Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟒

━━━━▣━━◤◢━━▣━━━━━

Conseil de l'auteure : pour être immergé dans l'ambiance de ce chapitre, je vous recommande de le lire avec la chanson ajoutée juste au-dessus. On se retrouve en bas, as always ! Bonne et agréable lecture, mes loulous ! ❤️


— L'ambiance est très bien au Smile Club, c'est lui qui a de sacrés goûts de merde ! Non mais oh !

— Mais oui, mais oui ! Dis-moi plutôt si cette tenue me va ou si je ressemble à un sac à patates.

Jimin analysa longuement la tenue de son cadet qui tournait autour de lui-même, assis sur le lit de ce dernier.

— Tu vas sortir les poubelles ou tu vas à un rencart, dis-moi ?

Jeongguk souffla.

— J'ai compris, c'est moche.

— Je suis sûr que tu peux faire beaucoup mieux avec ce que tu as dans ta garde-robe, Gguk.

C'était le grand jour : dans quelques heures, Jeongguk irait à son date avec Baptistin. Il désirait bien faire les choses et donc de trouver la tenue parfaite pour ce moment en tête-à-tête avec le rouquin grâce à l'aide précieuse de Jimin. Il n'en revenait toujours pas que ce dernier lui ait proposé cela, lui qui était plutôt habitué à passer ses soirées en solitaire, les yeux rivés sur un énième roman à l'eau de rose ou alors sur son écran d'ordinateur à jouer à un jeu téléchargé dernièrement. Cette soirée lui changerait les idées comme il le fallait. Il en ressentait le plus grand besoin. Ce soir, il kifferait ce moment. Sans prise de tête, sans rumination, sans pensées anxiogènes, sans les paroles de Taehyung tournoyant dans son crâne tel un disque rayé. Il était temps qu'il embrasse ce petit bout de bonheur après des journées à broyer du noir.

Cela faisait maintenant une heure que Jeongguk enchaînait les essayages sous l'œil avisé de son meilleur ami tandis que des classiques des années deux milles passaient en fond depuis son enceinte Bluetooth ; playlist choisie avec soin par le plus jeune. Aucune tenue n'avait conquis Jimin et l'étudiant n'en menait pas large.

— Tu vas en boîte, j'te rappelle. Tu vas pas chercher une baguette à la boulangerie du coin ou dans une bar-mitsvah. Il te faut une tenue adaptée et qui en mettra plein la vue à ton Baptistin. 

L'ancien noir de jais jeta un regard dépité en direction du mont de vêtements qui traînait au sol, juste devant son armoire. Trouver l'ensemble idéal semblait bien plus compliqué qu'il ne l'aurait voulu et il avait déjà bien retourné sa buanderie. On aurait dit qu'une tornade venait de tout saccager.

— J'ai rien qui me mette à mon avantage... Je sais pas du tout quoi enfiler.

Jimin se redressa et demanda d'une voix douce :

— Déjà, qu'est-ce que tu veux dégager comme vibe ? Est-ce que tu veux être élégant ? Sexy ? Casual ?

Jeongguk réfléchit durant un court instant. Il désirait sortir le grand jeu, unir son manque de confiance en son assurance. Il voulait en mettre plein les yeux, se prouver qu'il était capable de séduire. La preuve étant cette étrange proximité avec Baptistin lors de sa dernière venue à son appartement. Ces quelques secondes de flirt – du moins, c'était ainsi que Gguk les percevait – l'avait tout retourné et remis en question tout ce qu'il croyait de lui-même. Il avait envie d'essayer ce soir. De croire qu'une nouvelle chance serait possible, loin de l'aura paradoxale et étouffante de Taehyung.

— Un mélange entre élégance et séduction, répondit-il. Ouais... Je crois que c'est ça que je veux.

— Okay, laisse-moi te chercher ça.

Jeongguk se décala pour laisser la place à Jimin devant son armoire et l'observa faire. Celui-ci se mit à chercher parmi le reste des affaires du benjamin, tout en veillant à ne pas foutre davantage le foutoir dans son meuble.

— Tu te sens comment actuellement ? demanda alors le danseur.

— Un peu stressé. J'ai peur de ruiner cette soirée avec Bapt'.

— Pourquoi tu penses la plomber ? Profite à fond et amuse-toi. Ça ne peut que te faire du bien. Ah, ce pull m'a l'air incroyable !

—Tu as sans doute raison... répondit Gguk, pensif.

Les pupilles vaguant dans le vide, Jeongguk se perdit dans ses pensées. Son esprit était toujours rempli de nombreuses interrogations quant à son futur, la manière dont il s'y prenait pour reprendre petit à petit le cours de sa vie. Encore ces mêmes interrogations qui allaient et venaient depuis une éternité et qui l'empêchaient de dormir convenablement.

— Minie, je peux te poser une question ?

— Bien sûr, mon lapin. Je t'écoute.

— Quand tu as fini par couper les ponts avec Taehyung... Qu'as-tu fait ensuite ?

Jimin se stoppa dans son geste.

— Qu'est-ce que tu as fait pour aller de l'avant et oublier tout ce que tu as vécu avec lui ?

Jeongguk lui jeta un regard de biais, attendant sa réponse. Le danseur agrippa le vêtement qui passait sous sa main et le contempla longuement tout en le triturant sous ses doigts bagués. Un profond soupir franchit ses lèvres.

— J'ai fait de nouvelles rencontres. J'ai enchaîné partenaire sur partenaire, sans chercher quoi que ce soit de sérieux... C'était ma méthode pour tenter de passer à autre chose, il y a encore quelques semaines. Mon seul réconfort et échappatoire, parce que j'avais la sensation que personne ne pouvait me comprendre. Pas mes parents pour des raisons évidentes. Ni toi, pour la simple raison que je ne souhaitais pas t'apporter plus de charge mentale à cette époque. Je voulais juste rayer de ma mémoire tous ces souvenirs qui me lient à lui et repartir à zéro.

— Et ?

    Un sourire maussade s'étira sur son visage.

    — J'en conclus que c'est pas comme ça que je dois régler mes problèmes. Je ne fais que les repousser au lieu de les confronter directement, les noyer en prenant de gros risques. Coucher avec le premier qui vient ne panse pas les peines de cœur.  

Jeongguk acquiesça en silence et Jimin poursuivit : 

— Mais j'ai espoir que toi et moi, on s'en sortira. La guérison sera longue et parsemée d'obstacles, mais on va y arriver. Je crois en nous deux. Tant que nous sommes entourés et présents l'un pour l'autre, il n'y a pas de raison pour qu'on sombre une nouvelle fois.

— Tu es bien optimiste, prononça Jeongguk, un discret sourire se formant sur ses lippes.

— Il le faut. C'est le seul moyen pour garder la tête hors de l'eau.

Son ami marqua une courte pause puis reprit, sur un ton plus détendu :

— Je crois que j'ai la tenue qu'il te faut ! File m'essayer tout ça !

Jeongguk s'avança et prit les habits. Puis il ressentit le besoin irrépressible de donner une bouffée d'amour à son aîné après s'être confié à lui. Son meilleur ami se confiait bien plus facilement sur son histoire passée avec l'employé de cantine, maintenant qu'ils avaient à cœur ouvert raconté leurs troubles vis-à-vis de ce dernier. Il n'y avait plus de non-dits, plus de secrets. Ils se disaient tout, sans se retenir. Alors il n'hésita pas une seule seconde et l'étreignit de sa main libre contre lui. Son geste soudain surprit Jimin, qui se laissa aller à ce câlin improvisé.

— Je t'ai déjà dit que t'es une personne incroyable, Chim' ?

— Arrête tes carabistouilles et va te changer !

— Non, je te le répète encore une fois : tu es incroyable. J'aimerais avoir ton esprit de résilience, ton courage, ta détermination. Je suis désolé encore une fois de ne pas avoir remarqué ta détresse à ce moment-là et j'aurais dû être présent pour toi.

Leur étreinte se resserra un peu plus tandis qu'ils se laissaient baigner par la douceur de Feel de Robbie Williams.

— Tu es courageux toi aussi, Jeongguk.

— Pas du tout. Je patauge complet de mon côté. Je n'ai pas été honnête avec toi et  Jin. Il y a des choses que je ne vous ai pas dites.

Jimin s'écarta doucement du plus jeune, son visage tordu en une expression inquiète.

— Quoi donc ?

Jeongguk inspira un grand coup. Il ne pouvait plus garder cette longue nuit passée avec Tae pour lui. Il ne pouvait plus continuer de mentir, se cacher, tout garder pour lui. Maintenant, il savait quelles conséquences l'attendaient s'il continuait de suivre ce chemin sinueux et son mental suffoquait. Il n'arrivait plus à se retrouver dans ses mensonges alors autant dire la vérité et ne plus rien conserver pour soi.

— Voilà... Tu te souviens de ma dispute avec Jin ?

— Ouais... ?

— Eh bien, la veille de notre dispute... Il s'est passé quelque chose entre moi et Taehyung. Quelque chose qui a complexifié notre relation.

— Ah...

— Pour commencer : je pense que tu as raison. Taehyung a l'air de souffrir d'un mal qui semble plus complexe que ce que tu avais supposé et qui a l'air de le dépasser. J'ai quelques soupçons depuis quelque temps déjà et cette nuit-là n'a fait que confirmer un peu plus mes doutes...

— Attends, ça veut dire que vous vous êtes vus ?

Jeongguk secoua la tête, hésitant.

— Plus ou moins, oui. C'était pas du tout prévu, par contre. C'est moi qui ai provoqué les choses sans le vouloir...

Il marqua une courte pause sous l'oeillade suspicieuse de son ami puis il lâcha d'une traite :

— Ouais bon d'accord : je l'ai épié depuis l'appartement face au sien et il m'a repéré.

— Putain de bordel de merde !

Jimin le repoussa brutalement, de la colère lisible sur son faciès, ses yeux devenus de véritables fusils.

— Laisse-moi t'expliquer–

— Je t'ai déjà dit quoi à propos du stalk, Jeongguk ?! Pourquoi tu répètes bêtement les mêmes conneries ?! On espionne pas les gens à leur insu ! C'est malsain, merde !

— Je voulais juste confirmer mes hypothèses ! Rien de plus !

Il est vrai : Gguk avait simplement voulu savoir s'il faisait fausse route à propos du châtain ou s'il y avait quelque chose à creuser et, par conséquent, s'inquiéter. Ce n'était pas du tout prévu que cette séance d'observation se transforme en course poursuite sous la pluie et il n'avait pas prémédité non plus la tournure qu'avait pris cette dernière.

Jimin grogna et croisa ses bras, désormais irrité par son énième écart de conduite. D'un côté, il pouvait comprendre son exaspération. Il lui avait rabâché un nombre incalculable de fois de ne jamais espionner autrui, qu'il n'y a que les psychopathes qui agissent de la sorte. Et pour la énième fois, têtu comme il était, il avait préféré écouter sa voix intérieure – celle qui le poussait toujours à repousser plus loin ses conneries – plutôt que de suivre les mises en garde de son ami.

— Soit. Et ça a donné quoi, ton petit manège ?

Jeongguk avala de travers sa salive, le cerveau en ébullition. Par où devait-il commencer ? Devait-il tout lui raconter ? Même ces longues minutes enfiévrées, attaché à cette fichue croix de Saint André ? Non, c'était bien trop privé et intime pour pouvoir être partagé aussi librement. Cela ne regardait que l'employé de cantine et lui-même.

Il y avait tant de choses à commenter sur cette longue nuit passée avec Taehyung. Tant de choses à dire qui lui tenait à cœur, auxquelles il songeait encore entre deux révisions, deux ou trois soirées sur sept. Parce que cette nuit-là était bien différente de toutes les autres qu'ils avaient pu passer ensemble. Elle aurait pu se solder par un drame. Un terrible drame qui n'aurait fait que les endommager un peu plus. Elle semblait partir pour. Pourtant, elle avait été tout autre. Il s'agissait là de l'un des rares moments où ils avaient pu parler sans pudeur, sans crainte. Un instant où Taehyung lui avait ouvert un peu plus grand le portail de son jardin secret. Quelques heures où Taehyung avait fait tomber son masque d'impénétrabilité afin qu'il entrevoit un peu plus cette part sensible et vulnérable recluse au fond de lui qu'il s'évertuait à dissimuler. Quelques heures où Taehyung lui avait accordé une confiance quasi totale. Jeongguk ne regrettait pas cet instant précieux passé en sa compagnie, bien au contraire. Il s'y accrochait et y repensait souvent.

C'était la preuve unique que Tae pouvait encore se relever et aller au-delà de ses traumatismes ; un souvenir particulier, doux-amer, qu'il chérissait fort. Parce qu'il n'était pas sûr de revivre un moment aussi unique que celui-ci. Un moment hors du temps où ils avaient pu respirer pleinement et se redécouvrir un autre angle. Gguk aurait adoré en apprendre davantage sur eux-mêmes, sur cette facette si délicate de Taehyung qu'il avait entraperçue. Qu'il aurait apprécié à se damner garder son beau châtain un peu plus longtemps au creux de ses bras et le revendiquer comme sien, aussi bien par des mots remplis de douceur que par des baisers enflammés.

Qu'il aurait aimé que cette nuit-là s'étende sans jamais connaître l'aurore.

Misère, qu'est-ce qu'il en rêvait...

Jeongguk s'assit sur son matelas, un bref soupir s'échappant d'entre ses lèvres charnues. Il se mit à triturer ses doigts en même temps qu'il réfléchissait aux mots qu'il était sur le point de prononcer. Même des semaines après, s'en souvenir l'émouvait encore. Profondément.

— Je vais pas te mentir... Comme lorsque j'ai décidé de mettre un terme à notre histoire, j'ai bien cru que j'allais y laisser ma peau, commença-t-il tout en jetant un bref regard en direction de son meilleur ami.

Jimin décroisa ses bras. Sa furie s'envola d'un coup. Il semblait totalement désemparé par son aveu.

— Effleurer les ténèbres de Tae a été l'expérience la plus terrifiante de toute ma vie entière. Parce que je ne sais pas jusqu'où elles s'étendent. Chaque fois qu'elles s'éveillaient, j'ai manqué de me faire avaler par elles. Cette nuit-là n'a pas été une exception à la règle. Il a failli déraper une fois de plus... Mais il est revenu à lui. On a eu ensuite une longue discussion. Une très longue discussion où on a pu parler de lui, ses soucis... Il avait l'air si vulnérable et épuisé...

Le temps d'un battement de cils, le portrait terne de Taehyung lui revint en mémoire. Et sa poitrine se resserra sur elle-même. Sensation étouffante et désagréable. Le vide effrayant qu'il avait pu lire dans ses yeux marron lors de leurs retrouvailles improvisées resterait à jamais gravé dans sa psyché. On ne pouvait pas passer à côté d'une œillade qui hurlait « j'ai abandonné depuis longtemps ». Jeongguk connaissait bien la douleur qu'il couvrait derrière son inexpressivité perpétuelle et pas un jour ne s'écoulait sans qu'elle résonnait en lui comme s'il s'agissait de la sienne.

J'aurais escaladé toutes les montagnes et nagé dans tous les océans pour toi.

Jeongguk ferma les yeux, comme pour réprimer cette vague d'émotions qui le submergeait. Le danseur le rejoignit à ses côtés, sans le quitter du regard ni le couper dans son récit. Gguk se lança à nouveau, à corps perdu, à cœur ouvert.

— Je te jure, Jimin, j'aurais tant aimé qu'on puisse se livrer l'un à l'autre aussi facilement comme cette nuit-là et plus souvent. Si on communiquait plus, on ne serait pas arrivé à une situation aussi désespérée. Je suis paumé depuis cette nuit passée avec lui. Une part de moi veut continuer là où notre relation s'est stoppée et que l'on recommence tout à zéro... Puis une autre veut tourner la page définitivement. Parce que j'ai la sensation qu'il n'y a plus rien à sauver.

Son opinion n'avait pas évolué. Jeongguk se sentait toujours coincé par rapport à cette situation. Il avait beau retourné dans tous les sens celle-ci dans le but de trouver la solution la plus logique et viable, il n'y parvenait pas. Pas une seule conclusion convenait à ses attentes tant il était en conflit avec lui-même. Ce n'était plus un dilemme cornélien, cela devenait presque une question de vie ou de mort au vu de l'ampleur que prenaient ses interrogations. 

— Récemment, je lui ai envoyé un message parce qu'il me manquait. J'étais un peu pompette et j'ai pas su contenir mon envie de lui parler. Il m'a ensuite appelé et m'a posé une sorte d'ultimatum. Je ne lui ai toujours pas donné ma réponse. J'esquive ses messages et ses appels en espérant qu'il lâchera l'affaire. J'ai trop peur de prendre une mauvaise décision et je ne veux pas encore plus l'accabler. Il y a quelques jours, il a pété un câble à la cantine sur un de ses collègues et tout le monde a assisté à ça. J'étais terrorisé par la scène, mais... J'ai pas pu m'empêcher d'essayer de le calmer à mon échelle, de loin. Il m'a vu. Et ça a marché. Il n'y avait plus aucune trace de furie sur son visage et moi, j'étais rassuré pour lui.

Il tirailla davantage ses doigts à mesure qu'il avançait dans son récit et pinça ses lèvres sous le coup de l'émotion, le regard rivé par terre.

— Si je pouvais faire quoi que ce soit pour réparer notre relation, je l'aurais fait. Pour nous, pour lui. Surtout pour lui.

Jimin, qui avait toujours toute son attention braquée sur lui, l'attira vers lui dans une accolade. Gguk le contempla avec une certaine appréhension, les yeux larmoyants et put lire de la compassion dans son regard.

— Tu ne peux pas fixer quelqu'un qui est brisé de l'intérieur, Jeongguk. Je sais combien tu te soucies pour lui et combien tu veux tout arranger entre vous, mais s'il y a bien un truc que je peux t'assurer malgré ma merdique expérience amoureuse, c'est que l'amour ne résout pas les troubles mentaux. Tu auras beau tout essayer, c'est d'une aide professionnelle dont il aura besoin. Parce qu'elle sera plus apte à le guider et lui apporter les solutions nécessaires.

— Je devrai donc l'oublier pour de bon ? demanda Jeongguk, la voix tremblante.

Rayer Taehyung de son existence lui paraissait insurmontable. C'était un objectif impossible à atteindre. La preuve : cette discussion qu'il était en train d'avoir avec Jimin. Malgré son entêtement sur la question, il se doutait bien au fond de lui que c'était ce qu'il fallait faire. Mais Gguk n'était pas assez courageux pour affronter cela et n'avait pas les épaules assez solides pour supporter une telle responsabilité. Tirer une croix sur Tae serait équivalent à une ablation de son âme, à la perte totale de ses repères acquis. Et au-delà de ça, éjecter son beau châtain de sa vie blesserait ce dernier. Et il n'osait imaginer quelle serait sa réaction face à la nouvelle qu'il lui annoncerait. Taehyung ne se relèverait sans doute pas s'il venait à annoncer leur rupture définitive. C'était de cette raison précise dont Jeongguk avait le plus peur : que Taehyung arrive à un point de non-retour et provoque sa propre fin.

Un abandon de plus le tuerait.

Les lèvres de Jimin s'étirèrent en un fin sourire. Une jolie courbe pleine de bienveillance, que Jeongguk connaissait bien et qui le rassura quelque peu.

— Dans la logique des choses, oui, il vaudrait mieux. Mais je ne suis pas toi. On ne réfléchit pas de la même manière, nous n'avons pas le même affect. Et j'ai bien compris que je n'ai pas à t'imposer mon opinion. Je crois que ton date de ce soir apportera les réponses que tu cherches. Après ça, tu pourras y voir plus clair sur ce que tu désires vraiment.

— Tu ne m'en veux pas ? demanda faiblement le plus jeune.

— Pas le moins du monde. Tu auras toujours mon soutien, mon lapin. Et ce, peu importe les décisions que tu entreprendras. Et puis, il y a Jin et Namjoon aussi qui seront là pour toi.

— C'est vrai, tu as raison.

Du revers de la main, le plus jeune des deux amis vira les quelques gouttelettes qui commençaient à glisser sous ses yeux.

— Un jour, je parlerai à maman de tout ça. Quand je trouverai le courage de le faire.

— Je suis sûr à cent pour cent qu'elle se montrera compréhensive. T'as la mère la plus cool du monde.

Jeongguk rit, son rire accompagné par un doux sourire à la pensée de sa génitrice. Jimin avait raison. Il avait la plus aimante et la plus géniale des mamans. Madame Jeon était la bonté incarnée. Néanmoins, même en sachant qu'elle ne le jugerait pas, le jeune homme redoutait le moment fatidique où il lui raconterait son calvaire dans les moindres détails. Il ne désirait pas la décevoir ni l'angoisser avec ses dramas.

À la hâte, l'ancien noir de jais se releva avec les fringues choisies par son aîné dans ses mains.

— Je vais les essayer !

— Vas-y, je t'attends !

Jeongguk s'éclipsa sous l'air confiant de Jimin dans la salle de bain et s'enferma. Derrière la porte, Moi... Lolita retentissait ; son connu qui lui évoquait son enfance tant il l'avait entendue à la radio plus jeune. Ses pupilles tombèrent sur son reflet dans le large miroir face à lui.

Après des jours à esquiver son reflet comme la peste tant il se dégoûtait, Gguk prit le temps pour la première fois de se contempler dans la glace. Il aimait bien sa teinture argentée. C'était tout nouveau pour lui. Il n'avait jamais coloré sa chevelure auparavant ni même songé à en faire. Il avait fait ça, un peu sur un coup de folie, quelques jours après la venue du rouquin à son appartement. Elle lui donnait une meilleure mine, en plus de camoufler ses affreux cheveux blancs qui poussaient comme des champignons, et accentuait l'éclat unique de son regard. Pour une fois, il se trouvait présentable. Il s'empressa alors d'essayer les vêtements sélectionnés avec attention par Jimin, un à un jusqu'à l'assemblage final.

Quand Jeongguk croisa une nouvelle fois son reflet, ses mâchoires manquèrent de se décrocher. Le résultat lui plaisait énormément, plus qu'il ne l'aurait imaginé. Depuis quand possédait-il ces vêtements-là dans son armoire ? C'était vraiment lui dedans, pas un sosie amélioré de sa personne ? Jimin avait réellement dégoté la tenue idéale pour sa sortie avec Baptistin. De ce pas, il commença à se maquiller dans des gestes assurés. Un fard à paupières qui soulignerait ses yeux en amande et accentuerait le pigment de ses iris, un peu de gloss sur ses lèvres pleines... Il ajusta quelques mèches rebelles et jugea qu'il avait enfin terminé sa mise en beauté. Il se regarda et apprécia chaque détail dans sa préparation. Un mince sourire se dessina sur son visage. Il était pleinement satisfait du rendu final.

Alors il sortit de la pièce, de l'excitation grouillant dans ses veines et s'avança dans sa chambre, les bras dans le dos. Jimin quitta son portable quelques secondes et–

— Jeon Jeongguk, si tu reviens pas chez toi avec un harem ce soir : je comprendrai pas.

Le nommé gloussa timidement avant de se tenir dans une posture sage.

Ah, le tact légendaire de Jimin...

— N'exagère pas non plus, Chimchim. Tu en penses quoi, plus sérieusement ?

— Je suis sérieux, Gguk. Tu es splendide. Ça te change de ce que tu mets d'habitude et le maquillage que tu as appliqué embellit ton visage. Ton date va être un carton, moi je te le dis !

— On croise les doigts.

Jimin fit, une expression admirative scotchée sur le faciès. Cette soirée serait géniale et Jeongguk ferait tout pour qu'elle le soit. Il n'y avait aucune raison pour qu'elle parte en vrille tant qu'il pensait positif. Il était temps de faire un bond en avant, au lieu de rester sur place à broyer du noir continuellement. Pour de vrai, cette fois-ci.

— Oui, promis Jinnie, je ferai attention ! Je te raconterai tout demain ! Bonne soirée à toi et Nam', bisous !

Au moment où Jeongguk raccrocha, un sms apparut sur l'écran de son téléphone. Baptistin l'attendait dans le parking de sa résidence. Alors il réajusta sa tenue et ses cheveux une dernière fois avant de quitter son appartement, d'une allure déterminée. Le moment venait enfin.

Seokjin avait pris le temps de l'appeler et de lui demander comment il se sentait vis-à-vis de ce rendez-vous « galant ». Tout comme Jimin, il lui avait dit que la priorité ce soir était qu'il se défoule et qu'il passe un bon moment avec le rouquin. Comme il s'agissait de sa toute première sortie en boîte seul, son ami lui avait fait un rapide rappel de toutes les choses dont il devrait porter une grande vigilance. Un incident peut vite survenir sans prévenir et devenir hors de contrôle. Jeongguk avait promis d'être attentif et juré qu'il ne quitterait pas des yeux son verre jusqu'à ce qu'il s'en aille pour de bon.

Gguk avait encore du mal à réaliser les heures qu'il s'apprêtait à vivre tandis qu'il se rapprochait peu à peu de la porte d'entrée de son immeuble. En comparant sa relation avec Baptistin à celle qu'il entretenait avec l'employé de cantine, il se rendit compte que c'était le jour et la nuit entre les deux. Avec Taehyung : toute leur relation s'était construite à l'envers. Au lieu de suivre le schéma traditionnel où lorsqu'on rencontre une nouvelle personne, on apprend progressivement à la connaître jusqu'à proposer un premier rendez-vous, sans qu'il y ait eu entre deux un quelconque dérapage : lui et Taehyung avaient fait les choses n'importe comment. Une sexcam avant le premier rendez-vous, qui sur cette maudite planète faisait ça ? Qui d'autre, à part eux ? Jeongguk ne cessait d'y songer maintenant qu'il s'était éloigné de son aîné et se disait que dès la minute où leur premier appel avait commencé à prendre une tournure libidineuse, il aurait dû y couper court. Même bien avant cela, il aurait dû stopper tout ce merdier qui lui tendait les bras. Dès ces messages ultra menaçants reçus sur Closer avant de mystérieusement disparaître, il aurait dû passer à autre chose.

Fuir, voilà la seule action qu'il aurait dû faire sans se retourner à la vue de tous ces redflags flagrants qu'avaient renvoyé son aîné.

Cependant, il avait chuté dedans la tête la première. Il avait flanché pour les yeux sombres de Taehyung et s'était perdu dedans indéfiniment jusqu'à finir englouti par leur opacité. Jimin avait raison : retrouver la lumière une fois qu'on a laissé Tae fouler le sol de notre quotidien relevait de l'impossible. On devenait accro à cette noirceur qui émanait de lui et l'on en ressentait la lubie folle de humer son parfum, de goûter sa saveur enivrante encore et encore jusqu'à l'overdose fatale.

En franchissant le hall de son immeuble, Jeongguk darda son regard vers le grand miroir non-loin de lui. Il s'arrêta quelques secondes pour se contempler une dernière fois de la tête aux pieds. Ce col roulé à marinières noir et blanc avec ce pantalon en cuir puis ses bottines à talons pointus...

Un sentiment de bien-être s'empara de lui. Un ressenti inhabituel, surtout à la vue de son apparence physique pour quelqu'un comme lui qui n'aimait pas son corps. Il ne rejeta pas son impression cette fois-ci. La tenue assemblée par Jimin lui convenait et se rapprochait le plus de ce qu'il portait. Les tons monochromes étaient ce qu'il préférait le plus sur lui. Son meilleur ami avait respecté cela en plus de magnifier l'association de ces deux couleurs opposées. Jeongguk se trouvait beau. En presque vingt-et-ans d'existence, c'était l'une des uniques fois où il s'estimait à sa juste valeur. Et cela ne le déplaisait pas du tout, bien au contraire. Il délaissa alors ce reflet plaisant et se rua vers l'extérieur de son immeuble, car plus important patientait.

Jeongguk aperçut quelques mètres plus loin Baptistin qui semblait concentré sur son cellulaire. Il prit le temps de l'observer dans son ensemble. Lui aussi avait l'air d'avoir sorti le grand jeu pour ce soir et c'est à cet instant que Gguk se dit intimement que le rouquin pouvait tout à fait être son type d'homme, même s'il n'avait pas de réels critères de sélection.  Il était tout vêtu de jean, son t-shirt et ses tennis blancs apportaient une touche de contraste à sa tenue qui se voulait branchée. Jeongguk appréciait son allure et le jugeait plutôt mignon ainsi.

L'ébène arriva très vite à la hauteur de son cadet et celui-ci releva la tête. Ses traits se détendirent en voyant Gguk.

— Hey.

— Hey, salua en retour le plus vieux.

Baptistin examina en détails à son tour Jeongguk qui resta planté devant lui, en attendant sa réaction. Le jeune homme paraissait troublé. Ce détail ne passa pas inaperçu chez Gguk qui repéra l'intensité avec laquelle il le reluquait.

— Alors ? demanda Gguk sur un ton taquin tout en se balançant lentement de droite à gauche.

— Tu...

— Je... ?

Un léger rire se fraya un chemin à travers les lèvres de Baptistin.

— Si tu étais un délit, tu serais un excès de beauté. Littéralement, avoua ce dernier tout en essayant de paraître sérieux.

Jeongguk s'esclaffa bruyamment avant de poser son regard qui pétillait sur son cadet. Celui-ci ne ratait jamais une occasion pour lui sortir ses plus belles phrases de drague, phrases qui tombaient très souvent à l'eau et lui provoquaient un énorme fou rire à chaque fois.

— Mais qu'elle est jolie, cette disquette !

— On rigole, on rigole, mais ça fonctionne quelques fois, renchérit Baptistin.

— J'ai donc face à moi un expert en la matière.

— Je crois que ça se saurait si j'étais aussi bon en séduction. Ma vie amoureuse est à l'image de mon compte bancaire.

Lentement, ils se dirigèrent vers la voiture du rouquin sous une pluie de rires légers et chacun s'installa à sa place attitrée.

— Il y a un genre musical en particulier que tu préfères ? demanda Baptistin, tout en mettant sa ceinture de sécurité.

— J'ai pas de préférence, j'écoute de tout.

— Ça marche, je préfère demander avant de lancer une de mes playlists.

Le conducteur fit une manipulation pour connecter son téléphone à son véhicule et quelques minutes plus tard, ce qui semblait être de l'électro aux oreilles de l'ébène se mit à retentir à travers l'habitacle de la voiture. Jeongguk n'aurait jamais cru Baptistin fan de ce genre de musique. Ce petit détail qui contrastait avec sa personnalité l'amusa.

— Est-ce que tu es chaud ce soir, Jeongguk ? dit le rouquin avec une voix de forain qui extirpa un autre rire chez ce dernier. Parce que ça va swingueeeer !

Le volume gagna quelques décibels sous les vrombissements de l'auto puis celle-ci démarra.

— Yeeeeees ! hurla Jeongguk.

Il souriait si fort au point d'en avoir mal aux mâchoires mais il ne pouvait contrôler cette montée d'adrénaline et de joie combinés qui le dévorait. Son cadet lui jeta de temps à autre des regards étincelants tout en conduisant, lui fit la conversation tout le long du trajet au rythme de ces sons électroniques hardcore auxquels il commençait à s'accoutumer. Ce parcours en voiture était agréable. Gguk se sentait bien contre le siège passager, à côté de ce garçon qui le surprenait de jour en jour et qui le faisait rire aux éclats. Tout était parfait. Tout se passait comme Jeongguk le souhaitait. Il était sur un petit nuage, se dandinait sur les beats entêtants des mix qui défilaient, participait aux conversations de Baptistin...

Qu'est-ce qui pourrait bien ruiner cette soirée qui s'annonçait déjà comme un sans faute ?

Jeongguk avait visiblement parlé et s'était emballé un peu trop vite.

D'une euphorie qui le consumait tout entier au départ, il s'était peu à peu renfermé, l'esprit rempli d'interrogations qui partaient dans tous les sens et les pupilles à l'affût du moindre indice extérieur qui lui indiquerait l'endroit où ils se dirigeaient. C'était un miracle qu'il parvenait à feindre la neutralité alors qu'à l'intérieur de lui, tout se bousculait ; son intuition tirait la sonnette d'alarme. 

Ils n'allaient pas du tout en direction du Network. Ce n'est que bien plus tard que l'ancien ébène s'en est rendu compte en voyant les noms des villes apparaître par-dessus l'autoroute qu'ils empruntaient et voyant l'heure tourner. L'ambiance festive avait disparu, remplacée par un mutisme glacial, presque oppressant pour le plus âgé.

Est-ce que Baptistin s'était trompé de route ? C'était la première hypothèse qu'avait songé Jeongguk en constatant que le véhicule s'éloignait de plus en plus de la métropole lilloise. Généralement lorsque l'on se trompe de trajet, on prévient. On exclame de la surprise, la panique parfois pour certains qui stressent vite au volant. D'autres iront jusqu'à s'insulter d'avoir commis une erreur aussi bête sur un itinéraire que l'on est censé connaître par cœur.

Ce n'était pas le cas pour le roux qui avait conservé jusqu'à présent un air parfaitement serein sur le visage, comme si de rien était. Roulait-il à l'aveuglette ? Non plus. Ses virages semblaient tout à fait calculés, comme s'il avait une destination particulière en tête déjà tracée. Jeongguk trouva cela très bizarre lorsqu'il crut reconnaître la route de campagne qu'ils arpentaient. Une impression de déjà-vu le secoua à la vue de cet énorme bloc blanc au loin qui s'étalait jusqu'aux cieux.

Pourquoi avait-il la sensation étrange d'avoir déjà vu ce monument ?

Le trajet se poursuivit dans un silence imperturbable, comblé par les chansons électro qui passaient l'une après l'autre et la jambe tressautante de Jungkook qui martelait le sol tel un marteau piqueur. Après quelques minutes de ralentissement à cause du trafic puis de feux rouges, le décor campagnard se transforma en dominos de bâtisses singulières, construites dans le style des années vingt, puis en façades de style gothique. Le sol goudronné se creusa en pavés puis un son assourdissant parvint jusqu'à leur voiture. Des boums boums intempestifs dont le volume sonore ne faisait qu'augmenter à mesure qu'ils avançaient. Un capharnaüm monstrueux, tellement que la terre pourrait s'affaisser à n'importe quel moment. Jeongguk pouvait sentir l'intérieur de l'auto vibrer alors qu'ils se rapprochaient de la destination inconnue. D'autres véhicules, une étendue de voitures même, étaient garées comme si un événement important avait lieu au même moment.

— Bapt', qu'est-ce qu'on fout là... ?

Jeongguk eut à peine le temps de poser cette question que son regard reconnut un étendard qui le liquéfia sur son siège. Il cessa de respirer à la vue de ce coucher de soleil illuminé par des néons bleus et orange alors que la voiture se garait doucement. Son cœur se mit à battre vite, trop vite, ses muscles se crispèrent progressivement alors que de vieux et douloureux souvenirs percèrent la surface. Sa nervosité était telle qu'il se coinça l'intérieur des joues et les mordit avec violence, comme si cet acte barbare le bâillonnerait. Il relut encore et encore les six lettres qui composait le nom de l'enseigne, croyant devenir fou. L'arrêt du moteur lui confirma qu'il n'était pas du tout en train de divaguer ou que son cerveau fatigué lui jouait de mauvais tours. Maintenant qu'il l'avait vu, il ne parvenait plus à détourner le regard de ce lieu maudit que sa mémoire avait enfoui. Tout lui revint en mémoire et les souvenirs se déroulèrent telle une bobine de film, alors qu'il continuait de fixer ce coucher de soleil qu'il savait loin d'être aussi paisible qu'il le laissait supposer.

L'affreuse odeur de marijuana qui lui avait donné l'envie de vomir ce soir-là. Les lumières rouge et bleu nuit qui enveloppaient les gens présents. Toutes ces personnes qui s'amusaient alors que tout entre les murs de ce taudis criait « Tous les interdits sont permis ». Ce moment où il l'avait délaissé au beau milieu de ces inconnus...

Tu es à moi.

Puis cette crise qu'il avait pu lire dans ses yeux devenus des trous sans fond, à l'abri des regards. Ces mots venimeux lui étant adressés, presque crachés à la figure.

Tu me l'as juré droit dans les yeux, Jeongguk.

La violence. Dans ses paroles. Dans ses gestes. Face au miroir dans les toilettes de cette discothèque de merde dont il conservait désormais un très mauvais souvenir. La douleur. Physique et psychologique...

Je ne vois qu'une salope infâme qui trémousse son cul contre le premier venu.

En lui. Sur lui. Dans son cœur. Dans son âme. Partout. Intense. Extrême. Trop. Beaucoup trop.

Jeongguk passa une main tremblante sur son front comme s'il revivait cette situation dangereuse avec Taehyung, tout en se raidissant un peu plus contre le siège et la respiration hachée. Comme s'il pouvait de nouveau sentir la blessure que lui avait infligée le châtain cette nuit-là alors que ce dernier avait tenté... De lui faire mal ?

Ton existence prend fin, si je pars. Tu en as conscience, pas vrai ?

De le supprimer, peut-être ?

Va-t'en. Sors de mon crâne !

    Tandis que la voix grave et menaçante de son ancien amant le dominait, le replongeait dans cet état de peur viscérale qui ne faisait que s'aggraver en même temps que les traumatismes affluaient... Jeongguk sentit un toucher abrupt sur son bras, qui non seulement manqua de le faire succomber d'une attaque cardiaque, mais qui en plus le fit lâcher un cri perçant. Ses iris jade se braquèrent illico vers l'origine de ce contact soudain. Baptistin arborait une expression nerveuse.

    — Chou, ça va ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

    Gguk l'analysa quelques secondes sans rien répondre en retour, l'esprit en ébullition et blindé d'arrière-pensées à son encontre. Cette terreur qui le secouait, le saisissait de toute part, se mua en colère latente.

« Les lèvres fausses sont en horreur à l'Éternel mais ceux qui agissent avec vérité lui sont agréables ».

— Gguk ?

— Pourquoi tu m'as amené ici... ?

    Son sang se mit à bouillir, les larmes montaient doucement à ses yeux.

Comme notre Seigneur, s'il y a bien une chose que je déteste...

— Hein ?

— Pourquoi ne nous as-tu pas emmené au Network, comme convenu ?!

— J'ai pensé que ce serait plus amusant de venir au Sunset, on sera plus tranquille et–, tenta de se justifier le plus jeune.

— Amusant, tu dis ?!

    Effaré, Jeongguk le regarda avec un mélange d'incompréhension et d'exaspération. Sa peine ne fit que se renforcer de seconde en seconde. Il se redressa d'un coup et darda ses pupilles dans celles du rouquin. Puis il explosa, une perle salée roulant le long de l'une de ses joues.

Ce sont les menteurs.

    — Tu m'as menti, Baptistin ! Tu te fous de moi ! gronda-t-il. Ça te coutait quoi de me prévenir, bordel ?! Pourquoi on est là, c'est quoi ce plan foireux de dernière minute ?! Tu–

    Subitement, le blond se tut et se remit correctement dans le siège, son attention déviée vers le décor extérieur. Sa jambe poursuivait son martèlement endiablé, son menton reposant contre sa paume. Toute sa sérénité s'était envolée. Ses émotions se confondaient entre elles, il ne savait plus du tout où se donner de la tête entre son mal-être plus qu'apparent envers ce nightclub de malheur et l'éventualité qu'il ait ruiné cette soirée qui n'avait laissé augurer que du bon au départ.

    — Okay, tu es énervé, très bien. Mais est-ce que je peux au moins en connaître la raison ?

    Le temps d'un instant, Jeongguk hésita. Il ferma les paupières, attendant que la tempête passe et qu'il ait les idées plus claires.

    — Jeongguk, s'il-te-plaît, implora le roux. M'ignore pas.

    Lentement, l'ancien ébène se positionna de nouveau face au pare-brise sans accorder la moindre œillade à son ami. Toute sa concentration se dirigea sur ses doigts qu'il tritura dans l'espoir que sa montée d'angoisse se tasse pour la nuit. Il devait lui expliquer. Baptistin méritait de connaître ça, après tout ce temps passé à ses côtés et à supporter ses humeurs changeantes.

Un soupir las plus tard de sa part, il se lança le cœur lourd.

    — Ça s'est passé peu de temps avant qu'on ne se sépare, lui et moi... On est venu ici car il devait aller voir un ami et les choses ont dérapé, ce soir-là...

    Si seulement, il n'y avait eu que ce soir-là.

    — Taehyung se montrait possessif parfois et ce soir-là, il a complètement déraillé. J'étais apeuré. Mais l'effroi que je ressentais envers lui, il n'en avait rien à faire. Ça le faisait jubiler et il en redemandait. C'était bizarre, comme s'il était en transe... J'ai encaissé le choc. Quand il a repris ses esprits, il a paniqué et s'est excusé un nombre incalculable de fois pour ce qu'il m'a fait... Comme cette précédente fois. Puis la suivante.

    Celle de trop, qui a failli me faire passer de l'Autre Côté.

    — C'est-à-dire ?

    Baptistin ne le quittait pas des yeux et paraissait impliqué dans ce qu'il racontait. Gguk voulait préciser cela, conter les deux autres expériences traumatisantes qu'il avait vécu avec celui qu'il aimait plus que de raison et qui avait fini p    ar disloquer quelque chose en lui. Les mots étaient là, sur le bout de la langue, n'attendant que d'être prononcés. Sauf qu'ils ne sortirent pas. Jeongguk les ravala, incapable de les dire à haute voix. Ces deux épisodes étaient encore trop vifs et douloureux à confesser.

    — Je suis désolé... murmura-t-il tout en reniflant. C'est encore trop pour en parler de vive voix.

     Sa vue s'embrouilla davantage de perles salées, qu'il essaya de chasser du revers de sa main plâtrée.

    — Je viens probablement de ruiner ce date, pardonne-moi.

    En plus de ruiner mon make-up. Génial... T'as tout gagné, Jeongguk.

    — T'as rien gâché du tout.

    Gguk contempla son cadet, qui avait revêtu un infime sourire.

    — Si ! renchérit-il. Ça devait être une soirée chill et au lieu de ça, je suis là à chialer comme un enfant ! Tu dois en avoir marre de moi, je sais pas comment tu fais pour...

    Un index posé sur ses lèvres le coupa net et mit sur arrêt le flux de pensées qui traversait son cerveau à toute allure.

    — Arrête de dire des conneries. Je comprends mieux pourquoi t'es furieux. Après... Ce n'est pas parce que ta dernière venue au Sunset s'est mal passée avec ton ex, que ça va de nouveau dégénérer ce soir. Si j'ai voulu t'emmener ici, c'est simplement parce que je juge cet endroit meilleur que le Network. L'ambiance est originale, y'a de la bonne musique et des boissons succulentes, on est plus libres... On peut faire tout ce qu'on veut. Les règles, c'est qu'il y en a pas justement. On passera un chouette moment ensemble, je te le promets.

    Jeongguk ressentait l'envie de répliquer. De lui demander s'il avait conscience de la dangerosité de cet endroit. Sauf qu'il n'en eut pas l'occasion. Le doigt de son cadet s'égara sur sa joue, qu'il effleura du bout de son ongle. Des frisottis parsemèrent aussitôt son épiderme à ce contact léger. Jeongguk ignorait si ce geste était voulu de la part du rouquin ou non, mais il pouvait attester que cela ne l'avait pas laissé indifférent. Ce même index alla s'enrouler avec délicatesse autour de l'une de ses mèches blondes. Baptistin joua avec tandis que son sourire s'élargissait, une fossette apparaissant au coin de ses lèvres.

— Et puis... reprit le rouquin, une octave plus bas. Tu as dit que tu me faisais confiance. On s'entend si bien, ça serait dommage qu'on se fâche pour une histoire de boîte de nuit. Tu ne penses pas ?

Vu comme ça, il n'avait pas tort. Ce serait bête de mettre un terme à leur amitié pour si peu. Jeongguk avait besoin de ce lien créé pour le détourner de ses songes noirs comme de l'encre, pour lui faire oublier un certain beau châtain dont le visage allait et venait hanter ses rêves quand Morphée le berçait. Il devait se projeter dans l'avenir et non marcher à reculons. Accorder sa confiance à Baptistin était nécessaire pour aller de l'avant et croire à nouveau en cette chose inconstante qu'est l'amour.

— Je suis d'accord avec toi. Ça serait très idiot, surtout pour ça. Y'a pire dans la vie.

— Exactement.

— Désolé encore pour ma crise.

Un ange passa où ils se regardèrent dans le blanc des yeux, le brouhaha de fond comblant le silence soudain dans le véhicule. Baptistin replaça la mèche blonde avec laquelle il s'amusait derrière l'oreille de Jeongguk, dans un geste presque langoureux qui affola le palpitant de ce dernier.

Encore cette proximité déconcertante.

— Je te mettrai jamais dans une situation inconfortable comme l'a fait ton ex, promit le roux tout en caressant les cheveux du plus âgé. Tu le sais bien, Gguk. Je tiens trop à toi pour te faire une saloperie pareille. Je connais bien le Sunset et j'ai jamais eu d'emmerdes là-bas jusqu'à présent. Si tu tiens à moi, que tu as confiance en moi et que tu veux avancer : viens avec moi à l'intérieur.

— Bapt', je sais pas...

— Allez, chou... Je te jure que tu le regretteras pas. Je serai triste, si tu viens pas.

Comment lutter face à une bouille aussi attendrissante qui vous fait les yeux doux, en plus de dire tout ce que vous souhaitez entendre ?

Jeongguk n'en menait pas large. Que répondre ? Que faire ? Quelle décision prendre ? Puis il repensa aux dires de Jimin plus tôt dans la journée, à tout ce bourbier dans lequel sa relation avec Taehyung l'avait entraîné. Le choix était vite fait. Il prit une grande inspiration.

— Okay, je viens avec toi, répondit-il avec un léger sourire. Mais si vraiment je me sens mal à l'intérieur, je sors.

— Compris.

Ils s'échangèrent un sourire puis s'étreignirent longuement.

— Merci d'être aussi compréhensif avec moi.

— C'est moi qui te remercie de t'ouvrir un peu plus à moi chaque jour. C'est important pour moi.

Ils s'éloignèrent l'un de l'autre puis d'un commun accord, ils sortirent de la voiture et marchèrent vers le Sunset. Avant de franchir le seuil des portes vitrées, Jeongguk prit une grande bouffée d'air frais. Comme s'il s'apprêtait à entrer en apnée, à plonger en eaux troubles. Là où il n'a plus pied. Puis ils entrèrent ensemble, ses inquiétudes vis-à-vis du lieu mis désormais mis en sourdine.

Le boucan d'enfer les accueillit à bras ouverts, le sol et les murs réunis tremblaient sous leurs pas à mesure qu'ils s'avançaient. Comme la première fois où il était venu ici en compagnie de Taehyung, il y avait énormément de monde présent. Certains dansaient à en perdre haleine sur ces tubes aux sonorités étranges qui défilaient, qui donnaient l'impression de nager en plein délirium. D'autres s'attelaient au bar et enchaînaient les verres alcoolisés. Puis il y avait ceux qui se défonçaient à même le comptoir d'une traînée de neige, scène que Jeongguk ne rata pas et dont il détourna vite les yeux, heurté par ce qu'il venait d'assister.

Encore ces senteurs qui se mélangeaient jusqu'à se confondre et émaner une odeur nouvelle, acre, plus proche de la pestilence que de la fragrance ; qui effleuraient ses narines sensibles. Il éprouva un haut-le-cœur immédiat et couvrit vite son nez à l'aide de la manche de son pull, dans l'espoir que le relent n'entre pas, qu'elle s'estompe. Comment les gens faisaient pour supporter une odeur pareille ? C'était un réel mystère pour l'ancien ébène. Il jeta un regard de biais vers son ami pour s'assurer qu'il n'était pas le seul à haïr cette senteur nauséabonde. Baptistin n'affichait aucun dégoût apparent, à croire qu'il y était habitué lui aussi. Tout comme l'employé de cantine.

Curieux.

Ils s'enfoncèrent un peu plus dans la tanière aux multiples interdits, sous les stroboscopes qui coloraient l'espace de vert et de rouge. Gguk ne manqua pas ces jeunes femmes et hommes qui se trémoussaient avec sensualité sur des estrades, habillés de cuir pour les uns, vêtues de dentelle pour les autres, le tout sur des talons vertigineux alors qu'un mix électro passait. Encore une fois, peu importe où Jeongguk posait ses yeux, ces derniers étaient souillés par les nombreuses scènes de débauche qui l'entouraient. Cet endroit empestait l'illégalité et le vice.

Après avoir slalomé entre des consommateurs éméchés et des couples qui s'aspiraient leur souffle de vie mutuellement, les deux amis arrivèrent à une table haute comportant un photophore posé dessus et deux tabourets, non loin du bar.

— On sera plus tranquilles là, indiqua le plus jeune d'entre eux.

Alors qu'ils s'asseyaient, Jeongguk osa jeter un œil à l'étage juste au-dessus d'eux. Étage qu'il n'avait pas remarqué lors de sa précédente venue, qu'il avait aperçu seulement lorsque Tae l'avait attiré dans les WC à quelques minutes du drame. Il l'observa quelques secondes, admirant au passage les moulures apparentes sur les murs qu'il trouvait fort jolies... Puis vit ces groupes de gens aller et venir par d'immenses portes en bois. Par deux, par trois, plus de trois. Jeongguk connaissait l'existence de ses pièces maintenant et savait à quoi elles servaient grâce à Jimin. Il s'attarda une nouvelle fois sur Baptistin, l'air songeur.

— Tu es au courant de tout ce qui se passe au Sunset ?

Baptistin ricana puis arqua un sourcil.

— Qui n'est pas au courant, sérieux ? persifla-t-il.

— Je ne l'étais pas avant que Tae m'emmène ici.

— C'est un endroit hyper connu dans la région et les gens viennent exprès pour son laxisme et son côté sans limite.

... What ?!

— C'est si fréquenté que ça ?! demanda Jeongguk, les yeux grands ouverts, ahuri.

— Faut sortir de ta cambrousse, mon chou.

Gguk lorgna son vis-à-vis, dubitatif face à cette information.

— Mais... Si c'est si célèbre que ça... Les autorités font quoi ?

Baptistin le regarda avec indifférence avant de hausser les épaules. Le risque que représentait le Sunset ne paraissait pas le déranger plus que ça. Il s'en fichait même clairement, ce qui le fit tiquer du nez.

— Ça ne t'alarme pas plus que ça ? Ce n'est absolument pas normal qu'il y ait des fêtes clandestines organisées alors que le bâtiment est censé être fermé depuis des plombes.

— Jeongguk, on est venu pour passer un bon moment ensemble ou jouer à Colombo ? râla le rouquin. Ça sert à rien d'te casser la tête pour ça. Si le Sunset est encore debout, c'est parce que les keufs ont abandonné depuis bien longtemps l'affaire.

— Comment tu sais ça, toi ?

— Parce que j'le sais, c'est tout.

Jeongguk se renfonça dans le fond de son tabouret, loin d'être satisfait par les réponses de son ami et surpris par le ton hostile qui imprégnait sa voix.

— « Illégalité » ne rime pas avec « mauvaise expérience », tu sais. J'te le dis, j'ai jamais eu d'embrouilles depuis que je vais là.

Ça dépend pour qui et tu le sais très bien, maintenant.

Jeongguk ne le dit pas à haute voix mais le pensait ardemment. Il roula des yeux à sa remarque. Parler avec lui de cet endroit revenait à faire la conversation à un mur. Quoi qu'il dirait, il serait perdant. Cela ne servait à rien de gaspiller sa salive sur le sujet.

— Tu veux boire quoi ? interrogea le plus jeune, comme pour passer à autre chose. C'est moi qui offre.

— Une bière rouge, s'ils en ont.

— Ils sont bien rodés, ils en ont certainement. Je vais chercher ça au comptoir, j'arrive.

Un hochement de tête de la part du plus vieux et le plus jeune s'en alla, laissant seul ce dernier. Jeongguk balaya l'espace tout autour de lui avant de s'attarder à nouveau sur l'étage et ses portes. Il repensa alors aux propos de son meilleur ami, encore confus par ces derniers mêmes des semaines après. Qui aurait pu croire que cette boîte de nuit clandestine possédait des donjons ? Est-ce que quelqu'un les surveillait pour veiller à la sécurité des consommateurs ? Jeongguk avait envie de croire cela, mais au vu du chaos qui régnait au rez-de-chaussé, il se dit que l'anarchie est le seul maître mot entre ses murs vétustes.

Le claquement d'un gobelet rigide le ramena sur terre. Baptistin était de retour avec deux verres à la main.

— C'est une Mort Subite dans ton verre, ça te va ?

— C'est super, merci ! remercia Gguk. Tu t'es pris quoi, toi ?

— Une Grimbergern.

— Trop amère pour moi.

— Sérieux ?

— Je ne suis pas fan des bières blondes, Bapt'.

— Du tout ?

Jeongguk répondit par la négative en secouant la tête de gauche à droite.

— Je préfère les boissons plus relevées et sucrées.

— Je retiens, promit le plus jeune.

Doucement, ils trinquèrent et burent une première gorgée chacun. Ils entamèrent la conversation et durent hausser la voix de temps à autre pour être entendus, tant la musique était forte. Ils parlèrent de tout et de rien, Gguk évoqua ses révisions et son état d'esprit vis-à-vis des rattrapages qui approchaient à grands pas. Il était plutôt confiant sur l'ensemble des matières qu'il devait rattraper et ses révisions avec Seokjin l'aidaient beaucoup à mieux mémoriser les points essentiels de ses cours. Baptistin l'écouta et le soutint, le convainquant qu'il allait y arriver le jour des examens. Quant au roux, lui était dans le flou en ce qui concernait ses études. Ces dernières ne lui plaisaient pas tant que ça finalement et il ne savait pas vraiment vers quoi se tourner.

— Pose-toi les bonnes questions, conseilla Jeongguk. Fais-toi une liste de ce que tu aimes, tes passions et parmi celles-ci peut-être que tu trouveras un domaine d'études qui te conviendra. 

— J'sais pas si c'est vraiment fait pour moi, les hautes études... J'm'ennuie et j'en ai marre d'être cloué sur une chaise toute la journée, j'ai besoin de bouger.

Jeongguk esquissa un mince sourire. Ces mots-là, il les avait déjà entendus quelque part et ils venaient d'une personne qu'il connaissait très bien.

— Mon meilleur ami était comme toi, au collège et au lycée. Il détestait l'école, se forçait à venir en classe et ramenait le minimum de bonnes notes en classe auprès de ses parents. Il se faisait tout le temps remarquer par les profs et finissait très souvent avec un mot dans le carnet ou une observation.

— Il fait quoi maintenant ?

— Ce qu'il aime le plus : danser.

— Cool pour lui.

Il eut un court instant où ils ne dirent rien, où le silence fut comblé par les beats furieux qui secouaient l'édifice. C'est alors que Jeongguk remarqua que Baptistin lorgnait intensément son torse. Se demandant qu'est-ce qu'il pouvait bien regarder comme ça, il regarde à son tour  en vitesse sa poitrine sans trop comprendre le souci.

— Qu'est-ce qu'il y a ? finit-il par demander. J'ai une tache sur mon pull ?

— Depuis que je te connais, je te vois toujours porter ce pendentif. Tu l'as eu où ?

Instinctivement, l'une des mains de Gguk alla jouer avec ce précieux bijou, qu'il tritura entre ses doigts. Un présent inestimable venant du beau châtain, offert sans occasion particulière le soir de l'anniversaire de celui-ci et dont il était incapable de se débarrasser. Il avait essayé une ou deux fois de le jeter dans sa poubelle chez lui. Sans succès. Une peur viscérale l'avait envahi lors de cette double tentative, sans qu'il ne parvienne à identifier sa cause. En suspendant le collier par-dessus le contenant à ordures, il avait ressenti l'impression bizarre qu'il provoquerait la fin du monde s'il venait à le laisser chuter dedans. Ou plus exactement, la détonation de son monde. Depuis, l'étudiant n'avait plus cherché à réessayer.  

— C'est un cadeau de mon ex-copain, se contenta-t-il de répondre.

Baptistin arqua un sourcil inquisiteur.

— Et tu continues de le porter alors que vous êtes plus ensemble ? Tu trouves pas ça   chelou ? À moins que t'aies encore des sentiments pour lui.

Pourquoi fallait-il toujours remettre sur le tapis les sujets qui fâchent ?

Jeongguk inspecta quelques secondes son ami puis dit calmement :

— Tu ne sais rien de ce que nous avions traversé, lui et moi.

— Ton mec était violent, chou. Tu me l'as sous-entendu avant qu'on entre ici et tu m'as bien dit, qu'au final, c'était pas l'homme parfait dont tu rêvais. 

— J'en ai conscience. Mais je répète, tu ne sais rien de son passif ni du mien.

— Ah ouais ? Qu'est-ce qui l'excuse ? Il a fait quoi pour que tu le pardonnes à tout va ?

Ce ton acerbe, bourré de médisance... Le visage de Jeongguk se contracta. La tournure que prenait cette conversation ne lui plaisait pas du tout. Le comportement de Baptistin ce soir-là était absolument détestable, rien à voir avec les précédents moments passés ensemble. Qu'est-ce qu'il lui arrivait, bon sang ?

— Je ne lui ai rien pardonné. Les problèmes de Taehyung ne sont pas tes oignons, Baptistin.

— Ça me regarde, si je veux ! Dis-le tout de suite si t'as encore le béguin après ce connard, au lieu de faire perdre mon temps ! cracha alors le rouquin avec agressivité.

— Et toi, rentre-toi bien dans le crâne que t'es pas mon mec et que t'es personne pour juger ce que je fais. Reste à ta place, mon coco.

C'était parti tout seul sans prévenir et Jeongguk ne regrettait pas le moindre mot prononcé. Son cadet semblait  devexé par ses propos au vu de la tête affreuse qu'il tirait, mais ça ne bouscula pas plus que ça sa conscience. D'une traite, le plus vieux but cul sec le restant de sa bière rouge avant de la claquer un peu plus fort qu'il ne l'aurait voulu sur la table puis déclara :

— Excuse-moi mais j'ai besoin de prendre l'air.

Puis il descendit du tabouret et s'aventura dans la foule à la recherche des toilettes. Il avança à l'aveuglette et tenta de se repérer dans l'espace du mieux qu'il pouvait avec son sens de l'orientation discutable. Après quelques minutes à ressentir la sensation de faire du surplace, à manquer de rentrer accidentellement dans des gens et à pester dans ses pensées sur lui-même et les personnes l'entourant, Jeongguk finit par atteindre sa destination sain et sauf. Dès son entrée à l'intérieur, le jeune homme constata que rien n'avait trop changé depuis ce soir-là.

L'insalubrité se lisait des murs jusqu'au plafond, on pouvait apercevoir des traces de moisissures ici et là et les néons industriels au-dessus de sa tête clignotaient une fois sur deux ; plongeant tantôt la pièce dans le noir total, tantôt enflammant celle-ci d'une lumière blafarde en quelques secondes. Sans parler du carrelage brisé qui recouvrait le sol. Jeongguk s'enferma dans un des cabinets et s'assit sur les toilettes après avoir refermé le couvercle. Il avait besoin de calme pour faire partir cette colère qui lui tordait le bide et se remettre les idées en place.

Ce rendez-vous était du grand n'importe quoi. Entre les reproches qu'il lui faisait et ce détour imprévu au Sunset, Baptistin montrait un tout autre aspect de sa personnalité. Qu'est-ce que c'était que ses piques qu'il lui balançait ? Était-ce de la jalousie ? Baptistin lui avait fait comprendre à moult reprises qu'il lui plaisait par différentes manières, parfois maladroites. Mais il n'avait encore jamais insulté Taehyung et ne lui avait pas piqué de ce genre de crise. Y avait-il autre chose que camouflaient ses remarques acidulées ? Est-ce qu'il se montait la tête pour rien ? Jeongguk soupira longuement. Une vibration provenant de la poche avant de son pantalon le coupa dans sa réflexion. Il attrapa son téléphone dans sa poche et examina rapidement les notifications reçues. Un message de Jimin.

Chimchim 💛

23h45 >> Alors, ce date nocturne ? Ça donne quoi ?

    Jeongguk verrouilla son portable avant de regarder la porte en face de lui et de souffler une nouvelle fois. Il se trouvait dans un endroit qui ne lui inspirait pas le beau souvenir, qui empestait des odeurs qu'il ne préférait pas identifier avec un mec qui a des sautes d'humeur aussi inattendues que les siennes. Et dire qu'il y a encore peu de temps, il avait cru voir en ce dernier un sauveur, son salut, la véritable relation qu'il lui fallait... Sacrée connerie ! Que faire ? L'envie de déguerpir d'ici lui démangeait, lui refilait des fourmis dans les jambes. Pourtant, Gguk n'aimait pas poser des lapins aux autres. Ce n'était pas comme ça qu'il avait été éduqué. Devait-il attendre la fin de leur rendez-vous pour lui dire que ça ne fonctionnerait pas entre eux ? Le lui avouer maintenant ? Attendre les prochains jours et voir comment évoluerait leur amitié ? Seigneur, qu'est-ce qu'il haïssait devoir prendre des décisions et sentir le poids de ses actes reposé sur ses épaules.

    Il se gifla plusieurs fois le haut de son crâne avec son iPhone avant de se tenir la tête entre les mains et de ruminer encore, seul, dans ce cabinet étroit et poussiéreux.

    Cervelle de merde !

    Jeongguk quitta les toilettes au bout d'un quart d'heure avant de revenir sur ses pas. Il emprunta une trajectoire similaire à celle empruntée quelques minutes plus tôt pour se rendre aux WC et se couper du monde le temps de quelques minutes. Il évita de marcher sur les pieds de certains ou d'entrer en collision avec d'autres et finit par retrouver son point de départ, sa décision toute prise. Baptistin était toujours assis à la même place et le contemplait avec cet air contrit, cette même expression qu'il arborait chaque fois qu'il se rendait compte de ses erreurs.

    — Pardonne-moi de m'être emporté tout à l'heure, j'aurais pas dû.

    — Passons pour cette fois, répondit Jeongguk tout en se réinstallant sur son tabouret.

    Un dernier faux pas de ta part et c'est next.

    — T'avais raison, j'ai pas le droit de critiquer ton ancienne relation amoureuse. J'y étais pas, je peux pas savoir ni comprendre ce qui s'est passé entre vous, mais c'était plus fort que moi. Je le ferai plus, promis juré.

    Jeongguk remarqua alors un verre plein, qui n'était pas présent avant de partir, posé près de lui. Une planche à découper sertie de tranches de saucisson sec était disposée au milieu de la table. Jeongguk disséqua du regard ces nouveautés sans trop comprendre le pourquoi du comment avant de reporter son regard sur ce verre coloré différentes nuances de orange, contenant des glaçons et décoré d'un morceau d'ananas et de feuilles de menthe sur ses contours. Ce verre était étrangement beau, dégageait des ondes estivales et donnait l'envie à Jeongguk de le déguster, tant il avait l'air appétissant. Et riche en sucre.

    — Pour m'excuser d'avoir été con avec toi. Je t'ai pris un cocktail Mai Thai. Comme t'aimes les boissons sucrées, je me suis dit que t'aimerais peut-être celui-ci.

    — C'est fait à base de quoi ? interrogea Jeongguk, captivé par la couleur du liquide.

    — De rhum, de jus de citron vert et de sirop d'orgeat ou un truc du genre. Goûte-le, vas-y.

     Jeongguk s'empara de ce cocktail coloré et huma d'abord son odeur. Le liquide sentait bon, très bon même. Quelques secondes passèrent où Gguk hésita sans trop savoir pourquoi, tout en contemplant avec appréhension le contenu. Et s'il tombait malade après l'avoir avalé ? Et si le goût n'était pas si terrible que ça ? Pourtant, son aspect donnait vachement envie et rendait le tout fort alléchant. Il jeta un regard en direction de Baptistin en quête de consolation, qui la hocha vivement comme pour l'encourager à boire. Rassuré, l'étudiant but une première gorgée. Et la magie opéra. De nouvelles saveurs explosèrent sur ses papilles. C'était frais, rafraîchissant, incroyablement bon. Ses yeux s'agrandirent à ce « boom gustatif  » qui répandait ses cendres sur sa langue. Émerveillé. Jeongguk était juste émerveillé par cette découverte alimentaire qui le ravivait. Baptistin venait de marquer un point grâce à cette offrande délicieuse et ne put contenir son sourire ravageur à la réaction de son aîné et se détendre.

    — C'est beaucoup trop bon, wow ! s'esclaffa alors Jeongguk après avoir avalé sa première gorgée.

    — J'savais que ça te plairait.

    — Merci pour cette découverte incroyable, vraiment.

    — C'est moi qui te remercie pour ta patience légendaire, chou.

    La soirée se poursuivit en parfaite tranquillité. Les deux hommes continuèrent de discuter autour de leurs verres, de rire aux éclats ; toute hostilité s'était envolée. Plus la nuit avançait et plus l'euphorie semblait gagner du terrain chez Jeongguk, difficilement contenable. Il pouvait même sentir son corps chauffer, ses joues bouillir et il ne savait dire s'il s'agissait de l'alcool ingéré, de la tenue qu'il portait ou des œillades attentionnées de son vis-à-vis qui l'émoustillaient. Malgré la chaleur ressentie, il baignait en pleine béatitude. Le stress des partiels s'était dissout, Taehyung ne rodait plus dans son esprit ; il n'y avait plus rien à part cette joie immense et cette fièvre réunies qui le bouffaient vivant. Ce mélange, bien trop fort pour lui, conduisit lui-même et Baptistin sur le dancefloor, parmi tous ces oiseaux de nuit venus danser jusqu'à l'épuisement, flirter, oublier le temps de quelques heures leur tracas du quotidien ; laisser leur « ça » prendre le pas sur leur             « surmoi » pour mieux altérer leur « moi ».

Ils se mirent tous deux à danser, à chavirer parmi ses inconnus sur les sons électro qui grondaient à travers les énormes basses du lieu, sous cette fusion de lumières bleu nuit, de vert et de jaune, dans un collé serré que jamais encore Jeongguk n'avait osé lorsqu'il était encore en couple avec Taehyung. Il se déhanchait avec ivresse, avec cette sensualité qui lui était propre et qui ne se manifestait que lorsqu'il était éméché ; danse renversante qui subjugua le rouquin, roulements de hanches qui l'enthousiasmèrent au plus haut point. Cette étincelle qu'il lisait dans les prunelles émeraudes chez ce dernier stimula son amour-propre, son ego qui a été maintes fois écrasé et qui n'avait trouvé de valeurs qu'à travers les pupilles perçantes de l'employé de cantine.

Malgré cet instant merveilleux et plein d'allégresse, son cerveau saoule projeta une tout autre vision. Une réalité alternative où une valse sensuelle aurait pu être faisable avec son beau châtain. Les cheveux blond vénitien de son cadet s'assombrirent, ses iris s'obscurcirent tout comme son derme et ses mains calleuses devinrent aussi douces que du coton... Et ce sourire. Ce beau et unique sourire rectangulaire qui avait fait battre son cœur à mille à l'heure, qui l'avait fait fondre et tomber un peu plus d'adoration pour lui en ces rares fois où il apparaissait. Danser avec Taehyung, il aurait tant aimé pouvoir le faire. Mettre en pratique les pas appris en cours de danse plus jeune avec lui, les lui montrer et l'initier simplement pour se divertir et les rapprocher un peu plus ; il en avait rêvé des tas et des tas de fois sans jamais trouvé le moment propice pour le réaliser. Songer, fantasmer sur quelqu'un d'autre pendant un rendez-vous galant, c'était mal. Très mal, même. Néanmoins, Jeongguk ne pouvait s'abstenir d'esquisser par son imagination débordante, par ce manque cuisant qui le terrassait et l'épuisait un peu plus chaque jour, un univers parallèle où leur relation suivrait son cours. Il capitula face à cette tentation et se donna la permission de pécher pendant un temps éphémère dans ses pensées...

Sauf que cette rêverie fut de courte durée. En un clignement d'yeux, le sourire étincelant du spectre de Tae s'était fané, remplacé par une expression plus sérieuse. Plus... Soucieuse ? Tracassée ?

Jeongguk revint brutalement à la réalité sous les stroboscopes multicolores qui s'agitaient, sous l'afflux de gens qui continuaient de se trémousser comme des fous ; complètement désorienté. L'adrénaline qui le consumait plus tôt s'était transformée en étourdissement, son excès de confiance soudain avait déserté son être. Se retrouver dans un espace aussi bondé avec tant d'agitation qui secouait l'espace, avec de la musique qui tambourinait beaucoup trop fort pour ses oreilles lui donnait la nausée. Sa tête tournait, sa vue se troublait et son corps paraissait lourd subitement tandis que Baptistin lui murmurait des choses qu'il percevait à peine, en plus de cette haleine suintant la bière qui s'échouait sur le bas de son visage qui ne faisait que renforcer son haut-le-cœur. C'était une sensation inédite, inhabituelle et étrange à la fois, qui le plongea dans un état de confusion affolant. Ses palpitations frénétiques dans sa poitrine en étaient la preuve irréfutable.

— Bapt', je– je ne me sens pas bien... bredouilla Jeongguk, sentant ses paupières devenir difficiles à garder ouvertes.

— Tu te sentiras bien après, je t'assure.

— Non, ça ne va p–

D'un coup, Jeongguk s'écroula dans les bras de son ami tandis que la fête battait son plein autour d'eux et que les interdits se succédaient sans que cela ne gênait quiconque. Et Morphée l'accueillit chaleureusement, l'amenant au tendre Pays des Rêves, le faisant chuter dans ce gouffre sans fin qu'est l'inconscience.

Peut-être aurait-il dû refuser ce verre faussement aguicheur et prendre ses jambes à son coup dès qu'il en avait eu l'occasion... Peut-être n'aurait-il dû jamais accepter d'entrer à nouveau dans ces bas-fonds de l'humanité qu'est le Sunset... Peut-être aurait-il dû simplement couper court avec Baptistin pour se protéger.

_________

Note de l'auteure :

Coucou tout le monde ! Ca fait un bail, j'espère que vous vous portez toutes et tous bien et que tout se passe bien pour vous ! 🥰🩷

De mon côté, je bosse de nouveau le temps des fêtes de fin d'année chez mon ancien employeur. C'est très sportif en ce moment mais je tiens le rythme et fais des efforts pour me coucher plus tôt, histoire d'être en forme les jours suivants !

Je suis de retour avec ce petit (long) chapitre qui se concentre sur ce fameux rdv entre Jeongguk et Baptistin qui tourne au carnage complet. D'ailleurs, pardonnez-moi la longue attente entre chaque publication de chapitre. J'aime prendre mon temps pour produire quelque chose de satisfaisant et plaisant mais j'ai l'impression d'abuser à mettre autant de temps pour pondre un chapitre😭 J'espère que celui-ci vous aura plu et qu'il vous permettra de mieux comprendre quel genre de personne est Baptistin (ce n'est que le début, sachez-le).

Impressions ?

Votre avis sur Jeongguk ?

Sur Baptistin ?

Que pensez-vous de la conclusion sinistre de ce chapitre ?

Que pensez-vous qu'il va se passer ensuite ? Qu'en sera-t-il de Taehyung ?

J'espère de tout mon cœur que ce que je vous réserve pour la suite de ce tome vous plaira ! Je me suis également donnée comme objectif pour 2024 de publier en auto-édition le premier tome de Mania. J'espère réussir à atteindre cet objectif parce que j'en ai un peu marre de traîner et j'ai envie que ce projet se concrétise plus vite !

D'autres petits projets vont voir le jour sur ce compte. J'ai beaucoup trop hâte de voir vos réactions lorsqu'ils seront publiés 🥰

En attendant, je vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d'année. Prenez bien soin de vous et de vos preuves et couvrez-vous bien face au vagues de froid qui commencent à arriver. Gros bisous sur vos bouilles, à très vite ! ❤️

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro