𝐃𝐢𝐱𝐢𝐞̀𝐦𝐞 𝐋𝐮𝐧𝐞
« Des Cendres Dans La Nuit »
par MintSnowman ♡
•─────✧─────•
Tout n'est qu'éphémère ;
Ma vie et celle de ceux que j'aimais sont parties en fumée au coucher du jour.
Alors que la lune et les étoiles illuminaient le monde de leur impitoyable éclat,
Je contemplais de mes yeux brouillés de larmes,
Mon passé, ma chère ville et des milliers d'âmes innocentes,
S'envoler tels des cendres dans la nuit.
----------
Lorsque le vieil homme pénétra dans l'enceinte du village, une nuit fraîche était déjà tombée depuis plusieurs heures. Fourbu de sa journée de marche et glacé par le vent d'automne, il se dirigea vers l'auberge de la bourgade. Un panneau délavé par les intempéries pendait au-dessus de la porte, indiquant sans doute le nom du commerce. Néanmoins, l'homme ne put déchiffrer les inscriptions blanchies du fait de la trop faible luminosité ambiante. Avec un frisson, il franchit la porte d'où émergeait déjà effluves de nourriture, chaleur, éclats de rire et chansons paillardes.
Le vieil homme s'avança vers le comptoir en boitillant et en pestant à voix basse contre sa maudite jambe qui souffrait du froid et de l'humidité externe. Le visage rougeaud de l'aubergiste émergea de derrière le meuble quand le voyageur s'assit avec difficulté sur l'une des chaises qui longeaient le bar. Le patron du commerce était un homme enrobé et pas très haut : ses épaules dépassaient de justesse du haut meuble. Il ouvrit sa bouche, découvrant des dents jaunies et tordues, et lança :
« Qu'est-ce que je vous sers, vieil homme ?
- N'importe quoi de chaud, demanda ce dernier d'une voix rauque. »
Sans un mot, l'aubergiste tourna les talons vers la cuisine et s'engouffra par la porte grinçante qui y menait. Le voyageur se mit alors à scruter la salle et ses occupants. La pièce principale de l'auberge formait une sorte de rectangle, avec un petit renfoncement vers l'intérieur du bâtiment, du côté opposé où il se trouvait. Les lieux étaient encombrés par de nombreuses tables qui formaient un ensemble dépareillé avec des chaises usées par le temps, entre lesquelles circulaient deux serveuses affairées. Compte tenu de la superficie non négligeable de la pièce, il n'y avait pas tant de clients que cela, à peine la moitié de ce que le commerce pouvait accueillir.
Le vieil homme étudia rapidement les occupants des tables voisines au comptoir. Des fermiers buvant une choppe avant de rentrer chez eux, des commerçants et artisans venus se retrouver au chaud et des voyageurs éreintés ayant trouvé refuge pour la nuit.
Son regard finit par se poser sur l'imposante cheminée qui trônait dans le renfoncement de la pièce. Quelques chaises étaient disposées devant, aimable prévention pour les clients frigorifiés. L'homme se leva et se dirigea vers la source de chaleur. Deux chaises étaient occupées sur le côté gauche par deux très jeunes hommes qui discutaient avec entrain. Le vieil homme s'assit sur la chaise la plus éloignée et ôta ses bottes humides avec délectation. Il ferma les yeux et se mit à suivre, un peu malgré lui, la conversation des jeunes gens.
« Vraiment, je ne comprends pas, disait l'un. Pourquoi mon père me presse-t-il à trouver un métier ? Je ne sais pas ce que je veux faire !
- Tu ne peux pas reprendre la ferme ? l'interrogea son ami.
- Non, Minseok la reprend puisque c'est l'aîné. Hum... Forgeron peut-être ? Je crois que Soohyun cherche un apprenti.
- Oui, tu pourrais faire ça ! Ou travailler avec un meunier, ils cherchent souvent de la manœuvre, ces gens-là, suggéra le second.
- Mais je n'ai pas envie d'être meunier. Ni forgeron ! Et je ne comprends toujours pas pourquoi mon père m'oblige à me presser. Estrella n'est pas tombé en un jour ! »
A l'entente de ces mots, le vieil s'arracha à la contemplation du feu et adressa la parole aux deux jeunes :
« Estrella ? D'où connais-tu ce nom, petit ? »
Les deux garçons tournèrent vers lui un visage interloqué et celui qui avait prononcé ces mots répondit :
« C'est... C'est une expression m'sieur.
- Mais sais-tu ce qu'est Estrella, au moins ? »
Le jeune homme afficha un air songeur.
« Estrella était une ville. La capitale de notre royaume il y a longtemps. Mais... Elle a été détruite, hésita-il.
- Longtemps ? s'étrangla le voyageur. Bien, vous êtes jeunes, pour vous cette époque est inconnue... Connaissez-vous le récit de la destruction d'Estrella ? L'avez-vous déjà entendu ?
- Non m'sieur, glissa le second garçon.
- On ne vous raconte pas l'Histoire dans ce bourg ? Peu importe. Voulez-vous l'entendre ? »
Les amis échangèrent un long regard et répondirent à l'affirmative.
« Bien, bien. Alors, la première chose que vous devez savoir est qu'Estrella n'est pas tombée en un jour. Il a suffi d'une nuit, affirma l'homme, amusé par les regards perplexes de son auditoire. Je vais vous conter l'histoire du jeune chevalier Hoseok et de la destruction de la majestueuse ex-capitale de Mélencar. L'histoire commence en une belle matinée de juin... »
***
C'était le début d'une de ces chaudes journées d'été, où la vie coule paisiblement et où il fait bon vivre. Jung Hoseok s'était levé tôt ce matin-là car il y avait énormément à faire. Il avait tout d'abord accompagné Kim Namjoon, le chef des gardes de la capitale pour une tournée d'inspection des gardes postés aux portes et sur les murailles du château. Il avait ensuite été chargé de veiller à la bonne installation des innombrables chariots des marchands. En effet, cette semaine serait une semaine de fête, comme chaque année depuis des décennies. Troubadours, conteurs, marchands ambulants, musiciens et autres nomades venaient des quatre coins du royaume pour faire affaire et prendre part à l'effervescence annuelle.
Hoseok était chargé d'une lourde tâche mais Namjoon ne doutait pas du sérieux de son ami. Ils avaient plus ou moins le même âge et se connaissaient depuis leur adolescence. Le chef de la garde savait qu'il pouvait accorder toute sa confiance à son collègue et ce dernier ne l'avait jamais déçu.
C'est ainsi que le chevalier Hoseok passa sa matinée sous un soleil de plomb, circulant entre les chariots, charrettes et caravanes. Comme d'habitude, la fête aurait lieu à l'extérieur de la forteresse, dans des prairies situées au nord du château, inutilisées en cette période de l'année.
Tandis que des soldats accompagnaient les marchands aux emplacements réservés pour leurs chariots, Hoseok contrôlait avec l'aide de son jeune écuyer, Jungkook, le nom et la profession des voyageurs et les consignait sur des parchemins interminables. On lui avait installé une table et des chaises sur le bord du chemin, à l'entrée des prairies, mais il ne pouvait guère s'y installer. Les marchands venaient de toutes les directions et son équipe débordait d'efforts pour qu'aucun ne passe à travers les filets.
Le roi avait insisté pour un meilleur contrôle des identités des voyageurs lors de cette foire car c'était une période particulièrement sensible. Des bandits et des agitateurs se mêlaient parfois aux processions de charrettes pour causer du trouble pendant cet événement. De plus, le royaume voisin - Dolgard - s'agitait depuis quelques semaines. Selon les espions de la couronne, le roi ennemi s'intéressait de plus en plus à la prospérité du royaume de Mélencar. Même si la guerre n'était pas encore d'actualité, le roi avait ordonné une vigilance accrue pour la sécurité de la fête.
Le chevalier suait à grosses gouttes. Il serait bientôt treize heures et cela faisait quatre heures qu'il courait de tous les côtés, sans autre instant de répit que quelques gorgées dans son outre d'eau. Voyant que le flux de nouveaux venus se tarissait et que ses hommes étaient à bout de souffle, Hoseok demanda à son écuyer de faire passer un message : pause déjeuner pour tout le monde. Il envoya néanmoins un soldat chercher quelques autres gardes pour s'assurer qu'aucun chariot ne s'installe sans contrôle.
Alors qu'il se dirigeait vers la table et les chaises à la limite de la prairie, qui lui promettait de détendre ses jambes sous la fraîcheur d'une minuscule tente de fortune, il vit un chariot avancer vers lui en brinquebalant. Il soupira avant de se redresser, tentant de faire bonne figure malgré sa lassitude. Le chariot n'était pas très grand ; un seul cheval de trait suffisait à le tirer. Un vieillard tenait les rênes et à côté de lui était assis un jeune homme d'à peine vingt ans. Quand le vieil homme tira sur les rênes pour stopper l'engin, le plus jeune sauta au sol et s'avança vers le chevalier d'un air aimable.
« Bonjour Sire, lança-t-il avec un sourire.
- Bonjour. Avant de vous indiquer votre place, j'ai besoin de connaitre votre nom, ce que vous venez faire ici et d'où vous venez.
- Bien ! Je m'appelle Taehyung et je partage le chariot et la route d'une vieille connaissance : le conteur Chanwook. »
Hoseok inscrivit la réponse du jeune enthousiaste sur son parchemin et demanda :
« Et vous, quel est votre profession ? Et d'où venez-vous ?
- Je viens de partout à la fois, déclara mystérieusement Taehyung. Non, plus sérieusement, je sillonne le royaume avec Chanwook depuis que j'ai onze ans, donc... Notez : nulle part en particulier. Et je suis troubadour.
- Et excellent joueur de luth, ajouta le vieil homme qui n'avait pas bougé de sa place. Il raconte d'excellentes histoires drôles.
- Nous venons ici tous les ans, renchérit le plus jeune. Par contre, c'est la première fois que je vois de tels dispositifs de sécurité. Nous avons vu un garde à chaque croisement depuis que nous pouvons entendre la clameur d'Estrella. Tout va bien ici ? »
Le chevalier acheva de griffonner sur le parchemin et chercha ses mots pendant un instant avant de répondre :
« Oui, tout va bien. Cependant... Nous avons reçu comme ordre de veiller à la sécurité de la fête de manière accrue.
- Pourquoi ? s'étonna Taehyung.
- Vous qui parcourez le royaume devez être au courant, n'est-ce pas ?
- Eh bien... Il y a bien des rumeurs selon lesquelles le roi de Dolgard aimerait annexer notre belle contrée mais rien de concret pour le moment !
- Prudence est mère de sûreté.
- Certes. Bon courage alors, Sire chevalier, déclara Taehyung avec un clin d'œil. Vous savez, cela fait trois mois que tous les forains de Mélencar ne pensent qu'à cette fête et à ses animations. Elle promet d'être grandiose cette année. »
Hoseok grommela une approbation et se mit à chercher du regard l'un des soldats. Il ne vit que son écuyer, les joues rougies par la chaleur et sa matinée sportive. Il lui demanda de guider la carriole du troubadour et du conteur vers un emplacement libre et de le rejoindre dans la tente ombragée. Jungkook s'exécuta aussitôt.
Alors que ce dernier tournait les talons et trottinait devant les nouveaux arrivants, Hoseok eut pitié de lui. La chemise du jeune homme était trempée de sueur et ses cheveux lui collaient au crâne. Il se promit de le ménager cet après-midi, il méritait bien un peu de repos.
Jungkook était devenu son écuyer il y a trois ans, à l'âge de seize ans. Depuis, il n'avait cessé de grandir et de devenir plus fort. Il battait presque tous ses camarades au combat à l'épée et avait fait des progrès phénoménaux en équitation et en tir à l'arc depuis son arrivée au château.
Le chevalier songeait qu'il pourrait bientôt suggérer au roi l'adoubement de son écuyer quand Namjoon le rejoignit à sa table.
« La fête promet d'être animée cette année, Hoseok. Les forains sont déjà particulièrement nombreux et nous en attendons encore une centaine pour cet après-midi. Les festivités seront-elles prêtes à démarrer ce soir, comme prévu ?
- Oui, capitaine. Mes hommes ont travaillé d'arrache-pied et nous sommes fiers de n'avoir pris aucun retard.
- Parfait ! Te joindras-tu à moi pour déjeuner ? Les cuisinières vont amener de quoi manger dans ma tente, proposa Namjoon.
- Avec plaisir. Je te rejoins là-bas. J'attends juste que Jungkook... Non, c'est bon : il arrive. »
En effet, l'écuyer les rejoignit d'un pas encore vif. Ils se dirigèrent ainsi tous les trois vers la tente du chef des gardes, située près du château, en périphérie de l'agitation festive. Alors qu'ils approchaient, deux femmes travaillant habituellement dans les cuisines arrivèrent également, chargées de plateaux de nourriture. Elles étaient accompagnées d'un homme de taille moyenne et large d'épaules : le cuisiner en chef.
« Seokjin ! l'interpella Namjoon. Que nous vaut l'honneur de ta visite ? Les préparatifs du banquet royal de ce soir avancent comme il faut ?
- Ils avancent tellement bien que je vais vous faire l'honneur de déjeuner avec vous, déclama le chef, d'un ton narquois. Tu me connais Nam', tout est déjà quasiment terminé.
- J'espère qu'il ne vous maltraite pas trop, mesdames ? demanda le capitaine aux cuisinières avec un clin d'œil séducteur.
- Pas plus que d'habitude, Sire, répondirent les jeunes filles en posant les plateaux, avant de s'enfuir en pouffant.
- Quel succès ! s'exclama Seokjin en jouant des sourcils.
- Tu en aurais autant si tu n'étais pas aussi tyrannique dans tes cuisines.
- Tu sais très bien qu'il n'y a qu'une seule personne qui m'intéresse, glissa le cuisiner en s'approchant dangereusement de Namjoon. »
Après un silence gênant, ils se mirent à rire, accompagnés par Hoseok que ces échanges entre son ami et le chef amusait fortement.
***
Moins d'une heure plus tard, le chevalier et son écuyer étaient de retour à leur poste, en train d'accueillir les forains retardataires. Une fois qu'Hoseok jugea que le flot d'arrivants s'était tari pour de bon, il décida de faire un tour des stands pour vérifier que tout allait bien et demanda à son écuyer de rester sur place pour accueillir d'éventuels forains de dernière minute.
L'après-midi se termina calmement et il n'eut à régler, en tout et pour tout, que six disputes entre voisins de stands, trois plaintes de marchands sur l'emplacement qui leur avait été attribué et une jeune fille qui s'était évanouie à cause de la chaleur et certainement à cause de sa taille enserrée dans un corset bien trop petit. Alors qu'il entamait l'inspection de la dernière rangée de roulottes, il tomba nez-à-nez avec le jeune troubadour de fin de matinée. Ce dernier venait de surgir de sa carriole en soulevant le tissu qui protégeait l'entrée. Il tenait son instrument, un luth, entre ses mains. A la vue du chevalier, le jeune homme se dirigea vers lui avec un large sourire et l'accosta :
« Salutations, Sire ! Vous souvenez-vous de moi ? Je suis Taehyung. Le troubadour. Vous tombez bien, j'allais partir à votre recherche.
- Ah, vraiment ? Et pour quelle raison ? interrogea Hoseok. Et oui, je me rappelle de vous.
- Parfait ! D'ailleurs, vous ne vous êtes pas présenté. Vous êtes...
- Le chevalier Jung Hoseok, pour vous servir. Mais cela ne me dit pas pour quelle raison vous vouliez me chercher.
- Enchanté. Pourrions-nous parler un peu plus à l'abri d'oreilles indiscrètes ? demanda Taehyung en regardant autour de lui. »
Alors que le chevalier esquissait un hochement de tête intrigué, le musicien retourna vers sa carriole en faisant signe à Hoseok de le suivre à l'intérieur. Quand ils furent assis face-à-face à même le sol de la roulotte, Taehyung reprit la parole à voix basse, la mine soucieuse.
« Monseigneur, depuis mon arrivé, je me suis promené entre les stands pour faire ma promotion. Mais je n'ai pas fait que parler ; j'ai beaucoup tendu l'oreille et j'ai gardé les yeux bien ouverts. Je viens ici tous les ans depuis dix ans et c'est la première fois que je vois autant de forains. Cela pourrait paraître normal, il y a de plus en plus de monde tous les ans. Cependant, il y a vraiment trop de monde. Je ne suis pas sûr que le royaume d'Estrella compte autant de marchands ambulants. De plus, j'ai croisé beaucoup d'étrangers. Peut-être que cela ne vous est pas paru inhabituel à vous, mais moi, ça me choque. Tout le sud de la ville éphémère est presque exclusivement constitué de gens qui viennent d'au-delà des frontières. Quand j'ai parlé avec eux, ils me parlaient normalement et avec un accent quasiment imperceptible. Mais j'ai surpris de nombreuses conversations murmurées où ils s'exprimaient avec un accent, quand ce n'était pas dans une autre langue. Comme vous m'avez appris tout à l'heure qu'on vous avait donné pour consigne de faire preuve d'une grande vigilance, je voulais vous prévenir. Et même si rien n'est avéré, j'aimerais vous conseiller d'ouvrir l'œil. »
Hoseok resta muet quelques instants, le temps d'intégrer toutes ces informations.
« Merci pour vos conseils. Je transmettrais cette information à mes collègues et veillerais moi-même cette zone.
- J'espère me tromper Messire, mais mieux vaut être prudent.
- Avez-vous vus des armes chez ces étrangers ? Surpris des discussions suspectes ?
- Pas plus d'armes que d'habitude, il faut être armé sur les routes. Et à part les discussions que je ne comprenais pas, leurs conversations avaient l'air banales.
- Bien. Merci pour ces renseignements. Si vous surprenez une autre situation suspecte, informez-moi.
- D'accord. »
Sur ces mots, Taehyung se leva et descendit de la carriole d'un bond léger, suivi par le chevalier. Ce dernier entreprit de terminer sa ronde avant que les festivités ne débutent. Bien que le soleil ne se fût pas encore couché, l'après-midi touchait à sa fin.
***
La soirée d'inauguration de la fête s'était déroulée sans encombre. Elle avait été grandiose et s'était achevée par l'un des plus beaux feux d'artifices qu'Hoseok n'ait jamais vu. Il alla donc se coucher, éreinté par une journée bien remplie et la tête pleine d'images de fêtes.
Il fut réveillé au beau milieu de la nuit par des bruits de pas affolés et des mains qui lui secouèrent le bras. Hébété par le sommeil, il ouvrit les yeux sur la vision du visage angoissé de son écuyer.
« Sire, levez-vous ! haleta Jungkook. On nous attaque ! Ils... Ils... »
L'information provoqua une décharge d'adrénaline au chevalier qui se leva d'un bond et commença à enfiler une côte de maille et à attraper son épée.
« Résume-moi ce que tu sais, ordonna Hoseok.
- Ils sont entrés dans le château et sont parvenus jusqu'au deuxième niveau. Ils progressent vite parce qu'ils nous ont pris par surprise. Il y a aussi de l'agitation chez les forains. L'attaque a commencé il y a peu.
- As-tu croisé Namjoon ? Des nouvelles de la famille royale ? questionna le chevalier en enfilant ses bottes et en se dirigeant vers la porte.
- Je ne sais pas où sont le roi et sa famille mais j'ai croisé Sire Namjoon qui m'a demandé de vous dire de les trouver, de les mettre en sécurité et de venir l'aider au deuxième étage.
- Bien. Tu m'accompagneras, déclara Hoseok en débouchant dans le couloir. »
Ses appartements se trouvaient au cinquième et avant-dernier étage du château fortifié, un étage au-dessus de celui des appartements royaux. La famille royale ne comptait que peu de membres : le roi et la reine, le frère cadet du roi et le prince héritier. Le deuxième fils du roi n'était pas présent ce jour-là pour la simple raison qu'il n'y résidait pas. Il représentait la couronne à l'extrémité sud du royaume, éloigné géographiquement de la capitale, située au nord. Il séjournait depuis quelques mois chez le seigneur local et s'assurait du bon fonctionnement de la région, point stratégique du commerce grâce à son accès à la mer. Le prince aîné, Yoongi, assistait son père dans les affaires du royaume. La rumeur courait parmi les nobles que le roi, qui n'était plus tout jeune, comptait lui céder le trône d'ici quelques années. Même si son frère aurait pu se charger de la régence, on disait que le roi préférait s'assurer que son fils serait en mesure d'être un bon souverain.
Dans les couloirs du cinquième étage, les nobles et les serviteurs couraient en tous sens, partant au combat ou s'enfuyant par les passages secrets qui grouillaient dans ce château. Hoseok se fraya un passage parmi l'agitation, talonné par son écuyer. Il descendit les marches quatre par quatre et courut jusque dans le boudoir de la reine. C'était dans cette pièce, situé en plein milieu de l'étage, que se trouvait l'entrée d'un couloir secret qui menait à une pièce servant d'abri pour la famille royale en cas d'attaque.
Les envahisseurs n'étaient pas encore parvenus jusqu'à cette partie du château, mais le chevalier redoutait une progression rapide. Il s'engouffra dans le boudoir, petite pièce conviviale et chaleureuse. Hoseok se dirigea vers le fond et souleva une lourde tapisserie, révélant une porte étroite. Elle n'était pas verrouillée. Il entra et tomba nez-à-nez avec une épée, brandie par le roi. En reconnaissant le chevalier, le monarque baissa son épée et laissa rentrer Hoseok, toujours suivi par Jungkook.
La pièce était plus petite que le boudoir mais suffisamment large pour que l'on installe quelques lits de camp et que des provisions soient stockées dans un coin. Le nouvel arrivant chercha du regard les différents membres de la couronne. Ils étaient tous présents, échevelés et inquiets. Tous sauf un.
« Le prince n'est pas encore là, Votre Altesse ? s'étonna Hoseok.
- Non ! Nous sommes arrivés tous les trois en même temps et depuis : personne, déclara la reine d'une voix qui tremblait.
- Comment se présentent les choses ? interrogea le roi.
- Je ne sais pas, je suis venu directement vous voir. Mon écuyer m'a rapporté que les combats avaient lieu au deuxième étage, mais ils se sont peut-être déplacés entre temps.
- Il semblerait que des affrontements se déroulent actuellement à l'extérieur, dans la zone nord des stands, ajouta Jungkook d'une voix peu assurée. »
Le roi prit un air pensif avant d'ordonner au chevalier et à son écuyer de trouver le prince et de le conduire en sécurité ainsi que de descendre rejoindre la zone où les conflits avaient lieu et de demander à quelqu'un de revenir lui faire un rapport plus détaillé.
Alors que Hoseok et Jungkook sortaient prudemment du boudoir, le chevalier prit la parole :
« Jungkook, on sera plus efficace si on se sépare. Va chercher le prince, je m'occupe de rejoindre Namjoon. Sois prudent.
- Bien Sire, déclara le jeune homme, visiblement rassuré de ne pas avoir à retourner au cœur du combat, avant de tourner les talons et de s'élancer dans le couloir. »
Hoseok descendit l'escalier sur un étage avant de se trouver nez à nez face à un groupement de soldats, faisant barrage tant bien que mal à l'ennemi. Le chevalier eut une sueur froide. Vu le nombre de leurs opposants, les pauvres officiers ne tiendraient pas longtemps. Il se mêla à la bataille et répéta à plusieurs soldats qu'il allait chercher des renforts. Ces derniers, gagné d'un élan de courage enfoncèrent les rangs ennemis et il put traverser le barrage des quelques hommes restants pour lui faire face à grand renfort d'épée. Il s'élança dans le couloir et ouvrit un passage secret menant à un escalier auxiliaire. Il le descendit en catastrophe et déboula en plein milieu du deuxième étage, où la situation n'était guère plus encourageante. Les ennemis étaient en surnombre.
Il s'élança dans la zone de combat et demanda à la ronde si quelqu'un avait vu Namjoon. Un homme mal en point l'informa qu'il était parti au sous-sol, contenir une descente des envahisseurs dans les cuisines. Hoseok avança alors aussi vite que lui permettait la bataille environnante vers les escaliers. Il progressa cahin-caha vers les cuisines, prêtant main forte où il pouvait.
Quand il parvint au sous-sol, il aperçut enfin le capitaine des gardes, se battant contre deux hommes simultanément. Un tas de cadavres - amis et ennemis - jonchait le sol de la cuisine. En se jetant dans la bataille et parvenant près de son ami, il vit que ce dernier protégeait trois aide-cuisinières terrorisées. De l'autre côté, Seokjin se défendait du mieux qu'il pouvait des assauts au sabre d'un homme gigantesque avec une planche à découper. Alors qu'Hoseok retirait son arme du corps du dernier opposant de Namjoon, qui fonça vers le cuisiner et porta un coup à la jambe de son assaillant. Le géant blessa Seokjin au bras avant que ce dernier n'abatte sa planche en bois sur le crâne de l'ennemi avec un crac sinistre.
La situation était maîtrisée au sous-sol. Hoseok fit un rapide résumé de la situation au capitaine qui arbora un air sombre avant de prendre la parole :
« Ils gagnent du terrain. Il faut prévenir le roi. Seokjin, conduis ces dames en dehors du château et tâche de trouver des renforts.
- Et toi, tu ne comptes tout de même pas retourner te battre dans cet état ? maugréa le cuisiner. »
C'est à ce moment qu'Hoseok remarqua que du sang tachait du côté droit de la chemise de son ami au niveau de la taille.
« Namjoon ! Tu es blessé ?
- Ce n'est rien, ça ira, affirma le capitaine avec une grimace. Je dois faire mon rapport au roi.
- Tu n'iras pas bien loin comme ça ! répliqua Seokjin.
- S'il le faut, j'irai.
- Te faire tuer ? Tu plaisantes, j'espère ?
- Ce n'est pas le moment vous deux, réprimanda Hoseok en haussant le ton. Namjoon, accompagne Seokjin, j'irai... »
Il fut interrompu dans sa phrase par un jeune homme déboulant en catastrophe dans la cuisine. Le chevalier fronça les sourcils en le reconnaissant. C'était Taehyung le troubadour, armé d'un poignard et d'un bâton de marche.
« Qu'est-ce que tu fais là, toi ? marmonna-t-il.
- Sire Hoseok ! Je vous cherchais, s'écria le jeune homme en s'avançant vers le groupe. J'avais raison ! Les hommes de la zone sud ont envahi la zone nord. Ils ont massacré presque tout le monde avant de se tourner vers le château. Ce sont des hommes de Dolgard ! J'ai reconnu leurs armoiries sur certains d'entre eux ! »
« Ils ont tué Chanwook alors qu'on s'enfuyait ensemble, ajouta le musicien d'une voix tremblante.
- Alors la situation est encore pire que ce que je pensais, dit Namjoon en chancelant sur ses jambes. Je vais tenter de trouver un cheval et d'aller chercher des renforts au village.
- Je t'accompagne, affirma le cuisinier.
- Faites au plus vite alors. Quant à moi, je vais retourner auprès du roi, répondit Hoseok.
- Puis-je vous accompagner, messire Hoseok ? demanda Taehyung.
- Toute aide est bonne à prendre, glissa le chevalier après une petite hésitation. »
Il rejoignit donc l'escalier secret en compagnie du troubadour et gravit en vitesse les marches jusqu'au quatrième étage. Les ennemis étaient à présent à proximité de l'escalier et les soldats continuaient de perdre du terrain. Il ouvrit la porte du boudoir, entra et resta figé d'horreur devant le spectacle qui se jouait sous ses yeux. La porte secrète était grande ouverte et devant elle...
« Jungkook ! s'écria le chevalier, avant de courir vers le corps qui gisait en travers du passage. »
Il secoua le bras de son écuyer, grièvement blessé, qui gémit faiblement. Hoseok retourna le jeune homme sur le dos et eut les larmes aux yeux. Il ne survivrait pas. Plusieurs tâches sombres - du sang - maculaient son torse.
« Sire... commença l'écuyer. C'est ma faute. Ils m'ont suivi pendant que je ramenais le prince, c'est ma faute.
- Mais non ce n'est pas ta faute, chevrota Hoseok, à genoux près du corps de son ami.
- Ils les ont tous tués, tous. On a perdu Sire, vous devez fuir, sinon ils vous tueront aussi.
- Quoi ?
- La famille royale, ils... Ils sont morts, bégaya Jungkook qui grimaçait de douleur. »
Hoseok leva la tête et aperçut les cadavres qui confirmaient les propos de l'écuyer.
« Partez, répéta l'écuyer. Allez annoncer au prince Jimin qu'il est le nouveau roi.
- Je ... Je vais le faire, affirma le chevalier, les yeux embués de larmes.
- Sire... J'ai peur. Il fait si froid, murmura Jungkook en serrant la main d'Hoseok.
- N'aie pas peur. On se retrouvera un jour.
- Mais pas trop tôt, hein, sourit pauvrement le jeune homme. »
L'écuyer eut encore quelques respirations douloureuses, puis il se raidit et ses yeux se figèrent. Taehyung, qui n'avait pas prononcé un mot, lui baissa les paupières et posa sa main sur l'épaule du chevalier.
« Il a raison messire, il faut y aller. Faites-ça pour lui. »
Hoseok s'essuya les joues avec une main, sans se rendre compte qu'elle était maculée de sang.
« Oui, allons-y, affirma faiblement le plus âgé. »
***
Quelques heures plus tard, le ciel s'éclaircissait à l'horizon, annonçant l'arrivée imminente du soleil. Les deux hommes avaient réussi à quitter le château sans être blessé malgré l'hébétude du chevalier. Le troubadour l'avait guidé à travers la bataille en lui tenant le bras et ne l'avait lâché que lorsqu'ils avaient rejoints le capitaine des gardes et le cuisinier dans le village voisin. Ces derniers avaient rameuté les villageois et leur avait permis de ne pas céder aux ennemis qui commençaient à affluer vers le village. Hoseok réquisitionna quatre montures pour que ses amis et lui puissent chevaucher vers le sud, afin de prévenir leur nouveau roi de l'invasion.
Alors qu'ils s'étaient éloignés d'Estrella, le chevalier arrêta son cheval et se retourna. Il contempla avec horreur et désespoir le château en proie aux flammes. Sa ville bien-aimée partait en fumée. Il essuya une larme qui roulait sur sa joue et retourna auprès de ses compagnons, entouré par les cendres d'Estrella.
***
Le vieil homme se tut et prit une gorgée du bol de soupe que l'aubergiste lui avait apporté.
« Et qu'arrive-t-il ensuite ? questionna un des jeunes hommes qui l'écoutait. Le prince a réussi à reprendre la capitale ? Il est devenu roi ?
- Malheureusement, la capitale a été entièrement détruite. Elle a été reconstruite plus au Sud et c'est notre capitale actuelle : Asolara. Quant à la suite, mes enfants, c'est notre Histoire. Concernant le roi Jimin, il est le père de notre bien-aimé actuel souverain.
- Et Hoseok, et Seokjin, et Namjoon ?
- Et Taehyung, qu'est-il devenu ? ajouta l'autre jeune.
- C'est une bien longue histoire que je vous raconterais peut-être plus tard. Rassurez-vous, celle-ci se termine bien, conclut le vieux voyageur.
- Hoseok... Ce nom me dit quelque chose, intervint l'aubergiste, qui avait rejoint l'auditoire. Il me semble que c'est le nom d'un des conseillers les plus importants du roi, depuis que le capitaine Kim s'est retiré avec son... Compagnon.
- Il semblerait, oui, répondit le vieil homme avec un petit sourire.
- Et vous, conteur, quel est votre nom et d'où venez-vous ? questionna l'aubergiste.
- Je viens de... Partout à la fois et de nulle part en particulier. Et mon nom... »
Le vieil homme hésita quelques instants avant de continuer, toujours un petit sourire aux lèvres :
« Mon nom, vous le connaissez déjà. »
Dixième nuit écoulée.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro