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chapitre 5

o5 : quand être mal luné prend tout son sens ...

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Les jours passent, les habitudes demeurent malgré les surprises de la vie. Une fois n'est pas coutume, Madeline vient de terminer sa journée de travail au Lollipop, a pris le métro et se retrouve sur le banc du piano à queue blanc de sa station, Iris Descent. Ce rituel représente bien plus qu'un moment de joie où elle pratique de cet instrument si spécial pour elle, c'est avant tout une enveloppe réconfortante faisant disparaître le reste du monde. Et dieu sait que Madeline en a besoin ces temps-ci.

Mais aujourd'hui, la douceur de cet instant est le cadet de ses envies. Ce qu'elle désire ce soir, c'est revendiquer à travers la reprise d'un morceau puissant, genèse d'une jeunesse débridée et fougueuse, son attachement à la liberté. Liberté qu'elle sent glisser entre ses doigts de jour en jour, comme soufflée par le vent hivernal qui refroidit la ville en ce moment. Une liberté qu'elle voit se dérober, sans être en mesure de la rattraper.

Alors elle livre sa frustration, ses angoisses et toute sa passion en jouant les notes de Smells like teen spirit de Nirvana en une version forte et poignante. Les touches transmettent une énergie presque désespérée, aux accents de rébellion étouffée. Une envie d'avancer sans regarder en arrière qui pourtant fait défaut à la blonde en ce moment.

Depuis l'après match où ils ont bien discuté, Jefferson et Madeline n'ont plus parler du monde des lunaires ou de l'Académie Dawson. Et depuis qu'elle a trouvé la rose aux pétales glacées sur le rebord de sa fenêtre, elle n'a pas revu Julian. Ça n'empêche pas les mêmes pensées de tourner encore et encore dans son esprit, tel une rengaine obsédante et un brin angoissante.

Elle a repensé plus d'une fois à l'Académie Dawson et la supposée place qui l'attend là-bas. Une part d'elle est curieuse de la situation, rencontrer des gens avec des pouvoirs pourrait être fascinant et faire connaissance de ceux qui en ont toujours été dépourvu, comme elle, serait à coup sûr tout aussi intéressant. En savoir plus sur ce monde lui permettrait certainement de faire taire toutes les interrogations qui flottent sans relâche dans son esprit. De l'appréhender avec plus d'aisance, sans cette impression de rejet récurrente.

Cependant, laisser sa vie toute entière de côté ne lui semble pas juste. Alors l'envisager frôle l'insupportable. Abandonner son quotidien, ses amis, son travail, ses parents, tout ça pour rejoindre une école où elle n'est pas sûre d'avoir sa place ? Et la question est encore plus ardue pour son frère : le forcer à faire une pause dans sa carrière de footballeur alors que celle-ci est en train d'atteindre des sommets, est-ce vraiment envisageable ? Rien de tout ça n'est facile à déterminer, éviter le sujet ne change rien à la difficulté à trouver une réponse adéquate à ce questionnement.

Lorsqu'elle termine son morceau, un sourire satisfait soulève les traits de Madeline.

- Et bien et bien, tu sais encore jouer du piano toi ! s'exclame une voix enjouée

Une bonne surprise illumine le visage de la jeune femme qui se retourne sur son banc.

- Tu ne me dirais pas une chose débile comme ça si tu passais plus souvent par ici, réplique-t-elle

Son interlocuteur rit, creusant une fossette sur sa joue.

- C'est toujours un plaisir de t'entendre jouer Made ... et d'entendre tes commentaires plein de gentillesse et débordant de bienveillance !
- C'est toujours un plaisir de te voir Wyatt, sourit-elle

Wyatt est légèrement plus âgé que Madeline, lui faisant dépasser la trentaine depuis quelques années. Toujours tiré à quatre épingles dans un style très british, le jeune homme aux yeux clairs et au nez légèrement retroussé se balade constamment avec l'étui d'un instrument dans les mains. Guitare, violoncelle, trompette, flûte traversière, violon ... aujourd'hui, c'est la dernière option qui a été privilégiée. Wyatt a un don avec les instruments, c'est pour cette raison que le panel de ceux qu'il maîtrise est très étendu. Ça ne surprendra donc personne d'apprendre qu'il a choisi de faire de ce domaine son métier. Il est musicien au conservatoire d'une ville voisine, offrant une scène à ses talents multiples.

C'est ici même, sous la verrière de la station Iris Descent que Madeline et Wyatt se sont rencontrés pour la première fois. Elle était occupée à jouer derrière ce même piano une mélodie charmante qui contrastait énormément avec le brouhaha habituel d'une station de métro ordinaire. Étonné d'entendre ces notes raffinées ici et subjugué par la facilité avec laquelle était exécuté ce morceau, Wyatt a pris le temps de s'arrêter près de la blonde pour l'écouter, se mettant en retard pour sa journée de travail. Le lien de leur premier contact était la musique, ainsi que ce fameux piano blanc qui est bien souvent leur point de rencontre.

- Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu, ajoute Madeline
- Je ne prends plus le métro à la même heure tous les soirs depuis que je donne des cours de musique chez des clients
- Alors tu as commencé à donner des cours, ça y est ? Ce n'est pas trop tôt ! Depuis le temps que je te le dis, tu as fini par écouter la voix de la raison
- Tu es sérieuse ? Tu n'es pas vraiment un modèle en terme d'écoute des conseils si je peux me permettre, réplique-t-il. Le conservatoire attend toujours ta candidature

Madeline grimace, touchée en son point le plus faible.

- Wyatt ... je te l'ai déjà dit mille fois ..., geint-elle
- Tu crois que tu n'es pas assez douée pour le conservatoire, je sais, la coupe-t-il. Si l'ami, le prof de musique et le membre de l'orchestre ne sont pas suffisants pour te convaincre, laisse le virtuose des instruments essayer

La blonde aurait bien envie de rire en réaction aux paroles de son ami mais les prunelles bleues et intenses de Wyatt braquées sur elle l'en dissuade.

- Tu as un talent fou, un talent qui ne mérite pas de rester coincé dans une pauvre station de métro ! Tu as ce qu'il faut pour rejoindre le conservatoire, il faut juste que tu te fasses confiance. Surtout qu'ils cherchent un pianiste depuis quelques jours ...

Madeline redresse la tête, son cœur se gonflant d'espoir.

- Ah oui ?
- Je peux très bien leur faire une suggestion ... si tu te décidais à enfin te secouer le coco pour tenter ta chance, bien sûr, dit Wyatt avec sarcasme

La jeune femme prend le temps d'assimiler cette annonce, des paillettes apparaissent dans ses yeux verts sans qu'elle s'en aperçoive. Pianiste, pour de vrai cette fois, vivre de ma passion ... ça serait incroyable, se dit-elle.

- Je crois que c'est une chance à ne pas louper, très chère, insiste son ami musicien avec un petit sourire
- Ça y ressemble bien oui, admet-elle en souriant de manière un peu rêveuse
- Alors tu vas tenter ? Pour de vrai ?! C'est génial, depuis le temps que je te le dis ! Enfin ! s'exclame Wyatt

À laisser éclater sa joie en plein milieu de la station de métro, il attire des regards perplexes de la plupart des passants, faisant éclater de rire Madeline.

- Calme-toi, je vais commencer par y réfléchir et on verra ! lui assure-t-elle
- C'est suffisant pour moi, je vais faire de toi la star du piano, tu vas voir !

Wyatt continue d'exposer ses visions fantasmées avec beaucoup d'entrain et des gestes surexcités mais tout à coup, la blonde ne l'entend plus. Son regard a capté un visage connue à travers la foule de voyageurs. Cette personne passe juste derrière le musicien, tout près d'eux. Portable à l'oreille, tenue d'une main contractée, une cigarette pas encore allumée entre les lèvres, ce n'est pas la première fois que Madeline le voit en ville. En revanche, c'est la première fois que ce qu'il dit attire autant son attention.

- Non, je t'ai dit ! Je m'en fous complètement de ce merdier. Je ne vois pas pourquoi j'irais dans cette foutue Académie Dawson

Le sang de Madeline ne fait qu'un tour dans ses veines, elle fixe sans le voir ce garçon qui continue son chemin avant de se ressaisir. Elle se lève de son banc, prête à le suivre sans attendre mais s'arrête, se rappelant de la présence de Wyatt.

- Désolée mais il faut que j'y aille, s'excuse-t-elle avec précipitation
- Pas de soucis, je te communique la date des auditions dès que j'en sais plus, lui promet-il
- Merci ! lui lance-t-elle avant de partir à la hâte

Elle presse le pas, esquive quelques personnes mais finit par retrouver parmi la foule la tête teinte en blond qu'elle cherche.

- Jesse ! l'appelle-t-elle

Il ne l'entend pas et sort de la station, entraînant à sa suite Madeline dans la rue. Le froid mordant picote la peau de la jeune femme, elle brave le vent glaçant en accélérant la cadence. Plusieurs tentatives sont nécessaires afin que sa voix perce à travers les bruits de la ville et atteigne enfin le dénommé Jesse. Ce dernier se retourne, glisse quelques mots à son interlocuteur avant de raccrocher. Madeline arrive à sa hauteur quand il remet son portable dans sa poche, ses doigts ôtant sa cigarette toujours intacte.

- Tiens salut, dit-il sans sourire
- C'est dingue, il faut que je fasse un mini marathon et que je bouscule trois personnes pour pouvoir te parler alors qu'on habite dans la même ville et qu'on se croise souvent, raille la blonde

Jesse la jauge du regard en silence sans se défaire de son détachement habituel. Madeline fait ce constat dans sa tête et transpose mentalement l'image de l'adolescent solitaire qu'elle a connu au lycée pour la comparer au jeune homme à la beauté froide qui lui fait face. Rares étaient les fois où un sourire réhaussait ses traits délicats, ce qui ne semble pas avoir changer aujourd'hui. D'un autre côté, la vie ne lui a pas donné beaucoup d'occasions de sourire, se rappelle-t-elle.

- Tu voulais me parler ? lui demande-t-il avec impatience
- J'ai entendu ce que tu disais toute à l'heure au téléphone, à propos de l'Académie Dawson, avoue-t-elle

Le corps de Jesse se tend aussitôt, en une réaction de rejet et d'évitement.

- Désolé mais ça ne te regarde pas, réplique-t-il sèchement en commençant à lui tourner le dos pour partir
- J'ai reçu une convocation moi aussi, l'interrompt-elle en le retenant par le bras

Les yeux bleus du jeune homme plongent dans ceux de Madeline, alertes et interrogateurs. Bien que l'expression de son visage soit neutre, comme elle l'est toujours, la blonde comprend qu'elle est parvenue à retenir toute son attention.

- Qu'est-ce que tu sais ?
- Pas grand chose pour être honnête, mais je suis surprise d'entendre que tu es concerné toi aussi, explique-t-elle

Un rire grave, ironique et un reniflement de dédain échappent à Jesse qui secoue la tête, sa main fouillant automatiquement la poche de son manteau.

- Ne te fais pas de films, je n'ai pas l'intention d'aller dans cette école de tarés, assène-t-il en allumant sa cigarette
- On est d'accord là dessus alors, dit Madeline

Il redresse les yeux sur elle et l'examine consciencieusement, comme pour lire en elle et dans ses pensées.

- Mais si tu me dis ça, c'est que tu n'as pas de pouvoirs toi non plus, reprend-il au bout de quelques secondes de silence
- Donc tu es aussi paumé que moi, conclut la blonde avec un petit rire
- Ce n'est pas comme si je m'intéressais à toutes ces conneries. Ça ne me concerne pas, je ne vais pas aller m'enfermer dans une école qui n'a rien à m'apprendre et qui loge des énergumènes, ajoute-t-il durement

Sans être aussi radicale que Jesse, Madeline comprend son avis et le partage à demi. Elle le regarde souffler la fumée de sa cigarette, les muscles de son visage tous contractés par cette conversation qui semble le contrarier profondément. Pourtant la blonde aimerait pouvoir discuter de tout ça avec quelqu'un d'autre que Julian, quelqu'un qui est dans la même situation d'elle - un lunaire perdu par cette identité inconnue et sans pouvoirs -, quelqu'un comme Jesse.

Ils n'ont jamais été très proches, en partie à cause du tempérament d'ermite volontaire de Jesse. Ne cherchant pas la compagnie des autres mais plutôt à s'isoler du monde extérieur, il a toujours tenu à conserver une frontière entre lui et ceux qui l'entourait. Une enfance difficile, un cadre familial sans stabilité ont fait de lui un jeune homme distant, enfermé derrière un masque d'indifférence et complètement replié sur lui-même.

Madeline et Jesse se sont plusieurs fois retrouvés dans la même classe au cours de leur parcours scolaire, mais nouer une amitié avec lui relevait du miracle. Tout le monde connaissait l'histoire de Jesse Cassidy, le pauvre garçon impassible qui n'a pas été choyé par la vie. Pourtant Madeline n'a jamais voulu le traiter avec une gentillesse débordante qui frôlait une pitié insupportable à regarder. En revanche, elle a toujours été correcte et sympathique avec lui quand il fallait qu'ils aient un quelconque échange, comme aujourd'hui. D'une certaine façon, c'est parce qu'il lui était reconnaissant de le traiter avec normalité qu'il ne l'a jamais envoyé balader amèrement.

On est encore loin d'une conversation chaleureuse sur la pluie et le beau temps, c'est vrai. C'est plutôt le flegme tenace de Jesse qui remporte la partie.

- Tu sais pourquoi les lunaires sont convoqués cette année, et pourquoi nous aussi ? tente-t-elle
- Quelle importance ? réplique-t-il, impétueux. Désolé mais je n'ai pas du tout envie de parler de cet-

Madeline l'empêche de se dérober une seconde fois, pour une raison toute autre qu'auparavant. Quelque chose a retenu son attention, faisant naître un sentiment de malaise qui contracte son ventre. Jesse remarque le silence de la blonde, il suit son regard et comprend aussitôt le problème.

Un homme et une femme se tiennent immobiles près d'un lampadaire, sur le trottoir opposé. Leurs regards sont braqués sur Madeline et Jesse, des rictus inquiétants s'étalent sur leurs visages à peine camouflés par des chapeaux noirs. Une aura menaçante émanent d'eux, n'inspirant aucune confiance.

Jesse prend une nouvelle bouffée de sa cigarette, faisant négligemment tomber ses cendres sur le trottoir.

- Qu'est-ce qu'ils ont à nous regarder comme ça, ces deux connards ? lâche-t-il

Madeline ne parvient pas à ignorer le mauvais pressentiment qui enfle en elle comme un ballon. Les deux inconnus ne détournent toujours pas le regard, au lieu de quoi ils semblent prêts à s'élancer dans leur direction et autant dire qu'elle ne tient pas à faire leur connaissance.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Vous êtes malades ! s'exclame une voix

Sortant de nulle part, Kai se précipite droit sur eux. En un rien de temps, il les agrippe par le bras et les entraine à sa suite d'un pas rapide. Sa main ferme ne laisse place à aucune objection et n'invite pas à poser la moindre question. Ni Madeline ni Jesse ne protestent, tous deux dépassés par les événements. Ils laissent Kai les guider à travers un passage couvert où de nombreuses boutiques accueillent leurs derniers clients. Là, il fonce tête baissée dans un recoin du passage, sous une arcade, au calme et hors de vue.

- Vous m'expliquez ce que vous étiez en train de faire ? leur demande-t-il d'un air accusateur

Surprise par le ton échauffé de Kai, Madeline réalise qu'elle ne l'avait encore jamais vu perdre son sang-froid, lui qui maîtrise toujours parfaitement ses émotions et qui ne se sépare pas de sa personnalité solaire. Sa jovialité et sa douceur se sont volatilisées, au profit d'une colère loin d'être étrangère à l'inquiétude qui tend chaque trait de son visage.

- Ben je rentrais chez moi, répond Jesse comme si c'était évident. Madeline voulait juste qu'on parle de la convocation que tu m'as donné l'autre jour, c'est tout
- Vous avez lu le rouleau de parchemin alors ?

La blonde hoche la tête, Jesse émet un grognement visant certainement à approuver la question de Kai.

- Donc vous avez compris à quel point c'est important que vous rejoigniez l'Académie Dawson, n'est-ce pas ? insiste-t-il en remontant machinalement ses lunettes sur son nez
- À propos de ça ... on n'est pas certains d'être intéressés, répond franchement Madeline en haussant les épaules
- On ne compte pas y aller parce qu'on en a rien à cirer de cette école, assène Jesse de manière catégorique

La mâchoire de Kai se contracte, il leur adresse un regard sévère, visiblement contrarié par leur attitude.

- Vous n'avez pas le choix, c'est un luxe que vous n'êtes pas en mesure de refuser. Vous n'êtes pas en sécurité tant que vous ne serez pas dans l'enceinte de l'Académie, les avertit-il avec un sérieux à faire froid dans le dos
- Qu'est-ce que ça veut dire ? demande la jeune femme en croisant les bras, dubitative
- Vous avez bien remarqué les deux personnes qui vous fixaient méchamment tout à l'heure ? C'est à cause de gens comme eux que vous êtes en danger. Je préfère ne pas imaginer ce qu'il se serait passé si je ne vous avais pas trouvé au bon moment ...

La voix naturellement grave de Kai se trahit d'elle-même en faiblissant sur la fin de sa phrase, évoquant un scénario atroce qu'il ne veut pas exposer à voix haute. Ce genre d'insinuation donne à Madeline la sensation de recevoir un seau d'eau glacée sur le crâne, et c'est loin d'être agréable.

- On peut savoir ce que ce que tu nous chantes ? rétorque Jesse, passablement agacé
- Je vous mets en garde, rien de plus
- Oui et bah, ce qui serait bien c'est que tu nous donnes quelques explications, tu vois ? renchérit Madeline sur un ton presque aussi tranchant que celui de Jesse. Parce que là, on ne saisit rien à ce qu'il se passe et c'est franchement pénible

Kai prend une inspiration nerveuse, il remet une mèche de ses cheveux blond foncé qui lui tombait devant les yeux avant de se pencher vers eux, demandant silencieusement leur attention totale.

- Ce que vous devez comprendre, c'est que le monde des lunaires n'est pas sûr depuis un moment. Certains veulent s'en prendre aux lunaires comme vous
- Ceux qui n'ont pas de pouvoirs ? comprend Madeline
- Exactement, acquiesce Kai. Ils sont persuadés que les lunaires sans pouvoirs sont le point faible de notre espèce et sont prêts à tout pour faire valoir leur position. Quite à faire du mal aux gens comme vous. C'est pour ça qu'il est crucial que vous alliez à l'Académie Dawson, là-bas vous serez protégés de ces gens. Vous aurez les réponses à toutes les questions que vous vous posez et en plus, vous serez en sécurité. Mais seulement si vous vous rendez à l'Académie. Sinon, vous serez constamment menacés

Cette mise au point a le mérite d'être limpide, elle expose clairement la situation sans se cacher des risques.

- Cool, c'est toujours génial d'apprendre qu'on devient la cible de fous furieux et qu'on risque d'y passer si on ne va pas s'enfermer dans une école, ironise Madeline
- Ce qui aurait été bien, c'est qu'on soit prévenu que des tarés se baladent dans la rue juste pour s'en prendre à nous, se plaint Jesse
- Je sais mais les procédures ne viennent pas de moi. Des gens hauts placés ont jugé que c'était préférable pour vous d'attendre d'avoir intégré l'Académie avant d'en apprendre plus sur notre monde. Moins vous en savez, mieux c'est ... c'est ce qu'ils pensent, je ne suis pas tout à fait de cet avis. Mais le monde des lunaires doit rester secret et si vous en savez trop, vous risquez de mettre en péril notre anonymat
- Et qu'est-ce que tu en penses, toi ? lui demande Madeline

Kai expire longuement, visiblement partagé entre les instructions qu'on lui impose et ce qu'il juge bon.

- Pour moi, vous devez être préparés à ce qui vous attend. Garder trop de secrets n'est pas sain, surtout vis-à-vis des gens qui étaient complètement étrangers à ce monde, admet-il
- Je veux bien te croire ..., soupire la blonde
- Ce n'est pas de mon ressort de décider ça, mon boulot c'est de veiller à ce que les futurs élèves de l'Académie Dawson y aillent et s'ils arrivent en un seul morceau, c'est encore mieux
- En gros, tu es notre garde du corps ? résume Jesse
- C'est l'idée, acquiesce le blond à lunettes
- Et c'est quoi ton truc à toi ? Quel genre de pouvoirs tu as pour nous défendre ? questionne Madeline

Kai se redresse légèrement et joue machinalement avec le bouton de son blazer bordeaux.

- Je n'en ai pas. Je suis comme vous, je n'ai jamais développé de pouvoirs

Ces mots flottent autour de Madeline et Jesse comme un écho lointain difficile à déchiffrer. Ils ont besoin de quelques secondes pour intégrer pleinement le sens des paroles de Kai.

- Non mais tu le crois ça ? Le mec qui doit nous défendre contre des détraqués n'a pas de pouvoirs ! Désolé de le dire mais ça craint ! s'agace Jesse
- Hey on se calme, je n'ai peut-être pas de pouvoirs mais je ne suis pas une bille non plus ! se défend Kai
- Avoue quand même que ce n'est pas très rassurant, réplique Madeline en grimaçant légèrement
- Je vous assure que vous pouvez me faire confiance. Je sais parfaitement me défendre et j'ai plus d'un tour dans mon sac
- Wow merci Clavingan, ça nous enlève un poids ! ironise Jesse d'un ton cinglant

Kai jette un coup d'œil réprobateur à Jesse, Madeline donne un coup de coude à ce dernier pour qu'il se taise.

- Je vous promets que rien ne vous arrivera. Vous êtes sous ma protection, je ne laisserais personne s'en prendre à vous. Vous avez ma parole, leur assure-t-il

Le blond prononce cette phrase avec tant de sérieux et de conviction qu'elle ôte à Jesse l'envie de rétorquer quelque chose de mordant. Ce ne sont que des mots, mais la lueur déterminée dans le regard de Kai apaise les craintes de Madeline. Elle lui fait entièrement confiance, il n'est pas du genre à faire une promesse aussi importante sans être certain qu'il pourra la tenir.

- Merci, lui souffle-t-elle avec reconnaissance
- Je ne suis pas seul à veiller sur les lunaires comme vous et on est tous aussi déterminés à vous voir rejoindre l'Académie vivants. Mais en attendant, évitez de trop vous exposer dehors, surtout si vous êtes seuls

À cet instant, l'image de son frère surgit dans l'esprit de la blonde. Il est loin de se douter que des gens leur veulent du mal et il refuse que son garde du corps l'escorte à chaque déplacement. Il pourrait être en danger à tout instant, y compris maintenant.

- Je vous ai assez retenu, je vous raccompagne chez vous, ajoute Kai

Madeline et Jesse ne bronchent pas. Bien que la perspective d'être des cibles vivantes ne les séduisent pas, ils n'ont pas d'autres choix que de s'y accommoder au mieux. La jeune femme est celle qui habite le plus proche de leur position, elle est donc la première à rentrer chez elle. Aucun visage menaçant, aucun geste suspect ne s'est manifesté sur le chemin du retour, ce qui représente une petite victoire en soi.

Elle remercie une dernière fois Kai pour sa dévotion, dit au revoir aux deux hommes avant de regagner son immeuble et son appartement au plus vite. En passant la porte, elle constate que les lumières du séjour sont déjà allumées. Une vague de soulagement l'envahit, rassurée de savoir son frère bien rentré.

- Jeff ? C'est moi, dit-elle en rangeant son manteau dans le placard de l'entrée
- J'arrive !

La voix de son frère lui vient de le salle de bain, dont la porte est entrebaillée. En attendant de pouvoir saluer son frère, Madeline s'affaire à une chose très importante : dire bonsoir à son chat. Cookie, allongée bien confortablement sur le plaid du canapé, se met à ronronner lorsque les doigts de sa maîtresse caressent son pelage noir et marron, lui adressant le regard plein de charme typique des chats.

- Abrège ta séance de pomponnage frérot, il faut qu'on discute, lui lance-t-elle en grattant le cou de son petit félin
- Deux secondes ! Il faut que je m'arrange ... ça devrait le faire

La voix de son jumeau se rapproche enfin, Madeline se redresse et se tourne vers lui, avec la ferme intention de discuter encore des lunaires. Mais c'était avant qu'elle ne voit le visage de Jeff apparaître à la lumière du salon. Les yeux de la blonde s'arrondissent, une vague d'inquiétude paralyse ses muscles comme si ses membres etaient subitement faits de pierre.

- Mon dieu, qu'est-ce qui t'est arrivé ? s'enquit-elle en s'approchant de lui. Ce n'est quand même pas à l'entraînement que tu t'es fait ça, si ?

Elle préférait presque qu'il approuve d'un hochement de tête et qu'il lui explique comment une simple mésaventure en football pouvait aboutir à ce résultat. L'autre possibilité la fait tressaillir malgré elle, son estomac se contractant douloureusement à cette pensée.

- Et ben ... pas vraiment, répond Jefferson

Ce qu'elle redoutait est en train de se dessiner néanmoins, elle ferme brièvement les yeux en soupirant de dépit. Quand elle rouvre les yeux, c'est pour mieux examiner le visage de son jumeau.

La lèvre inférieure de Jefferson est fendue par une fine coupure de deux ou trois centimètres, encore à vif et rouge sang. Le côté de son œil droit, près de sa tempe, est gonflé des suites d'un coup évident reçu à cet endroit. Un hématome est déjà en train de bleuir cette zone ainsi que le dessous de sa paupière.

- Ça aurait pu être pire, j'imagine, relativise-t-il avec un enthousiasme faussement détendu. Tu devrais voir l'autre !
- Qui t'a fait ça ? demande Madeline, le regard noir
- Je n'en sais rien, je n'ai jamais vu ce type de ma vie, répond Jefferson en s'effondrant dans un fauteuil. Pourquoi ? Tu veux aller lui régler son compte ?

Le demi sourire amusé, presque provocateur de son frère ferait oublier momentanément la gravité de la situation à Madeline, si elle n'était pas aussi révoltée. L'inquiétude s'est muée en une colère amère bouillonnant à travers ses veines, laissant un goût âpre dans sa bouche.

- Peut-être bien, grogne-t-elle avec animosité
- Il m'est tombé dessus dès que je suis sorti du centre d'entraînement, il s'est jeté sur moi comme si je lui avais volé sa copine, cet animal ! raconte Jefferson d'une manière très personnelle. Je ne sais pas ce qu'il me voulait mais il était bien énervé ! Tu me connais, je ne me suis pas laissé faire ... bon, j'ai essuyé deux trois coups mais il est reparti en pire état que moi. Il a détalé comme un lâche quand des gars sont sortis du centre

Cherchant à évacuer sa frustration et tous les sentiments néfastes qu'elle ressent, Madeline adopte une technique peu efficace mais au moins satisfaisante. Elle fouille dans le placard à goûters et en sort un paquet de Kinder Bueno, qui ne fait pas long feu.

- J'avais envie de passer au commissariat pour le signaler mais je me suis dit que ça serait inutile, vu que je ne sais rien de ce mec
- Je crois que j'ai une vague idée ...

La blonde entreprend d'expliquer ce qu'il s'est passé pour elle en rentrant du travail. Elle n'omet rien, rapporte toutes les informations que lui a donné Kai et évoque même la convocation de Jesse.

- C'est ... dingue. Donc on est des cibles maintenant ? Qu'est-ce qu'on deviendra demain ? Des élus destinés à révolutionner le monde ? réplique Jefferson avec un rire sans joie
- On en apprend tous les jours et je suis sûre qu'on ne connaît même pas un quart du tiers de tout ce qu'on doit savoir sur le monde des lunaires, soupire la blonde

Jefferson reste silencieux plusieurs secondes, assimilant comme il le peut les nouvelles données. Puis, il redresse un regard concentré sur sa sœur, les sourcils légèrement froncés.

- Donc on n'a plus le choix ... on va devoir aller à l'Académie Dawson, pas vrai ?

Quoi répondre à ça ? Madeline avale la dernière bouchée de sa sucrerie, bien que son appétit s'en trouve coupé brusquement.

La situation requiert une profonde réflexion, entre leurs envies et la nécessité de leur sécurité. Le simple fait d'imaginer laisser derrière eux leur vie sans être sûr de pouvoir y retourner un jour créé une boule dans la gorge de la jeune femme. Mais les propos de Kai sont implacables et l'attaque qu'a subi son frère ce soir ne laisse plus aucun doute substituer. Il faut savoir raisonner en mesurant objectivement les conséquences, le constat apparaît aussi clair que si on l'avait dessiné à la craie blanche sur un tableau noir.

Son sentiment de frustration se répand en elle, penser à tout ce dont elle va renoncer le fait grandir davantage. Ses chances de rejoindre le conservatoire afin de devenir pianiste professionnelle ? Envolées. Son agréable routine au Lollipop avec ses amis d'enfance, Amy et Graham ? Vouée à disparaître. Les réveils matinaux aux sons des miaulements affamés de Cookie ? Attachés aux passé. Sa vie de famille bien rodée avec les visites chez ses parents et sa collocation avec Jefferson ? Un équilibre fissuré.

Prononcer ces mots lui en coûte, pourtant Madeline s'y résout en s'approchant de son frère, la tête haute.

- Oui ... je crois qu'on n'a plus le choix désormais. Il va falloir qu'on rejoigne l'Académie Dawson

Un silence suit les paroles de la blonde, comme si le simple fait de le dire à voix haute ne permettait plus de revenir en arrière. Jefferson hoche la tête lentement, s'étant visiblement préparé à cette idée.

- C'est con ... cette journée s'était plutôt bien passé jusqu'à ce que je me fasse tabasser, reprend-il. Mon agent m'a dit que Tottenham était intéressé par mon profil et qu'il voudrait me proposer un contrat
- Oh Jeff ... je ne sais pas quoi te dire, c'est ...
- Oui je sais, la coupe-t-il avec un sourire penaud. C'était mon rêve d'être transféré dans un club de première division anglaise et là en plus, ce n'est pas n'importe quoi !

Madeline ressent une immense joie, ravie que le talent de son frère face l'objet des convoitises des plus grands clubs anglais. Alors le voir forcé de renoncer à ce rêve la peine énormément, son cœur se serre malgré elle pour son jumeau. Elle s'accroupit à côté de lui et presse son épaule, ne pouvant rien faire d'autre que lui montrer une compassion réconfortante.

- J'aurais pu signer ce contrat au mois de Janvier, pendant la saison des transferts. Et au lieu de ça, je vais devoir faire un break dans ma carrière pour retourner à l'école, raille-t-il en haussant les épaules

Madeline connaît suffisamment son frère pour remarquer qu'il refoule sa déception à sa manière, en faisant comme si ça ne le touchait pas. De cette façon, il espère avoir moins mal, que ce crève cœur passera plus vite.

- Mais ce n'est pas si terrible, ce n'est pas moi qui va avoir la pire réaction, reprend-il avec une désinvolture accentuée. Pense à maman quand on va lui annoncer entre les cadeaux et la bûche qu'on va devoir quitter la ville parce que des tordus cherchent à nous tuer !

Effectivement et à quelques détails près, c'est ce qu'il va se passer. De quoi passer un bien joyeux Noël ...

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