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chapitre 8

o8 : mais oui mais oui, l'école a repris

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- Je serai à jamais captivée par la quantité de nourritures que tu peux engloutir aussi tôt dès le matin, dit Madeline

La bouche pleine d'œufs brouillés, Jefferson mastique en faisant de grands mouvements de mâchoires d'une élégance rare, lui donnant des airs de famille avec une vache. Devant lui, une assiette débordant de bacons et d'œufs est la voisine d'une seconde où se dressent une pile de pancakes recouverts de confitures d'abricots. Au cas où un petit creux se ferait sentir, deux financiers aux amandes et une barre de céréales aux cranberries sont calés à côté d'une tasse de café et d'un verre de jus d'orange, histoire de faire couler tout ça.

- Quoi ? Che me chuis dépencher che matin, faut que che manche
- Tu as fait des pompes dans ta chambre ? raille la blonde

Son frère ouvre à nouveau la bouche pour répondre, elle l'interrompt en levant la main et lui fait signe de dégager sa bouche encombrée.

- Y a une salle de sport au sous-sol ! s'exclame-t-il après avoir dégluti. À côté des dortoirs, j'ai trouvé un escalier qui permet d'aller au niveau sous le château et c'est là que je suis tombé sur une salle de sport aussi bien équipée que celle de Brestham ! Le bonheur, j'ai cru que j'allais chialer d'émotions
- Et bien, un mec n'a pas besoin de grand chose pour laisser parler ses émotions finalement

C'est Phoebe qui vient de dire ça, sur un ton rieur tandis qu'elle s'assoit à côté de Madeline. Installés dans la salle à manger du château, la plupart des élèves ont eu l'envie de prendre leur petit-déjeuner avant d'attaquer cette première journée de cours. Le buffet bien garni trône au centre de la pièce, plusieurs tables de tailles différentes se déploient tout autour.

- Tu n'imagines même pas, Jeff a la larme facile, renchérit cette dernière
- Eh, n'importe quoi, râle son jumeau
- Dixit celui qui pleure comme une madeleine devant Rox et Rouky, poursuivit sa sœur avec un petit sourire mauvais

Enchanté d'apparaître sous son meilleur jour devant une jolie fille, Jefferson adresse son majeur à sa sœur, qui lui répond par un baiser. La blonde jette un coup d'œil à la brune, ou plus exactement à l'assiette qu'elle a apporté avec elle.

- Tiens, je n'avais pas vu qu'il y avait des gaufres sur le buffet
- C'est parce que je les ai faites moi-même, avec mon petit ingrédient secret, répond Phoebe avec un clin d'œil

Depuis leur rencontre la veille, les deux jeunes femmes ont bien fait connaissance, se sont trouvés plusieurs points communs et ont bien rigolé. Au delà de ça, la présence de l'une fait du bien à l'autre, et vice-versa. Face à ce monde plein d'incertitudes, elles auront la possibilité de se serrer les coudes, ce qui est toujours rassurant.

Cette camarade sur qui s'appuyer afin de s'habituer à cette nouvelle vie a rendu la soirée d'adaptation un peu plus facile. Malgré ça, elles ont chacune respecter l'intimité l'une de l'autre et se sont laissés du temps pour s'accommoder individuellement. Ainsi, Madeline a pris possession de sa chambre en déballant toute ses affaires, s'appropriant cet espace qui va l'accueillir pendant de nombreuses nuits. S'entourer de toutes ces choses personnelles a permis de créer un cocon protecteur autour de la blonde. En fin de soirée et après avoir partager un coup de fil avec ses parents, puis avec ses amis d'enfance Amy et Graham, elle s'est toutefois sentie le cœur un peu lourd. Avoir renoncé à sa vie reste un choix délicat pour elle, ce n'est donc pas surprenant qu'elle se sente nostalgique, déboussolée et mélancolique. La lueur d'espoir qui lui a redonné le sourire a pris les traits d'une rose aux pétales glacées, posée dans un vase sur sa table de chevet. Tout près d'elle.

- Déformation professionnelle, j'imagine ? plaisante Madeline
- Je n'ai rien contre le buffet mais ... j'ai du mal à me passer de mes petites recettes. On dirait une vieille fille qui parle, se lamente la brune en passant une main dans ses ondulations

La blonde scrute malgré elle et avec appétit les gaufres bien dorées de Phoebe, la délicieuse odeur qui s'en dégage invite à la gourmandise. Alors lorsque ses yeux verts se reposent sur son bol de Chocapics trempantes dans le lait chaud, ce spectacle lui paraît bien triste.

- Vous pensez que le buffet sera comme ça tous les jours et à chaque repas ? Si c'est le cas, je vais tomber amoureux de cet endroit très rapidement, affirme Jefferson en entamant ses pancakes
- Alors prends tes quartiers dans la salle de sport tout de suite si tu ne veux pas perdre tes muscles mon coco, dit une voix derrière lui

Les trois redressent la tête vers Zadig, le petit frère de Julian, qui s'avance vers leur table d'une démarche habituellement décontractée. Il dépose un simple mug de thé devant lui, Un autre jeune homme l'accompagne, aux cheveux châtain foncé et aux yeux clairs. Madeline se souvient l'avoir aperçu la veille, un charmant accent irlandais s'échappant de ses lèvres.

- Mais si tu aimes manger, je te conseille Paris. Une merveille, renchérit Zadig en s'asseyant à côté de Jeff en prononçant ses derniers mots en français
- Dublin n'est pas en reste non plus, réplique le nouveau venu en prenant place à droite de Phoebe

Face aux regards interrogateurs qui entourent la table, hormis Zadig, le jeune homme leur adresse un sourire plein de douceur, lui donnant un air naturellement jovial. Tous ses traits sont lumineux, comme si aucune once de noirceur ne pouvait venir ternir le rayonnement chaleureux de ce garçon.

- Je m'appelle Andrea Cadburry, se présente-t-il. Et je suis irlandais, au cas où ce n'était pas assez évident
- Tu veux qu'on compare le black pudding au croissant, vraiment ? réplique Zadig en le toisant par dessus ses lunettes à verres teintés de rose

La grimace qu'affiche Jefferson est suffisante pour couper court à l'envie d'Andrea d'avoir un moment de patriotisme.

- Ce n'est peut-être pas une bonne idée, pas pour ce matin en tout cas, rit-il

Après de brèves présentations, chacun retourne à son petit-déjeuner en discutant. Enfin, pas tout le monde.

- Depuis que tu habites en France, tu ne te nourries plus que de macarons ? plaisante Madeline en regardant la pauvre tasse seule et triste de Zadig
- Ne m'en parle pas, je vais avoir du mal à me réhabituer à la nourriture anglaise, se plaint-t-il. Et puis ... je crois que le thé au jasmin ne va pas être assez fort pour m'aider à supporter cette journée

Ses yeux verts plongent tristement au fond de sa tasse, faisant rire ceux qui l'entoure.

- Tiens, ça serait bête que tu fasses un malaise, lance Jefferson en lui donnant sa barre de céréales
- Personne n'a envie de voir Zadig Lington les quatre fers en l'air, rit Andrea
- Détrompe-toi, j'aurais toujours la classe, même en faisant un malaise, réplique le mannequin avec un sourire en coin qui révèle sa fossette

Bien que leur discussion soit sous le signe de la légèreté, un sujet plus lourd ne quitte pas le coin de leurs têtes. Personne ne sait de quelle façon appréhender la journée qui les attend, c'est Jefferson qui met les pieds dans le plat le premier.

- À votre avis, comme ça va se passer aujourd'hui ?

Madeline boit une gorgée de son verre de lait-fraise, Phoebe enfonce son nez dans sa tasse de café, Andrea est soudain très concentré sur son muffin aux myrtilles et Zadig tripote nerveusement les boutons dorés de sa veste en velours rouge. En bref, personne ne connaît la réponse à cette question. Peut-être n'ont-ils même pas envie d'y réfléchir, trop occupés à cacher l'anxiété que suscite l'optique de cette journée.

- On verra bien, j'imagine, finit par dire Madeline. On est là maintenant, on ne peut plus faire machine arrière
- Ils vont sûrement séparer les lunaires avec des pouvoirs et ceux qui n'en ont pas, vous ne croyez pas ? propose Andrea

Un rire plein d'ironie, un brin dédaigneux échappe à Zadig.

- Les talentueux d'un côté et les ploucs de l'autre, on ne mélange pas les torchons et les serviettes, lâche-t-il

À cet instant, Madeline passe en revue mentale les personnes siégants autour de la table. Elle sait déjà dans quelle catégorie son frère et elle se trouvent, ainsi que Phoebe, bien qu'elle ignore de quelle nature sont ses pouvoirs. Aux vues de la dernière phrase qu'il vient de proférer avec une amertume à peine voilée, la position de Zadig ne laisse que peu de doutes. C'est curieux, Julian a bien des pouvoirs pourtant, se dit-elle. Ses yeux verts se posent ensuite sur Andrea et s'interrogent longuement, quel côté de la balance peut faire pencher cet irlandais visiblement toujours de bonne humeur ?

Après quoi, chacun est subitement plongé dans ses pensées. Un épais silence tendu plane autour d'eux, seulement perturbé par des bruits de vaisselles et des raclements de cuillères. Les autres élèves qui prennent leur petit-déjeuner autour d'eux ne sont pas plus bavards, tout le monde se demande à quelle sauce ils vont être mangés.

Cette appréhension s'accroît jusqu'à ce que l'heure soit venue, les amenant à se réunir comme prévu sur le perron du château. Les températures ont chuté assez lourdement pendant la nuit, c'est un froid mordant qui les accompagne durant leur attente et qui les contraint à s'emmitoufler dans d'épais manteaux et de grosses écharpes.

- J'avais peur qu'ils nous forcent à porter un uniforme, c'est déjà ça de positif, dit Zadig en resserrant les pans de son manteau long bleu marine
- Si ça avait été le cas, je suis sûre que tu aurais été le seul à bien le porter, réplique Madeline qui ressert son écharpe à rayures autour de son cou
- Que veux-tu, la classe naturelle n'est pas à la portée de tout le monde, plaisante-t-il en levant fièrement le menton

Ils se laissent aller à des rires bienvenus, faisant s'envoler quelque peu leurs préoccupations. Leurs prunelles vertes se croisent, un reste d'une vieille complicité refait surface à cet instant. Il y a une once réconfortante à savoir que des liens enfouis par des années de séparation n'ont pas disparu, qu'il suffit d'un rien pour les voir reprendre le dessus.

- C'est sympa de te revoir Madeline, avoue le mannequin
- Je suis contente que tu sois là, sourit-elle

Leur discussion s'interrompt lorsque que Grace Lington émerge du château, suivie par son équipe de professeurs. La directrice de l'Académie Dawson fait face à ses élèves, appuyant ses deux mains sur le globe en verre de sa canne. Son bras droit, Finn Colao, n'étant pas à ses côtés, c'est donc seule mais loin d'être impressionnée qu'elle prend la parole.

- Bonjour à tous ! Je vous remercie d'être là ce matin, alors que vous préféreriez certainement être bien au chaud dans votre lit, déclare-t-elle en leur adressant un sourire. C'est aujourd'hui que débute votre année au sein de l'Académie avec votre premier jour d'enseignement. Vous allez rencontrer chacun de vos professeurs au grès des cours qui vous sont proposés

Elle se tourne brièvement vers la petite dizaine de personnes dans son dos, les saluant d'un hochement de tête.

- Vous vous en rendrez vite compte, l'Académie Dawson n'est pas vouée à vous garder assis bien sagement sur une chaise toute la journée. L'une des promesses qui vous a été faite est la suivante : apprendre à contrôler ou à développer les capacités qui sont propres à chacun d'entre vous

Madeline et Jefferson partagent un même regard en coin, communiquant sans avoir besoin de mots. Pour ceux qui peuvent oui, pense la sœur.

- Je suis bien consciente que tout le monde ici ne possède pas de dons. Vous n'êtes pas en reste, je vous l'assure. Nous avions à cœur d'inclure de nouveau les lunaires dépourvus de pouvoirs spéciaux dans notre projet, car nous sommes persuadés que chacun d'entre nous a la même valeur. Chassez les doutes de vos esprits, vous avez parfaitement votre place au sein de cette Académie. Vous aussi, vous apprendez à vous défendre et à mettre en pratique vos qualités. Évidemment, afin que votre apprentissage soit optimal et le mieux adapté possible, vous ne pouvez pas tous recevoir les mêmes cours. Ainsi, nous allons vous diviser en deux sessions : les lunaires dotés de pouvoirs et ceux qui en sont dépourvus
- Tiens tiens, nous y voilà, murmure Zadig avec un sourire en coin difficile à interpréter
- Je vous l'avais dit, se félicite Andrea, très fier de lui

Madeline tourne la tête vers Phoebe, les deux jeunes femmes s'adressent un sourire désolé d'entendre qu'elles devront être séparées pendant leur journée de cours.

- Pour ce qui est-

Personne n'entend la fin de la phrase de Grace, elle est étouffée par le vrombissement d'une voiture qui roule bruyamment sur les cailloux blancs de l'allée menant au château. Une fois encore, tout le monde se retourne avec curiosité pour comprendre ce qu'il se passe.

- Les enflures, ils m'ont volé mon entrée, se plaint Zadig
- Tu sais qui c'est ? lui demande Madeline

Un gros SUV noir vient de s'arrêter en ligne de mire, le chauffeur quitte le véhicule et fait glisser la portière arrière. Trois personnes en sortent et à vue d'œil, ils semblent que ce soit un père avec ses deux enfants.

- Pas très discret pour des retardaires en tout cas, constate Jefferson
- Oh non, pas eux, siffle le frère de Julian entre ses dents

Intriguée par cette phrase, Madeline fronce les sourcils en suivant du regard les nouveaux arrivants, en train de remonter l'allée de cailloux sans se soucier d'être scrutés par une quarantaine de personnes. À la tête de leur entrée, le père, en costume de travail et aux cheveux grisonnants, affiche une expression délibérément arrogante et stricte. Ses enfants, un garçon et une fille, n'arborent aucun sourire non plus. Ils sont d'une beauté froide, intimidante, qui souffle un vent de dureté tout autour d'eux. Le lien de parenté est indéniable, bien que le frère ait l'air plus âgé que sa sœur, de deux ou trois années tout au plus. Une aura de rigidité émane de ce trio, il y a presque quelque chose de dérangeant dans leur raideur et l'expression pleine d'orgueil brillant dans leurs prunelles.

- Navré de notre retard, jusqu'à la dernière minute nous n'étions pas certains de vouloir venir, proclame le père en se plantant tout droit face à la directrice. Mais n'y voyez rien de personnel, madame Smithens
- Quel connard, crache Zadig avec venin

La situation échappe à Madeline, elle n'est d'ailleurs pas la seule à ne pas prendre la mesure ni la tournure des événements. En revanche, il n'est pas difficile de comprendre que cet homme ne vient pas avec des intentions sympathiques. La réaction de Zadig en dit long, ce n'est pas la première fois que cette famille croise le chemin des Lington. À l'évidence, leurs relations ne sont pas des plus cordiales.

Grace fait son possible pour conserver son sang-froid, sa mâchoire serrée peine à cacher l'aversion que lui inspire cet homme ainsi que ses odieux commentaires.

- Merci de votre bonne volonté, monsieur Walcott. Je vous prierai cependant de bien vouloir m'appeler par mon nom et de ne pas utiliser celui de mon ex-compagnon. Vous et moi savons que je n'ai pas besoin d'un homme dans ma vie et que je m'en sors bien mieux sans avoir cette épine dans le pied. De plus, ce n'est certainement pas l'un d'eux qui va mettre à mal mon autorité, réplique-t-elle en agrippant fermement sa canne à pommeau

Le dénommé Walcott ne se défait pas de son rictus prétentieux, creusant un peu plus les traits durs de son visage. Bien loin de se laisser faire, Grace le défit du regard de remettre en cause sa position.

- Estimez-vous heureuse que j'amène mes enfants dans votre cirque de bons sentiments et de fraternité déplaisante, lui balance-t-il
- Et c'est le cas, je suis absolument ravie que vos enfants puissent bénéficier d'une éducation qui vous a visiblement fait défaut, réplique la directrice

Plusieurs sourires étirent les visages des élèves, appréciant de voir Grace s'affirmer avec mordant et attitude. Le sourire le plus fier est indéniablement celui de son fils, Madeline le constate avec amusement.

Toutefois, il y en a un qui n'est pas en mesure d'aimer se faire tourner en ridicule de la sorte.

- Vous parlez d'éducation en paradant votre bonne foi aux yeux de tous. Quel genre d'éducation peut bien enseigner une académie acceptant que des intrus s'infiltrent en ses rangs ? Pourquoi prendre tout le buffet quand seul le caviar vous suffit ?

C'est donc ça le problème ..., réalise Madeline.
La raison de l'hostilité de ce monsieur Walcott apparaît aussi clair que de l'eau de roche à présent. Avec toute la supériorité dont il se croit affublé, il adresse un regard circulaire dédaigneux aux élèves réunis dans son dos.

- Personnellement, je n'ai jamais été friande du caviar, réplique Grace

Lui ayant cloué le bec une fois de plus, encouragé cette fois par un murmure approbateur traversant les élèves, la directive ne laisse pas son opposant revenir à la charge et enchaîne avec fermeté :

- Monsieur Walcott, votre opinion n'est ni désirée, ni la bienvenue en ces lieux. La décision de continuer à accueillir les lunaires sans pouvoirs a été discutée longuement, puis soumise à un vote. Il n'est donc plus temps de scander votre avis réfractaire, cette bataille est inutile et non recevable. Aussi, je vous déconseille de remettre en question ma gestion en tant que directrice de l'Académie, à moins que vous ne vouliez être ridiculisé une fois de plus. Sur ce, je vous remercie d'avoir si gentiment mené vos enfants jusqu'ici et je vous encourage à remonter dans votre voiture pour rentrer chez vous au plus vite. Si l'idée de critiquer à nouveau ma direction vous vient, je vous enjoins à garder le silence. Il vaut mieux ouvrir peu la bouche mais parler intelligemment plutôt que de déblatérer des âneries à tour de bras

Estomaqué, tel est le mot qui décrit le mieux le sentiment des élèves. Tous gardent les yeux rivés sur Grace, ne cachant pas leur admiration.

- Je suis à deux doigts d'applaudir, murmure Madeline

Les petits rires d'Andrea et de son frère approuvent sa proposition, aussi enchantés par ce spectacle qu'elle. Si on ajoute à ça l'expression pincée et sérieusement contrariée de monsieur Walcott, c'est un véritable régal.

- Regardez qui a l'air d'avoir un balai dans le cul maintenant, raille Zadig avec une pointe de mesquinerie

À l'évidence, voir sa mère rembarrer ce pignouf en costard lui fait très plaisir, ce qui se comprend facilement.

Honteux de s'être fait reprendre de volé devant toute l'Académie Dawson, monsieur Walcott tourne les talons, le visage plus austère que jamais. Il chuchote quelques mots à ses enfants avant de repartir en direction de sa voiture, non sans avoir lancer un sombre regard vers la directrice. Lorsqu'il monte enfin à bord de son véhicule et que son chauffeur les conduit au plus vite en dehors de la propriété, Madeline reporte son attention sur ses enfants.

Assister à l'humiliation de leur père ne semble pas les avoir ébranlé, mais le masque qu'ils arborent n'en est pas moins déplaisant. Leurs regards toisent avec mépris les lunaires qui les entourent, comme en quête des supposés intrus prétendus par leur géniteur.

- Ils n'ont pas tellement envie d'être amis avec des lunaires sans pouvoirs, on dirait, constate la blonde
- Si tu savais, soupire le frère de Julian

Le passif entre la famille Lington et la famille Walcott se confirme, les prunelles dures que braque le mannequin sur les deux retardaires en sont la preuve indéniable.

- Bien, maintenant que l'incident est clôt : je vous souhaite une très belle première journée de cours ! reprend Grace dans un sourire. Et essayez de ne pas vous perdre

☽⁂☾

- À présent que tout le monde est installé, je peux me présenter : je suis le professeure Campbell et je vous enseignerai l'histoire pendant la durée de votre formation ici, énonce une trentenaire à la belle crinière rousse
- Trente-neuf, quarante-cinq : seconde guerre mondiale, lance Zadig

Plusieurs rires résonnent dans la salle, même Madeline s'autorise un petit sourire rieur en coin. Leur session de lunaires sans pouvoirs est réunie pour la première fois, rassemblant une petite quinzaine d'individus. Sans surprise, Zadig et Jesse font partie de cette catégorie, tout comme Andrea. Ce n'est d'ailleurs pas plus étonnant de ne pas retrouver les enfants Walcott dans ce groupe. Les autres élèves sont de parfaits inconnus, toutefois un sentiment d'appartenance les relie. C'est très certainement le fait de tous compter parmi les aléas de la génétique qui leur donne l'impression d'être moins seul tout à coup.

- Merci pour cette brillante intervention, monsieur Lington, mais ce n'est pas de cette histoire là dont il s'agira dans mon cours, contre le professeure Campbell

Son sourire a beau être poli, on peut clairement y lire un « je te conseille de ne plus m'interrompre si c'est pour endosser le rôle du pitre ». Cette femme, qui ne doit pas avoir plus de dix ans de plus qu'eux, semble dotée d'un tempérament bien marqué, ce qui va lui être très utile pour faire classe à Zadig.

- Mon cours est le premier que vous allez recevoir aujourd'hui alors j'aimerais commencer par le commencement. Vous tous ici n'avez développé aucun pouvoir particulier tout au long de votre vie. J'imagine que certain d'entre vous n'était même pas familier avec le monde des lunaires, n'est-ce pas ?

Plusieurs murmures affirmatifs s'accompagnent d'hochements de tête. Le professeure Campbell s'écarte de son bureau, faisant claquer les talons de ses escarpins contre le parquet.

- Quelqu'un peut-il me raconter comment les choses se sont passées pour lui à partir de l'instant où il a reçu la convocation de l'Académie ? demande-t-elle

Une jeune femme de carnation noire et aux longues tresses sombres lève la main, le professeur Campbell lui donne la parole d'un signe de la tête.

- Et bien, je n'ai pas trop compris ce qu'il m'arrivait pour être honnête. Je suis fille unique donc à part mes parents, je n'avais personne d'autre à qui en parler. Ça a été l'occasion pour mon père de m'expliquer qu'il était un lunaire sans pouvoirs et que son propre père, mon grand-père donc, était un lunaire capable d'entendre ce qu'il se passait à des kilomètres à la ronde. J'imagine que le gêne s'est dissipé quand mon grand-père s'est marié avec une femme ... normale ? Est-ce qu'on dit ça ? demande-t-elle avec un rire nerveux
- Avec une humaine, on n'a jamais donné de noms à ceux qui ne sont pas des lunaires. C'est horriblement réducteur ! rit le professeure Campbell
- Voilà, mon grand-père s'est marié à une humaine et ils ont eu trois enfants, dont mon père. Il n'a jamais développé de pouvoirs, c'est sûrement pour ça que je n'en ai pas eu non plus

Voir que ce cas de figure touche concrètement d'autres gens, d'autres familles fait prendre conscience à Madeline combien ce monde inconnu devient réel sous ses yeux.

- Très bon raisonnement, approuve leur professeure. La situation de mademoiselle ... ?
- Rosalynn Bellingham, répond l'élève
- La situation de mademoiselle Bellingham est une parfaite illustration de ce que le gêne lunaire peut devenir à travers plusieurs générations. Si ce n'est pas indiscret, votre père était-il le seul de sa fratrie à être dépourvu de pouvoirs ?
- Oui, ses sœurs ont toutes les deux hérité des pouvoirs de mon grand-père. C'est grâce à la convocation que mes parents m'ont parlé pour la première fois de toute cette histoire. Et c'est là que j'ai appris que mes cousins, que je fréquente depuis que je suis toute petite, ont des pouvoirs alors que je n'en avais aucune idée ! Du coup, ils sont dans la session des lunaires à pouvoirs, rit Rosalynn

Cette explication soulève aussitôt des questions chez Madeline sur ses propres racines. Elle sait que le gêne lunaire ne vient pas du côté de sa mère, mais l'arbre généalogique de son père est impossible à reconstituer pour des raisons évidentes. Quelle était la nature de ses pouvoirs ? De qui les tenait-il ? De son père ou bien de sa mère ? Ou peut-être les deux ?

- Mademoiselle Bellingham, vous êtes vraiment un exemple parfait pour mon cours, la complimente Campbell avec un clin d'œil. Vous soulevez également la notion de secret qui est essentielle à la vie des lunaires. Si certain d'entre vous n'ont appris à connaître cette partie enfouie de leur identité que récemment, c'est parce que les lunaires mettent un point d'honneur à garder leur existence secrète
- Mais ça veut dire qu'il y a peut-être des lunaires sans pouvoirs, là-dehors, qui ne savent même pas qui ils sont vraiment, intervient Jefferson
- Tout à fait, c'est pour cette raison que l'Académie Dawson a été réouverte : afin d'accueillir tous les lunaires et concernant ceux qui n'ont pas de pouvoirs, de les éclairer sur cette facette méconnue de leur personnalité. D'ailleurs, vous ne le savez certainement pas mais vous portez un nom. On n'a peut-être pas osé trouver un nom aux humains mais pour les gens comme vous, tout le monde s'est mis d'accord sur les « immaculés »

Un rire ironique provient de la table juste devant Madeline, la blonde pose les yeux sur la nuque de Jesse, en train de pouffer sarcastiquement.

- Et ça ne vous est pas venu à l'idée que les ... immaculés pouvaient avoir envie de rester éloignés de cette vie ? rétorque-t-il

Cette question est légitime, Madeline ne peut pas le nier. Cette pensée lui a plus ou moins traversé l'esprit, sa réaction n'ayant pas été de sauter au plafond en apprenant que son patrimoine génétique lui réservait quelques surprises. Elle n'est d'ailleurs pas la seule intéressée par le sujet : Zadig se penche en avant, s'accoudant à sa table avec son sourire en coin coutumier; un garçon aux allures hispaniques penche la tête sur le côté et Rosalynn se mord la lèvre inférieure, concentrée.

Voyant qu'une bonne partie de la classe attend sa réponse, le professeure Campbell s'assoit sur le bord de son bureau, posant ses mains sur ses genoux. Un rayon de lumière fait miroiter la boucle de sa ceinture en forme de croissant de lune, ses cheveux plus roux que jamais.

- Parce que personne ne devrait avoir envie d'ignorer une partie de soi, affirme-t-elle. Cette marque de naissance que vous portez tous derrière l'oreille, ce n'est pas une simple tâche. C'est une clef vous ouvrant la porte sur la personne que vous êtes au fin fond de votre âme. Cette identité ne vous paraît peut-être pas importante au premier coup d'œil, mais vous êtes tous des piliers de notre communauté. Vous pouvez être fiers de ce que vous êtes, car vous êtes bien souvent la meilleure face de la lune

Ce discours apaise les doutes de bon nombre d'immaculés présents dans la classe, Madeline sent qu'il a atteint les tourments qu'elle remue malgré elle depuis des semaines.

- Depuis tout à l'heure, vous parlez de nous en disant « vous » ... vous n'êtes pas une immaculée ? demande Andrea
- Ce joli minois et votre répartie d'enfer ne sont pas vos seules armes secrètes ? renchérit Zadig, la fossette toute dehors

Un sourire conspirateur se dessine sur le visage du professeure Campbell, elle croise lentement les bras en se concentrant sur le jeune mannequin. Tout à coup, l'équivalent d'un énorme seau d'eau tombe du plafond et le trempe jusqu'aux os. Si toute la classe est étonnée, le plus surpris reste Zadig, qui se redresse vivement sur sa chaise en dégageant ses mèches mouillées en arrière.

- En effet, ce n'est pas ma seule arme secrète, monsieur Lington, approuve la rousse, très fière d'elle

- Je sens que je vais beaucoup l'aimer, pense Madeline

☽⁂☾

- Enfin la pause déjeuner, je crève la dalle, grogne Jefferson
- C'est vrai que c'était épuisant de rester assis toute la matinée, il faut bien que tu récupères toute l'énergie dépensée, raille sa sœur

Les jumeaux entrent dans le réfectoire, où la plupart des élèves ont eu la même idée qu'eux : mettre à profit leurs deux heures de pause pour se remplir l'estomac. Et vu le nombre de plats qui garnissent le buffet, c'est l'endroit idéal ! Après s'être servi - plus généreusement pour l'un que pour l'autre, Madeline capte du coin de l'œil que Phoebe lui fait des signes de la main. Déjà installée à une table en compagnie de deux autres lunaires, un garçon et une fille, sa voisine de palier les invite à se joindre à eux.

- On vous a gardé de la place, sourit-elle en désignant les sièges vides
- C'est gentil, la remercie la blonde en s'asseyant face à elle

- Tu voulais surtout savoir comment les premiers cours se sont passés pour l'autre session, réplique sa camarade
- J'avoue, je suis curieuse de savoir, acquiesce Phoebe

La jeune femme assise près de la pâtissière tourne la tête vers Madeline pour se présenter.

- Je m'appelle Kleo, dit-elle d'une voix douce en passant un doigt nerveux dans ses cheveux noirs
- Madeline, répond cette dernière. Et voici mon frère, Jefferson
- Jefferson Harvey, c'est bien ça ? demande Kleo. Le joueur de foot ?
- Le seul et l'unique ! s'exclame ce dernier avec enthousiasme
- Je me disais bien que j'avais déjà vu ce visage quelque part, ajoute le second camarade de Phoebe

C'est un jeune homme menu et élancé, aux cheveux châtains, et au visage étrangement familier.

- C'est drôle, je suis en train de penser la même chose de toi, lui dit Madeline en plissant les yeux
- C'est normal, je crois que vous connaissez mon frère, Kai. Je m'appelle Arnie Clavingan, se présente-t-il
- Bien sûr, Arnie ! Je me souviens t'avoir vu quelques fois, sauf que dans mon esprit, tu avais toujours un douze ans et un appareil dentaire, rit la blonde
- C'est dingue ce que le monde est petit, se marre Jeff en entamant sa portion gargantuesque de poulet pommes de terre
- C'est vrai, il y a plusieurs personnes dans notre session qui se connaissaient déjà avant de venir ici, confirme Kleo
- Et puis il y a nous, les deux paumées seules au monde, renchérit Phoebe en désignant sa camarade et elle

Tout en mangeant, la petite bande se raconte comment se sont passées leurs matinées respectives. Ils se partagent leurs premières impressions sur leurs professeurs, sur les cours qu'ils vont recevoir ou sur les débats qui seront à venir. Les jumeaux évoquent les deux autres professeurs qu'ils ont rencontré suite à leur première heure : le professeur Hewitt pour les minéraux; puis le professeure Bowmann pour l'astronomie.

- En tout cas, le professeure Campbell a l'air d'être géniale, dit Madeline
- J'en connais une qui a beaucoup aimé le prof du cours sur les matériaux et minéraux, affirme innocemment Arnie

Le teint olivatre de Kleo tourne au cramoisi, tout le monde peut voir avec amusement qu'elle aurait bien envie de disparaître sous la table.

- Ce cours a l'air intéressant, c'est tout, se défend-elle maladroitement en plongeant son nez dans sa coupe de mousse au chocolat
- Intéressant, c'est le mot, raille Phoebe
- C'est le genre d'intérêt qui me parle, renchérit Madeline

Elle et sa voisine échangent un regard, complice dans leur plaisanterie.

- Vous n'allez pas me faire le cliché de la fille qui tombe amoureuse de son prof, quand même ? soupire Jeff
- Qui a parlé d'amour ? rétorque sa jumelle

Alors que les yeux du footbaleur menacent de sortir de ses orbites, la porte du réfectoire s'ouvre pour laisser entrer une femme aux épaisses lunettes carrées, la quarantaine bien entamée. Les élèves interrompent leur déjeuner et lèvent la tête vers elle. En la regardant, Madeline se souvient l'avoir aperçu près de Grace Lington lors de la présentation de rentrée ce matin.

- Bonjour à tous. Je profite qu'une grande partie d'entre vous soit au réfectoire à cette heure-ci pour vous adresser quelques mots. Je suis Priscilla Elder, chargée de la supervision de l'Académie Dawson. Pour faire simple, je suis votre CPE et nous allons assurément nous croiser plusieurs fois dans les couloirs de ce château. Je vous souhaite d'ailleurs la bienvenue et j'espère que cette matinée s'est déroulée pour le mieux

Elle s'arrête quelques instants, balayant rapidement la salle du regard derrière ses grosses lunettes.

- Cet après-midi, les cours seront légèrement différents et ce sera le cas chaque jour. Vos matinées seront consacrées aux études théoriques des lunaires alors que vos après-midis seront dédiés aux méthodes pratiques. Concrètement, vous êtes tous attendus dans le gymnase à l'extérieur du château pour l'entraînement physique en lien avec votre session. Je vous conseille donc de mettre des habits plus confortables

Entraînement physique ? Ils vont nous préparer pour un marathon ou bien ? s'interroge Madeline.

- En parlant d'habits, j'espère que vous avez emporté avec vous quelques tenues habillées car vendredi soir, un bal de rentrée se tiendra au château. Cette soirée vise à favoriser les échanges entre les élèves, à créer des liens qui renforceront la fraternité tant souhaitée dans notre Académie. Et éventuellement, à vous amuser aussi, termine Priscilla Elder en esquissant un fin sourire faisant tressaillir son expression sérieuse

Un murmure enthousiaste résonne dans la cafétéria, l'idée d'une soirée enchante tout le monde.

- Merci pour votre attention, je vous laisse terminer votre déjeuner. Bonne journée

La superviseure s'éclipse, sous les élans de joie des élèves, ravis de savoir qu'ils vont avoir une bonne excuse pour s'amuser en fin de semaine.

- Génial ! Il va sûrement y avoir plein de trucs à manger, sourit Jefferson
- Et de trucs à boire, renchérit Phoebe
- Bien dit, approuve Arnie et Madeline

Chacun ses préoccupations apparemment.

- Ça va nous permettre de faire connaissance avec les autres et de ne pas se limiter à nos deux sessions. On n'est pas obligé de rester les lunaires d'un côté et les immaculés de l'autre, dit Kleo
- Pour ceux qui aiment se mélanger en tout cas, lance Arnie

Sous ses airs de ne pas y toucher, le frère de Kai laisse entendre des choses lourdes de sens. Instinctivement, l'image de la famille Walcott et du spectacle qu'ils ont offert à l'assemblée ce matin s'impose dans l'esprit de Madeline.

- Les Walcott sont du même avis que leur père ? leur demande-t-elle
- Ils n'ont rien dit de toute la matinée, ils sont restés tous les deux sans se soucier des gens qui les entourent, répond Kleo
- Tu oublies de dire qu'ils étaient accompagnés de leurs regards venimeux et bourrés de suffisance, intervient Phoebe
- Si vous voulez mon avis, ils ne m'ont pas l'air très sympathiques, affirme Jefferson

Le footballeur dit ça avec tellement de légèreté, une sorte d'innocence juvénile, qu'il arrache des rires à ses camarades.

- Ça c'est sûr ! rit Arnie
- Si c'est pour être étroit d'esprit comme ça, qu'ils restent entre eux, clame Phoebe avec conviction
- Nous on n'écarte personne et on accepte tout le monde, assure Kleo avec un fin sourire
- C'est bon à savoir, sourit Madeline

C'est donc sur une note moins plombée, rassurante et débordante d'acceptation que le groupe termine de déjeuner.

Ayant encore du temps devant elle avant de devoir enfiler une tenue de sport pour le fameux entraînement physique qui l'attend cet après-midi, Madeline décide de s'aérer un peu la tête en solitaire. Emmitouflée dans son épais manteau et une grosse écharpe, elle ose braver le froid pour mettre le nez dehors. Elle arpente les jardins et atteint un point qui surplombe le lac.

Le paysage qui s'offre à elle la surprend encore de par sa beauté et lui procure un sentiment d'apaisement bienvenu. Bien que le vent décoiffe son carré blond, il lui apporte aussi un second souffle, un calme

- J'avais bien reconnu une petite tête blonde au loin, dit une voix masculine dans son dos

La jeune femme pivote sur ses talons, Julian marche dans sa direction et s'arrête à ses côtés lorsqu'il la rejoint. Un petit détail chez son ami la surprend - deux plutôt mais elle croit avoir compris la raison de l'un -, elle s'étonne en haussant un sourcil :

- Tu portes des lunettes maintenant ?
- Ça m'arrive, surtout pour lire, répond-il en tripotant machinalement la branche de ses fines lunettes aux verres arrondis
- Tu viens de franchir un palier dans ta vie en disant ça, raille-t-elle gentiment
- J'ai eu trente ans, que veux-tu, soupire-t-il ironiquement
- On dit que c'est à la trentaine que les hommes sont les plus séduisants

Le sourire en coin de Madeline se renforce quand Julian lève le menton, se redressant fièrement sans même s'en rendre compte.

- Tu trouves ?
- C'est une théorie qui reste à confirmer

Ils se mettent à rire ensemble tandis qu'une rafale de vent encourage la jeune femme à s'enfoncer dans son écharpe.

- Ce qui est confirmé par contre, c'est que tu portes cette foutue veste en jean peu importe le temps, même quand il fait moins trois dehors
- Dit la fille qui porte des Vans toute l'année, même quand elle devrait mettre des bottes d'hiver, réplique-t-il en désignant ses baskets
- Touché, admet-elle

De ses yeux verts, elle scrute son ami ainsi que sa veste convenant peu à une telle température.

- C'est parce que tu maîtrises la glace que tu ne crains pas le froid ? finit-elle par interroger

Étonné par cette soudaine question impliquant une réflexion mûrement réfléchie, Julian tourne la tête vers Madeline en haussant les sourcils, l'ombre d'un sourire sur les lèvres.

- Tu crois que c'est ça, mon truc ?
- Je t'en prie, je ne suis pas stupide ! s'indigne-t-elle théâtralement. Une rose aux pétales gelés en guise d'indice, il suffit de connecter deux neurones pour comprendre. Tu n'as pas une tête de fleuriste donc c'est la glace, ton truc
- Bonne déduction Sherlock

Assez satisfaite d'elle, la blonde exprime sa joie en brandissant son poing, victorieuse.

- Donc tu peux créer de la glace ? De la vraie glace ? renchérit-elle

Contenir son intérêt impatient n'est pas évident, tellement l'idée qu'un ami de longues dates soit capable de jouer avec la glace l'impressionne. Pour répondre à ses interrogations et assouvir sa curiosité, Julian s'empare de sa main et la tire dans son sillage. Ils devalent tous les deux la butte qui surplombe le lac pour atteindre une petite avancée un peu plus loin, un ponton en bois clair survolant la surface du lac.

Là, Julian s'agenouille et plonge sa main dans l'eau, sous le regard captivé de Madeline. Des formes indistinctes s'agitent dans l'eau et lorsque sa main refait surface, elle tient entre ses doigts une boule de glace semblable à du verre.

- Voilà ce que je peux faire ...

Il lui tend son œuvre, que la blonde saisit pour mieux la contempler. Ce n'est pas simplement une sphère translucide, l'épaisseur de la glace conserve ses picots de givres si délicats qu'on pouvait les croire ciseler à la main. De petites bulles d'eau sont emprisonnées dans la glace, rendant cet objet absolument magnifique.

Admirative, Madeline peine à détacher la sphère de glace du regard.

- Et dire que tu as fait ça avec tes mains, c'est dingue
- Avec mes mains et beaucoup d'entraînement, rectifie Julian dans un rire
- Ça veut dire que tu pourrais geler le lac ? Si tu me dis que tu n'as jamais construit de palais de glace, je vais être extrêmement déçue !
- Désolé de te le dire mais ça ne marche pas tout à fait comme ça ..., avoue-t-il en perdant son sourire

Ce changement d'humeur, à priori inconscient, renferme des non-dits longuement réprimés. N'étant pas du genre à s'immiscer dans l'intimité des gens, Madeline sent néanmoins que ça ferait du bien à Julian de se laisser aller.

- Ce n'est pas facile de contrôler ses pouvoirs ? La question est sûrement stupide mais je ne sais pas du tout ce qu'on peut ressentir
- Ta question n'est pas stupide, lui assure-t-il avec bienveillance. Tu n'es pas encore familière avec ça, c'est normal que tu t'interroges. J'ai baigné toute ma vie dans le monde des lunaires et pourtant, j'apprends encore des choses, c'est pour te dire. Je suis toujours en train de travailler sur mes pouvoirs, j'ai d'abord appris à les maîtriser quand j'étais petit et puis après, à les développer. Les rendre plus forts, plus faciles à mobiliser, plus puissants ... on pourrait croire que c'est facile mais finalement, c'est énormément d'entraînement

La blonde imagine difficilement l'étendu des pouvoirs d'un lunaire, elle n'y avait d'ailleurs jamais songé. Alors envisager ce dont est capable Julian avec la glace est un point d'interrogation.

- Tu t'exerces depuis ton enfance ?
- Autant dire depuis toujours. Et même à mon âge, je ne serais pas capable de geler le lac, ajoute-t-il avec un petit coup d'œil dans sa direction
- Dommage, rit-elle
- Je ne dis pas que je ne suis capable de rien faire, au contraire. Mais décupler ses pouvoirs n'est pas facile, les dons d'un lunaire ne sont pas constants alors il faut apprendre à s'adapter à ses capacités. Ma mère m'a entraîné pendant des années pour que je devienne ce que je suis aujourd'hui et ses conseils me sont toujours précieux, le petit garçon en moi en a encore besoin

Derrière ses lunettes, ses beaux yeux bleus trahissent momentanément la fragilité caractéristique de l'enfant que chacun renferme au fond de soi. Un souffle de froid se faufile entre ses doigts, du givre se matérialise au creux de sa paume et tourbillonne avec élégance. Il crée en quelques secondes une réplique plus petite de la sphère de glace que tient toujours Madeline et la lance dans le lac. La petite boule se met à flotter sur la surface miroitante, les deux amis la suivant du regard.

- C'est pour ça que tu n'es pas un élève de l'Académie ? Parce que ta mère, madame la directrice, t'a déjà formé ?
- Oui et non. C'est sûr que j'ai déjà eu un topo intégral sur les lunaires et ma mère a toujours tenu à ce que je m'exerce avec mes pouvoirs. Donc l'Académie n'était pas franchement nécessaire pour moi. Et de toute façon, les cibles visées par la formation Dawson sont légèrement plus jeunes que moi
- Oh ça va, on n'a que quatre ans d'écart, ne fais pas comme si tu étais notre aîné ! râle Madeline
- Peut-être mais ça compte ! rit Julian
- C'est pour ça que Zadig en fait partie ? Il est de mon âge ... mais c'est ton frère, le fils de ta mère ... il doit en connaître un rayon sur lunaires, non ?

Un soupir lourd de frustration échappe à Julian qui baisse légèrement la tête, glissant les mains dans les poches de sa veste en jean.

- Zadig est ... différent. Pas seulement parce qu'il est un immaculé. Le fait de ne pas avoir de pouvoirs l'a isolé quand il était petit, il a repoussé en bloc tout de ce monde qui n'avait pas voulu lui ouvrir ses portes, explique-t-il, songeur. Ma mère et moi, on aurait préféré qu'il ne mette pas autant de barrières entre cette partie de lui et celui qu'il voulait être. Ça fait partie des désaccords qui ont mis de la distance entre nous. Mais il a toujours conservé une vision amère du monde des lunaires et avec les années, il a eu besoin de repousser encore plus loin tout ça, quite à se faire un nom dans un autre pays pour prétendre que tout ça n'existe pas
- Mais ça existe et ta mère a dû prendre son mal en patience pour le convaincre de revenir, constate Madeline
- Tu n'imagines pas à quel point !
- Alors elle va être ravie d'apprendre qu'il s'est fait remarqué dès son premier cours, pouffe la blonde

Julian, nullement surpris par les exploits de son frère, éclate de rire en secouant la tête.

- C'est Zadig après tout ! On est peut-être souvent en désaccord, mais il reste mon frère, avoue-t-il sincèrement
- Personnellement, je ne veux pas qu'il change. J'ai bien trop hâte de voir ce que ça va donner lors de " l'entraînement " de cet après-midi, se marre la blonde
- Oh quelque chose me dit que ça va valoir le détour, rit Julian

C'est le moins qu'on puisse dire.

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