Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟑

━━━━▣━━◤◢━━▣━━━━━

Conseil de l'auteure : pour être immergé dans cette atmosphère encore une fois très particulière de ce chapitre, je vous recommande de le lire avec la chanson ajoutée juste au-dessus. On se retrouve en bas, as always ! Bonne et agréable lecture, sweathearts ! Accrochez-vous ! ❤️

🚨 𝙏𝙧𝙞𝙜𝙜𝙚𝙧 𝙬𝙖𝙧𝙣𝙞𝙣𝙜𝙨 🚨 : complexe d'œdipe | voyeurisme | avortement, tentative d'infanticide et abus sexuel sous-entendu | violence psychologique.

Un doux fredonnement enchantait cette chambre enfantine aux murs beiges. Un lit simple, une petite bibliothèque remplie de livres jeunesse, un bureau en bois et une grande armoire agrémentaient celle-ci. Un bac à jouets très peu rempli traînait quelque part dans l'un des recoins de la pièce. Le jeune garçon n'avait pas envie de jouer. Il était attelé à faire tout autre chose et mettait du cœur à l'ouvrage. Ses coups de crayon frénétiques s'activaient à colorer cette robe en rouge sur le personnage féminin qu'il venait de dessiner. Ce serait du rouge qui teinterait cette jolie tenue, pas une autre couleur. Pas du bleu, pas du vert, non ; ce serait du rouge, un point c'est tout ! Le bambin s'attaqua alors à la chevelure de ce cercle rond faisant office de tête à son bonhomme. Des cheveux vaguant entre le marron très foncé et le noir, il lui donnerait. De beaux et soyeux cheveux en carré court soulignant son visage. Les coups de crayon reprirent, toujours accompagnés de cette bonne humeur émanant du garçon de six ans.

Taehyung voulait que ce dessin soit le plus parfait possible et fournissait tous ses efforts dans sa tâche. Il voulait que son dessin soit le plus beau, le plus magnifique de tous les dessins, de tout l'univers entier. Ses jambes courtes, peinant à toucher le sol, basculaient d'avant en arrière continuellement, comme si ce geste l'aiderait à se concentrer dans la concoction de son chef-d'œuvre. Une fois la dernière mèche ajoutée négligemment sur la tête, la partie la plus compliquée arriva : attribuer une expression faciale à ce personnage féminin. Tae voulait lui griffonner un sourire étincelant et débordant de joie de vivre avec de jolis yeux tout pétillant de bonheur. C'était son désir premier et ce qu'il voulait vraiment ajouter pour finaliser son dessin. Mais, vint ce problème qui le fit tirer la moue en y pensant... Après six années de printemps écoulées, il n'avait jamais vu sa mère sourire une seule fois. La tâche était d'autant plus difficile pour imaginer sa bouche retroussée de sorte que sa forme adoucisse son visage aux traits sévères.

Madame Kim arborait en permanence cet air froid et impénétrable au possible à la maison, ce qui gâchait sa beauté. Quand les périodes de fête approchaient - censées être source d'euphorie chez petits et grands - elle affichait encore cette mine lasse de tout, indifférente, comme si rien ne l'atteignait ou ne la touchait. Même lors de son anniversaire, elle n'était pas un temps soit peu heureuse. Le châtain se demandait même parfois si sa mère n'était pas en réalité un robot ou si on ne l'avait pas entre-temps échangé avec un alien pendant son sommeil et que sa vraie maman avait été kidnappée par l'un des leurs. Ce n'était pas possible d'être inexpressive à ce point. D'autant plus qu'elle montrait très peu, voire quasiment pas, de signes d'affection envers son unique fils. Chaque fois que Taehyung osait lui faire un câlin en entourant sa taille de ses bras tout frêles, la matriarche le repoussait aussitôt par des mots, comme par des gestes brusques. Même durant des balades en ville, elle marchait vite, beaucoup trop vite pour ses minuscules gambettes comme si elle cherchait à le semer et dès qu'il ne l'apercevait plus dans son champ de vision, Tae se mettait à paniquer, à la supplier d'attendre après lui par peur qu'il ne la retrouve plus. Chaque fois que cela se passait ainsi, à la fin elle lui jetait un regard noir, rempli de rage qui le pétrifiait sur place et le laissait croire qu'il avait commis quelque chose de mal. Tae n'avait jusqu'à présent jamais compris pourquoi elle se comportait de cette manière avec lui.

Tae était poli, aimable avec ses camarades comme avec ses professeurs et très bon élève à l'école. Il était même en avance sur les autres, en lecture et en écriture, ce qui étonnait souvent sa maîtresse. Son papa le couvrait souvent de compliments à ce propos, contrairement à sa maman. Il lui donnait toute l'affection qu'il souhaitait afin qu'il se sente épanoui et chez lui. Elle... Elle faisait l'aveugle. Le garçonnet était invisible à ses yeux, inexistant. C'était devenu bien pire depuis qu'ils avaient tous les trois changé d'air, qu'ils avaient quitté leur Corée du Sud adorée pour élire domicile en France, moins d'un an auparavant. Et Tae cherchait désespérément depuis tout ce temps à prouver qu'il existait et à lui montrer, que lui, il l'aimait de tout son cœur même si elle ne l'aimait pas car il lui était reconnaissant de lui avoir permis de prendre vie, de découvrir ce monde vaste, amusant et intrigant.

Maman n'est peut-être pas contente de m'avoir, ni même d'être ici. Peut-être que notre ancien chez nous lui manque ? Allez Tata, tu peux le faire !

Après ce court moment de réflexion, Taehyung se remit au travail en incorporant une paire d'yeux d'un vert bien particulier, détonnant de toutes les autres nuances de cette couleur. Une teinte pâle, presque couleur pistache en un peu plus turquoise, qui au contact des rayons du soleil brillait de mille feux tel des pierres précieuses : le jade. Un si joli pigment noirci par un on-ne-sait quoi qui rendait son regard coloré terne. Pourtant, le bambin donna en cadeau à la reproduction miniature de sa chère mère une œillade douce, des neuneuilles presque souriants et une fois la touche finale apportée, il capuchonna ses feutres et s'éclipsa vite de sa chambre d'un trottinement enjoué. Il n'avait peut-être pas su lui donner de sourire mais il lui avait apporté un regard heureux et c'était tout ce qui comptait pour lui. Il était tout excité de voir la réaction de celle qui lui avait donné la vie. Il espérait cette fois-ci percevoir l'ombre d'un sourire prendre place sur ses lèvres pulpeuses, qu'elle le couvrirait de mille et uns compliments, qu'elle le rejoindrait dans un gros câlin tout chaud et réconfortant et tout autre chose qu'un enfant comme lui désirait recevoir de ses parents. Tae voulait être la fierté de ses parents, encore plus celle de sa mère. Il espérait bien que son cadeau ferait la différence, que toute l'attention de la femme serait enfin braquée sur lui. Ses petons s'écrasant sur la moquette chatouilleuse, il se rua en direction du salon, sa touffe de cheveux virevoltant dans sa course. Cette odeur habituelle de cigarette à laquelle il s'était accoutumé l'accueillit entre-temps jusqu'à son arrivée dans la pièce principale.

- Mamaaaaan, c'est pour toooi ! s'exclama le bambin, tout content.

Alors qu'il arrivait enfin dans l'encadrement de sa destination, il se stoppa net en voyant la scène lui faisant face et l'expression sur son faciès, au début euphorique, se transforma en confusion. Puis doucement, l'inquiétude vint... Comme chaque fois que cela se produisait. Au bout d'à peine quelques secondes, une voix forte et masculine s'imposa. Dans un français ponctué de légères erreurs de prononciation, l'homme dit, dos à lui :

- Retourne dans ta chambre s'il-te-plaît, mon ange.

C'était son papa qui venait de lui parler. Une certaine autorité enguirlandait sa voix et était mélangée à cette éternelle douceur dont il faisait preuve à son égard. Jamais, il ne l'avait grondé. Il ne lui avait jamais collé de fessée comme le feraient la plupart des parents, en cas de bêtises. C'était le papa rêvé de tout gamin. Parce que papa travaillait dur sur les chantiers pour faire tourner la maison. Papa se suait jusqu'à la dernière goutte pour qu'il puisse avoir tout ce qu'il voulait. Papa essayait du mieux qu'il le pouvait de trouver un créneau horaire sur son emploi du temps pour passer le plus de temps possible avec son fils et réparer les erreurs commises par sa femme. C'était son super-héros, celui qui adorait le porter sur ses épaules et Taehyung ne l'échangerait pour rien au monde. Et quand le patriarche utilisait ce ton... Ça ne signifiait rien de bon. Par curiosité, Tae pencha la tête vers la gauche car il ne voyait rien derrière la silhouette de son papa. C'est alors qu'il la vit. Elle était là, assise sur le fauteuil de cuir couleur corbeau trônant dans l'espace de vie, où de vieux mais solides meubles en bois massif le décoraient. Ses iris étaient braqués dans le vide, elle paraissait déconnectée de l'environnement et pour ne rien changer, la neutralité se lisait sur son visage béni par Dieu. Elle n'avait pas l'air dans son état normal et ses poignes ne cessaient de se cramponner un peu plus profondément aux accoudoirs du sofa. Quelque chose clochait chez madame Kim. Quelque chose que Taehyung ne parvenait pas à comprendre...

Le mouvement de monsieur Kim le sortit de la contemplation de sa mère. Celui-ci se rapprochait peu à peu de là où se trouvait la femme aux cheveux foncés à pas de velours, comme si son but était de ne pas la brusquer ou de la « réveiller ». Toujours posté aux abords du salon, la peur submergeait lentement le môme. La crainte tiraillait son beau faciès et lui provoquait trop de « boum boum » dans sa poitrine. Ça cognait fort, de plus en plus fort et le fait qu'il ne pigeait rien à la situation ne faisait qu'accentuer son inquiétude envers ses géniteurs et le nombre de questionnements qui fusaient à vive allure dans son crâne.

E- est-ce qu'elle est...

- Ma... Maman est encore malade ? osa-t-il tout de même demander, d'un ton effrayé.

Car oui, les rares fois où l'enfant avait été témoin de ce type de scène, son papa ne lui avait donné que pour explication le fait que sa maman soit « malade ». Rien de plus précis, sans doute pour ne pas davantage l'affoler... Mais aussi parce qu'il était encore bien trop jeune pour comprendre quel genre de troubles animaient sa maman. Quelques secondes s'écoulèrent et... Soudain, sans que ni l'un ni l'autre ne s'y attendaient, les cordes vocales de l'unique femme de l'appartement se mirent en marche. Il était impossible de savoir quelles émotions l'habitaient en ce moment même tant sa voix en était dénuée. Elle était fade, sans une quelconque saveur et surtout, elle filait la chair de poule au cadet de la famille.

- Je dois agir pour être libérée de mes chaînes... J'étais aveugle...

Incompréhensible et illogique. Ni Tae, ni son père ne comprirent ce qu'elle racontait tant ses mots manquaient cruellement de cohérence. Ce n'était pas nouveau : à chaque instant de « crise », la maîtresse du logement baragouinait des propos qui n'avaient pas vraiment de sens, dont elle seule connaissait peut-être leur véritable signification. Elle bougea de la tête d'un geste mécanique et lent, jusqu'à ce que ses pupilles ne tombent brutalement sur sa progéniture. Le regard quasi amorphe de celle-ci posé sur lui provoqua chez Taehyung un mouvement de recul, déstabilisé par cette rencontre imprévue. Une seconde. Puis deux. Et trois... Un phénomène déroutant se manifesta. Phénomène qui fit tripler la terreur du bambin et qui lui donna presque l'envie de fuir à grandes enjambées malgré la petitesse de ses guibolles avant de verser toute les larmes de son corps pour évacuer cette pression qui grimpait encore et encore en lui. Sa mère venait de lui rendre un sourire pour la première fois en l'espace de six ans et c'était le plus abominable des sourires que Tae avait à sa vue. Il pouvait le sentir, d'où il se tenait... Ce n'était pas naturel. L'insanité était imprimée sur ses lippes charnues et Tae, qui souhaitait de tout son cœur la voir joyeuse, exigeait désormais que cette image traumatisante soit rayée de son esprit à tout jamais. Ses iris jades pétillèrent d'une lueur inconnue en voyant la réaction du gamin puis elle prononça, d'une intonation proche de l'obscénité :

- Maintenant grâce à Dieu, je vois.

Taehyung ne le savait pas encore mais une épée de Damoclès planait au-dessus de sa tête et le danger se trouvait chez lui, droit devant lui et ne patientait que d'une chose : Détruire de toutes les façons possibles et inimaginables son rejeton.

Papa, pourquoi maman ne m'aime pas ?

Je suis sûr qu'elle t'aime de tout son souffle, mon ange. Je pense juste qu'elle ne sait pas comment te le montrer.

Elle m'aime si fort qu'elle a tenté de me tuer peu avant que je naisse et peu de temps après que je sois né...

...

Je vous ai entendu tous les deux, dans la cuisine... Tu m'as dit que c'est pas bien de mentir et que Dieu voit tout... Alors pourquoi est-ce que tu me mens, papa ?

Tae, tu verras quand tu seras plus grand qu'il est parfois nécessaire de mentir pour protéger ses proches même si ce n'est pas bien d'un point de vue moral. Un mensonge est toujours mieux à entendre qu'une vérité douloureuse.

J'ai besoin de savoir, papa. Pourquoi maman est comme ça avec moi ? Q- qu'est-ce que j'ai fait de mal... ?

... Ta naissance a entraîné des complications psychologiques chez ta mère. Elle était déjà fragile avant que tu ne viennes au monde et ton arrivée a fait basculer les choses.

...

C'est de ma faute, c'est ç- ça ?

Non mon bouchon, ne pleure pas...

Je refuse que tu penses être la cause de tout ça. Rien n'est de ta faute et je veux que tu enlèves cette idée de ta tête. Tu as neuf ans maintenant et Seigneur, je suis si heureux d'avoir un fils comme toi. Un garçon aussi doux et calme, instruit, curieux de tout, vif d'esprit...

Tu n'es pas une erreur. Tu es une véritable bénédiction des cieux que moi et ta mère nous avions trimé à obtenir. Et je ne laisserai personne te faire croire le contraire tant que je serai vivant.

Sois patient avec maman, Taehyung. Tôt ou tard, tout rentrera dans l'ordre et c'est en s'y mettant à trois que l'on y parviendra.

... Merci. Merci du fond du cœur.

Merci de me rassurer. Merci de dire ce que j'avais besoin d'entendre.

Promis, j'attendrai maman ! Merci d'être là, je t'aime Super-Papa !

Je t'aime aussi, mon petit Tata.

Et le jeune Taehyung patienta encore et encore, sans jamais entrevoir une seule once d'amélioration chez la matriarche... Les années passèrent, empirèrent et sans pouvoir rien faire, il observait sa propre famille se détruire à petit feu, jour après jour.

C'était un silence digne d'un monastère qui surplombait l'appartement de la famille Kim. Il n'y avait pas de bruit. C'était si silencieux que l'on pouvait même entendre les mouches voler. Normalement, avec une telle absence de sons, Taehyung aurait dû vite trouver le sommeil. Il serait même en train de dormir profondément, la bouche entrouverte tout en prononçant des paroles qui n'avaient ni queue ni tête tant il serait absorbé par son rêve. Or, ce n'était pas le cas présentement.

Son horloge numérique sur sa commode affichait minuit passé et ses pupilles ne s'arrêtaient point de fixer l'unique croix où Jésus agonisait dessus. Ça faisait quelques semaines maintenant que son père l'avait accrochée au mur juste au-dessus de son bureau. Ses parents - son papa surtout - lui avaient expliqué qu'en mettant cet objet dans sa chambre, il serait protégé car Dieu est bon. Dieu est d'une bonté sans nom avec les justes et d'une impartialité de fer avec les pécheurs. Dieu est partout et nulle part à la fois, ce qui le rendait d'autant plus impressionnant et effrayant à la fois. Il est l'œil du monde et ne rate absolument rien. Il voit tout, même les cachotteries faites dans le plus immense des secrets. C'est pour ça qu'il faut le prier chaque jour pour qu'il offre le meilleur à toutes celles et ceux qui le prient et bien plus encore : une place assurée au Paradis. C'était si bizarre de savoir qu'un monsieur invisible les surveillait depuis les nuages... Mais si ses parents lui disaient ça, c'est que cela devait être vrai. Alors Tae ne les contredisait pas, suivant plutôt l'éducation religieuse qu'ils lui inculquaient.

Il avait plutôt intérêt à s'endormir vite car le lendemain il commençait à huit heures au collège et ressentirait à coups sûrs les contrecoups de sa courte nuit passée. Chose dont il n'avait aucunement envie. Il désirait être efficace en classe et sauver le niveau intellectuel de celle-ci car il était plutôt pitoyable, au vu du taux de concentration que possédaient ses autres camarades, qui préféraient discuter entre eux et tourner en bourrique leurs enseignants. Le châtain se leva donc dans l'optique d'aller se servir un verre d'eau en cuisine avant de retourner se coucher pour de bon, cette fois-ci. Ses pieds le guidèrent jusqu'au couloir, sans un bruit. Alors qu'il s'apprêtait à tracer en direction de la cuisine, un détail attira l'attention du jeune garçon. Ce qui le figea sur l'instant. Cela provenait de la chambre de ses parents. C'était infime mais assez bruyant pour que Tae parvienne à l'entendre. Qu'est-ce que c'était que ça ? C'était la première fois que le collégien était témoin de ces sons, lui qui d'habitude dormait comme une véritable masse dans ses draps douillets.

Enfin, d'habitude... C'était plutôt rare tant il cogitait sur lui-même et sur sa situation familiale qui ne faisait que décliner dangereusement, sans trouver le courage d'en discuter avec qui que ce soit. Et puis... Pas sûr que l'on aimerait l'entendre raconter qu'il était sans le vouloir l'origine du comportement psychotique de sa maman et que celle-ci avait tenté à deux reprises de se débarrasser de lui : la première alors qu'il n'était qu'un fœtus de six mois et la seconde fois au stade de nouveau-né, quelques jours après l'accouchement. Il avala de travers sa salive au souvenir de cette conversation qu'il avait ouï entre ses géniteurs, un soir. La pilule ne passait toujours pas. Elle stagnait dans son œsophage. Tae aurait préféré être dans le déni le plus total que de détenir cette information sinistre qui le travaillait encore et encore psychologiquement et qui le plongeait dans un état indescriptible entre tristesse profonde et colère vive.

Taehyung rebroussa chemin, alerté par ce qu'il venait d'entendre. Il se rapprocha lentement, les pulsations de son organe vital gagnant petit à petit en vitesse, de cette porte source de son tracas. Plus les mètres entre lui et cet unique obstacle diminuaient et plus il se rendit compte que celui-ci était entrouvert de quelques centimètres, donnant vue alors à ce qu'il se tramait dans l'espace parental. Les cinq sens du châtain étaient plus aux aguets que jamais. Il avait la désagréable impression de commettre un acte grave en épiant ses parents à leur insu mais c'était plus fort que lui. Son instinct l'avait emporté sur sa raison et il devait faire taire à tout prix cette inquiétude qui le dévorait à vue d'œil. Il aboutit enfin à cette porte, le souffle court. Les bruits se précisaient... Un soupir. Un autre. Gémissement. L'une de ses mains appuya délicatement contre le battant de la porte puis il poussa celle-ci, cherchant à rester le plus discret possible. Elle s'ouvrit, s'ouvrit encore, encore un peu plus, en toute discrétion. Son bras se paralysa en voyant la scène sous ses obsidiennes.

Dans cette pièce où Lumière et Obscurité se confrontaient, madame et monsieur Kim s'adonnaient aux plaisirs charnels dans leur lit conjugal. L'homme menait la danse, offrant toujours plus de sensations à sa partenaire qui se trouvait sous lui, la couvrant avec avidité de marques en tout genre du bout de ses lèvres et de ses doigts comme si demain était le dernier jour.

Et cette valse endiablée à l'horizontal immergea Taehyung dans une transe bien étrange. La façon dont leurs corps bougeaient, s'emboîtaient entre eux, cette manière qu'avaient leurs muscles de se contracter sous leurs efforts communs, ce craquement des lattes du lit qui les accompagnait en fond sonore... Tendresse et bestialité émanaient des deux amants. Ils étaient à eux seuls la définition même de la Luxure. Il y avait quelque chose de presque fascinant à cela et Tae fut incapable de détourner le regard. Il était obligé, forcé à ne manquer aucune miette de ce spectacle inédit. C'était comme observer un tableau de Rembrandt ou tout autre œuvre d'art conservée dans un musée. En une fraction de seconde, il oublia alors que ce qu'il était en train de faire était immoral, cette sensation d'exécuter un acte inqualifiable et se laissa submerger par cette envie voyeuse. Il resta là, les pieds plantés au sol, à les voir s'ébattre, s'époumoner l'un contre l'autre et surtout, il pouvait apprécier les torsions du visage de sa mère, aussi délectables que captivantes. Elle était si belle ainsi, sans son masque d'impénétrabilité qu'elle gardait toujours à portée de main. Ses cheveux aux couleurs des ténèbres dans un désordre qui la mettait curieusement en valeur, ses mains graciles qui tentaient de s'accrocher là où elles pouvaient, son enveloppe corporelle voluptueuse pris de milliers de frissons, sa bouche qui exprimait enfin de la joie et - miséricorde - ses yeux... Ses deux pierres précieuses vertes qui imploraient, suppliaient, gagnaient un peu plus en carat sous les manœuvres de son mari... Les sentiments lui allaient bien, la jouissance lui seyait à merveille et ça, le gamin de onze ans ne pouvait que l'approuver indéniablement. Son cœur qui cognait à tout rompre dans sa cage thoracique ne pouvait que le confirmer. Ces drôles de fourmillements sillonnant son bas-ventre rejoignaient également cette idée. Taehyung était totalement pris de passion pour cette vue et cette même vision réveillait en lui des émotions bien trop sombres pour une âme vertueuse et pure. Plus son observation s'éternisait, plus le nombre de questionnements explosait dans les recoins sinueux de sa matière grise.

Pourquoi son père arrivait à égayer sa mère, contrairement à lui ? Pourquoi n'avait-il rien en retour de la part de celle-ci ? Pourquoi ne lui offrait-elle pas son amour à lui alors qu'elle était tout à fait capable de le témoigner à son amant ? Trop de pensées obsessives qui le bouffaient de l'intérieur, qui tournaient en boucle tel un disque rayé et le pire, c'est qu'elles rendaient ses songes, d'habitude si clairs, de plus en plus obscurs. C'est moi qui devrais être sous cette couverture à ses côtés, pensa-t-il alors ardemment, emporté par ses chimères. Puis, contre toute attente, les iris de sa mère dévièrent de trajectoire pour finalement s'échouer sur le gabarit menu de son fils, caché derrière le bois de la porte.

Et leurs mirettes se croisèrent inévitablement, créant un malaise immédiat chez le benjamin et le sortant de son égarement plus qu'alarmant. Il retrouva bien vite ses esprits lorsqu'il remarqua l'étincelle baignant les prunelles de l'adulte. De nouveau, leur éclat s'était assombri puis lento, cet affreux sourire qui lui filait la chair de poule depuis bien trop longtemps refit son apparition, au grand dam du garçonnet. Sans surprise, cette action n'était toujours pas naturelle. L'impression était toujours la même qu'au premier jour et le tableau si parfait qu'il avait sous les yeux vira au cauchemar. La matriarche se mit à exagérer chacun de ses soupirs de plaisir, à mouvoir bien plus fort son propre corps contre celui de son homme à qui elle avait juré fidélité, le tout avec cette expression aliénée sur le faciès, sans quitter des yeux son rejeton une seule fois. Encore une fois, cette expression ruina sa beauté et engendra une peur panique chez celui-ci. Un démon. C'était un putain de démon dans un corps de femme, de celle qui l'avait mis au monde qui plus est, qui s'amusait avec les émois de l'adolescent, à le pousser un peu plus à bout chaque jour de son existence. Tae se sauva vers sa chambre, la trouille commandant son être, un début de nausée tenaillant ses entrailles avant de s'enfermer à double tours, dépassé par ce qu'il venait de vivre. Non, il ne trouverait définitivement pas le repos comme il le souhaitait plus tôt. La nuit blanche l'attendait à bras ouverts. Elle se frottait même les mains, impatiente d'infliger des terreurs nocturnes à sa victime préférée.

La douleur de la perte d'un être cher. De celui qui vous a vu grandir, qui vous a éduqué, façonné pour que vous deveniez la meilleure version de vous-même plus tard, quand lui ne sera plus là. Dans ces instants, vous avez l'impression que rien ne changera et que le supplice ne s'estompera pas, même avec le temps pour seul remède. Vous vous sentez terrassé, désorienté sans cette présence chère à votre cœur et êtes convaincu que vous n'avancerez pas sans elle. C'est comme si votre univers éclatait, que le pilier qui vous soutenait s'effondrait et qu'il n'y a pas de reconstruction envisageable. Taehyung savait maintenant ce que cela faisait d'affronter le deuil en ayant perdu son paternel. Et bordel, qu'est-ce que ça faisait mal.

Cela faisait maintenant six mois qu'il s'en était allé dans des circonstances mystérieuses. C'était sa mère qui l'avait retrouvée inerte, à même le sol, dans le salon au petit matin et ni elle, ni son fils ne surent exactement ce qu'il s'était passé durant la nuit. La venue de la police et de l'ambulance dans leur appartement avait traumatisé Taehyung durant plusieurs jours. Il lui avait fallu du temps pour s'en remettre, lui qui pensait que ce genre d'événements n'arrivait que dans les films ou qu'aux autres. Ils en avaient conclu à une mort naturelle, une crise cardiaque paraît-il. Tae n'était pas certain des dires des autorités mais fit comme s'il y croyait. Son for intérieur lui intimait qu'il y avait autre chose derrière ce décès en apparence « normal ». Et lui qui espérait qu'au vu de la situation, sa mère lui offrirait un minimum de soutien, qu'elle se rapprocherait enfin de lui... Que nenni. Le lien qui les unissait s'était dégradé considérablement après l'enterrement. Madame Kim était devenue encore plus ingérable qu'à l'accoutumée et maintenant que son père n'était plus là, elle en profitait pour s'adonner à des folies monstrueuses sur son fils. À croire qu'elle n'avait attendu que ça, que monsieur Kim parte. Pas une seule fois, elle n'avait versé de larmes. Pas une seule fois, elle n'avait exprimé sa peine ou même adressé une dernière prière à son défunt mari. Elle agissait comme si rien ne s'était produit, aucunement perturbée par tout cela et ce détachement manqua à plusieurs reprises de faire vriller le jeune homme. Tae était arrivé à un point de non-retour. Il en avait assez de l'attitude de la matriarche, assez de ses paroles, assez de ses actes, assez de tout ayant un quelconque rapport avec elle. Il était temps qu'elle se stoppe dans ses agissements, qu'elle cesse de le stigmatiser dès qu'elle en avait l'occasion, qu'elle arrête de l'écœurer par tous les moyens possibles et impensables de la vie car il le sentait : sa santé physique comme mentale commençait à lui jouer des tours.

Alors il attendait son retour dans le studio de pied ferme dans la cuisine, assis devant la table à manger. L'une de ses mains tournoyait un paquet de cigarettes à moitié plein qui appartenait à la personne avec qui il était prêt à en découdre. Le carton tourna une, deux, trois fois puis le cliquetis du verrou de la porte d'entrée retentit. Ce simple bruit crispa aussitôt le châtain car il savait ce que ce signal signifiait. C'était le moment où jamais. Le face-à-face approchait et Tae put sentir son estomac commencer à se tordre sur lui-même, sous l'appréhension qui l'envahissait. Il ne l'avait pas croisé de la journée. Nous étions samedi et le même scénario se reproduirait. Dans plusieurs secondes, madame Kim rentrerait de sa catéchèse* vêtue d'une robe noire sans artifices accompagné d'un col blanc, signe d'appartenance à l'Eglise, puis d'un chapelet entourant sa nuque ; le faciès légèrement pouponné et dont les lippes seraient enduites de ce rouge à lèvres vermillon, proche de la couleur du sang. Comme toujours, elle serait magnifique de la tête aux pieds mais son dénuement d'émotions anéantirait sa qualité principale.

Il entendit alors la porte se refermer puis des pas se rapprocher à cadence régulière. Silence. Un brouhaha plus prononcé, comme si l'on trifouillait de fond en comble un tiroir. Un soupir, signe d'ennui.

- Où sont mes cigarettes ? fit une voix féminine qu'il reconnut, sans hésitation.

La langue du châtain caressa l'une des parois internes de ses joues. L'agacement était présent.

- Bonjour à toi aussi maman, tu as passé une bonne journée ? répondit-il avec sarcasme.

Vraiment, il n'y avait que sa petite personne qui comptait. Madame Kim finit par arriver en trombe dans la cuisine, ses talons claquant contre la moquette recouvrant le sol et comme Taehyung l'avait deviné, elle était absolument sublime dans sa tenue pour les cours donnés à l'église tout près de chez eux. Il ne pouvait pas le nier, malgré tout le dégoût qu'il éprouvait à son égard. Il y avait toujours cette minuscule palpitation au centre de sa poitrine qui se manifestait quand elle apparaissait à sa vue ainsi. Elle disposait de quoi attirer mille et unes convoitises, de quoi faire tourner la tête à toutes celles et ceux qu'elle accostait, de quoi refourguer moult désirs à quiconque osait poser ses pupilles sur elle mais sa frigidité la rendait affreuse et laide. Et quand on savait à quel genre d'abominations la marâtre s'adonnait sur son enfant de seize ans, elle n'était réduite à rien de plus qu'une immondice, une erreur de confection qu'on aurait préféré mettre sur arrêt. Elle fusilla Tae de ses iris jades, n'ayant sans doute pas apprécié le ton que celui-ci venait d'employer à son attention. Le plus jeune prit son courage à deux mains et maintint alors son regard face à celui de l'adulte. Tous deux se défiaient du regard, en véritable chiens de faïence, guettant une réaction de la part de l'autre. Ce moment s'allongea, devint presque une éternité et sa mère fut la première à craquer. Elle essaya de lui arracher des mains la boîte de bâtonnets de nicotine, sans succès. Taehyung l'avait attiré de sorte qu'elle ne puisse pas l'attraper et obtenir d'elle une réelle discussion. La première en seize ans. La première et la dernière, qui sait ?

- Il faut que l'on discute, toi et moi, lâcha le cadet. Assieds-toi.

D'un mouvement de la tête, il désigna la chaise se trouvant juste en face de lui. Sa mère le contempla lui, puis la chaise, ré-effectua la première action suivie de la seconde, sans dire quoi que ce soit et semblant méfiante de la situation qui se soumettait à elle. Enfin, elle se résigna et obéit à l'ordre donné par son fils. C'était déjà un bon début pour celui-ci...

Maintenant, que dire ? Par où commencer ?

Il y en avait tant... Tant de choses que Taehyung désirait lui dire, lui avouer en espérant de toute son âme que sa mère changerait. Qu'elle réaliserait tout le mal qu'elle lui avait apporté et qu'elle continuait de lui faire subir. Le lycéen sentit ses intestins se nouer et se dénouer à mesure que le stress, que toute cette pression qu'il ressentait, grandissait en lui. Quant à sa gorge, il pouvait sentir une boule y naître petit à petit.

- Qu'est-ce que tu me veux ? demanda la femme, sur un ton neutre.

Encore ce ton détaché, comme s'ils étaient de parfaits inconnus. Comme s'ils n'avaient rien à voir avec l'autre alors qu'ils étaient mère et fils. Pourquoi était-elle aussi exécrable avec lui alors qu'avec les autres... ?

Inspire et expire, Taehyung.

- Il y a quelque chose d'hilarant chez toi. Avec les autres gosses tu te comportes de la façon la plus adorable qui soit tandis qu'avec moi...

Il respira bruyamment avant de souffler :

- Sans commentaire. Je t'ai vu à l'église plusieurs fois, en allant faire un tour. C'est fou, on pourrait te donner le bon dieu sans confession tant tu es irréprochable avec eux. S'ils savaient quelle mère indigne tu es.

Celle-ci voulait ouvrir sa bouche, sans doute pour intervenir et contester ses paroles sauf que, cette fois-ci, ce serait bien différent des autres fois. Non, elle n'aurait pas le dessus sur lui. Oui, ce serait lui qui aurait le dernier mot. Il l'en empêcha en poursuivant ce qu'il avait à dire, l'adrénaline s'insufflant dans ses veines, dans les pores de sa peau crépusculaire, de partout en lui.

- Écoute attentivement ce que je m'apprête à dire. Je pense que j'en ai assez vu et entendu de tes manières hypocrites.

N'essaie surtout pas de m'arrêter.

- Je t'interdis de faire ne serait-ce qu'un bruit pendant que je m'exprime.

Il se redressa bien sur sa chaise et continua encore :

- Tu t'es hissée si haut pour me détruire, maman. Je suis fatigué de t'entendre me dire comment vivre et ce que je ne dois pas être. J'en ai marre que tu m'ordonnes quoi faire, que tu me dictes ce que je ne dois pas croire, ce que je dois haïr comme si l'on t'avait transmis la parole divine. J'aurais aimé être une souris pour savoir quelle vision erronée de notre croyance tu transmets à ceux et celles que tu éduques à l'église.

Il montait en ébullition intérieurement, malgré cet air calme sur son visage. Taehyung essayait vraiment de repousser un peu plus loin ses limites et de garder un certain self-control, même s'il montrait de légers signes de nervosité. L'une de ses mains alla pincer l'un de ses bras, bras qui était lacéré de deux croix rougeâtres cicatrisant depuis plusieurs jours maintenant. L'une des lubies du démon qui se trouvait assis devant lui.

- J'en ai ma claque de t'entendre me dire que je vais brûler et que je ne serai jamais libre. Qui es-tu pour prétendre connaître la différence entre le Bien et le Mal ? Hm ? Une sorte de messie ? Je ne crois pas. Il serait grand temps que tu descendes de ton piédestal. Tu n'as pas la science infuse, Kim Jae-Hwa.

L'adolescent enfonçait peut-être le clou en lui crachant ses quatre vérités mais il n'en avait rien à faire. Cela lui démangeait depuis tant de temps de lui dire tout ça... Un poids paraissait s'être ôté de ses épaules mais l'angoisse était toujours là, titillant ses organes digestifs sournoisement. Il le vit. Sa génitrice tiqua du nez, alla mordiller l'ongle de son index avec irritation. Elle n'était pas contente du tout de ses propos et ressemblait à une vraie bombe à retardement.

- C'est peut-être de la peur qui mène ta rage à mon encontre.

- Ce que tu fais est contraire à ce que nous inculque notre Seigneur... débita-t-elle, l'air grave.

La revoilà, à pointer du doigt son goût pour les hommes qu'elle essayait de faire disparaître par des procédés saugrenus.

- Sous-entends-tu que je suis un pécheur ? questionna le benjamin tout en arquant l'un de ses sourcils.

- Tu portes les mœurs les plus vils qui soient en toi, Tae.

Guère étonné de sa réponse, Taehyung lui répondit, droit dans les yeux :

- Si aimer une personne du même sexe est un crime infâme à tes yeux alors je suis fier d'être né pécheur. Je parle sans doute à un mur mais je te le répète encore une fois : c'est ma vie et non la tienne. C'est qui je suis. Et ce n'est pas en débarquant tous les jours à l'appart' pour me faire une scène, en m'humiliant dès que t'en as l'occasion et en me tripotant de tes sales pattes que je changerai !

Son cœur battait extrêmement fort, tellement fort qu'il pouvait distinguer ses battements. Il s'était emporté à la fin, la colère trop longtemps conservée ayant pris le dessus le temps de quelques microsecondes. Le garçon redescendit le ton, calma ses ardeurs par de grandes bouffées d'air... Et ce n'était plus l'adolescent de seize ans qui s'exprimait alors mais le bambin de six années de printemps, attristé et déçu :

- J'entends mes camarades de classe au lycée parler de leurs familles... J'ai peut-être le nez rivé dans mes romans mais j'entends tout... Je les entends parler de leur père, de leur mère, de leur sœur, peu importe leur statut familial... Pourquoi tu n'es pas comme eux ? Pourquoi je n'ai pas le droit à des encouragements ou à des marques d'affection, moi aussi ? Je n'ai jamais eu de câlin ou de bisou de ta part... J'aimerais que tu sois fière de moi, que l'on fasse des activités ensemble, que l'on rende visite à la tombe de papa, que l'on forme une famille normale, que...

L'émotion le rattrapa. L'oxygène ambiant était devenu soudainement trop toxique pour lui, quelque chose n'allait pas et c'était infernal. Il se tut plusieurs instants et reprit difficilement, les réminiscences de ces dernières semaines défilant à vitesse grand V dans son esprit. Ses cordes vocales tremblotaient.

- Je ne suis pas d'accord avec la façon dont tu continues de prêcher la folie... Je ne suis pas d'accord avec les raisons pour lesquelles tu sembles me détester... Je ne suis pas d'accord avec la manière dont tu continues de me faire pression... Je ne suis pas d'accord que...

Taehyung fut incapable de plus. Sa jambe tressautait en dessous de la table, les mots ne glissaient plus sur sa langue, un élément invisible l'en empêchait. Ses sclères se mirent à lui picoter, à mouiller peu à peu tant il était à fleur de peau. Sa sensibilité revint au galop et quand des images ce qu'il avait encaissé dans la pièce condamnée remontèrent à la surface... Une larme solitaire roula sur l'une de ses joues. Il manqua de sangloter devant celle dont il trouvait encore le courage de nommer « Maman ». Tout avait l'air hostile subitement dans cette cuisine. Il avait cette impression d'être en danger permanent, de ressentir une peur irraisonnée sans en connaître la cause. Tout lui inspirait un profond mal-être. Un poids écrasait son organe vital, le martyre en lui, déjà immense, s'élargissait encore ; il n'avait pas la moindre idée jusqu'où ce supplice s'étendrait mais c'était déjà trop à endurer. Alors qu'il posa silencieusement le pour et le contre de poursuivre cette bataille sans fin face à une mère au regard vide et dont il était persuadé qu'elle camperait sur sa position... Tae eut une révélation. Une révélation dérangeante, presque impensable.

Si le problème depuis le début était sa sexualité, le rejet de sa mère aurait dû démarrer à ce moment-là, à la découverte des sms envoyés à son premier plan sexuel, quelques minutes avant qu'elle ne le traumatise à vie. Or... Sa génitrice le rejetait depuis sa naissance, non, bien avant qu'il n'ouvre les yeux même. Il y avait un autre facteur qui la poussait à agir de façon aussi inhumaine avec lui. Mais lequel ? Le lycéen osa de nouveau contempler sa mère et d'une voix perdue, il dit, ses globes oculaires noyés de chagrin :

- C'est plus profond que ça, ton dégoût envers moi... Hein ? Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu me renies à ce point ? Pour que tu tentes par tous les moyens de me répugner de la vie ?

Il eut à peine le temps de terminer ses questions qui nécessitaient plus que des réponses que sa mère se leva de table un poil trop sèchement. Les pieds de sa chaise crissèrent et Taehyung frôla de peu l'attaque cardiaque face à ce geste imprévisible de sa part. Puis elle se rapprocha de lui... Tel un prédateur ayant piégé sa proie. Tae la dévisagea du coin de l'œil, tétanisé. Il se liquéfia contre le dos de sa chaise et quand madame Kim se pencha vers lui, ses pupilles noires comme de l'encre et apathiques droit sur lui, il baissa immédiatement son regard, cherchant à la fuir, apeuré par la suite.

Comment maintenir le regard face à la personne qui a littéralement fait voler votre existence en éclats ? Qui vous a sali et opprimé de bien des manières ? Il ne voulait pas savoir quelles sombres pensées remplissaient encore son crâne. Tae pleura, mourut de malaise à cette proximité, au bord de l'éclatement tant elle l'étouffait.

- Que de faiblesse pour un gamin qui joue aux durs comme toi, commença-t-elle, le ton glacial. Avec les inepties que tu viens de déblatérer, je te conseille vivement d'implorer le pardon de Jésus-Christ ainsi que le mien.

Un rire bref franchit la fine barrière de ses lèvres recouvertes d'écarlate. Tae, lui, ne riait pas du tout. Il désirait même s'enfuir de cette cuisine, tout de suite.

- Une bénédiction de Dieu, qu'il disait ? Foutaises.

Recule...

- Je ne t'ai jamais voulu. Pas une seule seconde je t'ai désiré et tu es là à m'enquiquiner, à chouiner comme un bambin.

Elle se rapprocha encore plus.

Pitié, recule...

Au bord de l'évanouissement tant il suffoquait, Tae pouvait sentir son for intérieur se déchirer un peu plus sous les paroles blessantes de celle qui l'avait porté dans son ventre pendant neuf mois. La frayeur du châtain se décupla, tripla même d'intensité quand il sentit la poigne manucurée de sa vis-à-vis le chopper par la mâchoire pour établir un contact visuel avec lui, le forcer à la voir. Ils étaient proches, trop proches à son goût et c'était le chaos dans son cœur comme dans son esprit. Le toucher de sa maman, du moins le peu qu'elle l'avait touché, lui était devenu insupportable et Taehyung ressentait l'urgence de virer cette main synonyme de trop nombreux abus et de se nettoyer jusqu'à ce que le rougissement de son derme s'ensuive. Les iris de la femme zigzaguèrent sur le faciès de sa progéniture et d'une voix grave, elle susurra en coréen, son souffle s'échouant sur ses croissants de chair :

- N'oublie jamais l'excès d'un homme parce que les mains baladeuses attrapent toujours ce qu'elles peuvent...

Toi, sodomite, qui aimes le péché...

Tu découvriras toi aussi que les hommes sont tous des parias, des bêtes contrôlées par leurs pulsions qui cherchent à les assouvir par des recours pervers et débordant de violence...

Et toi aussi, tu seras l'un des leurs tôt ou tard.

Parce que c'est dans tes gênes. Tu commettras des crimes si horribles que même Satan ne désirera pas t'accueillir dans son antre volcanique.

Tant que je serai vivante, je te le rappellerai jour et nuit.

Tant que je serai là, c'est moi qui dicte les règles.

Les pécheurs comme toi méritent une bonne correction.

Je ne te laisserai jamais en paix.

Pas tant que tu n'auras pas trouvé la grâce de Dieu.

Elle passa un doigt sur ses propres lippes rouges puis le posa sur celles de Taehyung et le glissa, la coloriant de cette même couleur annonciatrice de grands tournants dans le futur du jeune garçon, un énième sourire sur le visage qui affola encore plus celui-ci.

Et je sais ce que je dois faire pour que tu y parviennes, mon ange.

Rejoignons le Septième ciel et approchons-nous du divin ensemble.

Et elle l'emporta une fois de plus sur l'innocence de Taehyung, remplaçant celle-ci par sa folie démesurée et le voir si brisé, la couvrit de plaisir sadique. Le début de la fin était bien là et pourtant, le hasard réservait encore des tas de surprises pour cet ado tourmenté... Une rencontre, Celle d'un garçon dont l'existence dans son quotidien serait à double-tranchant. Dont le regard jade ne lui communiquerait pas de l'indifférence et de la terreur mais bel et bien de l'amour. Dont le visage ressemblerait presque comme deux gouttes d'eau à celle qui lui avait bousillé le mental de A à Z mais qui, au contraire, lui apporterait bonheur et regain de confiance en lui. Et dont, une fois dans ses bras, il mettrait la main sur tout ce qu'il recherchait désespérément depuis très longtemps ; Tout ce qu'il cherchait chez une mère. Jeongguk. Le match parfait qui signerait sa renaissance et sa déchéance.

Une douleur à la nuque le gêna, d'un coup. Tae grogna d'inconfort et, progressivement, ouvrit les paupières. Une fois sa vision nette après avoir cligné des yeux à plusieurs reprises, il vérifia les alentours sans changer de position. Il constata alors qu'il était dans sa chambre et se rappela également pourquoi il était à son bureau. Avachi contre celui-ci, il se replaça correctement sur sa chaise, non sans craquer au passage son cou endolori. Un coup à droite, un coup à gauche, un « crac » audible et la gêne s'en alla aussi vite qu'elle était apparue.

Taehyung comprit donc rapidement qu'il s'était entre-temps assoupi pendant sa séance de rédaction. Il braqua illico ses pupilles sur cette feuille auparavant immaculée et remarqua que, contrairement à ce qu'il craignait, il avait beaucoup écrit. Non pas une, pas deux, mais cinq feuilles recto-verso après vérification. Son écriture était très propre et soignée, sans rature et le plus merveilleux dans tout cela, malgré les images douloureuses que lui avait ravivé son esprit durant son court sommeil, le salarié n'entendait pas ce bourdonnement de fond qui lui faisait perdre la tête chaque fois lorsqu'il se retrouvait seul chez lui. Elle n'était pas là, ce soir. Un infime espoir le baigna puis quelque chose lui revint en mémoire. Un détail troublant apparu dans l'un de ses souvenirs, dont justement il ne se souvenait pas s'être déroulé. Comme si son cerveau avait décidé de faire le tri des moments de sa vie de sa propre volonté.

- « ... Les mains baladeuses rattrapent toujours ce qu'elles peuvent. », répéta-t-il, le timbre rocailleux tout en se caressant les lèvres, en pleine réflexion.

Qu'est-ce que cela voulait dire ? Qu'est-ce que sa mère avait cherché à lui faire comprendre à cet instant précis ? Le presque trentenaire ne le savait pas à la minute même mais intimement, il se jura de se creuser la cervelle davantage pour trouver le sens de cette phrase car il en était sûr, bien que sa génitrice ait tenu de nombreux discours proches de la paranoïa, un pressentiment lui intimait que ce propos en particulier n'était pas anodin. Qu'elle était lourde de significations.

Automatiquement, par habitude, il leva la tête en direction de l'unique croix encore accrochée au mur, juste au-dessus de lui. Comme chaque fois qu'il était en proie au doute depuis des années, Tae s'en remettait au Ciel. Car lui seul bénéficiait de la bonne réponse et savait ce qu'il devait faire. Sauf que problème : Tae était en froid avec sa propre foi, en rupture avec celle-ci. Depuis sa rupture abrupte avec Jeongguk, il avait cette impression qu'on l'avait dupé en le dopant de croyances illusoires à foison. Et là, en contemplant cette relique religieuse, l'homme ne savait plus qui croire. Une partie de lui désirait mettre de côté cette religion qui ne représentait qu'un passé qu'il voulait tout bonnement enterrer pour de bon. Puis il y avait cette autre part à l'intérieur de son être, dans son âme stigmatisée, qui s'y accrochait encore car c'était le seul échappatoire qui lui permettait de garder les pieds sur terre, de ne pas laisser ses démons le ravager encore un peu plus... Ou peut-être de ne pas se confronter à la réalité, seul, parce qu'il en avait bien trop peur.

En conflit avec lui-même, le grisâtre rangea alors son tas de papiers et son crayon dans le même tiroir où leur place était attitrée, jugeant en avoir assez fait pour cette nuit avant de quitter sa chambre. C'était même un très bon départ sur la voie de la reconquête de l'ébène et il comptait bien continuer ainsi, toujours influencé par cette fascination qu'il lui vouait. Surtout qu'un cadeau très spécial attendait le gamin à la bouille de lapin. Un cadeau que Tae avait façonné de ses propres mains, dans l'attente que celui-ci lui revienne quand son corps n'était pas encore prêt à se nicher tout contre Morphée. Il y avait mis tout son amour et toute sa haine, toute son envie là-dedans, priant que sa création lui plairait. Elle ne pourrait même que l'enchanter, si Gguk venait à reprendre là où ils s'étaient arrêtés. Elle avait été conçue spécialement pour lui, à son goût et l'adulte n'avait qu'une hâte : l'utiliser sur lui. Pour le moment, l'objet reposait entre deux cartons et d'autres babioles sacrées en tout genre dans la pièce supposée être condamnée, dans la pénombre la plus totale comme un vieux meuble dont l'on ne se servirait plus.

Et Taehyung l'admira depuis l'entrebâillement de la porte gardant ce débarras, une certaine émotion l'envahissant à sa vue, son organe vital commençant à palpiter petit à petit. Il s'imaginait lui et Jeongguk en plein maniement de sa fabrication et bordel, l'argenté aspirait avec impatience qu'il fasse le bon choix. Choix qui n'était autre que d'être à nouveau unis et ce, pour toujours. Qu'il soit une bonne fois pour toute complet en sa compagnie, menottés l'un à l'autre, corps et âme. Parce que le plus âgé se sentait mort, loin de ce gamin au sourire si éclatant. Être mort aux yeux du monde l'importait peu mais aux si beaux yeux de celui-ci le bouleversait d'une façon que l'on ne pouvait décrire ni à l'orale, ni à l'écrit. Parce que Taehyung ne pouvait exister sans Jeongguk et Jeongguk ne pouvait respirer sans Taehyung... Et ça, l'employé de cantine l'avait parfaitement assimilé.

_______________
Note de l'auteure :

Heyo mes amours ! ❤️ J'espère que vous vous portez bien en ce premier jour de confinement ! De mon côté c'est un chouia le bordel avec les cours, j'entame le distanciel dès lundi et j'ai envie de chialer parce que j'aime pas du tout les cours en distanciel même si ça me permet de bosser à mon rythme ;-; J'espère que de votre côté ce n'est pas trop le bordel avec vos études ou quoi. Courage à vous, vraiment ❤️

Comme je vous l'avais dit, on poursuit la trame de So Far Away avec un chapitre vraiment particulier qui, j'espère, ne vous a pas traumatisé ou autre. Si c'est le cas, je m'en excuse sincèrement ;-;

Il m'a donné pas mal de fil à retordre d'une part à cause des scènes choc (mon mental en a pris un coup encore) mais aussi à cause de la fin car j'avais galéré à trouver une bonne conclusion.

J'espère du moins que vous l'avez apprécié et encore une fois, si c'est le cas vous faites une heureuse ^w^ ❤️

Impressions ?

Votre avis sur Tae a t'il évolué à la lecture de ce chapitre ou est-il toujours le même ?

Comprenez-vous un peu mieux certaines choses sur ce personnage ?

On apprend que celui-ci a confectionné quelque chose rien que pour Jk dans l'attente de le retrouver. Pensez-vous premièrement qu'ils seront amenés à être rien qu'à deux un moment donné dans l'intrigue ? Si oui, comment ? Et deuxièmement... Quel genre de cadeau a préparé Tae pour lui ?

Réponses aux prochains chapitres !

So Far Away approche les 10K de lectures tandis que So Close continue de grimper et aborde les 150K de lectures. Je suis vraiment heureuse de voir que vous êtes de plus en plus nombreux à suivre l'histoire de nos tourtereaux obsessionnels et j'espère de tout mon cœur ne pas vous décevoir pour la suite que je suis en train de préparer. Merci vraiment du fond du cœur encore une fois pour vos retours positifs, vos petits votes et même pour le simple fait de vous être attardés sur mon travail. Ça me touche toujours autant et je vous promets de me booster toujours un peu plus dans la rédaction des futurs chapitres. ❤️

Prochain chapitre, on bascule de nouveau sous le pdv de Jeongguk ! Et je ne suis pas sûr que tout sera de repos pour lui... 🙃

On se retrouve très vite pour la suite de cette intrigue ! Je vous fais plein de gros bisous, faites bien attention à vous et tenez bon durant ce nouveau confinement. Occupez-vous en matant des séries, lisez beaucoup, cultivez-vous sur des choses en tout genre et ne vous mettez pas la pression au moment où vous bosserez vos cours. I purple you very very much 💜

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro