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𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟎

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Conseil de l'auteure : pour être immergé dans l'atmosphère de ce chapitre, je vous recommande de le lire avec la chanson ajoutée juste au-dessus. On se retrouve en bas, as always ! Bonne et agréable lecture, mes petits ciriiciens ! ❤️

L'été approchait à grands pas, tout comme la célèbre Fête de la Musique que beaucoup attendaient avec grande impatience pour se prélasser, se déhancher jusqu'à ce que toute once de stress soit évacuée. Tous les éléments étaient là pour le déroulé d'un mois cent pour cent good vibes. Néanmoins, cette chère Mère Nature était toujours aussi capricieuse. Elle ne cessait d'alterner entre des nuits orageuses et lourdes et des journées ensoleillées accompagnées de vent frais. Il n'y avait pas de juste milieu, comme toujours ici. On passait d'un extrême à un autre, sans transition. Puis au beau milieu de ce bordel météorologique, il y avait Jeongguk qui attendait désespérément que ses propres ombres soient chassées par les éblouissants rayons de l'astre de feu.

La seconde semaine de juin venait tout juste de débuter. Rien n'avait trop bougé chez l'étudiant. Ses journées se résumaient à réviser jusqu'à s'en rendre malade chez lui, désespérer, se perdre dans ses pensées tout en contemplant le mur de sa chambre puis abandonner ses cours car la concentration n'y était pas. Pourtant, la volonté était présente. Gguk voulait vraiment valider son année car cette licence lui plaisait et pouvait l'aider à accéder au métier de ses rêves. Mais il avait beau fournir tous les efforts nécessaires afin d'être fin prêt pour les rattrapages, au bout d'un moment ceux-ci finissaient par se dissiper, remplacés par un sentiment de découragement assez problématique. Aller de l'avant, prétendre que la vie continuait semblait bien plus compliqué qu'il se l'était imaginé.

Jimin lui avait conseillé d'oublier Taehyung en apprenant à connaître ce Baptistin à plusieurs reprises. C'était ce qu'il avait essayé de faire au départ sauf qu'il avait eu l'impression de se forcer plus qu'il n'appréciait réellement ses échanges avec ce dernier. Cependant, l'étudiant voulait bien faire les choses. Il devait passer outre le manque ressenti à l'égard de Tae, commencer à jeter dans l'oubli chacun des souvenirs qu'ils avaient créés ensemble, retrouver son entièreté avant de se projeter avec un autre, chercher quelqu'un qui lui apporterait cette stabilité manquée aux côtés de l'employé de cantine. Alors il laissait ce jeune homme qu'il connaissait depuis peu prendre un peu plus de pas dans sa vie, en tant que simple connaissance pour le moment. Car Jeongguk ne désirait rien qui puisse avoir un quelconque lien avec l'amour. Le peu qu'il avait connu de cette chose aussi incroyable qu'épouvantable l'avait lessivé et coupé toute envie d'être de nouveau en couple. Ce concept qu'avait vendu toutes ces romances qu'il avait lu religieusement jusqu'à la dernière ligne, tous ces films qu'il avait vu et revu jusqu'à l'écoeurement : c'était des putains de conneries. Qu'on le laissait en paix, lui et ses maux, lui et son cœur brisé, lui et son mental égaré. Comme le disait si bien cette phrase célèbre : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Bon dieu, Lamartine avait tellement raison. Tae lui semblait si lointain, perdu quelque part dans les méandres de sa mémoire. Tout comme l'ancien lui qui, quant à lui, avait disparu à tout jamais.  

D'autant plus, que Gguk ne parvenait toujours pas à faire table rase de son histoire avec son aîné de sept ans. Le manque de sa personne persistait, de jour comme de nuit. Un rien pouvait lui faire penser à lui, à son sourire si particulier ou ses yeux perçants, sans compter toutes les traces de leur relation qu'il continuait de conserver précieusement dans son téléphone à moitié fonctionnel. Dès qu'il retournait voir leurs photos prises ensemble et lire ces conversations interminables par sms, c'était cette même nostalgie qui s'emparait de lui. Le regret palpitait toujours dans sa poitrine et son crâne était plein de « si seulement, j'avais pu... ». Avec des « si », on pourrait refaire le monde, le recréer selon la vision idéale que nous avons de celui-ci. Sauf que le sien était désormais néant et devait être rebâti à zéro. Il devait garder en tête que, malgré toutes belles choses que Taehyung avait pu lui apporter sur une très courte durée, il ne restait pas moins l'homme qui l'avait détruit de bien des façons : tantôt par la parole, tantôt par les gestes et que l'un d'eux avait failli lui coûter la vie un soir d'avril. Taehyung était cet amant interdit, si beau que Jeongguk venait à se demander parfois s'il ne se l'était pas imaginé, doux d'une main et piquant de l'autre et dont le toucher pouvait être fatal. Et c'était bel et bien le cas : Jeongguk était toujours vivant mais quelque chose s'était tarie en son sein depuis cette nuit-là. Rien n'était plus pareil et le soir, quand le sommeil venait enfin à lui, ses rêves prenaient diverses formes, ne le rendant que plus confus au moment du réveil lorsqu'il se souvenait de la plupart, ne rendant que plus difficile son deuil amoureux, composé d'instants heureux et de traumatismes tenaces. Il était compliqué de faire la part des choses dans tout ça, surtout quand votre relation, aussi courte fût-elle, démontrait une passion réelle et mutuelle qui prenait aux tripes.

Même s'il n'arrivait pas à concevoir comment serait son futur, il devait bien admettre que la présence de Baptistin apaisait un temps soit peu ses émois. De par leurs discussions virtuelles, ces fois où ils mangeaient ensemble à la cantine ou encore ces moments à la bibliothèque universitaire avec ses copains de licence d'Histoire et ce soir-là, Jeongguk était convié par ce jeune homme au Palais du Dragon, un restaurant asiatique à la devanture banale mais dont l'intérieur dépaysait. Gguk appréhendait un peu. C'était la première fois qu'ils allaient se voir hors cadre scolaire tous ensemble. Son nouvel acolyte faisait tout son possible pour qu'il se sente à l'aise, qu'il fasse petit à petit partie de sa bande d'amis mais il avait l'impression d'être un intrus parmi eux. D'être un élément faisant tache dans cette relation instaurée entre eux. Ils se connaissaient tous depuis longtemps tandis que lui s'immisçait lentement dans leur quotidien respectif, telle une mauvaise herbe entre deux dalles de béton. Quel accueil lui réserveraient-ils ? Est-ce qu'ils appréciaient vraiment sa compagnie ou le voyaient-ils comme une gêne ? Est-ce qu'il les embêtait réellement ? Gardaient-ils le silence par peur de le vexer ? Que c'était angoissant de sociabiliser avec de nouvelles personnes.

L'odeur savoureuse de soupe aux légumes pénétra ses narines alors qu'il franchissait la porte impériale du restaurant du talon de ses rangers, un autre son mélancolique dans les oreilles à faible volume. Son regard se perdit dans cette salle plongée dans une semi-pénombre, à la recherche de la table où se trouvait déjà son ami et ses acolytes. Les clients étaient déjà nombreux, savourant leurs mets et leurs boissons. Ses yeux longèrent les murs décorés de dragons imposants, s'attardèrent sur les nombreuses plantes édulcorant le lieu. Alors qu'il s'apprêtait à envoyer un sms à la personne concernée, une voix grave retentit au loin. Il leva la tête en direction de celle-ci et vit un blond vénitien lui faire signe de la main, son fidèle sourire charmeur aux lèvres, assis en compagnie de cinq autres individus de leur âge. Jeongguk rangea ses écouteurs et son téléphone puis fonça vers Baptistin. Lui et ses amis semblaient avoir choisi le fond de la salle pour plus tranquillité et ainsi ne pas déranger les autres consommateurs venus se désaltérer.

— Je t'ai gardé une place en attendant que tu arrives ! prévint le plus jeune des deux.

— Merci, c'est super sympa de ta part ! remercia le noir de jais.

— Yo, Jeongguk ! Ça roule ?

Chacun d'entre eux saluèrent chaleureusement ce dernier pendant qu'il s'installait confortablement sur sa chaise. Il leur rendit ses salutations d'un petit mouvement de la main accompagné d'un timide « salut tout le monde ». À sa droite, était assise une demoiselle qu'il n'avait jamais vue. Elle était très jolie et bien apprêtée. Une cascade obsidienne ruisselait jusqu'à sa poitrine, un trait d'eyeliner soulignait ses iris noisette et il n'y avait pas l'ombre d'une imperfection sur sa peau hâlée. Elle se tourna vers lui et déclara, un large sourire s'esquissant sur son visage :

— C'est donc toi, Jeongguk ?

— Lui-même.

Elle lui tendit la main fièrement, celle-ci agrémentée de bagues fines, et il la serra avant qu'ils ne la secouent en harmonie. Son toucher contre sa paume témoignait d'une grande douceur, semblable à de la soie.

— Asma. Je suis l'une des amies proches de Baptistin.

— Enchanté ! Je peux me permettre une remarque ?

La demoiselle acquiesça.

— Ton prénom est trop joli ! s'enthousiasma l'étudiant.

Elle le remercia de sa voix tendre, ses yeux se plissant à son compliment. Elle confia alors à Jeongguk que Baptistin, sur sa gauche, lui avait beaucoup parler de lui en bien et qu'elle était contente de pouvoir enfin poser un visage sur ce prénom qui embellissait les journées du nommé. Très vite, tous deux plongèrent dans la conversation animée du groupe. Un serveur arriva durant leur discussion afin de prendre commande de leurs boissons. Sans surprise, c'était boisson alcoolisée pour tous. Bière japonaise pour messieurs, cocktail garni et fruité pour madame. Ils trinquèrent en chœur et burent une première gorgée, une fois les liquides servis. Chacun partit se servir dans les bacs mis à disposition des clients pour composer leur plat, assiette à la main, sans couper court à leurs échanges. C'était buffet à volonté ce soir-là et il était hors de question de se priver face à tant d'aliments qui avaient l'air appétissants. Tout était là pour ravir les papilles, même les plus pointues : nems, ravioles à base de viande, beignets de calamar, ... Jeongguk ne savait pas où se donner de la tête face à toute cette nourriture alléchante, le ventre hurlant famine.

— Je suis content que tu sois finalement venu ce soir, déclara une voix qu'il reconnut, tout proche de son oreille.

Des bouclettes rousses entrèrent dans son champ de vision par la droite. Gguk jeta un regard de biais vers son interlocuteur plus jeune que lui d'un an qui lui souriait, de la bienveillance mêlée à une joie sincère à son égard flambant dans ses iris vert foncé.

— C'était pas gagné mais je me suis dit qu'être ici avec vous est bien mieux que de rester seul chez moi à trop penser.

Parce qu'en pensant encore et encore à lui dans le vide de mon lit, la froideur de mes couvertures pour seule compagnie, je crée ma propre tombe en me noyant dans des rêves auxquels je ne peux échapper.

— Je sais que tu traverses une passe pas cool, chou. J'ignore exactement quoi mais je vais faire en sorte que tes journées soient moins merdiques. C'est promis.

Baptistin lui adressa une tape amicale qu'il accueillit, touché par son geste et ce mignon surnom lui étant adressé. Mais est-ce que cela en valait la peine, au point où il en était ? Est-ce que ce jeune homme qu'il connaissait depuis seulement quelques semaines finirait comme Jimin ou sa mère : épuisé par ses émois intarissables ? Gguk n'avait pas besoin de ça en plus. Il ne voulait pas devenir l'énième fardeau de quelqu'un d'autre alors qu'il en était déjà un pour lui-même.

— Ça va aller, Baptistin. Je maîtrise, répondit-il tout en se servant.

Je n'ai aucun putain de contrôle sur ma situation actuelle.

— Mais merci quand même, j'apprécie ton geste.

— Si jamais tu sens que gérer tout ça seul te dépasse, tu sais qui appeler.

— C'est noté.

Un bruit tonitruant coupa court à la conversation. C'était un énorme gargouillement, comme s'il venait des entrailles de la Terre. En l'occurrence, il provenait de celles du noir de jais, dont les yeux s'étaient écarquillés à l'entente de ce grondement.

— J'crois que ton bide n'est pas content.

— Effectivement, admit le plus âgé des deux, une main posée sur son ventre. J'ai juste déjeuné tard ce matin, j'ai rien ingurgité de la journée.

    — Quoi ?! s'insurgea le roux, pince à aliment dans la main.

Jeongguk n'avait rien mangé à part quelques gâteaux et un verre de jus d'orange, trop concentré sur ses révisions et n'ayant ressenti aucune sensation de faim après cela. Baptistin lui lança un regard menaçant avant de pointer l'objet dans sa direction. Manger était une action sacrée chez lui et quiconque osait sauter un repas dans la journée se voyait s'attirer ses foudres.

— Monsieur Jeon, vous allez me faire le plaisir de vous défoncer la panse ce soir et que ça saute !

— Oui oui, je vais me rattraper ! rit Jeongguk tout en continuant de se servir, nullement impressionné par la menace de son ami.

— On ne lésine pas sur la quanti– Hé, c'était dans mon assiette, ça !

Jeongguk venait de lui voler deux sushis de l'assiette du roux à l'aide de sa propre pince avant de les poser dans son plat.

— Plus maintenant !

Puis il repartit à table en se dandinant fièrement, un rire machiavélique sortant d'entre ses lippes.

— Tu ne vois pas d'inconvénient à ce que je pique ton dessert tout à l'heure alors ? haussa Baptistin tout en revenant vers lui.

— Si c'est toi qui le paies.

— T'es pas chié, toi.

Jeongguk lui tira la langue, l'air espiègle.

— Ce gosse va être la cause de ma faillite économique, jura Baptistin tout s'asseyant et avançant sa chaise.

Gguk roula des yeux et dit :

— « Faillite économique », tout de suite les grands mots.

— Le seul qui va causer la ruine de ton compte bancaire, c'est toi-même, frérot, prononça un autre garçon à leur table à destination du rouquin, commençant à attaquer son repas.

— On va dire que je suis un peu dépensier.

— Un peu, qui est-ce qui s'est acheté une figurine Death Note qui coûte plus de quatre-vingt euros il y a quatre jours ? renchérit Asma, verre de cocktail à la main. Le problème, c'est que tu ne sais pas t'arrêter Bapt', il t'en faut toujours plus ! T'en as jamais assez !

La discussion continua ainsi, où les amis du nommé remirent en cause ses capacités à gérer son argent avec humour et Jeongguk était là, spectateur de leur mini débat qui était hilarant. Baptistin cherchait constamment de nouveaux arguments pour prouver qu'il avait raison, sans succès. Parfois ils sautèrent du coq à l'âne, passant d'un sujet à un autre qui n'avait rien à voir l'un l'autre. On passait des récentes élections présidentielles, dont les votes étaient plus pour sauver les pots cassés que par confiance envers lesdits candidats en lice, aux festivals musicaux qui se rapprochaient. Gguk suivait leurs conversations avec toute l'attention dont il pouvait faire preuve, sans trop oser s'imposer dans le groupe d'amis. Ces gens-là étaient des bons vivants et faisaient en sorte qu'il se sente inclus parmi eux, en lui demandant souvent si tout allait bien ou son opinion en fonction du sujet évoqué.

Mais l'étudiant avait la sensation de ne pas être à sa place, assis au milieu du groupe, mangeant par petites bouchées son plat. C'était toujours difficile de trouver son rôle, sa place attitrée au sein d'un groupe de personnes que l'on connaît à peine. Il s'agissait-là d'une des raisons principales pour laquelle Jeongguk n'allait que très rarement à la rencontre de nouvelles amitiés. C'était particulièrement angoissant d'aller faire connaissance avec autrui. Au centre de ses conversations qui s'entrecoupaient, il était redevenu ce gamin introverti, qui écoute plus qu'il ne parle, soucieux du jugement que l'on pourrait porter à son encontre et préférant garder le silence. Finalement, peut-être aurait-il préféré rester à son appartement et manger un plat préparé à la place de cette cuisine qu'il mâchait sans grande conviction, à prier pour ne pas de nouveau s'échouer dans son lit comme un bateau en pleine tempête. Son ventre commençait à s'alourdir alors qu'il venait à peine de picorer son assiette des pointes de sa fourchette. Encore et toujours cette boule qui se formait et se déformait dans son estomac, signe d'un tracas latent. Il souffla discrètement à ce constat.

Lentement, Jeongguk se détacha de son environnement. Le brouhaha du groupe ne devint plus qu'un simple écho et l'effluve caractéristique du Palais du Dragon lui était désormais égale, insipide. Le bruit ambiant des autres clients alentour, qu'il trouvait d'abord agréable, lui tapait sur le système. Cette nourriture, qui lui donnait tant envie au premier regard, l'écoeura au bout de quelques minutes. Son goût devint fade contre son palais. Elle était bonne à être recrachée plutôt que de finir dans son estomac. Ses pupilles coulèrent dans son verre d'alcool à moitié vide qu'il termina d'une traite avant de le contempler une nouvelle fois, l'esprit ailleurs. Celui-ci dévia, divagua sur une pensée bien plus corsée qui lui comprima la poitrine. Que faisait Taehyung en ce moment même ? Est-ce qu'il allait bien ? Comment osait-il sortir et profiter de la vie alors que son aîné devait probablement se morfondre chez lui, dévoré par la solitude, par sa  faute ? Son manque était douloureux. Extrêmement douloureux. Criblé de souvenirs terribles et nostalgiques. Cette douleur était pénible, éreintante à souhait, mais c'était une souffrance à laquelle il commençait à s'accoutumer malgré lui. Elle ne se taisait pas, bien au contraire. Plus le temps passait et plus ses murmures gagnaient en volume sonore. Après tout, il devait en assumer les conséquences : tout était de sa faute. Tout, sans exception.

Son poignet plâtré le démangeait. Jeongguk ressentait l'envie de se le briser à une énième reprise contre cette fichue table qui ne cessait de bouger au moindre mouvement effectué. Juste pour faire passer ce mauvais moment, pour stopper ce relent de culpabilité et de rage envers lui-même qui remontait dans sa gorge. Pour des raisons évidentes, il ne fit rien. Il ne se donnerait pas en spectacle devant toute la populace et ne laisserait quiconque entrevoir cette facette-là de lui. Non, personne ne devait ne serait-ce qu'entrapercevoir ses démons. Il se contenta alors de faire tressauter sa jambe tel un marteau-piqueur pour se canaliser, se demandant si un jour il parviendrait à se libérer de cette cage qu'il s'était construite.

Son regard morne observa à tour de rôle chaque personne présente autour de lui, un certain malaise l'envahissant. Être ici parmi tout ce petit monde qui paraissait s'éclater, au vu des éclats de rire que Baptistin leur arrachait du fin fond de leur gosier avec ses pitreries, l'embarrassa. Son infime sourire de début de soirée n'était plus, remplacé par une expression glaciale. Il se sentait complètement étranger face à ce qu'il se passait, l'urgence de partir commençant à se faufiler parmi ses songes éparpillés, ses intestins souffrants et son cœur compressé. Il extirpa son iPhone de l'une des poches de son pantalon cargo aussi noir que son état d'esprit. Le même rituel se produisit : il le déverrouilla et alla directement sur la conversation sms avec Taehyung, sans la moindre hésitation, comme par automatisme. C'était fou comment cette conversation était devenue vide en très peu de temps. Il ne restait plus que des messages du plus âgé, envoyés comme des bouteilles à la mer, sans retour de sa part. Le dernier datait de quelques heures précédant sa sortie nocturne et la lecture de ce dernier provoqua chez Jeongguk le même effet que les autres qu'il avait pu recevoir : une doucereuse agonie.

T💘

7h03 >> Hey... Il est très tôt et tu dois certainement être encore endormi. J'espère que tu te portes bien et que tes révisions se passent bien également. Je vois que mon numéro n'est pas bloqué, même après tous ces sms que je t'ai envoyé. Ça va paraître con mais ça me rend un minimum heureux. Peut-être que tu les ignores, peut-être que tu les lis, qu'importe. Bref, tout ça pour te souhaiter bon courage avec tes révisions et ne te surmène pas trop. Prends bien soin de toi.

La pulsion était là, cognant dans ses veines. Jeongguk éprouvait cette horrible envie de lui répondre mais il ne le pouvait pas. Du moins il n'osait pas, par peur de s'attacher davantage à son aîné, bien plus qu'il ne l'avait déjà fait. Terrible, c'était terrible de devoir se contenir ainsi. Lui donner un signe de vie lui permettrait de calmer un minimum le manque ressenti envers lui. Mais était-ce juste ? Était-il en droit de prendre de ses nouvelles après tout le mal qu'il avait engendré ? Les mêmes questions fusaient dans son esprit angoissé chaque fois qu'il hésitait à lui envoyer un sms. Un simple sms qui aille à l'essentiel, qui résume toutes ses pensées vis-à-vis de cet homme qui avait changé du tout au tout son quotidien, duquel son équilibre semblait dépendre. Gguk prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage face à ce qu'il s'apprêtait à faire. Ses pouces se mirent à pianoter sur son écran. Peu importe le résultat qui découlerait de ce message rédigé. Nous n'avons qu'une vie et le jeune homme ne voulait pas vivre avec plus de regrets. Quelques secondes passèrent puis le moment fatidique arriva : il cliqua sur la petite flèche et le message partit. Puis revint le doute, tintamarresque et lancinant.

Jeongguk

    20h31 >> Le temps passe trop lentement. Je pense à toi sans arrêt. Au réveil comme à l'heure du coucher. Je marche parfois plus lentement vers la fac pour pouvoir penser à toi un peu plus longtemps. Tu me manques. Atrocement. C'est infernal. La façon dont tu prononçais mon prénom, la volupté de tes lèvres, le paradoxe que suscitait ton regard, la passion que tu me témoignais quand nous étions seul à seul, ta finesse d'esprit... Ouais. J'ai l'impression de défaillir au fur et à mesure que les jours passent. Je suis perdu. Sans toi, rien n'est plus pareil. Ton absence bat en mon cœur comme une porte dans le vent et je suis là, à espérer ton retour comme un abruti. Mais j'imagine que l'on a plus le choix. Le hasard l'a voulu ainsi... Et tout ça me fait réaliser à quel point j'ai merdé dès l'aube de notre relation. Encore désolé par ailleurs pour les propos affreux que Seokjin a pu tenir... Je m'en veux de ne pas avoir fait le nécessaire, ce jour-là. J'espère en tout cas que tu te portes mieux que moi, que tu as renoué avec ta foi et que tout se passe bien au boulot. Je te souhaite plein de bonnes choses pour la suite, Taehyung. Tu le mérites.

L'alcool dans le sang le rendait particulièrement sentimental. Une part de lui était soulagée d'avoir envoyé ce texto. L'autre appréhendait. Sa jambe se remit à sautiller sous la table et sa prise sur son cellulaire s'intensifia. Puis il attendit. Encore et encore, une vague d'anxiété l'immergeant aussi vite que la vitesse à laquelle il avait tapé son message. L'étudiant tenta alors de se reconcentrer sur les conversations qui déferlaient tout autour de lui, sans parvenir à s'accrocher à l'une d'entre elles. Son plat à moitié plein refroidissait dans son assiette. Il ne le finirait pas, il n'y arriverait pas. Un certain châtain à l'œillade emplie de secrets l'en empêchait en accaparant l'entièreté de ses songes.

Te sens-tu aussi seul que je le suis en ce moment même, hyung ?

Soudain, son téléphone vibra. Ses vibrations imprévisibles le firent sursauter et, par la même occasion, le firent manquer de le faire tomber. Affolé, Jeongguk checka son écran. Taehyung était en train de l'appeler. Il était réellement en train d'essayer de le joindre. Ce n'était pas l'un de ses rêves qui finissait trop tôt à cause de la sonnerie de son réveil. Non, il s'agissait-là de la réalité. Son nom apparaissait en grand sur son écran, il ne pouvait pas le rater.

Il craqua. Son doigt glissa sur le bouton vert pour accepter l'appel puis il porta son téléphone à son oreille.

— Allô ? demanda-t-il à voix basse.

Un ange passa, silence ponctué par les battements incessants du cœur de Jeongguk.

— Seigneur, c'était inespéré... souffla de soulagement une voix grave qu'il reconnut de suite.

Les mêmes frissons qui l'avaient submergé à l'entente de ce timbre suave, marquée par la maturité et qu'il adorait, refirent surface. Tae avait raison : cet instant était inattendu.

— Bonsoir, Taehyung. Moi aussi, je suis heureux de t'entendre.

Taehyung ne pouvait pas le voir mais ses yeux brillaient et ses lippes s'étaient retroussées en un doux et discret sourire.

— Je n'imaginais pas une seule seconde que tu répondrais à mes sms, encore moins à ce que tu décroches à mon appel.

— L'envie était tentante ce soir, plus que les autres.

— Tu regrettes ?

— Pas le moins du monde.

Gguk prit une courte pause, se repositionnant correctement contre le dossier de sa chaise, puis reprit la parole.

— Le message que je t'ai envoyé quelques minutes auparavant est sincère. Mes journées sont très différentes sans toi... C'est... Ouais. Je pense que tu vois l'idée.

Il se tut subitement, de la gêne faisant peu à peu irruption en lui. Il jeta un regard de biais tout en se mordillant la lèvre, ces dernières journées pénibles qui se rejouaient dans son esprit. Ces longs jours n'étaient plus qu'ennui, déprime et incertitude. Personne ne voudrait de journées interminables comme celles-ci.

— J'apprécie ton honnêteté, Jeongguk. Ça me touche énormément.

Un autre silence suivit. L'un comme l'autre ne savait trop comment se comporter après tout ce temps sans dialoguer. Tous deux étaient pris au dépourvu face à la situation. Cet appel était très étrange et libérateur à la fois. Entendre la voix de cet être cher avait le même effet qu'une bouffée d'air frais.

— Comment vas-tu ? Tout va bien à la cantine ? Tu dors bien ? Tu continues d'écrire des poèmes ?

Jeongguk s'apprêtait à poursuivre son interrogatoire saccadé mais il se fit couper la parole par son aîné de sept ans. C'était la moindre des choses de lui demander comment il allait après toutes ces heures inlassables sans répondre à ses messages. C'était une façon pour lui de se rattraper, de montrer que rien n'avait vraiment changé de son côté le concernant. 

— Gguk, ça va. Je ne t'en veux pas de m'avoir donné de tes nouvelles seulement ce soir. Je ne ressens aucune rancune envers toi. Juste de la joie de pouvoir ouïr à nouveau ta jolie voix.

Le plus jeune relâcha la pression emmagasinée. Elle se dégonfla comme un ballon de baudruche. Il pouvait respirer pleinement.

— Donc... Quoi de neuf ? interrogea plus posément l'étudiant.

Tae soupira à l'autre bout du combiné.

— Rien de particulier. Enfin... Mon ami force ces derniers jours pour que je retourne voir un psy. Tu connais le rapport que j'entretiens avec la médecine en général, surtout avec les psychologues.

Le noir de jais serra du poing de sa main libre, les souvenirs de la dernière nuit mouvementée qu'ils avaient passés ensemble en mémoire. De sa crucifixion sur la croix de saint André après une course poursuite sous la pluie à cet énième choc mental crée de la main son ancien amant, aux quelques confessions de ce dernier jusqu'au moment de se dire au revoir qui s'était transformé en éternelles minutes d'amour. Oui, Jeongguk avait encore tout cela en tête et ces réminiscences n'étaient pas prêtes de partir de sitôt.

— Oui, je sais.

— Ça ne m'enchante pas des masses de consulter une nouvelle fois... Mais si c'est le seul moyen d'aller mieux, je le ferai. Je compte prendre rendez-vous avec celle qu'il m'a trouvée.

Les yeux de l'ébène devinrent des soucoupes. Il tombait des nues. Tae allait enfin se reprendre en main, du moins essayer. C'était une excellente nouvelle qu'il lui confiait là.

— Taehyung, tu n'imagines pas l'énorme pas que tu viens de faire rien qu'en me disant ça, prononça-t-il, ému. Je suis fier de toi, tellement !

— Je me dis juste qu'il serait peut-être temps que j'apprenne à accepter d'avoir de l'aide extérieure et faire confiance aux autres.

Jeongguk opina de la tête, satisfait par sa réponse.

— Tu as suivi mes conseils.

— Je te l'ai dit, Jeongguk. Je veux faire honneur à cette confiance que tu me voues et veux te prouver que tout ce que tu m'as dit n'est pas inutile. Je veux avancer.

— J'espère sincèrement que ces séances seront un succès. Crois-moi, tu as fait le meilleur choix. Je cesserai jamais de dire que tu mérites d'être heureux et apaisé avec tes démons. Tu es bien plus fort que tu ne le penses, hyung.

Tae rit doucement et murmura :

— Ta bonté va finir par avoir raison de moi, un jour. Ne change pas, mon ange.

Gguk crut sentir le sol se dérober sous ses pieds à l'entente de ce surnom, pensant au départ avoir mal entendu. Sa poitrine se comprima et il ne sut comment réagir. Ce surnom qu'il chérissait tant, dont il n'était plus sûr de pouvoir être l'heureux destinataire un jour... Que cela faisait mal. L'entendre en ces circonstances était insupportable.

— Excuse-moi, ça m'a échappé, se reprit de suite le châtain.

— Ce n'est pas grave...

Le mal était fait. Il tenta de cacher son malaise, en vain. Ses iris jades croisèrent le regard noisette d'Asma qui lui offrit un tendre sourire et qui lui demanda de façon inaudible si tout allait bien. Jeongguk hocha de la tête avec un sourire sonnant faux. Quand celle-ci reporta son attention sur la conversation avec ses amis, Jeongguk fit tomber son masque. L'expression sur visage devint terne, impassible.

— Si, c'est important, Gguk. Je ne sais même si à l'heure actuelle je suis encore légitime de te nommer ainsi. Je ne sais pas comment nous devons nous considérer l'un l'autre. C'est pour cela que je me permets de te poser cette question : que faisons nous ? Parce qu'on ne peut pas continuer de vivre comme ça : amants un jour, parfaits inconnus le lendemain. Je ne peux pas supporter une journée de plus de la sorte.

... Hein ?

Jeongguk ne comprenait pas. Enfin, il faisait semblant de ne pas saisir l'enjeu de l'interrogation de l'employé de cantine, interrogation qui arrivait bien plus vite que prévue. Il ne désirait pas donner de réponse. Surtout qu'il n'en avait pas car lui non plus ne savait pas quoi faire de leur relation. Celle-ci était vouée à l'échec, il l'avait bien compris. Un trop gros déséquilibre y régnait. Cependant, même si ce constat était bien rentré dans son crâne, il ne pouvait pas aller à l'encontre de ses ressentis, de ses émotions, de cette adoration monstre qu'il dédiait à celui qu'il considérait comme son tout premier amour.

— J– je–

— Par pitié, abrège cette merde au plus vite, supplia Tae. Brise mon cœur une bonne fois pour toute – je ne suis plus à ça près, de toute façon– et disparais, si tu ne veux rien de plus entre nous. Dis-moi que tu n'as plus besoin de moi et chacun poursuivra son petit bonhomme de chemin de son côté.

Je ne peux pas faire une chose pareille !

— Attends, je ne peux pas prendre une décision aussi radicale ! Pourquoi ne pourrions-nous pas rester amis, hein ? C'est une solution juste et faisable, on pourra continuer de discuter comme ça et–

Qu'est-ce qu'il était en train de raconter encore comme bobards ? Était-ce l'alcool qui lui faisait dire des bêtises ou était-il désespéré à ce point ? La solution qu'il proposait était complètement absurde. Il n'était même pas sûr de croire en ses propres déclarations, ni même à l'option d'être un simple ami aux yeux du plus vieux. Tae se mit à rire à travers le combiné. C'était un rire sans humour, de sidération, avant de se calmer. L'air cessa de passer dans les poumons de Gguk à ce son.

— Amis, dis-tu ? Jeongguk, soyons réalistes deux petites secondes. On ne peut pas rester amis après tout ce que l'on a vécu ensemble, c'est impossible. Pas avec tous ces sentiments que je continue de ressentir envers toi.

Quelque chose se cassa à l'intérieur de Gguk. Bien sûr qu'ils ne pouvaient pas se contenter que de ça quand ils avaient connu bien plus. Ils ne pouvaient pas rayer leur histoire, ni altérer cette dévotion mutuelle qu'ils montraient l'un l'autre. Il se sentait peiné, affreusement désolé pour tout ce qu'il se passait et le mal qu'il produisait chez Taehyung. Il se racla la gorge et murmura, la voix enrouée :

— Je suis désolé que ma réponse ne corresponde pas à tes attentes.

Je ne sais absolument pas quoi faire... Cette situation est ingérable.

— Je suis désolé de t'imposer un choix, répondit en retour Tae.

Un mouvement d'agitation s'empara de la table où il se tenait. La discussion de Baptistin et ses acolytes se faisait plus sonore, poussant Jeongguk à se boucher l'un de ses tympans pour pouvoir mieux écouter Tae. Il ne savait pas ce qu'il se tramait autour de lui mais le vacarme qu'ils causaient l'emmerda sur le moment.

— Accorde-moi un peu plus de temps pour réfléchir, dit-il, ses dires mélangés entre demande et questionnement.

— Écoute, je sais que tu veux bien faire les choses et ne pas me blesser. Mais l'attente m'abîme plus que la décision que tu prendras. Je t'en prie :  fais vite. C'est la dernière requête que je te supplie.

— Ce n'est pas une chose à prendre à la légère, hyung. Mon choix peut encore faire basculer le cours du lien qui nous unit et...

Il se tut puis prononça à voix basse :

— Je ne veux pas le détruire encore plus qu'il ne l'est déjà par ma faute.

— Je t'entends mal, Gguk.

— Je disais que–

— Mais Gguk, je le pécho quand il veut ! clama un peu trop fort une voix masculine sur sa droite.

Le nommé pivota illico sur sa chaise, horrifié par ce qu'il croyait avoir bien entendu. C'était sûr que Tae l'avait ouï également. Le jeune homme commença à paniquer et au moment où il allait expliquer à son aîné que ce n'était pas ce qu'il pensait, ce dernier le devança.

— Je vais te laisser, avertit-il avec froideur. Je vois que je suis en train de déranger. 

— Taehyung, je te jure que c'est pas–

La communication cessa. Et le monde s'arrêta de tourner autour de Jeongguk. Il resta immobile, son iPhone toujours en main, son appel passé avec Tae repassant comme une bobine de film dans son esprit chamboulé. Trop de choses venaient de se passer en peu de temps, Il fallait maintenant qu'il les intériorise et les ancre bien profondément dans son crâne, tente de calmer la tempête en approche. Il pouvait y arriver, passer outre ce sentiment horrible qui était en train de l'envahir. Il avait surmonté bien pire, pourquoi ça n'irait pas cette fois-ci ?

Il décolla son cellulaire de son oreille et fusilla de ses pupilles noir de colère le rouquin qui continuait de se bidonner comme pas permis. La tentation de commettre un meurtre était si forte. Mille façons de mettre à exécution son courroux lui passèrent par la tête sans qu'il ne parvienne à choisir la meilleure. Leurs yeux se rencontrèrent et d'une hilarité monstre, Baptistin passa à de l'inquiétude en voyant sa mine épouvantable.

— Qu'est-ce qu'il y a ? C'était un appel important ? J'ai fait une connerie ?

Lentement, la langue de Jeongguk roula contre l'intérieur de sa joue puis il lâcha  sèchement :

  — Si tu souhaites réellement me pécho, évite de le dire quand je suis au téléphone avec mon ex petit ami.

Comprenant l'énorme boulette qu'il venait de faire, Baptistin essaya de s'excuser comme il le pouvait, des bégaiements par-ci par-là qui secouaient ses excuses ; ce qui ne fit qu'énerver un peu plus Gguk.

— Va chier, poil de carotte ! vociféra ce dernier tout en se levant de sa chaise. Je reste pas une minute de plus ici, j'ai besoin d'air.

Tous les gens autour de la table tournèrent la tête en direction du noir de jais qui commençait à partir, dans l'incompréhension la plus totale. On l'intima de rester plus longtemps, que ça faisait à peine moins d'une heure qu'il était avec eux mais Jeongguk rejeta leur sollicitude, prétextant qu'il était épuisé et, en soi, ce mensonge n'était pas totalement faux. Il marcha alors en direction de l'entrée du restaurant sous les appels des autres et alla au comptoir pour payer sa part avant de quitter l'établissement. L'air lourd de la ville l'accueillit. Jeongguk souffla, sentant la chaleur l'étouffer à travers le tissu de ses vêtements sombres. Même en ayant les cheveux attachés, il avait chaud. Alors qu'il allait commencé à rejoindre sa voiture garée à quelques mètres de là, on l'interpella.

— Jeongguk !

Le nommé se stoppa dans sa marche et se retourna. En face, se tenait un jeune garçon vêtu d'un polo bleu marine, d'un chino couleur crème et de baskets blanches à grosses semelles, un air désemparé déformant ses traits habituellement joyeux : il s'agissait nul autre que de la source de son irritation.

— Je suis désolé pour ce qu'il vient de se passer, assura-t-il tout en avançant en direction de son aîné. Je voulais pas te causer du tort. C'était de la simple taquinerie, rien de plus, rien de moins ! Je pensais pas te blesser en faisant ça, je ferai plus attention à l'avenir. Ça ne se reproduira plus. 

Jeongguk se contenta juste d'acquiescer en silence, tentant en même temps de calmer son agacement.

— Merci. Je suppose ?

— Je te jure, je pensais pas à mal.

Baptistin passa avec maladresse une main dans ses bouclettes cuivrées, mal à l'aise.

— J'ai vraiment fait une gaffe ? C'était tendu au téléphone ?

Il paraissait réellement contrarié à l'idée d'avoir envenimé les choses entre lui et Taehyung. Tout, de sa voix peu assurée à sa posture tendue, traduisait une gêne, une certaine angoisse qui le bouffait de l'intérieur. On ne pouvait pas le rater avec la lumière du lampadaire urbain qui l'éclairait à proximité.

— Tu te rappelles de ce que je t'ai dit ? Que ces derniers jours sont compliqués à gérer pour moi ? Je viens de passer un palier de difficultés supplémentaire avec cet appel. Voire deux. Voilà où j'en suis à présent. J'espère que t'es content de cette nouvelle. Maintenant, je me casse.

Jeongguk tourna les talons et entama le pas en direction de son véhicule mais se fit vite stopper une nouvelle fois par Baptistin. Il souffla du nez bruyamment, leva les yeux au ciel puis se tourna sur lui-même de quelques degrés, les bras croisés tout contre sa poitrine et l'expression sur son visage durcie par la colère. Il va bien finir par lui lâcher la manche au bout d'un moment.

— Ton ex, c'est l'employé de cantine qui sourit peu ? demanda le rouquin.

Il est tout à fait capable de sourire. Je le sais mieux que quiconque.

Le noir de jais pensa à tous ces instants où Taehyung avait souri et ri en sa présence. C'étaient des actions naturelles et sincères qu'il lui avait communiqué et qui manifestaient son bien-être à ses côtés. Il s'agissait-là des rares moments calmes et normaux durant leur relation avant qu'une énième crise de Tae ne survienne. Jeongguk avait adoré chacune de ces précieuses secondes d'apaisement. Aussi éphémères soient-elles, elles étaient désormais gravées éternellement dans sa mémoire. Il le savait. Il n'y avait qu'avec lui que son aîné osait se dévoiler et mettait de côté cette impassibilité qu'il connaissait du bout des doigts. Ça le faisait se sentir spécial aux yeux de ce dernier.

Il n'y avait plus rien, dorénavant. C'était le retour à la case départ, à son état d'origine : un petit tas de cailloux banals, sans spécificité particulière, que l'on écrase et jette. Une chose insignifiante, sans valeur. Au regard de Taehyung posé sur lui, il était tout. Maintenant, il était inexistant ; une muse sans son artiste-créateur. Une inspiration qui s'essouffle dans le temps. Un syndrome de la page blanche grandeur nature. Jeongguk était toutes ces petites choses-là à la fois, l'esprit rempli de sentiments non-résolus le hantant et c'était encore pire avec cet appel qui s'était fini sur une note extrêmement négative.

Comment puis-je aller de l'avant quand tout le monde me ramène à toi ?

L'ébène hocha de la tête, contrarié et dit :

— Tu t'en es douté ?

— Je suis peut-être un idiot mais je suis loin d'être aveugle, Gguk. Vos regards ne trompent pas, ça se voit à des kilomètres qu'il y a un truc entre vous.

Il est dit que les yeux sont le miroir de l'âme. Ce constat était plus qu'évident pour le cas des deux anciens amants. Chaque fois que leurs regards se croisaient à la cantine, l'intensité de leur contemplation mutuelle était d'une authenticité même. Ils se complétaient par ces longs échanges d'œillades. À travers eux se révélaient leurs insécurités les plus profondes, leurs doutes et cet amour inépuisable qu'ils se vouaient. Ils avaient l'air de deux âmes-sœurs se languissant de leur moitié. La distance invisible qu'ils s'étaient instaurée était un supplice. Se contenter de se regarder, la gorge nouée, sans pouvoir s'approcher ni s'embrasser, était cruel ; le pire châtiment imposé pour deux êtres très épris par l'autre comme eux. Ils avaient encore tant de choses à construire ensemble, tant de confessions à mettre à nu, tant de facettes méconnues de leur couple à explorer... Le bonheur à deux leur semblait interdit, hors de portée. Inaccessible.

Le plus âgé des deux se racla la gorge, gêné. Il ne pouvait plus cacher son tourment.

— Je veux que ça reste entre nous. Pas un mot de tout ça à tes potes. J'espère que tu comprends.

Quelques secondes passèrent et doucement, son cadet acquiesça avec assurance.

— T'as ma parole.

Jeongguk fit un mouvement de tête, soulagé par la réponse de son vis-à-vis. Puis il disparut dans la pénombre, sans mot dire et laissant son nouvel ami seul. Il n'y avait plus rien à dire de plus.

Préoccupé, Gguk se gara à sa place attitrée après avoir franchi le portail de la Résidence des Charmes. Il sortit de sa petite Toyota et verrouilla ses portes. Durant tout le trajet jusque chez lui, il n'avait fait que ressasser sa conversation téléphonique avec Taehyung. Lui qui pensait que c'était terminé pour de bon avec son hyung, ce n'était pas tout à fait le cas en fin de compte. Enfin, tout dépendrait de la décision qu'il prendrait. Jeongguk ne voulait vraiment pas de ça. Les dilemmes cornéliens, il détestait ça de tout son être, surtout quand c'était à lui de faire un choix déterminant. Cela demandait trop de responsabilités, trop de réflexion. Le jeune homme n'osait pas se prononcer par peur de faire pire que mieux, déjà que lui-même n'en menait pas large. Il était encore trop tôt pour se décider. S'il coupait court pour de bon à leur relation, ce serait la merde. S'il choisissait de se laisser une seconde chance, rien ne laissait présager que tout cette fois-ci fonctionnerait. Coincé. Jeongguk se sentait tout bonnement coincé entre deux choix difficiles et le désespoir qui imbibait la voix de Tae plus tôt – et qu'il pouvait encore entendre – ne l'aidait pas à avancer. Pourquoi fallait-il que tout se complexifie davantage ? Ce qu'il se passait n'était pas déjà assez délicat, peut-être ? Et bordel, pourquoi avait-il fallu que Baptistin ouvre sa grande babelle pile au mauvais moment ?

Le pas lent et dénué de motivation, l'étudiant s'avança vers son appartement, le cerveau compressé de questionnements multiples et l'estomac lourd, noué. Sa concentration fut troublée lorsqu'il nota une figure familière assise juste à côté de la porte d'entrée de son appartement, les yeux braqués sur son cellulaire, au fur et à mesure qu'il se rapprochait. Elle avait l'air d'attendre quelque chose ou bien quelqu'un. Ce quelqu'un, s'il y en avait un, ne pouvait être que lui-même. Cela ne devait pas être qu'un simple hasard.

— Seokjin ? interrogea Gguk d'une voix hésitante.

Le concerné releva aussitôt la tête et se releva maladroitement avant de frotter son jean clair et son t-shirt blanc. Il semblait tout aussi surpris que Jeongguk.

— Ah, salut !

— Qu'est-ce que tu fous là ?

Jeongguk ne s'attendait pas à voir son camarade de classe posté juste devant chez lui, surtout après ce jour-là à la fac. Cela faisait des jours entiers qu'ils ne s'adressaient plus la parole, que Gguk avait coupé les ponts avec lui alors que diable faisait-il ici ?

— Je voulais te voir sauf qu'en sonnant à l'interphone, tu ne m'as pas répondu. J'ai supposé que t'étais absent alors je t'ai attendu.

Le plus jeune des deux fit les gros yeux, ouvrit sa porte rapidement après avoir composé le code de sa porte et la soutint pour que Jin puisse entrer.

— Ça fait longtemps que tu attends ?

Le noir de jais alla ouvrir sa boîte aux lettres pour vérifier s'il avait reçu du courrier dans la journée et la refermit aussi vite qu'il l'avait ouvert. Pas de nouvelles, bonne nouvelle.

— Non, non, du tout ! Je suis arrivé il y a à peine dix minutes.

— D'accord, répondit Gguk, un peu plus rassuré.

Ils s'engouffrèrent dans l'ascenseur et Jeongguk appuya sur le chiffre correspondant à son étage... Et le malaise prit ses aises dans cet espace clos. Ni lui, ni Seokjin ne surent comment se comporter, côte-à-côte et le silence pour fond sonore. Ils osaient à peine respirer. L'atmosphère était tendue et donnait l'envie de sortir de cet ascenseur en courant. Le plus âgé ne cessait de se masser la nuque avec nervosité tandis que le benjamin évitait tout contact visuel avec celui-ci. Quand la voix robotique annonça l'arrivée au deuxième palier, ce fut la libération. Une fois la porte de chez Gguk atteinte, ce dernier l'ouvrit et fit entrer d'abord son ancien ami.

— Tu souhaites quelque chose à boire ? demanda le propriétaire des lieux tout en posant ses clés sur sa table basse.

— Non merci, je ne vais pas trop traîner de toute façon.

Quelques mètres les distançaient l'un de l'autre dans cette pièce à présent allumée et quelque peu bordélique. Jeongguk s'était relâché, s'était laissé aller depuis peu, lui qui d'habitude veillait à ce que son appartement soit impeccable. Seokjin le remarqua après avoir glissé ses yeux un peu partout dans le salon et en constatant la présence d'un mont de vêtements en boule qui traînait sur l'un des côtés du canapé. Gguk nota que celui-ci avait vu sa négligence et tenta d'agir comme si de rien était, de camoufler sa gêne avec tous les efforts lui étant permis. Ils se firent face sans trop savoir quoi dire, ni par où commencer. Une tension invisible planait au-dessus d'eux. Jeongguk ne pensait pas que cette discussion arriverait de sitôt. Maintenant qu'il voyait mieux le visage de son aîné, il pouvait voir à quel point il était fatigué.

— J'ai décidé de venir te voir pour que notre échange soit plus vrai que derrière nos écrans. Je tiens sincèrement à m'excuser pour les propos horribles que j'ai tenu envers Taehyung ce jour-là et par conséquent, de vous avoir blessé tous les deux. J'ai réfléchi sur ce que j'ai dit et... Je n'avais pas à faire son procès devant tout le monde alors que je ne sais rien de lui. Je ne suis personne pour le juger et je pense que toi et Jimin êtes les mieux placés pour savoir comment est Tae.

Jeongguk écouta attentivement son ami. Ses excuses avaient l'air sincères, de part l'expression sérieuse qui tirait ses traits d'habitude joyeux. Cela le touchait, d'autant plus que cet épisode l'avait beaucoup peiné.

— Mais te voir avec lui m'a mis hors de moi, avec le peu d'infos que j'ai appris sur lui par le biais de Jimin. J'avais très peur qu'il te fasse à nouveau du mal et je voulais te protéger. T'es un ami qui m'est cher et je ne voulais pas te voir encore broyer du noir à cause de lui. On a rarement été présent pour moi par le passé et je ne veux pas commettre cette erreur-là avec toi. Rigoler ensemble, c'est cool mais il n'y pas que ça dans une amitié. Une amitié, c'est aussi être présent l'un pour l'autre dans les instants les plus difficiles. Tu as beaucoup changé en quelques semaines et je ne vais pas te mentir : je suis terrorisé par les jours à venir. J'ai peur que tu fasses une connerie, que tu tournes mal et je ne veux pas que tu finisses comme ça...

Gguk ne dit rien mais il pouvait sentir les paroles de son ami secouer son cœur. Ses mots le bouleversaient. Depuis tout ce temps, Seokjin s'inquiétait, se torturait l'esprit pour lui, s'imaginait des scénarios effroyables à l'idée que toute cette histoire avec Taehyung ne l'atteigne définitivement. Il ne pensait pas à mal. Seul son bonheur et son bien-être importaient, il n'avait aucune intention de le nuire. Il voulait bien faire les choses, l'épauler comme tout bon ami le ferait sauf qu'il s'y était pris de façon maladroite. Namjoon et Jimin avaient tous les deux raison. Jeongguk désirait lui répondre mais rien ne sortit d'entre ses lèvres rongées par le stress. Le fond de ses songes était coincé dans son œsophage. Cependant, sa rancœur ressentie envers son camarade de classe s'atténuait petit à petit grâce à cette conversation.

— Honnêtement, qu'aurais-tu fait ce jour-là si je n'étais pas intervenu ?

Il cogita sur la question durant un instant, avec toute la concentration dont il disposait, tout en bougeant sur ses jambes. Comme si cette action lui permettrait de remettre ses idées en place, d'avoir une introspection parfaite. Il se revoyait ce jour-là, ses hanches au creux des grandes mains de l'employé de cantine après être entré en collision avec lui dans la cour de Lille 3. Il se rappelait avec exactitude comment son organe vital s'était affolé à sa proximité et les promesses emplies de tendresse que Taehyung lui avait faites. Repenser à cela provoqua en lui les mêmes sensations qu'il avait pu éprouver cet après-midi là. Toutefois, Jeongguk ne trouva pas de réponse au questionnement du châtain. De toute façon, quoi qu'il puisse répondre, sa relation avec Taehyung était au point mort, dans un état plus que critique. Il n'y avait pas à tergiverser plus longtemps sur ce sujet.

— Je veux juste que tu saches que je ne m'interférerai plus dans les futures décisions que tu entreprendras vis-à-vis de Tae, confia le plus vieux avec douceur. Toutes ces heures sans discuter avec toi m'ont fait prendre conscience à quel point votre situation est complexe et qu'il n'y a que vous deux qui puissent la régler. Votre histoire a été écrite par vous deux et elle doit trouver un dénouement final par vous-mêmes. Je vois bien que tout ce qu'il s'est passé ces dernières semaines t'affecte énormément et combien tu es attaché à lui. Peu importe le chemin que tu choisiras, qu'il soit bon ou mauvais, je t'écouterai et t'apporterai mon soutien. Même si je pense ne pas être la meilleure personne pour donner des conseils.

Seokjin se tortilla les mains entre elles, signe d'un certain mal-être latent.

— Tu me pardonnes ? demanda-t-il presque à voix basse, en faisant la moue.

Jeongguk ne voulait point prolonger ces minutes douloureuses plus longtemps. Les excuses de son ami étaient honnêtes. Il avait visiblement gagné en maturité entre-temps et Gguk trouvait ça génial que son ami respecterait désormais chacun de ses prochains verdicts. Jin était loin d'être une mauvaise personne, bien au contraire. Il voulait être son meilleur allié, chose qu'il n'avait pu avoir, ni connaître ; ne voulait pas que son cadet se sente aussi seul qu'il avait pu l'être parfois, fut un temps. C'était incroyable tous ces efforts qu'il faisait envers lui malgré ses humeurs changeantes, ses états d'âmes et les conneries qu'il avait pu commettre ; ses régressions constantes. Un ami comme lui, Jeongguk était certain qu'il n'en trouverait nulle part ailleurs. Seokjin était unique à ses yeux, irremplaçable. Avec qui pourrait-il donc cancaner durant ses prochaines années d'études ? Qui tuerait son ennui en classe ? Qui l'aiderait pendant ses révisions ? Qui le conseillerait ? Qui lui conterait des blagues pouvant le faire rire jusqu'aux larmes ?

Alors l'ébène étendit ses bras, ses lèvres s'étirant en un joli sourire – un vrai, cette fois-ci – et invita son ami à venir vers lui. Ni une ni deux, le plus âgé se rua vers le plus jeune qu'il câlina fort tout contre lui et le cadet resserra son étreinte avec la même intensité. Ils s'étaient tellement manqués tous les deux. Ce câlin enterra la hache de guerre entre les deux acolytes et ouvrit un nouveau chapitre de leur belle amitié. Toute pression venait de s'envoler. Cette période pénible était terminée et oubliée.

— La Jingguk Team ne peut briller sans son partenaire phare, souffla Gguk, la tête reposant sur l'épaule de son aîné.

— Désolé encore pour tout, pleurnicha presque ce dernier.

— Merci d'être toujours là et de me supporter, même dans mes pires journées. T'es pardonné, hyung. Excuse-moi pour ma réaction disproportionnée ce jour-là et mon silence. C'est moi qui devrais être actuellement en train de me plier en quatre pour me faire pardonner, pas toi !

— Ça veut dire qu'on est quittes ?

— Je crois bien, ouais !

Ils se reculèrent un peu pour voir le visage de l'un l'autre. Sans surprise, ils étaient autant émus l'un que l'autre par leurs retrouvailles et se prirent une fois de plus longuement dans les bras. Il n'y avait rien de plus libérateur que le pardon. Cette libération apporta un peu plus de stabilité à Jeongguk qui se voyait perdre le fil de ses jours, sombrer un peu plus dans l'incertitude à cause d'un seul et même homme : celui qui portait pour première lettre dans son prénom un T comme le terminus de sa propre vie et se finissait avec un G, synonyme de guérison de ses tourments en nombre.

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Note de l'auteure :

Je suis si contente de vous retrouver avec ce nouveau chapitre, mes anges ! 🥺❤️

J'espère que vous allez toutes et tous bien, que votre rentrée (qu'elle soit scolaire ou professionnelle) s'est bien passée ! De mon côté, ça va faire deux semaines que je bosse en librairie et dans 5 jours mon contrat va prendre fin. C'est très sportif entre les nombreux conseils clients que je dois faire, la logistique et les commandes des clients à gérer mais j'aime beaucoup ce que je fais ! Et les collègues sont grave cool avec moi !

On se retrouve avec un chapitre où le Taegguk empire, la Jingguk team est à nouveau réuni et un Baptistin qui a commis une giga grosse boulette. Les prochains chapitres seront assez chills à lire. On sera très loin de l'ambiance full angsty des précédents chapitres, mais ce n'est qu'une question avant que ça ne revienne héhéhé 👀

Vos impressions ?

Quelles sont vos attentes pour la suite ?

Quel choix va faire Gguk, selon vous ?

Comment va se conclure ce second tome, d'après vous ?

J'ai très hâte de vous dévoiler la suite de cette histoire ! Merci encore mille fois pour tout l'intérêt que vous portez à Mania, comme toujours ça me va droit au cœur. Vous êtes les bests ! ❤️

Je vous dis à très bientôt ! Portez-vous bien et courage à vous pour votre rentrée ! Je vous envois tout plein d'amour ! ❤️

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