𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟏
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Conseil de l'auteure : Je pense que vous êtes habitués, maintenant ! Une petite chanson pour accompagner votre lecture se trouve tout en haut de la page ! On se retrouve en bas, comme d'habitude ! Bonne lecture, mes amours ! ❤
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🚨 𝙏𝙧𝙞𝙜𝙜𝙚𝙧 𝙬𝙖𝙧𝙣𝙞𝙣𝙜𝙨 🚨 : manipulation mentale | gaslighting.
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J'en ai fait des conneries en suivant ce que me dictaient mes émotions. Je l'admets. Tardivement, peut-être. Mais mieux vaut tard que jamais, pas vrai ? Quand quelque chose de semblable à de l'amour – peut-être que c'en est – me submerge, j'ai tendance à dépasser mes limites. J'enfreins les barrières du raisonnable et me retrouve dans des situations pour le moins périlleuses parce que « assez » n'est, justement, jamais assez pour moi. C'est plus fort que moi. Ce truc en moi est pareil à un animal sauvage que l'on tenterait de dresser au doigt et à l'œil. Indomptable est ce sentiment et le refréner relève de l'impossible. Ce soir est la fois de trop, sans doute.
Jimin me l'a dit. Il me l'a rabâché à mainte reprise qu'en agissant comme ça, à vouloir épier tous ceux qui me tapent dans l'œil, à vouloir tout connaître d'eux, à désirer me les approprier sans demander leur avis, je m'attirerai de gros ennuis. Eh bien, il n'avait pas tort. En succombant pour la énième fois à mes émois, je me suis retrouvé à me faire courser sous une pluie diluvienne par celui pour qui mon cœur est toujours épris et dont ma raison en a la chair de poule, rien qu'en pensant à son prénom. Et maintenant on en est là, moi et mon impulsivité à la con que je dois me trimbaler depuis mes années de collège. Note à moi-même pour plus tard : tempérer quand une situation se corse.
J'émerge peu à peu, sentant ma tête lanciner d'un côté et mes habits me coller à la peau. Je grelotte à ce contact froid et mouillé. Je peine à ouvrir les yeux, tant j'ai l'impression d'avoir dormi profondément durant de longues heures, et finis par les entrouvrir. Ma vue, au départ vitreuse, devient petit à petit nette et je peux enfin identifier le décor qui m'entoure.
Je ne suis définitivement pas chez moi.
Ce bureau en bois massif marron foncé, trônant à quelques mètres de moi, me le prouve. L'unique crucifix planté dans le mur juste au-dessus de celui-ci, encore plus. Je me redresse vite sur ce lit double vide où je suis allongé depuis tout ce temps, l'esprit en vrac. Me suis-je évanoui devant ma voiture ? Taehyung m'a bel et bien rattrapé ? Je suis pourtant sûr d'avoir rejoint ma Toyota avant qu'il ne m'atteigne...
Je ne comprends pas.
J'ai mal aux jambes, l'environnement tangue à mon geste trop brutal et je ne comprends absolument rien à la situation qui se présente à moi. Même les cliquetis des gouttes d'eau tapant contre le carreau de l'unique fenêtre ne parviennent pas à me calmer. Mes yeux vagabondent un peu partout dans la pièce tamisée tant je suis désorienté, jusqu'à ce que je tombe sur une silhouette qui se tient à l'encadrement de la porte. Je manque de crier de peur et un sursaut incontrôlé émane de mon corps. Je peux déjà sentir mon organe vital battre la chamade dans ma poitrine.
Taehyung est juste là, reposant contre l'entrée de la pièce, les bras croisés et ses prunelles braquées en ma direction. Fidèle à lui-même, il est vêtu de vêtements élégants lui seyant à merveille et me donnant l'air ridicule à côté de lui avec mon accoutrement tout noir. Il arbore toujours ce masque d'impassibilité que j'ai pris pour habitude de confronter depuis que nous nous connaissons et qui m'intimidait grandement quand nous étions encore ensemble. Rien n'a changé, en soi.
Tae, tu n'imagines pas la puissance que détient ton regard sur ma personne.
Je suis à deux doigts de trouver les draps beiges me recouvrant plus intéressants que son visage, tellement je me sens écrasé par la puissance de ses billes onyx. Pourtant, je ne fais rien à part effectuer un léger mouvement de recul. Je soutiens son regard, néanmoins avec une certaine appréhension, tandis que le tonnerre gronde une énième fois au loin. Une question me brûle soudainement les lèvres. Je peux même les sentir picoter tant je ressens l'envie de la poser.
— Qu'est-ce que je fais ici ?
Ma voix a tremblé en un murmure. Je dois avoir l'air stupide à avoir peur comme ça, de façon irraisonnée. Mais quand l'homme que vous aimez plus que tout tente de vous étrangler jusqu'à ce que votre dernier souffle s'ensuive tout en vous détruisant de l'intérieur... Sans parler de cette fois où, à l'abri des regards et sous l'influence de la jalousie, il m'a cogné assez fort la tête pour que je m'évanouisse dans les secondes qui suivent...
Ouais. J'ai toutes mes raisons de craindre désormais celui pour qui je me suis donné corps et âme.
Être entre ces quatre murs me ravivent des souvenirs trop douloureux que je préfère omettre pour de bon et je ne me sens aucunement serein. Mes cinq uniques venues ici se sont soldées par deux traumatismes et dans l'état actuel des choses, je ne suis pas prêt à en subir un troisième.
— Ce serait plutôt à moi de te poser cette question.
Je me rends alors compte que Taehyung a entendu ma question et des frissons m'assaillent en l'entendant me parler. Je ne distingue aucune émotion dans son intonation. Elle est d'une monotonie à faire pâlir les personnes les plus vives sur cette planète et je ne parviens pas à savoir s'il est en colère contre moi ou éprouve une quelconque animosité à mon égard.
Ta question est légitime, Tae. Je t'ai abandonné à ton sort, ce soir-là. Je t'ai ensuite rejeté par téléphone et tu m'as surpris dans le bâtiment voisin à t'espionner dans l'ombre. Je n'aurais pas dû être là. Ce qui est logique. Mais si je n'avais pas bougé, je serais à l'heure actuelle en train de m'apitoyer et de chialer toutes les larmes de mon corps parce que la vie a été trop injuste, aussi bien avec toi qu'avec moi. Et puis... Je sais très bien que tu me caches encore énormément de choses à ton propos. Trop de non-dits planent au-dessus de nous et il fallait que j'aille vérifier tout cela par moi-même.
Je ne lui réponds pas. Je me contente de le contempler dans son ensemble et je peux sentir cette affreuse culpabilité revenir au galop.
Elle ne me laissera donc jamais tranquille, cette connasse.
— Je ne t'ai rien fait durant ton sommeil, promet-il.
J'ai peut-être peur, mais cette fois-ci, je veux bien le croire. Je ne devrais pas mais mon instinct me pousse à le faire.
Taehyung est exténué. Je peux le voir à sa mine fatiguée, aux deux petites poches violettes creusant le dessous de ses yeux. Ses joues sont plus creuses que d'habitude et... Et ce maudit bandage est toujours enroulé autour de son bras droit. Mon regard s'attarde longuement sur celui-ci et je peux sentir l'envie de pleurer gravir en moi. Je les ai vues. De nouvelles marques ont fait leur apparition et il est fort probable que ce soit par ma faute. Taehyung s'est fait du mal à cause de moi et en ce moment même, j'ai encore une fois la sensation de n'être qu'un sale égoïste en étant parti alors qu'il avait besoin de moi. J'ai préféré me sauver moi que de l'aider, faire passer mes propres craintes avant les siennes. Je me répugne rien qu'en l'imaginant livré à lui-même dans cet appartement à broyer du noir pendant que moi, j'étais écouté et épaulé par Jimin et Seokjin.
Je ne suis pas le petit ami rêvé que tu espérais et j'en suis sincèrement désolé.
— Je suis désolé...
Je ne suis pas digne de toi et ne le serai jamais.
— Je suis vraiment désolé...
Je suis ni plus ni moins réduit qu'à un disque rayé répétant encore et encore des excuses en boucle sous l'œillade sévère de mon beau châtain. Je me sens accablé par le remords et les larmes se mettent à couler le long de mes joues, sans s'arrêter. Je veux juste qu'il comprenne à quel point je m'en veux pour cette situation détestable que nous traversons tous les deux. Je n'ai jamais voulu que notre histoire prenne un tournant aussi tragique. En aucun cas, mon but était de le briser davantage, plus qu'il ne l'était déjà. J'ai échoué à ma tâche, qui était celle de le protéger et de le faire aller de l'avant, et maintenant je culpabilise à mort. Les cieux, quant à eux, perpétuent leur lamentation, goutte après goutte. La météo n'a jamais autant été en accord avec les émois qui sont en train de me submerger.
— Tu es désolé ?
Impassible. Taehyung reste impassible face à mes lamentations et je suis incapable de déchiffrer ce que cache cette expression. Il a l'air presque inatteignable, ainsi. « Presque » car je sais que ce masque abrite une souffrance monstre qu'il n'ose exposer à personne pour moult raisons que je comprends tout à fait.
Montrer ses failles, pour certains, est synonyme de lâcheté. De faiblesse. C'est l'un des nombreux stéréotypes qu'a propagé notre superbe société dans laquelle on vit et s'y conformer est encore plus difficile pour un être humain de sexe masculin. Un homme doit être fort en toute circonstance, ne doit rien laisser paraître et garder son sang-froid en permanence. Pleurer, éprouver, douter, être pris d'effroi, ne font pas de nous des hommes. Un homme doit savoir se maîtriser, être viril et détenir un penchant pour la domination parce que la soumission est soi-disant réservée aux femmes. C'était ce que pensait mon géniteur et ce qu'il souhaitait m'apprendre, si j'étais venu à vivre sous son toit après son divorce avec ma mère. Surprise : ni moi, ni Taehyung n'appartenons à ce moule et nous avons conscience tous deux que notre sensibilité peut être utilisée à des fins malveillantes par des gens malintentionnés et pointée du doigt par les plus fermés d'esprit. En vrai... Qu'est-ce qu'être un homme ?
Maman m'a appris qu'il n'y a rien de mal à ressentir, que je dois emmerder les codes que tentent d'imposer ceux qui détiennent le pouvoir. Cela me rend humain, d'après elle. Bien plus humain que toutes ces personnes voulant nous modeler selon leurs attentes afin que l'on atteigne un idéal mensonger. Alors j'ai appris à m'en foutre, de tout ça. Difficilement peut-être car les brimades que j'avais reçu au collège m'ont constamment rappelé que j'étais différent des autres gamins de mon âge. Désormais, toute cette merde est derrière moi. Quand je dois craquer, je le fais. Je me laisse aller. Même si la sensation n'est franchement pas des plus agréables et que ma conscience ose me jouer des tours en me soufflant ce que le patriarcat nous dicte, enracine dans nos méninges. Quant à Tae... Retenir ses émois semble presque maladif, chez lui, et je ne suis pas sûr qu'il ait réalisé à quel point se comporter de la sorte est nocif. Tout contenir en soi peut se révéler très destructeur et engendrer des conséquences irréversibles pour la suite. Je hoche vivement la tête à plusieurs reprises, sans prononcer quoi que ce soit.
— Prouve-le, dans ce cas.
Je lui ai tellement fait de mal qu'il ne me fait plus confiance et me demande des preuves, maintenant. Je l'ai déçu, c'est sûr et certain. Je peux la voir, cette étincelle de déception luire dans son regard. J'ai la sensation, une fois de plus, de n'être qu'un moins que rien et celle-ci me parait insupportable. J'ai beau sentir que je suis encore trempé de la tête aux pieds et pourtant, j'ai l'impression d'étouffer. De ne pas être à ma place ici. D'être de trop. Je suis nerveux. Je ne me définis pas comme étant croyant, seulement la lorgnade de Dieu me pèse de là où il se trouve. Il me juge en silence sur sa minuscule croix, m'analyse, essaie de mettre la main sur le moindre péché ayant noirci mon âme et je suis convaincu qu'il doit être en train de se dire que la teinte des flammes de l'Enfer m'irait bien au teint. Ma conscience me nargue avec sadisme et je capitule face à ses critiques remplies de venin. Je m'étale en long, en large et en travers avec difficulté tout en reniflant piteusement entre chaque phrase mais la sincérité est bien là. Dans chaque regard, dans chaque mot sortant d'entre mes lèvres.
Tae, si je peux faire n'importe quoi pour gagner ton pardon alors je le ferai. Je ne veux plus de cette indifférence dans tes pupilles lorsque toute ton attention est rivée sur moi. Ça me serre le cœur. J'ai l'air de ne plus avoir aucune valeur à tes yeux...
D'être de la caillasse que tu peux écraser sous ton talon alors qu'auparavant, j'étais devenu l'œuvre d'art la plus attrayante sous ton regard, dans ce musée géant qu'est notre monde.
Je veux regagner ton estime. Alors je continue de déblatérer que je serai prêt à me plier en quatre pour toi, dans le but de ne serait-ce qu'obtenir un infime sourire de ta part. Je ressemble à l'un de ces condamnés à mort sur le point de monter à l'échafaud, énumérant pourquoi l'on ne devrait pas le tuer et plutôt lui épargner la vie sauve.
— Tout ?
— Tout ce que tu désireras.
Malgré l'éplorement qui me ronge, mon ton est confiant. Je ne tremble pas et ne doute pas non plus de ce que je dis parce que j'ai foi en la véracité de mes mots. Je crois apercevoir quelque chose changer dans ses orbes sombres. C'est infime, mais je parviens à le remarquer. Cependant, je n'arrive pas à l'identifier. Pour ne pas changer d'habitude.
À quoi penses-tu durant ces instants, Taehyung ? Quels sentiments t'animent, maintenant ? Es-tu avec moi ou dans ton propre monde ? M'entends-tu ? Me vois-tu ? À qui ai-je affaire, tout de suite ? Suis-je en sécurité ? Et toi ? Te sens-tu apaisé et dans ton élément ? Suis-je le seul à me sentir aussi tendu ? Ou toi aussi, tout comme moi, tu ressens cette atmosphère lourde flottant tout autour de nous ?
Je le vois alors se rapprocher de moi, lentement. Ses pas sont ponctuels, nullement pressés par le temps qui défile. Aucun d'entre nous ne parle, seule la météo comble cette absence d'échange verbal. Une fois assez proche de moi, hyung s'arrête. Sa main vient saisir mon menton à l'aide de son index et de son pouce, doucement. Nos regards se croisent une nouvelle fois. Son toucher est mince contre mon épiderme et pourtant, je ne peux m'empêcher de frissonner à ce contact.
— Qu'est-ce que je représente pour toi ?
Mon tout. Mon univers. Mon étoile. Mon zénith et mon nadir. Mon euphorie et ma misère. Mon antidote et ma maladie. Celui que je ne daignerai jamais remplacer dans mon cœur parce que je te l'ai donné. Parce que tu l'as abreuvé de sensations que je n'aurais jamais cru éprouver. Ta rencontre m'a marqué au fer rouge et c'est à ta caresse, seule, que je prends vie.
Je pourrais continuer ainsi, à déclamer tout ce qu'il incarne à mes yeux tant il a eu un impact démentiel sur moi. Mais je me retiens. Ce n'est pas le moment pour se dire des mots d'amour. Alors, avec le peu de courage qu'il me reste, mes yeux continuant de se larmoyer, je réponds :
— Un mystère que je me dois d'élucider.
Un autre silence où l'on se contemple, sans piper mot. Bourdonnement proche. Son pouce vient flatter ma lèvre inférieure dans un geste lent. L'intensité de son regard sur moi est toujours la même. Je cesse de respirer sur l'instant, mes pulsations cardiaques refusant de se calmer, et le laisse faire. Taehyung délaisse mon menton pour glisser le bout de ses doigts le long de mon cou, partie de mon corps qu'il aimait tant malmener quand nous partagions encore le même lit. Sans doute car il s'agit de l'une des zones où je suis le plus sensible, où je vais être le plus réactif à son contact. Jouer avec la sensibilité de mon épiderme. L'un de ses grands jeux favoris auquel je perdais chaque fois la partie. La pulpe de ses doigts caresse ma pomme d'Adam et durant la même seconde, je déglutis. Sa main retombe alors dans un geste las, accompagné d'un « suis-moi » rocailleux parvenant jusqu'à mes oreilles.
Tandis qu'il entame le pas dans le corridor, je décide de le suivre. Des questions en nombre traversent mes songes pendant notre marche et très vite, nous arrivons devant l'une des pièces ayant titillé ma curiosité lors de ma venue ici, le soir où nous avions fêté ses vingt-sept ans : la pièce condamnée. Je m'en rappelle comme si c'était hier.
Derrière cette porte, j'y avais trouvé des vestiges de son passé figé à tout jamais sur des clichés. Notamment cette photographie datant de son passage au foyer de l'enfance parmi des effets personnels comme un hochet ou des albums pour enfants... Ou encore ce carnet blanc couvert de sang séché et eventré. J'avais pu voir, de plus, de multiples bibelots en lien avec la chrétienté qui m'avaient filé le cafard. Je suis certain que dans la plupart des cartons traînant de-ci de-là dans cet espace, il y a des éléments à creuser plus en profondeur. Des informations qui pourraient me permettre de mieux cerner Tae, de mieux connaître l'avant « lui » pour mieux apprivoiser le « lui » qui se tient juste devant moi et m'accommoder à son imprévisibilité. Car oui, qu'est-ce qui me dit que les prochaines minutes ne vireront pas une nouvelle fois au drame ? Je dois me préparer à toutes les éventualités possibles et imaginables avec une personne comme Taehyung. Je dois envisager le meilleur comme le pire avec lui. Vivre avec Taehyung, c'est quelque part vivre dans le danger.
Et le danger ne s'est jamais révélé aussi attirant, réincarné dans le corps de cet homme qui m'attire tel un aimant et me donne envie de fuir à la fois en courant. Je dois avoir un goût très prononcé pour le risque.
Il tourne la clé enfoncée dans le verrou – bruit qui me sort de mes pensées – avant de me laisser entrer le premier et...
Qu– Qu'est-ce que c'est que ça ?!
La disposition de la salle n'est plus du tout la même. Tous les éléments de la pièce semblent avoir été réarrangés depuis ma découverte ici, hormis quelques cartons et vieux mobiliers inutilisés n'ayant pas changé de place. Je balaye du regard cet environnement nouveau. Tout a été réaménagé et semble plus ordonné. Les objets religieux sont toujours là. Statiques et étrangement vivants à la fois. Peut-être est-ce à cause de ces dizaines et dizaines de chandelles et de bougeoirs disposés un peu partout, redessinant les ombres dansantes des statuettes et des crucifix au sol ? Je suis incapable de prononcer quoi que ce soit, pris de cours face à tout cet artifice devant moi. C'est comme si je me trouvais dans une vraie chapelle, sauf qu'il n'en est aucunement le cas. Je me trouve bel et bien chez Tae et je n'assimile toujours pas ce souhait d'avoir un tel aménagement chez soi.
Je m'avance petit à petit, sens peu à peu la chaleur émanant des tiges de cire venir effleurer ma peau. Je guette chaque recoin de ce débarras sacré jusqu'à ce que je cesse tout mouvement quand mes pupilles s'immobilisent sur cette chose qui se dégage de toutes ces babioles prenant la poussière. Ma bouche s'entrouvre et je reste là, pantois, à examiner cet étrange machin trônant majestueusement au centre de l'espace.
C'est une croix de taille humaine et peinte en noir. Des attaches sont fixées à chaque branche de celle-ci, pour les poignets. Elle ne ressemble pourtant pas à celle où Jésus fut cloué peu après avoir été livré aux Romains. Celle se tenant droit comme un pic et me dépassant d'une voire deux têtes a la forme d'un « X ». C'est la première fois de ma vie que je vois une croix de cette forme-là et que j'en vois une aussi grande pour de vrai. Sans la détacher du regard, j'approche l'une de mes mains de l'objet pour le toucher. La curiosité et le trouble se mêlent en moi. Un souffle chaud près de ma nuque me rappelle alors que je ne suis pas seul et des frisottis s'accaparent de mon être.
— C'est une croix de Saint-André, explique Taehyung, à voix basse. On l'appelle aussi « crux decussata ». Elle tire son nom du premier apôtre du Christ qui alla prêcher dans la Mésie. Malheureusement, son passage récité ne plut guère aux Romains qui le firent crucifier sur place. Selon la légende, Saint-André aurait embrassé la croix avant son supplice.
Il marque une courte pause puis reprend la parole :
— Je l'ai construite peu après que tu sois parti, en pensant à toi. Le fait de songer continuellement à toi m'a motivé pour la bâtir.
Je tourne brutalement la tête vers lui, ne m'attendant pas du tout à ce qu'il me confesse cela.
— Je me disais que ça nous correspondait bien, alors... La voici.
Je ne suis pas sûr de suivre Taehyung dans son raisonnement mais mon regard n'arrête point de dériver sur cette croix élaborée par ses soins... Et mon cerveau commence à imaginer des choses que je ne peux décrire. Elles me rendent fiévreux comme nerveux et très vite, je me retrouve les idées éparpillées, embrouillé par cette confusion qui s'empare de moi. Je peux sentir les ombres en moi s'éveiller. Est-ce l'émotion qui me rend ainsi ? Le fait d'avoir Taehyung à proximité ? Toute cette merde que je garde en moi depuis ce soir-là ? Tout ce que je sais, c'est que je ne sais point.
— Châtie-moi.
Un ordre incontrôlé de ma part. Ça paraît insensé mais c'est tout ce que mon âme veut. Tout ce que je veux, tout de suite.
— Répète, me demande mon aîné.
Sa voix semble avoir chuté de quelques octaves et moi, je me sens glisser vers le fond. Je veux monter sur cette croix. Je veux être lavé de toutes ces erreurs qui recouvrent ma peau et je le fais bien comprendre à Tae, à voix haute. Mon mal-être parle à ma place. J'explique encore une fois à quel point je m'en veux de lui avoir causé du tort, guidé par ce besoin urgent de tout lâcher. Ma gorge est sèche, une boule désagréable y prend forme et mes entrailles remuent sous mes paroles affligées. Je m'acharne, poursuis mes excuses sans fin, m'assèche la langue, sanglote... Puis il me coupe la parole.
— Tu n'aurais pas oublié de me dire quelque chose ?
Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Je réfléchis sans comprendre son sous-entendu. Je me suis excusé, ai exprimé mon désir d'obtenir son pardon, déclamé à quel point je m'en veux d'être parti, à quel point je meurs sous mes fautes à son égard... Qu'est-ce que j'ai manqué ?
Je le vois alors sortir de la poche de son pantalon un téléphone que je reconnais parfaitement car il s'agit du mien – Putain, qu'est-ce qu'il fait en sa possession ?! – puis il commence à l'utiliser comme si c'était le sien. Je me rends peu à peu compte que je suis grillé et j'observe avec horreur sa langue s'enfoncer dans sa joue. J'avais complètement oublié cette histoire.
— Vous avez l'air de très bien vous entendre, toi et...
Il continue de remonter la conversation sms avec son pouce rapidement avant de se stopper.
— Baptistin... Quel prénom de merde.
Je le sens. Ce dédain empoisonnant chacun de tes mots. L'amertume dans ta voix.
Tu es jaloux. Et la jalousie te rend horrible, Taehyung.
— Ce n'est pas ce que tu crois, tenté-je alors de me défendre.
— Tu avais l'intention de me remplacer par cet abruti qui ne sait même pas écrire correctement un sms sans faire la moindre faute d'orthographe ? Tu me déçois Jeongguk, je vaux mieux que ça.
Mais pas du tout, enfin ! Ça n'est rien de tout ça ! Pourquoi j'irai voir ailleurs alors que tu rampes encore sur les planchers plongés dans la pénombre de mon esprit ? Et puis... Toi aussi, tu es en tort. Nous sommes fautifs tous les deux.
— Et toi, alors ? Te montrer super avenant envers d'autres gars de mon âge alors que je suis pas loin, ça ne te dérange pas ? Ça t'est égal que ça me fasse quelque chose ou non ?
Nous avons joué tous les deux avec le feu dans l'espoir de provoquer une réaction chez l'un l'autre. Visiblement, ça a l'air d'avoir fonctionné. Tu n'aimes pas le fait que j'ai pu laisser un autre homme apprendre à me connaître et l'idée qu'il puisse voler ta place te rend irritable. Moi, je n'ai pas du tout apprécié que tu échanges tes plus beaux sourires à d'autres alors qu'ils étaient tous imprégnés de faux, dissimulaient un objectif où j'étais la cible. Ne te fais pas passer pour le plus saint d'entre nous. Tu es très mal placé pour le faire, suppôt de Satan.
— Tu pensais que j'allais crier de joie en voyant ton petit manège ? Que j'allais te féliciter, peut-être ? Bah non, Taehyung ! Ça m'a brisé plus que ça ne m'a donné envie de retomber dans tes bras !
Le voir agir de cette façon sous mes yeux m'a énervé un bon nombre de fois et la seule action que je pouvais faire c'était rager en silence, cramponné à ma chaise tel un forcené tout en faisant mon maximum pour ne pas laisser sortir le démon qui sommeille en moi.
— Tu sais ce que tu mérites ? Une putain de gifle. Mais je ne le ferai pas pour des raisons dont tu as parfaitement connaissance.
Évidemment, je ne lèverai pas la main sur lui. Je n'aime pas blesser les autres, encore moins ceux qui font partie intégrante de ma vie. Je n'aime pas les conflits et, plus généralement, la violence. Je ne veux pas être comme mon géniteur. Je ne veux pas reproduire les mêmes erreurs que ce malade qui a détruit de sa main l'équilibre de notre famille. J'en ai trop vu, trop entendu plus jeune et il est hors de question que cela se reproduise. Je ne veux pas être l'acteur d'un scénario cauchemardesque où seules la peur, les larmes et la menace triompheraient à la fin. Je ne veux pas de ça. Tae me regarde longuement, l'un de ses sourcils arqué, avant de prendre appui à l'aide de l'une de ses mains contre le bois de la croix. Il croise sa jambe et se penche vers moi.
— Ce que tu peux exagérer, quand tu t'y mets... Moi au moins, je n'ai pas eu le toupet d'échanger mon numéro avec eux. Tu peux vérifier mon téléphone si ça te chante, mais tu verras bien que je n'ai enregistré aucun nouveau contact depuis que tu es parti.
Je me décompose intérieurement et mon expression sur mon visage me trahit. Un sourire en coin apparaît sur ses lèvres carminées. Il jubile de la situation.
— Tu as fauté, Jeongguk. Encore une fois. Si tu veux bien faire les choses, fais-les jusqu'au bout. Non seulement si je n'avais pas évoqué le sujet, tu m'aurais caché ça. Mais en plus, tu n'assumes qu'à moitié ta connerie en n'ayant pas enregistré le numéro de ce bouffon. Tu as une objection à faire, peut-être ?
Enterrez-moi, putain.
Je me sens affreux. J'ai agi par pur caprice en utilisant ce Baptistin juste pour faire payer à Tae de flirter ouvertement devant moi avec des étudiants qu'il ne connait ni d'Adam, ni d'Ève. J'aurais pu très bien ne pas entamer de discussion avec lui et le supprimer définitivement de mon annuaire téléphonique. Sauf que j'ai fait tout l'inverse, sous les conseils de cet énergumène me servant de meilleur ami. Fais-moi confiance, qu'il m'avait dit. Ça va te faire du bien de discuter avec quelqu'un d'autre. Ah, ah...
Regarde un peu où est-ce que tes conseils à la mords-moi le nœud m'ont menés, Jimin.
— Pourquoi c'est toujours moi le mauvais dans toute cette histoire ?
Finalement, j'ai l'impression d'avoir merdé du début jusqu'à l'instant présent, surtout envers Taehyung. Je sens mes épaules s'alourdir subitement, comme si un poids s'était ajouté entre-temps parmi les nombreux autres reposant dessus. J'ai le sentiment que tout ce que j'essaie d'entreprendre est voué à l'échec ou bien à se retourner contre moi. Rien ne va dans mon sens, même lorsque je m'en donne les moyens. Les efforts ne paient pas. Est-ce que j'ai fait au moins une seule chose de bien depuis tout ce temps ? Je commence à perdre patience avec moi-même et vire du revers de la manche de mon sweat à capuche de nouvelles perles translucides s'écoulant de mes yeux.
— Parce que tu l'es.
Je réalise alors que j'ai posé ma question à voix haute et la réponse de Taehyung me sidère. Il est sérieux et serein par rapport à ce qu'il vient de dire tandis que moi, je suis consterné par ses mots. L'expression carnassière sur son visage est repassée à une neutralité qui pourrait paraître agaçante pour les gens qui ne le connaissent pas.
— Mais si tu es venu jusqu'ici pour m'épier, c'est que quelque part tu ne m'as pas oublié. Je suis content.
Comment peux-tu passer d'un énorme reproche pour t'avoir blessé pour ensuite me dire que tu es content de me voir chez toi ? Comment peux-tu passer du coq à l'âne en un très court laps de temps ? Je ne te comprends pas, Taehyung.
Encore une fois pour ne pas changer, je n'arrive pas à suivre ce qui se trame dans sa tête. Voyant que je suis perturbé par son comportement, il délaisse la croix puis réduit le peu de distance qui nous sépare pour venir attraper mon visage en coupe.
— Tu ne voudrais pas me décevoir à nouveau, n'est-ce pas ?
La douceur imprègne sa voix alors que ses pouces s'occupent de virer mes vilaines larmes qui continuent de rouler sur mes joues. J'ose planter mes prunelles dans les siennes. Bien sûr. La question ne se pose même pas. Je n'attends que ça de pouvoir purger ma succession de maladresses. Je veux me débarrasser de cette lourdeur qui me comprime le moral jour après jour, nuit après nuit. Je fais un « oui » de la tête, sans prendre la peine de répondre.
— Suis ce que dit ton cœur, bel ange, murmure-t-il.
Je veux être sur cette croix. Même si je n'ai pas la moindre idée de ce qui s'ensuivra ensuite, je veux que Tae l'use sur moi. Je veux qu'il me sanctionne pour tout le bordel que j'ai pu provoquer de son côté. Mes pupilles dévient sur cet objet encore une fois et je le regarde avec bien plus d'insistance cette fois-ci, traduisant implicitement à mon beau châtain que ma décision est prise.
— C'est vraiment ça que tu veux ?
Je lui donne mon approbation à haute voix, sans hésiter ne serait-ce qu'une insignifiante seconde.
Je ne reculerai pas cette fois-ci. Une fois, pas deux.
Je m'attends alors à ce qu'il exécute ma demande sur le champ. Sauf qu'il n'en fait rien. Il s'éloigne de moi petit à petit, se dirige vers les vieux meubles rangés et empilés dans un certain ordre de rangement et saisit une chaise composée de deux accoudoirs avant de la traîner à quelques mètres de moi. Pendant ce temps, je suis décontenancé, le crissement des pieds de la chaise parvenant jusqu'à mes tympans. Je ne saisis pas ce qu'il prépare, quelle idée farfelue a pu encore émerger dans ses songes et je peux entendre l'orage éclater une nouvelle fois tel un écho lointain.
— Qu'est-ce que tu fais ? Demandé-je, perdu.
— N'allons pas si vite, profitons de ton retour... me répond-il du tac-au-tac.
Il place la chaise de face puis s'assoit dessus, le dos bien enfoncé contre le dossier et ses mirettes toujours posées sur moi. Il croise ensuite les jambes, un bras sur l'un des accoudoirs servant d'appui contre son visage légèrement penché sur le côté. J'ai l'impression de passer sous un rayon X, d'être palpé de l'intérieur et de sentir mon âme se faire pénétrer de toute part tant l'œillade qu'il me renvoie est d'une intensité folle. Il humecte ses lippes et me dit :
— Nous avons toute la nuit pour que je puisse t'offrir la correction que tu mérites. Une conduite comme la tienne nécessite une punition, tu ne penses pas ? Hm ?
Est-ce la chaleur provenant de toutes ces bougies qui me donne aussi chaud d'un coup ou bien... ?
Je retiens mon souffle, sentant mon organe vital battre anormalement vite.
— Les garçons indisciplinés comme toi requièrent une sanction, mon ange. Une grosse sanction.
Je perds toute contenance face à ses mots roulant sensuellement sous sa langue et sens mes jambes flageoler. Je fonds comme neige au soleil sous la tiédeur des syllabes qui sortent de sa bouche et, surtout, à cause de ce surnom que j'affectionne tant m'étant destiné.
Cesse donc de me regarder comme ça, bon sang.
— Je ne sais pas laquelle serait la mieux adaptée pour toi, à vrai dire...
Parce que tu en as plusieurs en option ?!
Il fait mine de réfléchir, ses doigts massant son menton.
— Je doute fort que de simples fessées suffiront, vilain comme tu as été... Devrais-je t'empêcher de jouir ? Te faire venir plusieurs fois à la suite, peut-être ?
Je respire difficilement. Mes entrailles vont mal, très mal.
— Peu importe puisque à la fin tu m'imploreras comme la pauvre petite chose nécessiteuse que tu es, sans savoir ce que tu désires exactement. Parce que tu seras égaré entre le plaisir et la douleur que je t'infligerai. N'ai-je pas raison, trésor ?
Son intonation, son regard, sa façon désinvolte de s'asseoir : tout chez lui manifeste une lascivité qui me prend aux tripes. Je subis son charme, intimidé. Même après des jours entiers sans sa présence à mes côtés, mon attirance pour lui est toujours là et inchangée. Elle n'a pas disparu. Elle reprend même le dessus sur le mont de questions squattant mes pensées, la méfiance que j'éprouve vis-à-vis de lui et cette peur que tout ne dérape à une nouvelle reprise. C'est donc ça, l'amour ? Ça vous rend léthargique au point que vous soyez incapable de vous opposer à votre partenaire ? Un seul regard échangé, un mot prononcé, un geste douillet à mon égard : chaque chose que fait Taehyung m'absorbe, me vide de toute capacité intellectuelle. Ça relève presque du maléfice, d'un ensorcellement dont je ne peux me défaire.
Kim Taehyung, que m'as-tu fait ? Pourquoi depuis ce premier jour où nous nous sommes rencontrés, je ressens cette envie de plus continuellement ?
Je remarque alors sa main reposant à plat sur l'accoudoir. Elle tourne de quelques degrés, l'index pointant le ciel et effectuant de légères rotations. Encore une fois, je manque d'avaler de travers ma salive. Je connais bien ce signe. Un parmi d'autres qu'il m'a appris lors de corps-à-corps exaltants. Mes joues chauffent peu à peu et mon cœur ne s'arrête point de cogner avec virulence dans ma cage thoracique. C'est dingue, je crois même entendre les battements tellement il bat fort. Mais un élément me taraude. Si Tae utilise ses signes alors même que nous ne sommes plus ensemble... Ai-je encore la permission d'utiliser mon safeword, « rouge », que nous avions choisi d'un commun accord, lors de nos rapports intimes ? Dois-je passer outre ? Ou dois-je l'utiliser à tout moment où je sentirai que l'on dépasse ma zone de confort, même si l'on ne forme plus un couple ?
Docilement et le cerveau turbinant à plein régime pour ne pas changer – c'est un miracle qu'il n'ait pas encore explosé – je me tourne dos à lui et cède à cet ordre silencieux. Mes doigts attrapent le bas de mon pull pour le relever et une fois celui-ci retiré, je le laisse tomber par terre. Très rapidement, mes chaussures, mon pantalon et mes chaussettes le rejoignent et me voilà à découvert sous les pupilles intéressées de mon hyung, seulement vêtu de mon boxer et de ce pendentif ne m'ayant jamais quitté depuis qu'il me l'a offert. Même en ne le voyant pas, je peux deviner ses obsidiennes charbonneuses reluquer mes courbes, chaque parcelle de ma musculature que je n'ai pas retravaillé depuis un petit moment déjà. Je pivote sur moi-même tout en tortillant mes poignets et n'osant pas le regarder, bien trop impressionné par tout ce qui est en train de se dérouler. J'ouïe alors un tapotement. Je jette un œil vif vers l'origine de ce bruit. Toujours ce même index qui, cette fois-ci, tapote l'accoudoir dans un tempo similaire à celui d'un métronome. Il veut que je m'approche.
Est-ce que je peux utiliser ce fichu mot code, bordel ? C'est stressant.
À pas de velours, je marche dans sa direction, une jambe après l'autre et la gorge sèche. Au fur et à mesure que je me rapproche, Taehyung tend la main vers moi. Une fois à sa hauteur, je l'attrape et il m'invite alors à monter sur ses genoux. Un peu hésitant, je le fais de façon maladroite et lentement, les paumes de Tae trouvent refuge au creux de mes hanches pendant que je prends appui sur ses épaules. Son toucher est chaud et réconfortant contre mon épiderme, un peu comme celui des bougeoirs nous entourant. J'oublie lentement mes craintes liées à l'utilisation de mon safeword et me concentre sur ses mains cajolant ma peau. Mes palpitations s'apaisent peu à peu. Je ne m'en rends compte que quelques secondes plus tard mais il a remarqué que je porte toujours le collier lui ayant anciennement appartenu autour de mon cou avant de reporter son attention sur moi.
— As-tu idée ô combien tu m'as manqué ?
Quelques secondes de silence passent. L'entendre me dire qu'il se languissait de ma présence gonfle ma poitrine d'une étrange émotion.
Toi aussi tu m'as énormément manqué, Taehyung.
— Tu m'as manqué tout autant.
La paume de ses mains bichonnent ma peau, me refilant de légers frissons.
— Vraiment ?
Son visage est si proche du mien...
Oh la la.
Ses lèvres me font de l'œil. Elles me hurlent presque de les combler d'un baiser passionné et je ne suis pas sûr de réussir à me contenir plus longtemps. Il m'a tant manqué. Lui, dans son entièreté, a laissé un gros vide dans mon quotidien après cette terrible nuit qui a signé la fin de notre relation. Je le veux plus que jamais.
— Je te le jure...
Ma voix n'est plus que murmure et je meurs d'envie ne faire qu'un avec ses lippes qui ont su m'emmener au-delà du divin de si nombreuses fois qu'il m'est impossible de toutes les compter. Nous nous contemplons longuement, sans piper mot. C'est un peu comme si l'on se redécouvrait, après autant de temps passé l'un sans l'autre. Sa couleur naturelle lui va à ravir et se marie à la perfection avec son derme crépusculaire. Mes pupilles ne cessent de faire des allers-retours entre chaque détail constituant son faciès, dont les trois adorables grains de beauté tachant son visage, et je ne peux m'empêcher de me dire que j'ai sous mes yeux l'homme le plus magnifique que cette terre ait porté. Mon cœur ne semble pas prêt à interrompre ses « boum boum » intempestifs et progressivement, nos paires de croissants de chair se rapprochent, centimètre après centimètre, attirées tel des aimants jusqu'à se frôler. Je les veux. Je veux les goûter comme autrefois. Je veux m'enivrer de leur saveur délicieuse, imprimer de nouveau sur mes propres lèvres leur volupté et leur douceur pour m'en souvenir éternellement. C'est une bouffée d'euphorie qui s'empare de moi, excité à l'idée de pouvoir couvrir de baisers sa jolie bouche, de fusionner à nouveau nos langues dans un ballet endiablé. Je pourrais chialer tant la sensation de ses lèvres contre les miennes m'a manqué à un point...
Cependant, je n'obtiens pas ce que je désire.
Ce n'est pas la tendresse de ses lèvres que je reçois mais la rudesse d'une gifle contre ma fesse droite qui me fait hoqueter de surprise tout contre sa bouche purpurine.
— Mensonge, gronde-t-il.
Son expiration s'échoue sur le bord de mes lèvres en même temps que cette accusation. Ahuri par celle-ci, je tente alors de me défendre comme je le peux. Mais Taehyung est coriace. Il ne me facilite pas la tâche. Sa main ne cesse de fouetter mon postérieur chaque fois que je tente de parer ses accusations, une négation venant accompagné son geste. Ma fesse picote, brûle sous ses coups et le ressenti qui s'accapare de moi est flou, se retranscrivant par des gémissements audibles et inaudibles à la fois. Dans un élan de détermination venu de je ne sais où, je lui choppe le poignet pour le stopper et le confronte du regard, sans sourciller.
— Fous-moi sur ta putain de croix et on verra si je suis encore un menteur !
Mon ton est agressif, sans que je ne le veuille. Cela me surprend, en plus de surprendre mon vis-à-vis.
— Pas à deux heures du matin, ni à l'aurore. Maintenant.
J'insiste sur ma dernière phrase pour qu'elle s'ancre bien dans la cervelle de Taehyung.
Je te connais à force. Tu as tendance à repousser les choses parce que tu ne veux pas t'y confronter de suite. Dans le fond, tu as peur des répercussions que cela provoquerait. Comme le fait de me révéler des éléments sur ton passé, par exemple.
— Est-ce que tu essaierais encore de gagner du temps, Kim Taehyung ? demandé-je, ma voix ayant descendu de quelques notes. De quoi as-tu peur ? De me faire mal ? Juste ça ? Tu ne crois pas m'avoir habitué à pire ?
Les souvenirs sont encore tout frais. Est-ce que tu veux que je te remémore ce que tu m'as fait endurer ? Comment tu m'as déchiré cette nuit-là après m'avoir giflé le visage, peut-être ? De cette autre fois où, possédé par la fureur d'être remplacé par mon meilleur ami, tu ne m'as laissé aucun répit contre le plat de ton bureau, aucune chance de m'échapper, alors que je t'avais ordonné de me lâcher ? Ce que tu m'as fait n'est définitivement pas normal et aucun être humain ne devrait subir un châtiment inhumain.
Le viol n'est pas une preuve d'amour, Taehyung. C'est criminel d'agir ainsi, que l'on soit conscient ou non. Maintenant, je l'ai bien compris. Je devrais peut-être te remercier de m'avoir ouvert les yeux sur ce mal faisant bien plus de ravages que je ne l'aurais pensé. J'ai désormais un aperçu de ce que tu as pu vivre dans ton foyer familial, en ayant subi à mon tour le même sort et je ne souhaite cela à personne. Je ne suis pas en colère après toi : c'est un constat qui passe la barrière de mes lèvres. Je partage une profonde pitié à ton égard car si les choses avaient été différentes, peut-être que rien de tout cela ne se serait produit. Peut-être qu'à l'heure actuelle, on serait toujours ensemble. Peut-être que tu ferais partie de mon cercle de personnes m'étant proches et participerait à ces instants uniques aux côtés de mes amis. Peut-être même que j'aurais osé te présenter à ma mère car dans le fond, s'il n'y avait pas tout ce contexte macabre gravitant autour de nous, je pense qu'elle aurait adoré t'avoir comme beau-fils. J'en ai l'intime conviction.
Mais la vie en a décidé autrement et ton regard se durcissant m'arrache de mes pensées. Tes poignes s'enfoncent dans ma chair, signe que j'ai possiblement touché une corde sensible chez toi. Tu ne te pardonneras peut-être pas tout le carnage que tu as semé dans mon quotidien mais les faits sont là et resteront. On ne peut rien changer. Même si j'en rêve de jour comme de nuit, c'est impossible. On ne peut rien faire contre cela.
— Agis ! Je ne veux plus avoir le mauvais rôle à tes yeux... S'il-te-plaît, attache-moi à cette croix. J'ai l'impression que je vais mourir d'une minute à l'autre, si tu ne m'accordes pas ton pardon.
Je me sens coupable de ne pas pouvoir faire bouger les choses dans le bon sens.
Dans notre sens.
J'aurais dû anticiper les événements. J'aurais dû me douter que quelque chose ne tournait pas rond dans ce lien qui nous unissait et plus particulièrement avec lui. J'ai vu les signes. Je les ai vus et entendus. J'étais là. Mais je me suis bercé d'illusions, me suis convaincu aveuglément que tout irait bien. J'aurais dû reprendre le contrôle de notre navire pendant que Taehyung, lui, tanguait de plus en plus vers les abysses.
— Cette croix... Tu l'as bâti pour moi. Alors vas-y, hyung. Touche-moi. Étonne-moi, déchire-moi, fais-moi tressaillir, pleurer, frémir, indigne-moi, adore-moi. Fais ce qui te passe par la tête. Je ne fuirai pas cette fois-ci. Et je pense que toi aussi, tu as des choses à m'avouer, à me témoigner...
Je dois réparer tout ce carnage, toute cette merde que j'ai empiré sans le désirer et donc laisser Taehyung prendre les rennes ce soir, à partir de maintenant. Celui-ci semble l'avoir compris. Toute animosité s'envole en même temps qu'il abdique à mon monologue, d'un faible hochement de la tête. Tranquillement, il me conduit enfin à cette croix, terré dans un mutisme qui n'est pas dérangeant. Il n'y a pas besoin de dire plus.
Quelques minutes plus tard, je suis enfin cloué sur cette fameuse croix. Taehyung a été très délicat avec moi, malgré tout. Seulement mes poignets sont emprisonnés autour d'attaches aux extrémités. Un léger espace me permet de me tourner et m'évite de ressentir une gêne ou de me couper la circulation sanguine. Je ne peux bouger que mes jambes et mes yeux sont à l'affût. Il tourne en rond tout autour de moi, comme un lion tournerait dans sa cage, une main dans l'une des poches de son pantalon, l'autre s'autorisant de temps à autre à effleurer ma peau, tout en m'inspectant sous tous les angles. Mes abdominaux, mon pectoral gauche... Chaque partie frileuse me constituant y passe. Je me tends sous ses caresses légères. Mettre à l'épreuve ma patience fait partie de la liste des nombreuses choses d'ordre sexuel qu'il aime appliquer sur moi. Dieu sait jusqu'où s'étend cet inventaire parfumé de luxure. Car au fur et à mesure que nous nous ébattions, j'ai appris que Taehyung est un homme débordant de fantasmes singuliers.
Il se positionne face à moi puis déclare fermement :
— Tourne-toi.
J'obéis.
— Le dos courbé vers l'avant.
Je me penche vers l'avant, suivant ses instructions.
— Les jambes écartées.
Une appréhension monstre grandit en moi tandis que j'exécute ce qu'il me demande. Désormais de dos, je ne peux observer ce que Tae me réserve. Sa voix s'élève alors dans la pièce, tonitruant en parfaite synchronisation avec cet orage qui refuse de se calmer.
— Alors comme ça, je t'ai manqué ? Même en ayant fait le choix de me laisser ?
Je sens ses pas tout proches et ma poitrine palpiter. Je réponds silencieusement d'un hochement de tête. Subitement, une étrange chaleur m'enveloppe et ma fesse brûle, encore. Je me mords violemment la lèvre inférieure.
— Tu as une belle bouche pour gémir à outrance mon nom, sers-toi en pour parler cette fois-ci, me réprimande-t-il.
Je bégaye un « oui » frôlant l'absurde avant de surenchérir qu'il m'a manqué fortement. Après tout, je ne fais que dire la vérité. Je le sens tout proche de moi. Il se colle même à moi, son torse contre mon dos, et je suffoque, nullement prêt à un tel rapprochement soudain. Sa respiration lourde s'écrase derrière mon oreille.
— Ça, c'est ce que tu dis...
Des frissons multiples parcourent le long de mon échine, au rythme de cette caresse du bout de ses doigts appliquée sur ma colonne vertébrale de bas en haut. Sa main remonte encore et encore, se rapprochant de ma nuque et sans que je ne vois la chose venir, Tae me tire par quelques mèches de cheveux. Ce qui me fait automatiquement basculer le crâne vers l'arrière et, au passage, fermer les yeux instinctivement.
— Pourtant, tu ne t'es pas gêné pour combler mon absence par ce mec.
— À qui la faute ? réponds-je difficilement, mon cuir chevelu me tirant.
C'est toi qui m'as incité à agir ainsi. C'est toi et tes regards dégoulinant d'enthousiasme en toc pour cette nana habillée en troubadour l'autre jour, ou encore toi et tes sourires hypocrites à destination ce mec à l'allure d'un étudiant d'Arts du Spectacle. Hommes et femmes, qu'importe leur niveau scolaire, tu as usé de l'attraction que tu inspires sur eux pour retourner la chose contre moi.
Une autre fessée résonne dans l'air.
— Tu me pousses à te faire réagir en faisant des choses qui te déplaisent. Est-ce que tu as la moindre idée dans quel état j'étais pendant que toi, tu faisais plus ample connaissance avec cet idiot de première ?
Si... J'en ai conscience. Je repense alors à son appel rempli de détresse, la nuit de notre séparation. De l'état épouvantable dans lequel je l'ai retrouvé dans sa salle de bain, en allant d'urgence chez lui... C'était déchirant. Taehyung brisé, stigmatisé par ses démons, s'écorchant la peau tout en pleurant le martyre... C'est une vision cauchemardesque que je n'oublierai jamais. Je n'ai jamais vu un être humain aussi anéanti par la vie, aussi dépassé par ce qu'il encoure. Taehyung n'a jamais, ou alors que très peu, évacué ce qui le consume depuis des années et mon départ n'a fait que lui apporter plus de problèmes. Les cicatrices rougeâtres sur son bras déjà bien entaillé que j'ai remarqué plus tôt en sont la preuve. Mon cœur se serre rien qu'en y songeant encore et je n'ose réfléchir à comment mon hyung a vécu les journées suivantes. Il a dû être au plus bas, penser au pire du pire... C'est pas une vie pour quelqu'un ça. Et je lui ai fait vivre ça...
Quel parfait connard, je fais.
— Je l'imagine et j'en suis désolé...
Je veux te prouver que j'en vaux la peine. Plus que tout. Juste ça.
— Plus fort, Jeongguk !
Désespéré, je crie ce que je viens visiblement de murmurer sans m'en rendre compte.
— Est-ce qu'il t'a approché à nouveau, depuis ? Embrassé ? Touché ?
Ses questions se font insistantes et pressantes, comme s'il avait le besoin de se rassurer. De s'assurer que ce garçon que je ne connais que depuis peu ne l'a pas détrôné.
Tu règnes toujours en maître en mon âme et mon cœur. Tu es toujours le roi manipulant mon esprit tel le pion que je suis, sur cet immense échiquier qu'est ma vie. Tu es irremplaçable, Taehyung.
Je secoue négativement la tête tout en bougeant un peu mes mains.
— Parle. Si tu ne le fais pas, je vais ouvrir cette bouche à ma manière, me menace-t-il à voix basse tout en massant ma fesse endolorie
Je lui accorde ce qu'il désire, en proie à des frisottis.
— Est-ce que toi, tu t'es touché durant mon absence ?
Je me raidis, gêné par sa question très intrusive sur les bords. Il est vrai qu'il m'arrive parfois le soir de relire nos conversations, dont certaines plutôt assez... Enfin non, soyons clairs. Très chaudes. Supprimer nos messages m'est encore irréalisable et quelquefois, l'envie me prend de les relire à nouveau. Encore et encore jusqu'à ce que ce soient des larmes de tristesse ou de jouissance qui se répandent sur mon visage. Lors de mon réveil, c'est une tout autre histoire quand je découvre le souillon que j'ai laissé pendant la nuit. Sans même me souvenir que j'ai fait ça, d'ailleurs. C'est comme ça depuis des semaines. C'est tout ou rien. Option une : je m'en souviens. Option deux : c'est le trou noir. Je n'aurais jamais cru un jour guérir de mon aversion pour le sexe, dégoût qui m'a tenu compagnie tout le long de mon adolescence. Il y a encore quelques mois, l'acte en lui-même m'écœurait et je ne me voyais pas du tout faire ça. Et puis, Taehyung est apparu. Je suis passé de l'innocence à l'impudicité la plus totale. Je peine encore à croire que moi, Jeon Jeongguk, qui voulais rester vierge jusqu'à la fin des temps, ai pu coucher avec quelqu'un et en plus de ça : dans un lieu public ! Dans ma fac, bordel ! Je devrais avoir honte et pourtant, je ne regrette pas ces moments passés avec Tae. Je n'éprouve aucun remords de l'avoir fait crier mon prénom alors que tout le monde pouvait nous surprendre sur le fait ; tout comme je n'éprouve aucun regret qu'il m'ait fait gémir le sien aux sons de nos peaux entrant collision, seconde après seconde.
J'ai encore en mémoire cette sensation de plénitude lorsqu'il entrait en moi. Je revois cette passion qui guidait ses gestes remplis d'adoration à mon égard. J'entends encore ses grognements sensuels au creux de mon oreille entre chaque coup de reins. Je revois ses œillades de braise m'étant toutes destinées, tous ces contacts visuels sans qu'on ne les rompt, jusqu'à la torsion ultime. Je sens à nouveau ces milliers de papillons battant de leurs ailes au creux de mon ventre à chaque baiser fiévreux échangé. Je ressens toujours la puissance de ces instants précipités, multiples mais uniques en leur genre. Ce qui était encore plus magique durant ces instants, c'était les rares fois où il me laissait prendre les devants. Ces quelques minutes où il me laissait admirer cette fragilité cachée derrière son masque fait de marbre, ces micros secondes de soupirs de plaisir quittant ses lèvres rougies sous l'impétuosité de mes manœuvres, ces laps de temps inattendus où ses mains tiraient sur ma tignasse pour m'inciter à lui donner plus, bien plus, toujours plus. Ces fois exceptionnelles où ses prunelles voilées de désir et de perles salées me contemplaient, brillaient tels des constellations dans la nuit noire ; me hurlaient implicitement de le chérir pour toujours, de ne jamais le lâcher. Je me sentais puissant quand cela arrivait. Nos petits voyages corporels jusqu'au bout de la nuit électrisaient mes sens, me coupaient le souffle, réchauffaient mon ego, mettaient à fleur de peau mes sentiments pour lui, me galvanisaient et bien plus encore. Les mots ne peuvent décrire avec exactitude ces nuits qui me sont précieuses, merveilleuses que je revis désormais dans mes rêves à pas d'heure. Ce serait mentir de dire que tout ceci n'était que du vent et que je peux m'en passer. Mais ça, je n'aurais jamais le courage de l'avouer à Taehyung, sans détourner le regard, ni même bafouiller.
— Tae, c'est embarrassant... lui reproché-je.
Il ricane doucement à ma réponse. Son rire est distinct. La pluie semble avoir diminué d'intensité.
— Mon bébé, qui il y a encore peu se mettait à genoux pour moi de son plein gré, est gêné pour si peu ?
Je sens mes joues bouillonner ainsi que mon embarras tripler. Mon aîné s'en délecte et perpétue sa torture sadique.
— À quoi est-ce que tu penses dans ces moments-là ? Ne joue pas au chaste avec moi, Jeongguk. Ça marche avec qui tu veux, mais pas avec moi. Je te connais comme si je t'avais fait.
Il se rapproche de mon oreille tout en ne cessant point ses caresses sur certaines parties de mon corps qui s'éveille de fil en aiguille. Il n'a encore rien fait et j'ai déjà l'air d'une bombe à retardement. La température ambiante ne m'aide guère à adoucir mes bouffées de chaleur.
— Tu te rappelles de cette fois où je t'ai fait l'amour sur le comptoir de ta cuisine ? J'avais même dû te ramasser à la petite cuillère après car tu n'arrivais plus à tenir droit.
Comment oublier un truc pareil ?
Ce fut si intense que j'ai fini dans les vapes et les jambes en feu alors que je n'étais pas partant au départ. Il m'avait fallu plusieurs minutes pour me reconnecter avec la réalité, avec le cadre qui m'entourait et surtout avec Taehyung qui s'était inquiété de me voir si peu réactif, presque éteint face à ses appels et ses gestes se voulant consolateurs. J'étais ailleurs, présent et absent à la fois, désaxé ; mille pensées surgissant dans mon esprit perdu. Il s'était passé trop de choses dedans. Bonnes comme mauvaises qui m'avaient laissé à l'état d'épave pendant de courtes minutes qui m'avaient parues une éternité. Il n'était pas serein et en lui souriant un peu, je l'avais rassuré avant même de me rassurer. Je n'oublie pas. Mais ce souvenir, je ne le porte pas vraiment dans mon cœur. Je me tends à cette réminiscence et serre les poings, sentant une boule de chaleur naître dans mon bas-ventre malgré moi. Foutues sensations de merde ! La douleur derrière mon crâne est constante et en jetant un regard sur le côté, je peux voir Taehyung sourire en coin.
— Tu t'en souviens, relève-t-il.
Range-moi ce sourire indécent qui n'a pas lieu d'être.
Je m'apprête à répliquer mais je fais erreur en sous-estimant mon vis-à-vis. Taehyung est très doué pour obtenir ce qu'il veut, pour parer des situations qu'il juge dérangeantes et manipuler à sa guise les gens pour parvenir à ses fins. Dire « non » à Taehyung : inconcevable. On ne peut rien lui refuser. Pourquoi ? Peut-être à cause de sa gueule bénie par toutes les divinités réunies. Ou bien à cause de son passif, par peur de le brusquer. Ou peut-être qu'il n'y a pas de réelles raisons à cela. Qui sait ? Et lorsque je sens l'une de ses grandes mains s'accaparer mon entrejambe, je réalise toute l'emprise physique qu'il possède sur mon être. Même quand ma raison est de glace, mon corps s'embrase sous ses caresses. Un toucher, un baiser, un attouchement et je suis à sa merci. Taehyung a le contrôle entier sur mon système sensoriel et la seule chose que je puisse faire est me plier à lui. C'est son arme imparable et il en a pleinement conscience. Un couinement manque de découler de mes lèvres à ce contact soudain. Je sens son autre main quitter mes cheveux pour venir glisser le long de mon dos et finir sous mon boxer, à l'une de mes fesses.
— T'es vraiment qu'une sale petite merde quand tu le veux. Tu le sais, ça ?
Je gémis pour de bon cette fois-ci, alors qu'il presse mon membre entre ses doigts.
— Ton envie de fuir n'aura pas fait long feu, vu la façon dont tu te torsionnes.
Tandis que sa poigne autour de ma virilité s'active à lui administrer quelques va-et-vient, je sens l'index de son autre main titiller mon antre délicatement en y effectuant des cercles. Je ne veux pas et je veux en même temps. Mon corps s'échauffe, entre lentement mais sûrement en ébullition et je me perds pour la je-ne-sais-combien de fois dans les méandres de ces ressentis paradoxaux. J'envie. Je désire plus et je commence à ne plus tenir en place. Subitement, je sens l'air frais bichonner mon postérieur. Taehyung a abaissé mon boxer, sans me prévenir, et je ne ressens plus rien en bas. Je couine de frustration car il ne s'occupe plus de moi et me questionne alors sur ce qu'il compte me faire. J'attends. Une seconde passe. Puis deux. Et trois...
Je suis sur le point de tenter de faire volte-face en dépit de ma position et c'est une véritable décharge électrique venant de nulle part qui traverse mon être tout entier. Je n'ai jamais ressenti une telle sensation. Elle est bizarre, déroutante mais diablement grisante. Quelque chose me titille entre mes chairs et je comprends vite ce que Taehyung est en train de pratiquer. Je rougis davantage, mon excitation monte en flèche et je tire violemment sur mes attaches sous ces vagues de plaisir qui me submergent, n'ayant que faire si elles me lacèrent les poignets ou non. C'est un tohu-bohu inhumain qui secoue ma poitrine et l'ixième fessée que je reçois contre ma cuisse, comme un rappel à l'ordre, ne fait qu'envenimer mon extase.
— Tae– Ah !
Sa langue ne s'arrête point de remuer, alternant entre rythme doux et rapide et on entend plus que moi dans toute la pièce. Mes gémissements gagnent en volume sonore, rendant le bruit de la pluie presque infime et je deviens hors de contrôle.
Il va me rendre dingue !
— Putain, Taehyung ! C'est t– trop ! Han !
Je me rapproche, je le sens ! J'halète, crie, m'agite, me tortille, roule des yeux, l'implore – rien ne vient. Je ne sens plus le muscle humide de mon beau châtain contre mon intimité. Mécontent, je grogne et fais savoir à Tae que ce changement ne me plaît pas du tout.
— Je te déteste... soufflé-je entre deux respirations.
Jusqu'à ce qu'il me redresse bien droit et que je sente son torse contre mon dos nu, ses mains sur mes hanches. Non seulement, je sens sa respiration lourde toute proche de mon oreille mais en plus... Je sens tout autre chose contre moi. Contre mes fesses. Quelque chose de volumineux. De dangereux et d'excitant, coincé sous une couche de tissu.
— Tu es frustré ? me chuchote-t-il. Mon pauvre petit ange n'a pas obtenu ce qu'il désirait ?
Sa voix paraît essoufflée et profonde comme les abysses. La situation actuelle l'exalte tout autant que moi.
Est-ce moi qui te pervertie comme ça ou toutes ces choses que tu m'infliges ?
— Cette frustration, que tu ressens, n'est rien, comparée à la mienne.
Je sens l'une de ses mains descendre lentement telle une araignée le long de mon pubis, une direction bien précise en tête.
— Te savoir loin de moi... J'ai cru devenir parano.
Il caresse mon embout gorgé de sang, n'attendant que le supplice s'achève et mes entrailles remuent à nouveau sous sa taquinerie.
— Toutes ces petites choses que je suis en train de te faire, il n'y a que moi qui sache les exécuter de la façon que tu aimes. Je te le répète : je suis le seul qui puisse te combler. Tu entends, Jeongguk ? Qui t'aimera, si je ne le fais pas ? Qui te baisera, si je ne veux pas ? Qui dans ce monde se préoccupera de toi comme moi je le fais ?
Personne... Personne parce que tu es le seul qui m'aies remarqué. Le seul qui ait bien voulu de moi, avec mon bagage remplis de défauts contre deux ou trois qualités. De mes prunelles salies par les gènes de mon paternel. De ma maladresse stupide. De mon passif chaotique que tu as écouté avec toute l'attention du monde. De tous ces éléments me constituant et faisant de moi Jeon Jeongguk.
Tu es le premier et seras sans doute le dernier que j'aimerai. C'est indéniable.
Hyung me malmène, sans une once de pitié à mon égard. Les préliminaires se multiplient, ses doigts me pénètrent sans relâche, sans que je ne trouve la libération et j'ai vraiment l'impression que je vais rendre l'âme si je ne jouis pas dans les prochaines minutes qui viennent. Mon esprit est dans un bazar indescriptible, mon corps tremble à n'en plus finir, mes poignets prennent cher et mes gémissements sonnent comme une sérénade à l'attention de Taehyung. Je chantonne sa douleur. Celle de m'avoir perdu, de m'avoir attendu, d'avoir espéré. J'ai terriblement chaud, je peux sentir la sueur envelopper ma peau et la chaleur des bougeoirs nous encerclant me fait davantage suer. Mon corps se contracte encore et encore sous le toucher de Tae tandis que celui-ci fredonne, roucoule de satisfaction pure en voyant l'état lamentable dans lequel il m'a réduit. Il me prévient alors qu'il va rendre les prochaines minutes plus difficiles pour moi. Je n'ai même pas le temps de demander mon reste qu'il m'attrape et me retourne brutalement pour que je puisse lui faire face. J'avais oublié qu'il possède une sacrée force dans ses biceps.
Mon regard croise le sien, dilaté, voilé par l'appétit et l'envie de commettre le péché de la chair. Un sourire carnassier accompagne cette œillade renversante et je manque d'avaler de travers ma salive. Il arque l'un de ses sourcils bien épilés et me dit :
— Salut, beauté.
Je suis troublé par ses prunelles. Les avoir aussi près de moi me fascine. Taehyung a ce petit truc qui vous happe lorsque vous vous confrontez à ses prunelles. Quelque chose d'intimidant et d'attirant à la fois. C'est obsédant. Tellement obsédant que l'on ressent cette lubie de s'y noyer jusqu'à ce que son obscurité nous asphyxie de ses grandes mains. Chaque fois que j'ose plonger mon regard dans le sien, j'ai l'impression folle qu'il va m'absorber, m'engloutir dans la noirceur de ses iris. L'éclat des bougies disposées un peu partout dans la pièce éclaircit un peu leur teinte, les faisant passer ainsi d'un noir profond à un doux marron chocolat. J'adore ce coloris. Son œillade paraît moins dure, moins terne. Beaucoup plus vivante.
Nous nous envisageons intensément et je sens nos corps réduire le peu de distance qui nous distancie l'un de l'autre. Nos bassins entrent en contact, sans que nous ne clignons des yeux. Inconsciemment, j'ondule des hanches contre sa virilité gonflée de délices non-consommés, toujours confinée dans son pantalon. Nous n'avons encore rien fait de concret et pourtant, les hostilités sont lancées. Nous nous faisons l'amour du regard. Et lentement, ce sont nos enveloppes corporelles qui se mettent à l'œuvre, imitant l'acte tout en se frottant allègrement contre l'un l'autre. Nous grognons, jurons sous cette ascension en puissance du plaisir sans jamais nous embrasser. Le besoin est fort mais nous n'abdiquons pas. Nos lèvres se touchent, s'effleurent, sentent la chaleur de l'autre. Nous nous mordillons mutuellement, nos gestes se font incontrôlés et désireux de sensations dévastatrices comme enchanteresses. Je déraille complètement dans l'intensité du moment et me remets à tirer comme un acharné sur mes attaches.
Je veux te toucher, Taehyung. Je veux te toucher, baiser ta bouche, sentir ta langue enrouler la mienne, te sentir peau contre peau, sur moi, en moi et que ceci dure sans que nous ne connaissions la fin. Je veux que tu me retournes dans tous les sens, me fasses grimper jusqu'au Septième Ciel de cette seule façon dont tu en as le secret, sentir tes dents cisailler mon épi–
— Taehyung ! m'égosillé-je, le sentant mordre mon épaule.
Je m'enfonce encore un peu plus profondément dans les limbes, à ce mélange déconcertant entre plaisir et douleur. Taehyung parsème ma nuque de baisers mouillés pendant que mon ventre est criblé de crampes douloureuses.
Je vais y laisser mon âme, ce n'est pas possible. Je ne vais pas survivre... Pas à tant d'érotisme d'un coup, non !
Il me susurre des choses que je ne veux pas comprendre, des choses qui mettent ma patience à l'épreuve, des choses alléchantes qui défoncent le peu de bon sens qu'il me reste. Je me plains, lui dis à quel point ce qu'il me fait est d'un sadisme sans nom, qu'il est horrible avec moi et sa seule réponse est un énième glissement entre nos parties intimes qui me fait fermer ma gueule, en me faisant jouir encore plus. Sa voix déformée par l'excitation s'immisce en moi, pénètre mes oreilles et mon esprit. Je me sens partir loin, très loin de cette pièce.
Il s'écarte de moi quelques instants, la respiration saccadée et m'inspecte sous toutes les coutures comme un peintre le ferait avec sa toile, admirant son chef-d'œuvre une fois fini. Je le vois dans ses mirettes... Je suis sa merveille. La pièce maîtresse du long périple qu'est sa vie. Il me lorgne fixement, comme si j'étais un miracle descendu des cieux. Comme si j'étais son salut. Comme si son existence dans ce monde insensé prenait sens à ma vue. Ses pupilles slaloment entre plusieurs parties de mon corps exposé à lui, toujours avec cette avidité qui semble inépuisable.
Jusqu'où vont tes sentiments pour moi, Tae ? Ils ne semblent point avoir de limites. Nous nous sommes bien trouvés. Qui se ressemblent, s'assemblent. Le diction fonctionne plutôt bien pour notre cas.
Ses obsidiennes viennent capter les miennes, pétillantes. Et sans que nous ne cassons cette connexion visuelle... Il s'agenouille lentement. Comme l'on s'agenouillerait pour demander miséricorde au Seigneur. Comme l'on s'agenouillerait pour prier celui-ci avec toute la loyauté qu'on lui dévoue. Je ne devrais pas, je le sais mais... J'ai le sentiment d'être puissant, sanglé à cette croix. D'être l'égal des plus grands, tout puissant. Comme si je pouvais détruire les montagnes d'une simple pichenette ou faire disparaître les mers et océans rien que par le pouvoir de ma pensée. Ma position, celle de Tae synonyme d'allégeance, ce décor coïncidant avec celui d'une église... Je suis une divinité vénérée avec la plus immense des idolâtries par Taehyung. Je suis élevé au rang de dieu sous le regard brûlant du Diable en personne.
Est-ce comme ça que tu me perçois, Tae ? Comme un être ayant le plein pouvoir sur toi ? Qu'en est-il de la foi que tu vouais à Dieu il y a encore quelques temps ? Où est-elle passée ?
Mon cœur rate plusieurs battements d'affilée lorsque ses mains partent explorer mes cuisses. Il me les flatte doucement, avec beaucoup de soin. Je frissonne. J'ai de l'importance à ses yeux. Ils me hurlent que je suis son tout et que sans moi, il n'est rien. Les paroles qu'il m'avait clamées, le cœur et l'âme pleins de détresse avant que je prenne la décision de partir pour de bon de son logement... Elles rôdent encore dans mes rêves parfois.
Ce n'était pas une blague alors, quand tu me disais toutes ces choses. Placer autant d'espérance chez quelqu'un... C'est extrême et risqué. Est-ce que moi-même j'étais comme ça avec toi quand nous étions ensemble ? Le suis-je encore, maintenant ?
Un étrange malaise prend possession de moi à cette pensée. Je dois encore manquer cruellement d'expérience en amour pour me retrouver perdu pour si peu. Mais tous ces petits détails anodins qui, pourtant, sont essentiels et décisifs dans une relation... Pourquoi je n'ai vu ça dans aucun des romans que j'ai pu lire, ni même dans les films que j'ai pu regarder ? Dedans, tout n'est qu'idéalisation de l'autre. Tout est beau, les oiseaux chantent, une dispute est réglée en un claquement de doigts par un simple « je te pardonne », le couple emménage ensemble, adopte un chien, vit d'amour et d'eau fraîche, se marie... Si toutes les histoires d'amour sont parfaites... Pourquoi la mienne est un fiasco total ? Rien de ce que j'ai vécu n'est conforme à ce que j'ai pu voir jusqu'à présent et ni moi, ni Taehyung sommes sur la route d'un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ». Plutôt un « ils vécurent seuls, avec pour seuls amis leurs cœurs émiettés et leurs larmes », ouais.
J'ai encore à apprendre, c'est certain mais... Qui dans cette putain de société dit vrai ? C'est quoi l'amour authentique ? Celui coulant comme un long fleuve tranquille ? Celui qui vous dépasse, vous pulvérise et vous broie le mental jusqu'à garder de lourdes séquelles ? J'ouïe dire que les relations trop parfaites cachent des failles, comme un adultère partagé par exemple, dans le but que les deux partenaires conservent leurs liens stables, rendent l'illusion indiscernable aux yeux de tous. J'ai aussi entendu dire que les relations où de nombreuses disputes éclatent sont le signe d'une adoration forte et passionnée entre les deux partenaires. Tant de « on dit que » pour qu'au final personne ne soit d'accord. Et moi dans tout ce bordel incompréhensible, je ne sais qui croire. Je cherche encore ma propre vérité, ma propre définition de l'amour comme Perceval est en quête du Graal. Peut-être que ma recherche est inutile. Peut-être qu'il n'y a rien à chercher et je dois prendre les événements au jour le jour... Mais je doute fort que je sois capable de me contenter de ça. J'ai besoin de repères. J'ai besoin d'explications, besoin de poser des mots sur chaque élément composant notre monde tout comme j'ai éprouvé la nécessité d'avoir une étiquette pour savoir qui je suis et plus particulièrement, si les courbes d'une femme me font plus rêver que celles d'un homme. La vie est si compliquée...
Je me contracte tout à coup, sentant une paire de lèvres baisoter mon ventre et me sortir de mon état semi-comateux. Son muscle rosé taquine mon nombril avant de dériver de plus en plus bas. Je recommence à avoir chaud et lorsque je sens mon membre ne faire qu'un avec la bouche de mon hyung, je me mords les lèvres et ferme instinctivement les paupières. Un va-et-vient plus tard et il me sort sur un ton autoritaire, ses orbes toujours ancrés aux miens et mon sexe tenu dans l'une de ses poignes :
— Tu ne viens pas sans mon autorisation. Suis-je bien clair ?
— M– mais Ta–
Je couine lamentablement à l'emprise de Taehyung sur mon entrejambe qui se renforce abruptement, signe que ma contestation ne le ravit pas. Je me retiens comme je peux de ne pas sangloter tant la sensation en bas est cuisante. Je souffre le martyre et n'espère qu'une chose : atteindre l'orgasme pour m'en débarrasser une fois pour toute.
— Ne joue pas avec ma patience, Jeongguk. Désobéis-moi et je vais me fâcher. Est-ce que c'est compris ?
Je me soumets, ne souhaitant pas le provoquer. Taehyung en colère... Je préfère oublier.
Il devient encore plus intimidant qu'à l'accoutumée et bien plus terrorisant lorsqu'il est furax. Pire encore, dans ces instants stressants, il ne se contrôle pas. Tout et n'importe quoi peut arriver et c'est ce qui est le plus inquiétant chez lui. Taehyung énervé, c'est un peu comme un volcan endormi depuis plus de mille ans qui entre soudainement en éruption et se met à cracher de la lave de partout. Imprévisible et d'une violence indéfinissable.
Mon aîné se remet à la charge, à coups de langue prononcés sur mon gland et de lèche autour de ma couronne, d'allers-retours buccaux qui deviennent de plus en plus poussés. La chaleur de sa bouche est si agréable. Si j'étais en position de force et donc dans la capacité de pouvoir bouger librement, je lui aurais sans doute rappeler que, moi aussi, je peux avoir le dessus sur lui. Que moi aussi, je pourrais lui interdire de jouir sans ma permission et que s'il osait, la punition tomberait. Mais je ne peux rien faire de tout cela...
Et putain qu'il est doué avec sa bouche, cet enfoiré !
Taehyung ne mentait pas quand il disait qu'il ne me ménagerait pas dans les minutes qui viendraient. J'ai beau me retenir de toutes mes forces, de contenir ce besoin urgent de venir, mais j'atteins mes limites. Je gémis sous les manœuvres exquises de Tae et la température ambiante des bougeoirs fondant dans l'air m'emballe un peu plus dans mes cris qui gagnent en intensité et dans un énième mouvement de langue de la part de celui-ci, je vois la lumière au bout du tunnel.
Enfin.
J'explose sous cet apogée foudroyant, pris de spasmes et l'organe vital en vrac. Je respire difficilement, tentant de calmer mes émois et de retrouver une respiration régulière. Courir à poil sous le déluge qui s'abat actuellement ne me dérangerait pas du tout pour me rafraîchir les idées, tout de suite. J'ai à peine quelques secondes pour me remettre de tous ces préliminaires qu'une œillade ténébreuse me toise avec animosité et qu'une poigne forte agrippe ma mâchoire pour me forcer à ouvrir la bouche.
Taehyung presse ses lippes contre les miennes avant de glisser sa langue à l'intérieur de ma cavité buccale, un liquide gluant et au goût affreusement amer injuriant mes papilles gustatives, ne me laissant guère le choix que d'avaler le contenu immonde qui provient de moi. C'est sale, extrêmement dégoûtant et je dois me battre pour ne pas recracher ma propre semence. Tae ne m'a encore jamais fait un truc pareil auparavant et je suis choqué par son acte dégradant envers moi. Je n'aime pas ça. Pas du tout même et je sens de mon côté que la contrariété se mêle à ma désagréable surprise. C'est toute mon aversion pour les choses liées au sexe qui revient à l'improviste, au mauvais moment et je peine à rester calme. Mes palpitations s'intensifient, ne trouvent point le repos, tandis qu'une horrible sensation me tord en deux les entrailles. Il met un terme à ceci, tout en me fusillant du regard, la mâchoire serrée. J'ai l'impression qu'elle va se briser d'une seconde à l'autre tant il paraît irrité. Une aura mortelle l'entoure et je peux sentir ses ongles s'enfoncer lentement dans le creux de mes joues. J'ai comme un mauvais pressentiment.
— Je t'ai dit de ne pas venir.
Son ton est sec, tranchant tel la lame acérée d'une dague et cette même main autour du bas de mon visage dérive dangereusement vers mon cou. Je suis au bord de la panique car j'ai vécu cette scène trop de fois. Et comme dans chacune de ces fois, je peux sentir sa prise doubler de force. L'oxygène cesse momentanément d'entrer dans mes poumons et je suis coincé car je ne peux rien faire pour me défendre. Je suis tiraillé entre la frayeur et l'indignation de ces quelques microsecondes écoulées, la bouche encore à moitié pleine, des larmes coincées au coin de mes mirettes.
— Je vais devoir t'apprendre à bien te comporter, si tu continues sur ce terrain-là. Tu ne fais que des erreurs, encore et toujours des erreurs et ça commence un tantinet à m'agacer. Ne me pousse pas à être encore plus détestable avec toi. Tu vois ce que tu m'obliges à faire ? Je te demande juste de te tenir sagement ! C'est entièrement de ta f–
C'en est trop pour moi à endurer. Je ne tolère plus une seule de ses paroles pleines de reproches à mon encontre. C'est trop toxique pour moi, je ne peux plus. Il a dépassé la limite à ne pas franchir. Alors je lui crache sur le visage le peu qu'il restait sur ma langue, influencé par les émotions qui m'envahissent tandis que sur l'inattendu, il clôt ses yeux, les sourcils froncés avant de reculer un peu et par conséquent de relâcher ma pauvre gorge. Je respire à nouveau.
Moi aussi je peux avoir des agissements blessants, vois-tu. Mais je ne le fais pas parce que j'ai bien trop de considération pour les gens qui m'entourent et que ça ne se fait pas. Cette fois-ci tu ne m'as pas laissé d'alternatives, Tae. Je me suis trop laissé faire ces derniers mois et il est grand temps que je montre que je peux faire mal à ma façon, même si ça ne me fait aucunement plaisir d'agir ainsi.
— Tu es ignoble, Taehyung, prononcé-je, la voix enrouée.
Du revers de sa manche, il enlève le crachat, un rire sinistre émanant doucement d'entre ses croissants de chair, avant de se maintenir le front. Je déglutis à l'entente de celui-ci qui sonne mauvais, vraiment mauvais. De la malveillance pure. Ça ne sent pas bon du tout pour la suite et mes sens commencent à s'éveiller, à être en alerte maximale.
— Toi...
Cette alerte grandit, triple en moi lorsqu'il relève la tête pour braquer ses pupilles sur moi. Je vois littéralement ma vie défiler dans son regard aliéné. J'ai déjà une idée de comment seront mes obsèques et quel genre de bouquets de fleurs décoreront ma tombe. La chaleur des bougies n'a plus rien de relaxant pour moi. Tout cet environnement pieux me donne le tournis et m'est hostile. La puissance que j'éprouvais il y a encore quelques minutes a été remplacée par une faiblesse cuisante. Je n'ai aucun moyen pour me sortir de là. Si je suis détaché, je m'écroulerai au sol parce que je ne tiens presque plus sur mes jambes. Quant à mes bras... Je sens les crampes musculaires débarquer, sans parler des marques qui enjoliveront mes poignets et qui mettront du temps à s'estomper durant les prochains jours. Enfin... On verra plus tard. Là, tout de suite, je suis fait comme un rat. Je suis un homme mort. Et l'étrange sourire qui se dessine sur les lèvres de Taehyung ne peut que me le confirmer. Ce n'est pas mon Taehyung qui me fait face...
— Je vais terminer ce que j'ai commencé cette nuit-là.
Mais celui qui apporte une tournure malsaine à tous mes rêves et qui a failli me faire la peau le soir de notre séparation.
________
Note de l'auteure :
Coucou, mes petits amours ! Ça faisait longtemps, n'est-ce pas ? 😁❤️
J'espère que vous vous portez tous et toutes bien depuis le temps ! De mon côté moralement, ça va très bien et niveau santé, ça va un peu mieux également :)
Je n'étais pas censée poster ce chapitre tout de suite. Normalement, je l'avais prévu bien plus long mais je me suis dis qu'un chapitre dépassant les 15 000 mots voir 20 000... Ça serait beaucoup trop pour vous, comme pour moi. Du coup, je vous offre cette première grosse partie du gros bébé initialement prévu. Je suis censée dormir actuellement étant donné que je commence les cours à 8h demain mais je tenais absolument à le poster cette nuit pour vous faire la surprise ! 🥺❤️
J'espère qu'il vous aura plu. Depuis janvier j'ai travaillé dessus et il m'a donné beaucoup de fil à retordre dans sa structure. J'ai dû déplacer des paragraphes entiers, en réécrire certains parce qu'ils ne me plaisaient pas, me relire et me corriger, peaufiner des phrases que je jugeais "beurk" visuellement... Pour obtenir un chapitre de plus de 13 400 mots. Oui, je suis zinzin 😭
Ce chapitre avait plusieurs objectifs : psychologique, sexuel et religieux. Psychologique dans le sens où vous seriez plongé directement dans les pensées de Gguk et comprendriez un peu mieux comment il fonctionne avec des passages narrés + des adresses/apostrophes directes à l'intention de Tae par le biais de sa pensée. Vous avez également la présence de dénonciation de plusieurs sujets comme la masculinité toxique ou encore du viol conjugal. Je voulais vraiment caser cela ici car je trouvais que c'était le bon moment pour les placer et un peu de prévention par rapport à tout ne fait pas de mal. La plupart des paroles prononcées par Tae à l'égard de Jk sont des paroles qu'un abuseur pourrait prononcer à son/sa partenaire pour avoir le contrôle et surtout le/la faire culpabiliser. Un abuseur ne se sent jamais coupable de quoi que ce soit. Si quelque chose arrive, c'est forcément de la faute de son partenaire. C'est une attitude extrêmement nocive qu'il faut fuir dans le cadre d'une relation à deux car cela peut engendrer des conséquences désastreuses.
Tandis que pour le côté sexuel et religieux : les deux sont entremêlés ensemble. Comme mentionné dans quelques chapitres auparavant : Tae, qui est en froid avec sa foi envers Dieu, délaisse celle-ci pour une foi "amoureuse" qui n'est autre que son obsession grandissante pour Jeongguk. Celui-ci est "sacralisé", d'où cet artifice malsain que Taehyung a concocté pour Jeongguk. Parce que Jeongguk est son centre du monde, celui qu'il suppose être la solution de tous ses maux. J'ai fait exprès d'amplifier la chose pour montrer qu'il y a un changement réel qui opère chez Taehyung et que ce ne sera pas sans conséquences.
Je rappelle que cette scène ne vise en aucun cas à décrédibiliser, moquer les différentes croyances existantes. La spiritualité, la foi, la religion dans son ensemble et les différentes croyances peuplant notre monde m'intéressent beaucoup. J'adore me documenter dessus et jamais vous ne verrez un propos irrespectueux visant cela de ma part ou autre ❤️
Impressions ?
Avis sur Jeongguk ?
Sur Taehyung ?
Est-ce que vous vous étiez attendu à cela ? Et ce fameux "cadeau" ?
Appréhendez-vous le prochain chapitre ? Que pensez-vous qu'il va se passer ?
Réponse au prochain chapitre !
Vous devez vous demander désormais à quelle sauce je vais vous manger aux vues de la fin de ce chapitre.
Il y aura un trigger warning uniquement pour un passage qui sera au début du prochain chapitre (tentative d'abus sexuel). Ce sera l'unique moment délicat à lire, car oui quelque chose va faire que Jeongguk ne subira rien. Bien au contraire. Tout le reste, vous pourrez le lire l'esprit tranquille. Vous ne craignez rien, ne vous en faites pas 😘❤️
Je tiens encore mille fois à vous remercier pour votre patience et votre amour à l'égard de cette histoire. Vous êtes extras, les amis ! "So Close" et "So Far Away" gagnent en visibilité un peu plus chaque jour et ça, c'est grâce à vous. Merci de me booster et de croire en moi. L'impossible devient possible grâce à vous et je ne vous en serai jamais assez reconnaissante. Vraiment, merci de m'accompagner dans cette expérience incroyable sur Wattpad 🥺❤️
On se retrouve prochainement pour la suite, mes loulous ! Bon courage pour ceux et celles qui reprennent le chemin des cours dans quelques heures et à bientôt ! Prenez soin de vous, faites bien attention à vous ! Love you, mes amours ❤️
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