Pdv de Taehyung

Après avoir passé quelques jours à assumer mon nouveau rôle en tant que PDG au sein de l'entreprise familiale, je prends enfin un peu de temps pour moi. L'Agence K est une nouvelle responsabilité qui me ravit. Néanmoins, je n'imaginais pas autant de charge de travail. Il me tarde de recruter un directeur général pour me seconder, du moins une nouvelle recrue temporaire.

En effet, la première personne à qui j'ai pensé pour ce poste n'est autre que ma sœur. Mais comme elle me l'a fait savoir, elle souhaitait disposer de temps pour le passer avec sa nouvelle née, mon unique nièce. Son désir de reprendre le travail n'a pas été exprimé mais je la connais, et je me doute qu'être femme au foyer n'est pas ce dont elle rêve. Je compte bien lui proposer de diriger l'Agence K à mes côtés, en tant que co-dirigeante. Il n'y a pas de raison pour que je sois le seul à la tête de l'entreprise familiale, et ce qui sûr, c'est que cette nouvelle va certainement ravir mes parents.

Quand ils ont pris connaissance de la décision d'Ara, qui était de me céder sa place, ils ont réagi comme si on leur avait annoncé que j'allais devenir une idole. La probabilité était si nulle qu'ils n'y avaient jamais songé. Jamais ils n'auraient pensé cela possible que je reprenne les rênes de leur société. Malheureusement pour eux, Ara en avait décidé ainsi et ils n'avaient pas leur mot à dire sur son choix en tant que nouvelle présidente-directrice générale.

Elle ne l'a été que de courte durée mais elle ne regrette pas de m'avoir laissé une chance ; une chance de montrer de quoi j'étais capable et de prouver à nos parents que j'en étais digne. Si le début m'a paru assez rude, la suite n'a été que plus complexe.

Les nuits courtes se sont enchaînées, les poches sous mes yeux en témoignent. Les documents dont je dois m'occuper jour après jour me font presque perdre la tête. Parfois, je tente de m'éclipser du bureau pour les éviter, sauf que quelqu'un est toujours là pour me rappeler mes obligations ; cela grâce à ma sœur qui a pris le soin d'embaucher une assistante pour m'épauler.

Assis à mon bureau dans ma chambre éclairée par la lueur du soleil, je constate qu'il est impossible de continuer à travailler dans ces conditions. La lumière qui se reflète sur mon écran m'oblige à augmenter la luminosité de celui-ci, mais voyant que ce n'est toujours pas efficace, je change d'endroit en embarquant mon ordinateur. Je quitte ma chambre pour aller dans le salon où je pose mes fesses sur le canapé en cuir.

Mais à peine me suis-je assis que j'entends la sonnette résonner dans l'entrée. Une soudaine pression me gagne quand je tente de deviner qui se cache de l'autre côté de la porte. Il est fort probable que ce soit mon assistante puisque je n'ai répondu à aucun de ses messages de la matinée. Il doit vraiment y avoir une urgence pour qu'elle se déplace jusqu'à chez moi.

Déposant mon ordinateur sur la table basse, je traverse le salon pour atteindre la porte d'entrée puis vérifie à travers le judas. Lorsque je découvre l'identité du visiteur impromptu, je me mords aussitôt la lèvre inférieure alors que je suis pris d'un sentiment d'appréhension. Ce n'est pas mon assistante, mais j'aurais préféré que ce soit elle tout compte fait.

La main sur la poignée, j'inspire un bon coup et je finis par ouvrir la porte à la jeune femme aux bras croisés contre sa poitrine. Son expression faciale n'indique rien de bon. Je m'attendais à cet affront, mais pas aussi tôt.

Naela : Bonjour Kim Taehyung.

En voilà un ton direct qui me ferait presque frémir de peur si je ne la connaissais pas.

Taehyung : Oh oh... je suis fichu.

Naela : Je ne te le fais pas dire.

Une femme contrariée est difficilement gérable surtout lorsque l'homme est en tort. Tout homme raisonnable aurait déjà refermé la porte pour la barricader et sauver sa peau. Et pourtant, je me décale pour laisser la brune entrer sur mon territoire.

Passant devant moi, elle avance jusqu'au séjour et je la suis de loin après avoir refermé la porte. Naela s'arrête en plein milieu pour se retourner et mon corps s'immobilise dans la seconde.

Naela : Tu n'as pas tenu ta promesse.

Les représailles étaient inévitables. J'aurais dû anticiper sa venue quand j'ai su qu'elle était de nouveau en ville...

Taehyung : Bon... Il est vrai que j'ai révélé à Jungkook où tu te trouvais... Mais ! Pour ma défense, c'était seulement parce que je voulais que mes deux meilleurs amis se réconcilient !

Plaider ma cause ne devrait pas être difficile puisque je sais que je ne suis pas complètement en tort. Si j'avais gardé le silence, le couple n'en serait pas là où ils en sont.

Taehyung : Jungkook m'a dit que tout était réglé entre vous maintenant, alors tout est bien qui finit bien haha !

Le rire qui me vient après ma phrase a pour but de détendre l'atmosphère et d'apaiser la brune qui penche la tête sur le côté en soupirant.

Naela : Je ne t'en veux pas de lui avoir dit où j'étais...

Alors que j'étais prêt à rebondir sur son accusation, je suis surpris de constater que la bataille s'achève aussi facilement. Finalement, je ne vais pas me faire trucider aujourd'hui.

Naela : Mais est-ce que tu te rappelles du marché que nous avons conclu ?

Le soulagement que je ressentais s'envole à la mention du marché.

Taehyung : Oh non...

Naela : Oh si.

Je savais bien que quelque chose m'avait échappé. Contrairement à moi, l'étudiante ne l'avait pas oublié et vu l'enjeu, ça se comprend.

Le jour où la brune a dû partir précipitamment à Busan pour rejoindre sa mamie à l'hôpital, elle m'a fait promettre de ne rien révéler à Jungkook pour qu'il ne puisse pas la retrouver. En effet, le petit couple était en froid et Naela souhaitait prendre ses distances. Alors pour s'assurer que je ne dirai rien à mon meilleur ami, elle a mis en jeu mon roman.

Cela fait des mois que je travaille dessus et j'étais justement en train d'arriver à ce mot à trois lettres qui aurait achevé mon récit. Tout porte à croire que le destin a fait en sorte que je finisse mon roman pile au moment où Naela allait me le réclamer. Et effectivement, la brune avait déclaré que si je ne gardais pas le silence, elle aurait alors le droit de lire en avant-première mon roman. Comme je maintenais un mystère autour de mes écrits, cela avait attisé sa curiosité et elle avait trouvé le moyen d'y avoir accès.

Je ne suis pas contre l'idée qu'elle lise mon roman, au contraire, j'apprécie de voir qu'elle y porte de l'intérêt. Le fait est que Naela sera ma toute première lectrice et j'appréhende sa réaction. Jamais je n'avais partagé à quiconque mes écrits personnels, mais l'œuvre pour lequel je me suis autant impliqué est destiné à un public, alors il faut bien commencer quelque part. Avec les retours d'une amatrice de lecture comme Naela, je vais pouvoir avoir un premier point de vue.

Mis à part son opinion sur mon style d'écriture, c'est bien le cœur du sujet qui risque de différencier l'avis de Naela à celui d'un simple lecteur. Le sujet que j'ai abordé ne sera pas inconnu pour la brune.

Taehyung : C'est bien dommage... mais je n'ai plus d'encre dans mon imprimante...

Ce qui est totalement vrai.

Je sais que Naela préfère lire un roman physique qu'un ebook. Mais j'ai beau essayé de montrer ma fausse réticence, elle ne semble pas perdre de sa détermination. Elle veut vraiment être ma bêta-lectrice.

Naela : Ça ne me dérange pas de lire sur un écran.

Et c'est comme ça que je me suis à nouveau retrouvé devant mon ordinateur, non pour peaufiner mon histoire mais pour envoyer une copie de mon roman à Naela par mail. À la réception de ce dernier, le téléphone de la brune émet un bruit. Sans attendre, elle consulte sa boîte mail et s'apprête déjà à lire le récit, mais je l'en empêche en posant ma main sur son écran.

Taehyung : Attends d'être chez toi pour le lire, s'il te plaît.

***

Le lendemain, le schéma se répète. Quelqu'un sonne à la porte et cette fois, je n'ai aucun doute sur l'identité de l'invité. Contrairement à la veille, Naela semble hésitante et perdue.

Si elle est là sur mon palier, c'est parce qu'elle a lu mon roman. J'ignore si elle a lu l'entièreté mais je sais que la brune est capable de finir un livre en moins de vingt-quatre heures. C'est même pour cette raison que Jungkook a dû mal à rattraper toutes les lectures de sa copine. Je m'estime heureux qu'il soit lent à lire car je suis certain qu'il n'a pas encore pu jeter un œil à mon roman. Sinon, il serait venu avec Naela.

Naela : Je... J'ai trop de questions en tête...

N'importe qui connaissant des détails sur ma vie se serait posé des questions en lisant mes écrits. Faisant elle-même partie des personnages principaux de mon quotidien, Naela ne peut que se sentir visée.

Afin qu'elle puisse me faire subir son interrogatoire, je l'invite à s'installer sur le canapé. J'avais même déjà préparé du thé glacé en attendant sa venue, deux verres sont posés sur la table basse. La brune avise de leur présence mais n'apporte son attention que sur ma personne qui s'abandonne également sur le canapé.

Taehyung : Je t'écoute.

Soudainement silencieuse, je la vois inspirer une grande bouffée d'air avant de se lancer.

Naela : Une fois, tu m'avais dit que tu t'inspirais de moi pour créer ton personnage féminin. Mais la fille que tu as créée, je m'y retrouve tellement en elle, comme si c'était réellement moi...

Il aurait fallu être aveugle pour ne pas avoir constaté ce détail.

Naela : Et l'histoire tout entière a des similarités avec notre réalité...

Taehyung : Et donc...?

La principale question qui la tourmente parvient difficilement à être exprimée. Elle a peur de se tromper, de faire fausse route. Même sans en connaître la réponse, elle est déjà toute bouleversée.

Naela : Est-ce que le personnage principal... c'est toi ?

Mon livre n'est pas une autobiographie, même si je me suis énormément basé sur ma vie. Disons plutôt qu'elle m'a inspiré et m'a aidé à définir une ligne directrice. Comme je l'ai dit, seuls les personnes présentes dans mon quotidien sauront faire un lien entre le monde de mon roman et la réalité.

Taehyung : Qu'est-ce que tu as compris de l'histoire ?

Voyant que je ne réponds pas directement à sa question, la brune fronce les sourcils mais finit tout de même par répondre à la mienne.

Naela : Le personnage principal vit un amour à sens unique et il se contente de regarder celle qu'il l'aime être heureuse avec un autre... Il se dit que c'est le destin qui en a décidé ainsi et qu'il doit simplement patienter avant de pouvoir connaître le véritable bonheur.

Taehyung : Si j'étais vraiment ce personnage, qu'est-ce que tu en conclurais ?

Naela : Ça voudrait dire qu'en attendant, tu es malheureux...

Je souris à sa conclusion. C'est exactement ce que ressent le personnage principal. Naela a compris que derrière ses réflexions rationnelles, il y a une part sombre que le personnage tente de faire taire sans la montrer à personne.

Taehyung : Belle observation. Je suis impressionnée par ton sens de déduction.

Naela : J'imagine que ça doit être un gène de famille...

La brune marmonne dans son coin en pouffant sans discrétion. Intrigué par l'évocation de sa famille, je la fixe en attendant d'être éclairé sur la situation. Naela balaye l'air d'un geste de la main pour repousser le sujet ultérieurement.

Naela : Longue histoire, je te raconterai plus tard.

Taehyung : D'accord... et sinon, pour répondre à ta question... Oui, le personnage principal, c'est moi.

Comme prévu, Naela affiche aussitôt un air de pitié en apprenant la vérité. Mais ce n'est pas réellement ce que j'ai voulu faire refléter dans mon histoire.

Taehyung : C'est moi, mais c'est aussi Hoseok, ou encore Jungkook. Il représente tout simplement des personnes qui ont vécu un amour à sens unique ou encore celles qui ont dû se voir se faire remplacer par quelqu'un d'autre. Ce personnage n'a pas un seul nom, il incarne tout ceux qui ont dû faire face à un échec sentimental.

Voilà ce que j'ai voulu raconter dans mon roman. L'amour est une science irrationnelle qui ne s'explique pas, mais qui possède deux facettes contradictoires. Il peut faire autant mal que provoquer un bonheur inconditionnel. Dans le premier cas - ce qui arrive plus souvent que l'on ne le croit -, on ressent ce misérable sentiment qui nous ronge de l'intérieur. Mais il n'est aucunement insurmontable. Alors j'ai voulu donner de la force à ceux qui croient être au fond du gouffre et leur dire qu'il est possible d'en ressortir. Mes amis en sont la preuve.

Taehyung : Pour ce livre, je me suis inspiré de mon entourage ; Jungkook a compris que le bonheur d'Ara se trouvait auprès de Kang Shiro, Hoseok a dû accepter que Namjoon était destiné à être avec Dawon... Ce ne sont que des exemples minimes comparés aux nombres de personnes qui sont dans la même situation. Et malgré la sombre période qu'ils ont dû traverser, Jungkook t'a rencontrée et Hoseok ne peut désormais plus se passer de Kihyun.

Avec mon observation, j'ai pu en faire une conclusion simple.

Taehyung : Si la personne aimée n'a pas des sentiments réciproques, cela veut tout simplement signifier que quelqu'un d'autre l'attend ailleurs. Après avoir sombré, on finit toujours par trouver la lumière, celle qui nous guide vers ce bonheur tant espéré. Et souvent, cette lumière est incarnée par une personne dont le destin est étroitement lié au nôtre.

Maintenant au courant de l'essence-même de mon œuvre, la brune peut enfin voir plus clair dans ses idées.

Naela : Mais ça veut quand même dire que tu ressens la même chose qu'eux, non ? Une déception amoureuse.

Taehyung : Qui sait ?

Le sourire que je lui sers ne l'aide absolument pas à me déchiffrer et ça la fait lever les yeux au ciel.

Naela : Tu ne peux pas arrêter de jouer au mystérieux pour une fois ?

Taehyung : Non, c'est ce qui fait tout mon charme.

D'un ton taquineur, je contourne sa requête et la brune ne cherche pas à creuser plus. Elle passe alors à un autre sujet qui fait partie de la liste qu'elle s'était dressée avant de venir.

Naela : Au fait, tu dis que chacun finit tôt ou tard par trouver le bonheur, mais tu as écrit une fin triste pour le personnage principal...

Taehyung : Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais je n'ai pas écrit "Fin" sur la dernière page.

Pour vérifier mes dires, Naela sort son téléphone de sa poche et pianote dessus avant de faire défiler son doigt sur l'écran. Elle se rend ainsi compte du détail qui lui a échappé.

Taehyung : Il y a un chapitre que je ne t'ai pas donné. Je l'ai fini ce matin.

Sortant moi aussi mon mobile, je vais sur ma boîte mail pour envoyer le brouillon que j'avais mis de côté. L'étudiante pourra compléter sa lecture avec la véritable fin que je viens de lui fournir.

Taehyung : Le personnage principal finit bien par aimer quelqu'un qui l'aime en retour. Tout est dit dans le nom du roman, je ne l'ai tout simplement pas encore marqué de façon officielle.

Naela : Et quel est ce fameux titre ?

Taehyung : Love myself. Car avant d'aimer quelqu'un, il faut s'aimer soi-même.

Le dire à haute voix me donne la chair de poule. Mon roman possède officiellement un titre, le manuscrit est prêt à être peaufiné, et j'ai eu droit à une première lecture par quelqu'un qui m'est cher. Avec ses retours, je pourrai alors faire des retouches et envisager de l'envoyer à une maison d'édition.

Naela : Ce livre va en aider plus d'un, c'est certain... Au départ, je me suis faite à l'idée que tu allais raconter un conte, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que je t'imaginais plus t'adresser à des enfants. Je ne pensais pas que tu parlerais d'un sujet aussi profond. Tu caches bien ton jeu.

Taehyung : Je suis plus mature que tu ne le crois.

Naela lâche un petit ricanement et se pince les lèvres. Évidemment, elle doute de mon affirmation.

Naela : Jin m'a raconté la fois où Jungkook et toi avez transformé son appartement en pataugeoire. Il paraît même que tu as perdu lors de cette bataille d'eau trépidante !

Taehyung : Rectification, je n'ai pas perdu, j'ai seulement déclaré forfait.

Naela : En clair, tu n'as pas gagné, donc cela revient à dire que tu as perdu.

Taehyung : On croirait entendre Jungkook...

À cette comparaison, Naela sourit par réflexe, fière que je fasse référence à son copain. Ça me rappelle énormément ma sœur qui réagit de la même façon lorsque nous parlons de son mari. C'est comme ça que se comporte quelqu'un d'amoureux, il devient mielleux rien qu'à la mention de sa moitié.

Je me demande si...

Taehyung : Sinon, qu'est-ce que tu en as pensé globalement du livre ?

Naela reprend son sérieux tout en se redressant sur le canapé.

Naela : Bon, je te préviens, ça va être l'instant de fangirling.

Levant un sourcil en entendant le dernier mot, je me prépare à recevoir des éloges qui ne seront - je me doute - pas très objectifs.

Naela : Tu écris extrêmement bien, Taehyung. Ton écriture est fluide et tu as réussi à me faire ressentir toutes les émotions du personnage. J'étais tellement plongée dans l'histoire qu'il m'était impossible de m'arrêter de lire, et ça, c'est plutôt bon signe. Tu gardes le lecteur en haleine avec un suspense dosé et le plus important, c'est que tu restes sincère dans tes propos. L'histoire n'est pas enjolivée pour faire plaisir au lecteur, mais elle aborde des points qui te remettent en question. La vie n'est pas toute rose et il n'y a pas de bonheur sans sacrifice ; c'est le message que tu as voulu faire passer. 

Ravi que la brune ait assimilé tout ça, je me rassure sur la qualité de ma plume.

Naela : La profondeur de tes mots saura atteindre le cœur de tes lecteurs, comme elle l'a fait avec moi. Il n'y a aucun doute que ce roman aura un énorme succès. En tout cas, considère-moi comme ta fan numéro un à partir de maintenant ! Tu me feras un autographe sur mon exemplaire, hein ??

Taehyung : Comment je pourrais dire non à ma fan numéro un ?

Nous rigolons un instant puis je reviens sur le sujet que l'étudiante a amorcé plus tôt concernant son sens de déduction. Ce n'est pas sans surprise que je découvre l'identité de son père, n'étant autre que le détective à qui Jungkook a fait appel pour piéger le sien (Jeon Jongik).

Les deux tourtereaux n'ont pas l'air d'avoir un quotidien comme les autres. Ils ont mis la lumière sur les mystères de leur passé et ont chacun jouer un rôle essentiel dans le parcours de l'autre.

Ils se sont bien trouvés ces deux-là...

L'après-midi défile sans que nous ne nous en apercevions. Naela finit par quitter mon chez-moi pour retourner auprès de l'élu de son cœur. Le calme maintenant revenu, j'attrape mon ordinateur qui repose sur la table basse. Mon index glisse sur le pavé tactile et ma souris se dirige vers l'icône du logiciel de traitement de texte.

Une page s'ouvre et me propose d'ouvrir le dernier document consulté. Cliquant dessus, je tombe ensuite sur plusieurs paragraphes fraîchement écrits. Après être descendu jusqu'en bas du texte, mes doigts survolent le clavier pour étaler les mots qui me viennent à l'esprit. Le blanc de la page se laisse noircir par les nombreux caractères, apparaissant petit à petit jusqu'à former des phrases complètes.

D'après ce que j'ai pu observer tout à l'heure en parlant avec Naela, je parviens à comprendre de nouveaux sentiments. J'essaye de retranscrire au mieux les émotions que je souhaite faire vivre à mon personnage pour que le lecteur soit lui aussi submergé.

Le sentiment amoureux se traduit par plusieurs phases, mais deux d'entre elles se démarquent. Il y a d'abord l'attirance. Elle peut être physique, ce qui mène à des rapports charnels. Mais ici, je voudrais parler de l'attirance qui nous pousse à vouloir connaître à tout prix quelqu'un, à être avec elle dès que nous le pouvons. Puis enfin, il y a l'amour où nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas nous en détacher, comme si notre cœur nous avait été dérobé ; sauf que nous avons consenti à le laisser être entre les mains de cette personne.

J'ai enfin compris que j'étais tombé amoureux.

Les relations que j'ai pu avoir dans le passé n'étaient menées que par l'attirance que j'avais pour ma partenaire. Ce n'était qu'une question de désir charnel. Mais aujourd'hui, c'est tout autre chose et c'est en l'écrivant que je comprends mes véritables sentiments.

Le document que je suis en train de compléter n'est pas connu de Naela. Pourtant, il s'agit bien d'une partie de mon roman, même la plus importante : la fin. Mais jamais elle ne sera dévoilée au public car je rédige en réalité une fin alternative.

Elle ne rentre pas dans le message que j'ai voulu transmettre au lecteur puisque je le pousse à s'aimer soi-même. Dans cette fin alternative, j'offre au personnage principal l'opportunité de trouver son âme sœur, et encore une fois, je me suis inspiré de mon vécu. Les récents événements que j'ai passés m'ont aussi permis d'apercevoir le chemin qui me mène au bonheur.

L'homme cherche continuellement ce qui va le rendre heureux. Mais parfois, il cherche tellement qu'il n'arrive plus à voir que son bonheur peut être à quelques pas, sous son nez. En voyant grand, nous finissons par être aveuglés et manquer de près ce que nous avons toujours désiré.

C'est ce que la vie m'a fait comprendre.

Le jour de l'accouchement de ma sœur, j'avais ressenti une vive douleur entre mon cou et mon épaule à mon réveil. Cette tension musculaire me faisait grincer des dents à chaque fois que je bougeais mon bras droit. Même lorsque j'ai dû prendre ma nièce dans mes bras, j'avais encore cette douleur qui persistait, mais que je camouflais derrière une grimace discrète. Elle n'avait apparemment pas été assez minimisée puisque l'infirmière sage-femme, qui avait assisté à la naissance de ma petite Saera, m'a fait une réflexion.

En ayant vu que je souffrais en silence, l'infirmière Yoon m'a pris à part quand j'avais dû quitter ma sœur pour la laisser avec sa fille. Depuis le début, elle avait remarqué la rigidité dans mon cou et étant dans le métier du soin, elle ne pouvait pas laisser ça passer. C'est sur ses recommandations que j'ai pu voir un médecin le jour-même à l'hôpital pour qu'il m'aide à calmer ma douleur.

Ordonnance en main et conseils en tête, j'étais sorti du bureau avec soulagement. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je ne me serais jamais inquiété mais le destin en a décidé autrement. À la fin de la consultation, j'étais étonné de constater que l'infirmière Yoon était restée dans le couloir à m'attendre. Cette dernière voulait s'assurer que tout irait bien pour moi avant de reprendre ses tâches. Cette fois-là, elle m'avait doucement souri avant de disparaître dans le couloir sans jamais se retourner.

Les jours qui ont suivi, je suis retourné à la maternité pour voir ma sœur et ma nièce. Au bout du troisième jour et sans que je ne m'en sois réellement rendu compte, j'avais commencé à regarder autour de moi, comme si j'attendais quelque chose. Les couloirs n'étaient jamais dépourvus d'infirmiers, et pourtant, je n'arrivais jamais à trouver un visage familier parmi eux.

Comme Ara a fini par quitter l'hôpital pour reprendre son quotidien, je n'avais plus aucune raison d'y retourner. J'avais fini par laisser tomber ma quête, jusqu'à ce que je tombe sur ces grands yeux bruns que mon inconscient n'arrêtait pas de vouloir recroiser. Cela ne m'aurait pas surpris que ça arrive dans les couloirs livides du centre hospitalier, mais je n'aurais jamais imaginé que cela puisse se produire sur mon palier.

Alors que je sortais de mon appartement, la porte d'en face s'était également ouverte. C'était la première fois que je croisais un voisin de palier depuis mon emménagement. J'avais presque cru habiter dans un immeuble fantôme tellement je ne tombais sur personne. Néanmoins, j'ai réalisé que je ne faisais tout simplement pas attention aux personnes qui m'entourent, sûrement parce que je suis trop bloqué dans mon propre univers.

Mon voisin de palier, qui est en fait ma voisine, s'est avérée être l'infirmière Yoon. Elle m'a confié qu'elle avait toujours habité en face et qu'elle savait très bien qui j'étais lorsque j'étais venu à l'hôpital pour l'accouchement. En remarquant que je ne l'avais pas reconnue, elle en avait conclu que j'ignorais qui elle était, et c'était malheureusement le cas.

Depuis que nous nous sommes croisés sur le palier, j'ai pris l'habitude de la voir plus régulièrement dans les couloirs de notre immeuble. Puis de fil en aiguille, nous avons décidé d'apprendre à nous connaître au-delà du fait que nous soyons voisins et des liens se sont tissés.

Yoon Eunjin est une délicate jeune femme qui contribue à mon bonheur au quotidien depuis bientôt deux mois. Avec le recul que j'ai pu prendre en échangeant avec la copine de mon meilleur ami, je peux enfin mettre un nom sur la chaleur qui se répand dans mon ventre à chaque fois que je suis avec l'infirmière. Ce que je ressens pour cette dernière ne peut s'expliquer que par une seule chose...

Yoon Eunjin est l'objet de ma quête au bonheur.

Au moment où je finalise la dernière phrase de mon roman par un point, j'insère deux sauts à la ligne pour taper les prochains mots qui cloront ma fin alternative :

"À suivre..."