre sur ses crocs, vibrant de fureur. Il y eut un ricanement sur sa gauche, quelqu'un qui murmura que le spectacle promettait d'être intéressant, mais la vérité était que le regard dur et impassible de Namjoon plongé dans le sien l'empêchait de perdre contrôle. Et, avant même qu'il n'ouvre la bouche, le noiraud avait déjà deviné, une lueur narquoise dansant dans ses prunelles gorgées de pourpre.
" Allez Hoseok, répéta le chasseur d'un ton moqueur. "
Il laissa un silence passer, le rictus dangereux.
" Tue-les tous. "
Sixième nuit écoulée.
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