⤿ ☾ ⤾

     Ça devait être de la sorcellerie. Non, c'était de la sorcellerie. Comment autrement se retrouvait-il inquiet pour Jisung ? L'inquiétude, c'était quelque chose qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps. C'était étrange, il n'aimait pas vraiment. Avec Jisung, il était plus habitué à ressentir de la chaleur, de la douceur, il se sentait revivre, ou plutôt vivre pour de vrai. Ça, il aimait bien, parce qu'il retrouvait un échantillon de de ce qu'il avait perdu.

     Pour la première fois depuis longtemps, il savait qu'il avait un ami. Il considérait Jisung comme tel, et ça apportait un sentiment de sécurité, de complicité et de douceur qu'il avait appris à chérir. Il riait de nouveau, pas de grands éclats, mais ce son sortait de nouveau de ses lèvres. Il souriait de nouveau, pas avec la même force que Jisung, mais c'était un début. Il était un peu plus expressif, pas de quoi s'affoler, mais ça restait un effort. Minho en était fier, il avait l'impression de commencer à aller mieux.

     Il reconstruisait son monde grâce à Jisung, et celui-ci lui montrait à sa manière qu'il était fier de lui. La veille par exemple, Minho lui avait dit qu'il avait été dans un café pour la première fois depuis un bout de temps, et Jisung avait souri grandement, en hochant la tête frénétiquement.

     Ce qui contrariait Minho, par contre, c'était que Jisung ne se confiait pas sur ce qu'il faisait. Il parlait de lecture, ou de dessin, mais il ne parlait pas réellement de ce qu'il accomplissait dans une journée. Mais même si c'était minime, il devait bien faire quelque chose, non ? Jisung, au final, était encore plus secret que Minho, et il n'aimait pas ça. C'était frustrant.

     Il était d'ailleurs en retard. Même sans avoir l'heure, Minho avait finit par remarquer que Jisung arrivait toujours quand un femme ouvrait une fenêtre pour fumer. C'était étonnant, comme coïncidence, et il se demandait si cette femme n'était pas la mère de Jisung. Il n'avait jamais posé cette question au plus jeune. Ils ne parlaient jamais de leur vie privée. Ils n'en savaient pas tant que ça l'un sur l'autre, mais ça ne les empêchait pas d'être très proches.

     Sauf que là, la femme était à sa fenêtre, mais Jisung n'avait pas encore poussé la porte du toit. Qu'est-ce qu'il faisait ? Pourquoi sa voix enjouée ne venait pas encore troubler le silence de la nuit ? Allait-il ne serait-ce que pointer le bout de son nez ? Ils n'avaient aucun moyen de se dire s'ils allaient être là le soir. Leur relation reposait au fond, sur la ponctualité, et l'habitude.

     Minho ne savait plus vraiment pourquoi il venait là, si ce n'était pas pour Jisung. Il avait oublié ce qu'il venait faire initialement. Ou plutôt, il ne voulait pas s'en rappeler, il ne voulait pas retomber. Même si ce n'était que de quelques centimètres, il remontait enfin la pente et il n'avait pas la force de se relever s'il tombait une nouvelle fois. Jisung était sa source de motivation, il voulait reprendre goût à la vie pour lui, mais s'il n'était pas là, à quoi ça rimait ?

     —   Oh mon dieu, désolé Minho... Je-... Je suis en retard.

     Enfin, le voilà. Mais il ne souriait pas, le soulagement de Minho ne dura qu'une milliseconde. D'habitude, il souriait, tellement que sa gencive était visible. Il avait en sourire en cœur, Jisung, c'était mignon. Minho, il adorait son sourire, il voulait le voir, tout le temps. Mais ce soir, il n'était pas là. Et dans la faible lumière au-dessus de la porte, Minho croyait voir que Jisung avait les yeux rouges, c'était d'autant plus inquiétant.

     —   Comment tu vas ?

     D'autant plus étrange. Jamais il ne demandait comment Minho allait. pas qu'il s'en moquait, mais ce n'était pas quelque chose qui lui venait à l'esprit. Minho lui répondit tout de même, sans vraiment savoir quoi penser. Il n'osait plus parler, il n'osait plus commencer une conversation. Peut-être qu'il devrait laisser Jisung tranquille pour cette nuit.

     Pourtant, ce dernier vint s'installer à côté de lui, et pour la première fois depuis qu'il venait, il regarda vers le bas, en mordant sa lèvre inférieure. Ses mains se tordaient dans tous les sens possible, et on dirait qu'il guettait quelque chose dans la rue. Minho regarda à son tour, et remarqua que la femme était partie. Puis il reporta son regard vers Jisung, qui semblait un petit peu détendu. Pourtant, ses mains ne s'arrêtaient pas, il se faisait sûrement mal. Puis il se mit à serrer ses poignets fort, comme s'il avait mal et Minho ne put qu'envisager le pire.

     Mais il ne fit aucune remarque, il lâcha Jisung du regard. Le plus jeune parlerait s'il le voulait. Rien ne pressait, n'est-ce pas ?