𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟓
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Conseil de l'auteure : pour être concentré dans cette atmosphère encore une fois très particulière de ce chapitre, je vous recommande de le lire avec la chanson ajoutée juste au-dessus. On se retrouve en bas, as always ! Bonne et agréable lecture, les amis ! ❤️
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🚨 𝙏𝙧𝙞𝙜𝙜𝙚𝙧 𝙬𝙖𝙧𝙣𝙞𝙣𝙜𝙨 🚨 : crise hallucinatoire.
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La pulsion.
Venant du latin « pulsio », ce nom féminin désigne une force à la limite de l'organique et du psychique qui pousse le sujet à accomplir une action dans le but de résoudre une tension venant de l'organisme. C'est le très célèbre psychanalyste Sigmund Freud qui va faire évoluer la théorie de cette notion connue pour son caractère indomptable. Elle est souvent associée à l'inconscient, aux contenus refoulés au plus profond de l'être humain et ce, pour différentes raisons. Parce que ces envies sont trop honteuses pour être avouées, parce qu'elles peuvent mettre en danger la vie d'autrui. Ce sont leurs limites qui définissent la nature de chaque personne dans ce microcosme qu'est notre société, ainsi que notre perception du Bien et du Mal. Par souci d'image, de l'opinion que pourraient avoir les autres à notre égard, ces désirs ancrés dans notre âme sont enfermés, cadenassés quelque part dans un recoin obscur de notre formidable organe qu'est le cerveau. C'est toujours plus simple de paraître, de prétendre que d'assumer qui l'on est réellement face au monde.
Ce qui est anormal fait peur. L'inconnu fait doublement peur. Il vaut mieux ne pas s'y confronter. Mais certains faits sont parfois oubliés. Celui que l'on nomme Dieu a beau avoir doté les oiseaux d'un chant digne des sirènes, les fleurs des plus belles couleurs qui soient permises, chaque objet et être vivant d'une unicité propre qui fait leur beauté : l'humain ne reste pas moins qu'un amas de vices, de travers en tout genre grimé derrière un masque de fausse perfection. Peu importe les efforts que l'on fait pour la fuir, la part sombre sommeillant en nous finit toujours par nous rattraper. Nous sommes ainsi. Nous avons tous un fond mauvais. Tous, sans exception et il est impossible de faire disparaître cette partie-là. C'est peut-être pour cette raison que l'Enfer est vide : tous les démons sont ici, lâchés sur Terre en toute liberté.
Taehyung ne voulait aucunement être lié à cette espèce-là. Pourtant, il le savait. Il était de ceux dont la vie l'avait poussé à bout et l'avait obligé à finir ainsi : un homme dépassé, tourmenté et profondément marqué par chaque bouleversement rencontré au cours de son existence. Il n'avait jamais voulu devenir ce monstre semant le chaos tout autour de lui. Tout ce qu'il cherchait, c'était de l'amour. Au départ, celui d'une mère. Car c'est là que tout commence pour un enfant. Puis le véritable amour. Celui que l'on qualifie d'indestructible, merveilleux et éternel comme le temps. Celui qui nous fait mûrir, qui nous transforme, qui pousse à nous dépasser afin de devenir une meilleure version de nous même, celui qui aide à mieux nous aimer davantage. Au final, Tae n'avait rien obtenu de tout ça à part un cœur brisé en mille morceaux, de nombreux stigmates pas du tout guéris, un mental breakdown constant, des conflits avec lui-même et bien d'autres choses encore qu'il n'arrivait pas à gérer ; c'était trop pour une seule et même personne. Il avait la preuve encore une fois que quoi qu'il puisse faire, rien ne s'arrangerait. Les traces d'un meurtre pouvait être effacées sans trop de mal, contrairement aux images qui, quant à elles, restaient pour toujours en mémoire.
Les mains solidement accrochées à son volant, Taehyung bombait sur l'autoroute pour rentrer au plus vite chez lui, la poitrine en feu, la panique tiraillant son visage. Quelques minutes plus tôt, il avait appelé Yoongi en urgence après avoir ôté la vie à un innocent de plus. Celui-ci n'avait pas cherché à comprendre en voyant la gravité de la situation, il avait ordonné au plus vieux de se tirer de là où il se trouvait en vitesse et qu'il se chargerait du corps lui-même. Dès que l'effluve pestilentiel de la mort oscillait autour de lui, c'était Yoongi qui l'estompait. Il suffisait juste de l'appeler et le tour était joué. Le châtain ignorait les méthodes qu'utilisait son ami pour cacher les corps ni vue ni connu. La question lui avait moult fois traversé l'esprit mais il n'avait jamais eu le courage de la lui poser. Mine de rien, c'était un sujet assez délicat à aborder. Ce n'était pas tous les jours que l'on parlait de dissimulation de cadavres, encore moins avec ses proches. Une chose était sûre dans tout ça, ses procédés étaient d'une sacrée efficacité car jusqu'à présent, Taehyung n'avait jamais été coffré par la justice, ni même convoqué pour un simple interrogatoire. Sans les connaissances de son vieil ami, sans sa minutie infaillible, il aurait fini en prison depuis un bon moment déjà.
Tae n'avait rien de tous ces criminels qui préméditent leurs crimes et qui savent avec exactitude comment ils tueront, par quels moyens la dépouille de leurs victimes sera cachée. Non, Tae n'était pas calculateur à ce point. Ses péchés s'effectuaient sous le coup de l'impulsivité et après cela, comme chaque fois que cela se produisait, c'était la terreur qui l'animait et qui le mettait sens dessus-dessous. C'était l'effroi de « l'après » qui le plongeait dans une série interminable de questionnements qui ne faisait qu'accentuer ses états d'âme.
Il n'arrivait pas à s'enlever de la tête la vision de ce gamin à l'expression sans vie, à la baguette de cheveux logée au fin fond de son oreille. Il avait dû certainement toucher un nerf dans le vif de l'action et, par conséquent, provoquer sa mort. Cette vue cauchemardesque le hantait, lui faisait perdre les moyens, si bien qu'il grilla deux feux rouges à la suite et manqua de provoquer un accident à un carrefour. Non, il n'avait pas le temps de prêter attention à ce qu'il se passait autour de lui car ce qu'il se tramait à l'intérieur de lui-même était bien plus grave.
Le moteur grondait, ses pensées tonitruaient et défilaient au même rythme que son bolide qui s'élançait sur la route et enfin, il arriva au bas de son appartement et se gara d'une façon que si les policiers passaient dans le coin, ils lui auraient foutu une amende. Tae sortit en trombe de son véhicule et accourut à la porte d'entrée de l'immeuble, le cœur en vrac. Habituellement quand il rentrait chez lui, son énergie était quasi vidée. Or, ce soir-là, l'homme brûlait d'une adrénaline si intense qu'elle pourrait perforer sa chair ou même le consumer tout entier. Alors qu'il essayait de composer le code d'accès aux appartements, il peina à taper sur les bons numéros car les touches de ne cessaient de se dédoubler encore et encore. C'est au bout d'une minute que le châtain parvint à appuyer sur les bons chiffres puis entra. Il se rua à la rampe des escaliers et s'affala un instant dessus, de la sueur perlant à son front, la poitrine compressée. Il se sentait de plus en plus mal, sentant les répercussions du Septième Ciel qui sillonnait ses veines. Ses mains se cramponnèrent un peu plus à cet appui en bois tandis qu'un couinement imperceptible sortit d'entre ses lippes. Affreuse, cette nuit était juste affreuse et pourtant, elle ne faisait que débuter. Il avait l'impression de se faire engloutir par une énorme marée et qu'il n'en sortirait pas vivant, même en nageant de toutes ses forces. Il monta la double paire d'escaliers du mieux qu'il pouvait, non sans sentir les murs tanguer dangereusement. Ce sentiment de vertige était tenace et ne semblait point vouloir le laisser en paix. Une fois posté devant sa porte, la numéro quatre, le salarié se dépêcha de sortir son trousseau de clés. À ce moment-là, il jeta bref un regard sur le côté et... Il revérifia une deuxième fois s'il n'avait pas rêvé, ou plutôt s'il n'était pas en train de faire un cauchemar. Ses clés manquèrent de lui échapper des mains et ses pulsations cardiaques s'excitèrent de terreur à nouveau. Tétanisé, Taehyung fut incapable de faire quoi que ce soit.
Pour cause, à l'autre bout du couloir se tenait debout Eden, l'oreille perforée de cette tige qui lui servait à attacher ses cheveux sans les abîmer. Et il n'avait pas l'air ravi du tout. Ses yeux traduisaient une colère effrayante qui donnait l'envie de s'enfuir à grandes enjambées. Sans prévenir, il se mit à foncer droit sur Tae, rendant les gestes de celui-ci pour rentrer la clé dans sa serrure plus brouillonnes, avant qu'il ne parvienne enfin à ouvrir la porte et de la refermer dans un fracas assourdissant au nez de la silhouette cadavérique. Il respira bruyamment, le crâne bourdonnant en continu, puis s'adossa contre celle-ci. L'angoisse ne retombait pas. Son organe vital perpétuait sa tintamarre infernale, le vertige se décuplait et la culpabilité le broyait de l'intérieur. Culpabilité aussi grande que son dégoût envers lui-même qui le poussa à s'enfermer illico-presto dans cette pièce où s'entassaient des cartons, des vestiges de sa vie avant sa descente aux enfers, des reliques de son ancienne existence de fervent chrétien.
C'était par pur automatisme qu'il s'était rendu dans ce débarras qui l'avait tant fait cauchemarder durant sa fin d'adolescence. Le point de départ de sa vie malheureuse était là. L'un de ses plus gros traumatismes vivait ici, dans cet appartement de petite fortune qui l'avait vu grandir pour mieux se détruire par la suite. C'est dans cette église à échelle réduite, devenue une sorte de grenier, que madame Kim avait condamné ses péchés, l'avait maltraité à sa manière dans l'unique but de le « guider vers la voie du Seigneur », avait répercuté sa folie infinie sur son rejeton en pleine quête de soi. Sa langue avait été aussi tranchante qu'une hache et une épée réunies, ses touchers avaient eu l'effet de marquages au fer. Ça chauffait, le cramait de partout et il ne saurait dire si les mots ou les attouchements étaient le plus éprouvant à subir. Une fois à l'intérieur, l'employé de cantine se laissa glisser tout contre la porte, les mirettes larmoyantes, avec pour seule et unique parole sortant d'entre ses lèvres « ce n'était pas moi » répétée en boucle tel un mantra.
Taehyung était perdu. Perdu et affolé face à lui-même, face à ce dont il était capable de commettre. Annoncer à Yoongi qu'il avait tué, à haute voix, c'était mettre des mots sur l'inconcevable. C'était admettre sa démence. C'était prendre conscience d'une gravité qui pouvait porter préjudice à lui-même, tout comme aux autres. C'était reconnaître sa propre condition, celle d'un homme malade ayant plus que jamais besoin d'aide extérieure. Le fardeau sur ses épaules s'alourdissait, réduisait l'espoir d'être un jour pleinement purifié de tout ce mal qui l'infectait depuis trop longtemps déjà.
Le châtain se sentait fiévreux et grelottant à la fois. L'un était engendré par le stupéfiant coulant dans ses veines, l'autre par l'horreur qui se succédait minute après minute. Ses pupilles ne s'arrêtaient point de zigzaguer dans la pièce tandis que son crâne bourdonnait, perturbant ses sens. Il ressentait cette impression aliénée que le peu de statues présentes à l'effigie de la Vierge Marie le jugeaient en silence, se moquaient de lui intimement. Il pouvait entendre leurs rires moqueurs et empreints de cynisme qui voulaient dire « bien sûr mon enfant, tu iras en Enfer. Où crois-tu aller avec toutes ces merdes que tu as commises ? » et ses larmes redoublèrent d'intensité.
Je vous jure, ce n'était pas moi ! Je n'ai rien fait, je le promets !
Lui, qui était en froid avec le Seigneur, recouvra tout d'un coup son instinct déiste. Ses mains se joignirent d'elles-mêmes entre elles, l'inquiétude de finir dans le feu éternel contrôlant ses mouvements...
Je n'ai jamais demandé à exister . Je déteste ça depuis le début.
Puis il pria. Pour la première fois depuis des semaines. C'était une question de vie ou de mort.
Seigneur, sauvez-moi de ma propre âme !
Pardonnez-moi pour avoir perdu le contrôle !
Ses jambes se mirent à tressauter, la pression se faisant de plus en plus imposante.
Suis-je celui qui obéit ou celui qui commande ?
Le manque d'air l'empêchait de s'exprimer comme il le désirait. Taehyung se sentait mourir de l'intérieur.
Sauvez-moi de mon esprit tordu, infecté par le stupre !
Pitié, dites-moi si je suis voué à la damnation ou alors, à finir parmi les saints !
Soudain, Tae s'arrêta brutalement dans son invocation, pris d'une douleur atroce à la tête qui le fit gémir. C'était plus profond que cela en avait l'air. Il avait la sensation que l'on touchait à sa mémoire, au cœur de sa psyché, que l'on remuait celle-ci sans la moindre douceur. Son cerveau ressortait des souvenirs en ruines à coup d'images n'ayant ni queue ni tête entre elles, mais qui étaient tout de même épouvantables. Ces images, il les avait vécues et pas vécues à la fois. C'était si étrange comme ressenti. Pourtant, c'était ça que Taehyung concevait. Une voix grave – celle d'un homme mûr – des arbres, la pleine lune, un enchaînement violent et flou sous des cris de panique, de l'herbe maculée de sang et puis plus rien.
J– j'ai peur... C'était quoi ça ? Qu– qu'est-ce qu'il se passe ? Où est papa ?
Taehyung était complètement déboussolé face à ces souvenirs venant de nulle part, éprouvant diverses émotions et pensées qui semblaient lui échapper, ses mains maintenant sa tête de part et d'autre, à deux doigts de s'arracher les cheveux. Il oublia le temps de quelques secondes qu'il se trouvait chez lui avant de se reconnecter à la réalité et à ce bordel provoqué par lui-même. Ses émois étaient extrêmes, trop forts pour être tolérés, en désaccord total avec ce qu'il éprouvait quelques secondes auparavant. C'était comme posséder les ressentis de quelqu'un d'autre. La confusion était bien présente devant un constat aussi bizarre mais Tae ne pouvait l'expliquer autrement.
De ces souvenirs laissés à l'oubliette éclosirent les réminiscences de luxures accomplies dans ce débarras mal éclairé tout comme dans le lit double, juste dans la pièce d'à côté. Son sang chavira, une crampe lui tordit le ventre en deux à ces gémissements exquis d'autrefois caressant ses tympans, les palpitations de son pauvre cœur malmené s'excitèrent dans sa cage d'os à la vision de ce doux visage tordu par le plaisir prodigué par le châtain. Il pouvait de nouveau humer son parfum enivrant, ressentir sa peau lilium candidum*, goûter la volupté de ses lippes carminées comme s'il était à ses côtés et redessiner ses courbes du bout des doigts, prisonnières de cette croix lors de leur dernière entrevue nocturne imprévue...
Jeongguk...
Et la toxicité resurgit. Elle finissait toujours par revenir au galop quand il était question du petit brun.
TOUT EST DE SA FAUTE ! Lui et son satané minois de salope, rien de tout ça ne serait arrivé s'il avait pas croisé notre route ! C'est lui le responsable de toute cette merde !
— Tout ce qui est arrivé ces derniers jours est entièrement de ma faute. Gguk n'a rien à voir là-dedans... dit Tae pour lui-même, avec difficultés.
Tu l'as laissé avoir une place dans ton cœur et il te l'a brisé. L'amour n'a pas de place dans ton quotidien, Taehyung. Aimer, c'est souffrir. Tu ne l'as toujours pas compris, après tout ce temps ? Après tous ces abandons ? Après tous ces mecs qui te sont passés dessus ?
— Tais-toi... grinça des dents Taehyung.
Après toutes ces âmes que tu as heurté ? Tu pensais réellement avoir droit à une nouvelle chance avec ce gosse ? Tu n'as donc rien compris. Tu es faible et masochiste, Taehyung. Que l'échec te serve de nœud coulant avec lequel tu te pendras.
Taehyung déglutit, avala difficilement ce que la petite voix nocive lui soufflait. Les mots qui découlaient de sa bouche invisible étaient d'une méchanceté épouvantable et il se demanda sincèrement comment était-ce possible qu'il respire encore, avec de telles pensées le polluant au quotidien. Comment faisait-il pour tenir debout et ne pas tomber pour de bon ? Comment faisait-il pour continuer, sans passer par-dessus l'ultime mur le séparant de l'insanité ? Peut-être était-il trop crevé pour pouvoir se donner la mort et qu'ainsi, il contemplait les jours passer tout en patientant que cette dernière viendrait à lui ? Que son domicile, chargé en souvenirs insupportables, serait sa tombe ? Ou alors...
Peut-être que le noir de jais n'avait pas tort. Son désir de vivre était encore là, enseveli sous ses mauvaises expériences, ses traumatismes et son pessimisme morbide, mais luttant pour rayonner pleinement. Ce n'était qu'une hypothèse mais malgré tous les obstacles rencontrés, Tae cherchait inconsciemment à se surpasser. Il voulait réussir à tenir, ne pas abandonner avant son terme. Reprendre le cours des choses en main, retrouver sa place et ne plus être absent à lui-même comme au monde. Tôt ou tard, sa perdition prendrait fin.
J'aimerais tellement y croire, mon ange. J'aimerais tant que tu aies raison... Le renouveau me paraît inatteignable. Tout comme l'idée que l'on se retrouve, comme avant. Pardonne-moi encore mille fois, Jeongguk...
Il rouvrit les yeux après les avoir fermés durant un certain laps de temps, comme si ce geste lui permettrait de modérer le torrent d'émotions déferlant en lui... Puis le châtain s'immobilisa et devint tout pâle. Il ne bougeait plus d'un millimètre, ses muscles s'étaient crispés subitement et ses globes oculaires étaient à deux doigts de sortir de leurs orbites face à ce qui se tenait droit devant lui, à plusieurs mètres.
Putain...
La nausée revint en force, lui causant une gêne dans la gorge comme si une boule s'y logeait et de violents hauts de cœur le submergèrent.
Putain, va-t-en... !
Son estomac se tordait sur lui-même encore, encore un peu plus et Taehyung crut que son système digestif céderait pour de bon. Le malaise le guettait du coin de l'œil tandis que son organe vital recommençait à battre à un tempo anormal. Sous l'air agonisant de l'adulte, le spectre de sa mère le dévisageait, un sourire effrayant se dessinant sur ses lippes recouvertes de son fidèle rouge à lèvres bordeaux. Elle pencha doucement la tête sur le côté, les pupilles contemplant avec insistance son unique fils. Une aura oppressante émanait d'elle et poussa l'homme à se faxer un peu plus contre le mur derrière lui, le désir inconscient de disparaître s'imposant de plus en plus dans son esprit embrumé. Le déséquilibre se lisait toujours dans les iris jades de la plus âgée. Ils brillaient, étincelaient de mille et une folies. Même onze après, ce regard terrorisait encore Taehyung et le ramenait au drame survenu vers la fin de ses seize ans. Sa réaction était identique qu'à celle de cette époque, son effroi était intact et ce sont des dizaines et des dizaines de faits choquants, offensants, blessants – de quoi perturber sa stabilité mentale pour une durée indéterminée – orchestrée par la matriarche qui lui revinrent en mémoire et–
— Seigneur, Dieu ! hurla à pleins poumons Tae.
Elle se mit à lui rire franchement au nez et avait l'air de se délecter du pouvoir qu'elle exerçait sur son enfant. Son œillade sadique traduisait un « je ne te laisserai jamais » que le salarié assimila très bien car, morte ou vivante, jusqu'à présent sa mère lui avait fait vivre un calvaire monstrueux. Pourquoi ? Seuls elle et Dieu le savaient. Et Taehyung aurait bien aimé connaître le motif de cette haine viscérale à son encontre, même s'il y avait fort à parier que la vérité ferait extrêmement de mal. Il se remit à faire ouïr sa voix, son timbre grave et puissant ricochant contre chaque mur de la pièce, à implorer le Tout-Puissant de toute son âme mutilée par les lames coupantes de ce qu'on nomme la Vie.
Seigneur, Dieu ! Père glacial !
Madame Kim entama le pas dans sa direction, son talon haut s'enfonçant dans la moquette sombre et cramoisie.
Je t'en supplie, d'une gorge pleine de malédictions !
Elle continua de marcher, l'allure déterminée, pendant que son expression démoniaque se dissipait pour laisser place à une expression plus sérieuse et impassible.
Par ta grâce toute puissante,
Intercède pour moi !
Console-moi de ton sang !
La distance diminuait entre ces deux êtres reliés par le même sang. Taehyung hyperventilait. Le stress ne cessait point son ascension fulgurante et l'oxygène lui manquait. Mais cela ne l'empêcha pas de poursuivre ses prières sincères, prières hurlées si puissamment qu'elles pourraient ébranler les cieux.
Que mes tribulations s'achèvent et mes larmes soient séchées !
Grand miséricordieux, exorcise le maléfice contenu dans mon for intérieur !
La brune se rapprocha encore, se laissa tomber à genoux pour ramper jusqu'à lui, le regard inlassablement braqué sur lui. Les mètres devinrent des centimètres. Plus elle se rapprochait, plus Taehyung suffoquait, perdait pied, paniquait à coup de mouvement de recul contre la paroi derrière lui.
Bénis-moi de ton amour, de ta chaleur, de ta clémence !
Le périmètre les séparant était ridicule. Elle était à présent juste au-dessus de ses jambes, à quatre pattes, l'une de ses mains abîmées par les heures de ménage tendue en direction du faciès apeuré de son fils, une poignée de mèches ténébreuses tombant au ras de ses cils.
— Q– que ma victoire soit g– glorieuse et mes malheurs vengés ! souffla Tae, d'une voix saccadée, ses obsidiennes suppliantes et bloquées sur cette main qui l'approchait.
Il clôt brutalement les paupières, redoutant le contact impur de cette poigne et s'évertuant à penser à une image positive qui chasserait cette hallucination qui relevait plus à de la hantise qu'à un mirage provoqué par le combo drogue-alcool. Car même s'il l'avait vu chuter de la paire d'escaliers de ses propres yeux, une partie de Taehyung la pensait encore vivante quelque part, à Lille-Sud comme ailleurs, et qu'elle reviendrait se venger. Tenace comme elle était, ça paraissait douteux qu'elle ait pu partir pour l'éternité. Elle pouvait très bien un beau jour passer le seuil de la porte, reprendre ses droits sur ce logement qui était sien des années auparavant et restaurer les règles qu'elle avait établies. C'est ainsi que fonctionnent les traumas. Ce sont des fantômes du passé qui reviennent vous hanter sans relâche et contrecarrent vos plans d'avenir, empiètent dans votre avancée et vos relations, s'immiscent dans vos rêves pour vous détruire et vous réduire au même état que lorsqu'ils se sont passés et ce, jusqu'à ce que vous mettez la main sur le remède qui vous purifiera une bonne fois pour toute.
Tae essaya, se força de repousser par la pensée cette vision d'horreur et la remplacer par une plus douce, une qui saurait le détendre et apaiser ses songes et son cœur tournant à plein régime. Et puis, lentement... Le clair-obscur de cette pièce devint un halo de lumière. Dans la pagaille, jaillit le miracle. Son miracle.
Ce n'était plus ce regard sinistre et coloré de sévérité qui le toisait. C'était une œillade tendre, en amande, étincelante de compassion qu'il connaissait très bien, qui le lorgnait. C'étaient ces deux minuscules billes vert clair remplies d'innocence, sous lesquelles il était tombé sous le charme en plein mois de l'Amour, qui lui faisaient face. Son organe vital ne s'agitait plus de peur mais d'adoration, ses muscles se décrispèrent, son estomac cessa de se contracter, sa respiration revenait à la normale et ses perles salées se tarissaient. Tae commençait à se sentir bien, à flotter sur un petit nuage loin des tracas qui le retenaient sur la terre ferme. C'était comme mettre le pied dans l'Eden alors qu'il ne l'avait vu qu'au travers d'images dans les récits qu'il avait pu lire plus jeune ainsi que dans sa lecture de la Genèse. Jeongguk détenait de vraies vertus thérapeutiques sur lui, tout proche comme à des kilomètres de lui. Il n'y avait qu'à penser à lui et il oubliait tout. Rêvasser de lui lui donnait terriblement envie de vivre. Parce que le peu de temps passer à ses côtés lui avait suscité la sensation que l'impossible pouvait devenir possible, que la bonne fortune n'est pas une légende. Que celle-ci est accessible au prix de nombreux efforts.
Dans le script de cette histoire qui les liait, rien n'était prévu mais tout sonnait comme une évidence. Tout finissait par les ramener à l'un ou à l'autre, quoi qu'il puisse advenir. Et cet énième épisode mouvementé prouvait encore une fois que, malgré la fin supposée de leur relation, tout n'était pas fini. Pour cause, le manque de l'ébène se faisait ressentir plus fort ce soir que les jours précédents et l'employé de cantine était bien décidé à lui rendre une petite visite nocturne pour combler celui-ci.
Ce n'était pas l'appel de la libido qui le guidait. C'était le besoin de sécurité. Parce qu'après une nuit pareille, Taehyung avait besoin d'une consolation comme le ressentirait un enfant suite à un mauvais rêve et il n'y avait qu'auprès de l'étudiant qu'il pouvait se la procurer.
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Note de l'auteure :
* lilium candidum : nom latin donné à la Lys de la Madonne / Lis Blanc.
Coucou mes amours ! ❤ J'espère que vous vous portez toutes et tous bien et que tout se passe au mieux pour vous ! De mon côté, j'ai passé ma première période de partiels il y a peu et dieu merci, j'ai eu la moyenne quasiment partout. J'ai à nouveau des partiels pendant deux semaines à partir de début décembre et j'espère de tout mon cœur les réussir. C'est ma dernière année de licence et ça se ressent dans le travail donné par les profs, la quantité de devoirs donnée que c'est vraiment la dernière phase et sans doute la plus dure avant la libération. Je souhaite aussi beaucoup de courage aux potentiels étudiants qui liraient ce message, vous pouvez y arriver ! 💪
Je suis très contente de vous retrouver avec ce nouveau chapitre qui a été une véritable plaie à rédiger, malgré sa longueur bien plus courte que le précédent. Les chapitres sous le pdv de Tae sont toujours très complexes à rédiger et j'ai peur à chaque fois que les mots que je choisis pour décrire ce qu'il ressent ne correspondent pas à ce que j'ai en tête et que ça fausse la compréhension du chapitre. Mon écriture a sans doute "rouillé" un petit peu entre-deux car je n'ai plus le temps que je désire pour écrire et ça m'agace beaucoup grrrr 😭(malheureusement, c'est le prix à payer d'être en études supérieures et d'avoir un job à côté)
Impressions ?
Que pensez-vous de Tae après lecture de ce chapitre ?
Que pensez-vous qu'il va se passer ?
Est-ce que vous croyez qu'une "remise en couple" de nos loulous est possible, malgré tout ce qu'il s'est passé ? Comment envisagez-vous leur avenir ?
Happy end ou Sad end ? (Moi je sais hihihi 😇)
Comme vous vous en doutez, le prochain chapitre sera encore une fois sous le pdv de Tae. Sa structure sera similaire à l'un des chapitres de ce tome dans sa mise en forme. Par contre, je vous préviens d'avance : il s'agira sans doute d'un des chaps les plus perturbants à lire de l'ensemble de l'intrigue et une série très populaire ces derniers temps que j'ai vu récemment va beaucoup m'aider à l'écrire. Gardez une ventoline à côté de vous, sait-on jamais. Vous risquerez d'être sans voix face à ce qu'il va s'y passer 🙂
Je rappelle encore une fois que cette histoire n'est pas là pour faire l'apologie des crimes, des comportements malsains et autre. Le cas de Taehyung n'est pas du tout représentatif non plus des personnes qui pourraient souffrir de troubles psychiques tel que le TDI, la schizophrénie et bien d'autre encore. Ce n'est qu'un cas parmi tant d'autres et chacun vit la maladie différemment. Ce sont souvent des personnes qui représentent un danger pour eux-mêmes et non envers les autres, et c'est pour ça qu'il faut leur tendre la main, les aider et leur montrer qu'ils ne sont pas si différents que nous en les incluant dans nos vies. Si l'un de vos proches est porteur d'un trouble psychique, montrez-lui que vous êtes là et offrez-leur beaucoup d'amour ❤
Je vous remercie encore pour toute l'attention que vous portez sur cette histoire ! "So Close to You" a atteint tout récemment le palier des 250K de lectures et c'est absolument énorme. Les vues de ce second tome sont en train de grimper également et ça me fait très chaud au cœur de voir l'engouement autour de mes deux bébés grandir 🥺 J'espère vous faire rêver encore longtemps avec "So Far But Closer to You" qui n'a pas fini de vous surprendre. Je pense prochainement faire une pause dans sa rédaction, histoire de me concentrer sur le plan des prochains chapitres. Je n'ai que de simples notes dans le téléphone et il faut que je les rédige complètement sur papier pour en garder une trace écrite et complète. Néanmoins, je tacherai de combler l'attente avec d'autres petits projets qui verront le jour sur ce compte, I promise u !
Je vous dis à très vite et vous couvre de bisous ! Couvrez-vous bien surtout car l'hiver approche. Buvez des boissons chaudes, nichez-vous bien au chaud sous la couette, matez votre film favori ou lisez votre roman préféré ! Kissous sur vos bouilles, je vous aime fort mes loulous ! ❤
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