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† DOUZE †

— Je vous mets en garde... Si quelque chose se passe, ne vous interposez surtout pas. Je suis experte en médiumnité, moi seule peux calmer les esprits dans cette pièce. Un esprit malveillant pourrait se retourner contre vous s'il décèle votre faiblesse. Restez donc calme.

Les paroles de la mère d'Alaska me glacent d'effroi. Sans un mot, j'acquiesce et mon amie fait de même. Sitôt suis-je entrée dans l'arrière-boutique qu'une brûlure s'est mise à enfler dans mon estomac. J'ai l'impression que la bile me remonte tant je suis stressée. C'est une pièce minuscule et très sombre, où une petite table ronde entourée de trois chaises sert de monument central. De la sauge et de l'encens brûlent sur la commode en son fond, diffusant son parfum entêtant, alors qu'un bouquet d'œillets d'Inde orange se dresse parmi eux. Des tableaux abstraits et ignobles décorent les murs de papier peint beige, très vieillot. D'autres crucifix se faufilent entre eux ; le Christ nous guette de ses yeux suppliants, m'instillant un mal-aise hors du commun.

C'est un véritable salon de voyance.

Les rideaux tirés et les bougies allumées dans une ambiance de recueillement, Yolanda nous a fait asseoir autour de la table. Ma jambe tremble d'anxiété ; j'ai hâte que tout soit fini. En face de moi, Alaska semble tout aussi inquiète. Je crois que c'est sa première séance de spiritisme. À l'instar de ma personne, elle doit redouter la suite des événements à s'en mordre les doigts. J'ai envie de la rassurer, de lui dire que tout va bien se passer, mais ma raison me hurle d'autres questions pour la maîtresse des lieux :

— Comment ça va se passer, alors ? Qu'est-ce que vous allez faire ?

— Nous, les pratiquants de science occulte, les Spirites, ont une sensibilité exacerbée pour la médiumnité. Certaines personnes ont la faculté de servir d'intermédiaire envers les esprits de l'au-delà ; j'en fais partie. Je les vois et les apaise. C'est ce que je vais tenter de faire, aujourd'hui. Établir un contact avec les entités qui te tourmentent pour les sommer de partir. Si tout se passe bien, nous devrions réussir à les affaiblir et les ramener vers la lumière. Fais-moi confiance, ce n'est pas la première fois que je m'adonne à ces activités.

Ses paroles ne me rassurent qu'à moitié. J'attends de voir le résultat de mes propres yeux. Yolanda continue :

— Bien, commençons. Prenons nous d'abord les mains pour établir un contact. Ne le rompez sous aucun prétexte, ça pourrait être dangereux. Attendez juste mes instructions.

Nous obéissons docilement, notre angoisse ressort à la lueur lugubre des chandelles. Je tiens Alaska de la main gauche et sa mère, de la droite. Je peux sentir la moiteur des doigts de ma collègue de travail, visiblement transpirante. La chaleur dans la pièce n'est pas l'unique effet causant ce désagrément. Je délaisse Alaska du regard pour observer Yolanda qui vient de fermer les yeux, s'emplissant de l'énergie vitale de la pièce. L'antiquaire expire doucement, laissant son âme virevolter au rythme des flammes éclairant la tablée.

— Esprits, êtres informes du bien et du mal, entendez ma supplique. Si vous êtes avec nous, répondez-moi.

Mes yeux et ceux d'Alaska sont rivés sur notre intermédiaire en transe. Il passe quelques secondes sans que rien n'arrive. Je crois que ça a échoué. Or, je réalise très vite que je me trompe. J'entends des bruits de pas derrière moi ; le parquet grince.

Quelqu'un approche... Mais j'ai l'impression que moi seule le perçois, comme toujours. Je ne me retourne pas, paralysée de peur à l'idée de voir ceux qui me hantent.

— Que voulez-vous ? Que cherchez-vous chez cette jeune femme ? Pourquoi ne la laissez-vous pas en paix ? continue Yolanda, sans fléchir.

La flamme des bougies oscille. Cette fois, Alaska le remarque et pâlit. Son teint habituellement hâlé vire au gris livide. Nous échangeons un regard. Courage, Alaska...

— Montrez-vous...

La voix de l'antiquaire se répercute en écho dans la pièce et se heurte à mes tympans. Elle les provoque ! C'est une très mauvaise idée. Même si cette femme connaît les sciences occultes mieux que je ne le pourrais jamais, agir ainsi est une énorme erreur. Ils détestent ça. L'audace les met hors d'eux.

Très vite, deux bougies sur les trois allumées s'éteignent, plongeant la pièce davantage dans le noir. La main d'Alaska se resserre autour de la mienne. Ses longs ongles manucurés s'enfoncent dans ma chair tendre. Qu'est-ce qui se passe ? Je m'agite sur ma chaise, essayant de démêler les nœuds de ces bizarreries. Mes yeux apeurés fixent Yolanda qui, enfin, ouvre ses paupières et retient un hoquet de peur. Son attention est braquée au fond de la pièce. En suivant le fil de son regard, mon cœur cesse de battre.

Ils sont là. En retrait, dans les ténèbres. Est-ce qu'elle les voit ?

Evan, Phébus, Angela et Myrtle nous lorgnent sans relâche de leurs infâmes gouffres sans fin. Mon sang se glace et ma respiration s'accélère. Je redoute tant ce qu'il va se passer. Quitte ou double ; voilà ma destinée.

Yolanda s'arme d'un regard sans faille à leur égard.

— C'est donc vous qui hantez cette fille ?

Elle les voit réellement ! Je suis partagée entre joie et crainte. Pour la première fois, je ne suis pas seule à admirer les traits juvéniles de mes parasites. Alaska ne semble pas comprendre le comportement de sa mère. Je pense que nous seules avons su établir un contact avec ces enfants. L'esprit d'Alaska est préservée, au moins.

Sans paraître impressionnée par leur apparition, Yolanda les questionne :

— Pourquoi faites-vous cela ?

Notre mission est personnelle, lui répond Evan, d'une voix lente et à peine sortie de la mue.

— Vous ne pouvez rester attachés à elle. Vous devez partir et lui rendre la paix.

Evan ricane pour toute réponse, sans le moindre mouvement. Je n'ai même pas vu ses lèvres bouger lorsqu'il a souri, de manière sinistre. Autour de lui, Phébus, Angela et Myrtle établissent un contact visuel des plus troublants. Leur pâleur est mortifiante. La spirite insiste :

— Partez, rejoignez la lumière et soyez apaisés. Votre place n'est pas ici.

La lumière...

Sous mes yeux, les traits d'Evan se déforment. Ce mot semble le mettre en rogne. Des striures noirâtres apparaissent sur ses joues, tandis que ses trois sbires entament un ballet de murmures incompréhensibles ressemblant à un chant mortel. Une peur innommable grimpe en moi ; c'est la première fois que je les vois réagir ainsi. Qu'est-ce qui se passe ?

Les prochains mots d'Evan souffle la dernière bougie :

Les ténèbres abhorrent la lumière...

Dans le noir total, Alaska pousse un petit cri d'horreur, terrifiée par la disparition subite de la lumière. Je sens sa peur d'ici, elle se mêle à la mienne. À travers la pénombre, j'entrevois les silhouettes des enfants qui se rapprochent de la table. Leurs pas claquent sur les lattes ; le son boitant de Myrtle se détache des autres. Ils arrivent, nous menaçant. Alertée par ces sombres événements, Yolanda s'élance à notre égard :

— Ne vous lâchez pas, les filles. Soyez fortes !

Elle ajoute aussitôt, d'une voix amplifiée :

— Notre père qui est aux cieux, que votre nom soit sanctifié. Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel...

Ces paroles saintes mettent mes démons dans une colère noire. Ma vue habituée à l'ombre, un spectacle épouvantable se déroule devant moi et me transperce l'âme. Phébus pleure, il déverse des larmes d'encre en se lamentant de plus en plus fort. Angela passe et repasse nerveusement ses mains dans ses cheveux en ravalant un cri plus aigu qu'une lame sur l'aiguisoir. Myrtle devient folle, elle s'agite de rage dans des mouvement aléatoires entrecoupés de sursauts. Sa tête se balance en arrière, les os de ses bras et de ses jambes se tordent et craquent de façon horrible.

Mêlés aux pleurs d'Alaska et aux prières de sa mère, leurs voix forment une cacophonie funèbre qui, sans que je ne puisse l'intercepter, s'introduit dans mon esprit fragile et m'offre une douleur incommensurable dans la totalité du corps.

C'est insoutenable ! Ça brûle ! Seigneur, faites que ça cesse ! Pitié !

Un hurlement de souffrance traverse mes lèvres lorsque je coupe le contact avec les mains de mes compagnes de spiritisme. Je n'ai le temps de voir Evan que je m'effondre au sol, convulsant par l'incendie qui se consume en moi. J'ai l'impression de fondre, d'être posée sur une plaque de cuisson à pleine température. Cette déchirure ébranle toutes les cellules de mon être, les annihilant une à une. J'écoute Alaska hurler mon prénom dans le lointain. Ma tête va exploser sous la tension.

— Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal, car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles ! Amen !

Un autre cri survient, inhumain ; celui d'Evan. Plus grave et horrifique que les autres ; il souffre, lui aussi. Sa haine fait éclater les vitres des photos de famille, accrochées aux murs. Les croix tombent au sol dans un fracas, de concert. Le tintement du bois sur le parquet résonne de toutes parts jusqu'au plus profond de mon cerveau.

Soudain... Plus rien.

— Sephora ! Sephora !

Je sens les mains d'Alaska saisir mon visage. La douleur a disparu, je retrouve doucement l'usage de mon corps, même si mon crâne me fait mal. J'ai dû me cogner en tombant. En frottant faiblement mon point endolori, je me demande ce qu'il s'est passé. L'esprit retourné, je papillonne plusieurs fois des yeux afin de constater mon environnement. Mon amie se tient à mon chevet, les joues mouillées de larmes et les cheveux en bataille. Dans une semi-pénombre, j'aperçois l'antiquaire, debout devant la table, haletante, un crucifix tendu droit devant elle.

Les enfants aux yeux d'ébène ne sont plus là. Est-ce que c'est fini ?

— Maman, l'appelle Alaska. Elle va bien.

Mon amie m'aide à me redresser, en position assise. L'air qui s'engouffre dans mes poumons me lacère de l'intérieur. Ma tête tourne encore, j'ai du mal à focaliser mon attention. Je suis encore chamboulée par ce que je viens de vivre. Or, la voix de Yolanda attire mes sens auditifs :

— Je crois qu'ils sont partis. Je les ai chassés.

Réellement ? Je peine à y croire, mais la sérénité de la pièce me dit le contraire. Sont-ils vraiment partis ? Partis pour de bon ?

Je n'ai le temps d'échanger un œil reconnaissant avec la mère d'Alaska qu'en une fraction de seconde, la table ronde gicle violemment à l'autre bout de la pièce. Notre surprise n'égale que notre peur, revenue au galop.

Soudain, une ombre s'envole vers Yolanda et réapparaît devant elle, la pétrifiant d'effroi. Je reconnais Evan sans problème. Ses yeux transmettent malgré leur absence de vie et de couleurs, toute la fureur du bas-monde. De sa main fine, il capture la femme d'âge mûr à la gorge, lui coupant le souffle. Il la soulève littéralement de terre, avec une force surnaturelle. Elle étouffe, les yeux exorbités et injectés de sang.

Alaska ne voit pas ce que je vois, mais ses hurlements me laissent présager que la vue de sa mère en lévitation au-dessus du sol, étranglée, est tout aussi choquante.

L'adolescent ne dit qu'une seule phrase qu'il restera à jamais gravée en moi :

Mêlez-vous de vos affaires et laissez notre reine établir son royaume.

À ces mots, il la projette avec une violence inouïe contre la commode qui se brise en rencontrant le corps de la cinquantenaire. Evan s'évanouit ensuite dans l'ombre, abandonnant le silence derrière ses crimes. Cette scène terrifiante active Alaska qui se rue au chevet de sa mère en criant. Je suis tétanisée, carrément morte de peur. Je n'ai même pas senti les larmes couler sur mon visage. Yolanda ne bouge plus.

Après l'avoir inspectée, Alaska se tourne vers moi, la main inondée de sang. Celui de sa mère, s'écoulant du sommet de sa tête. Elle me clame alors :

— Appelle une ambulance ! Vite !





Les secours sont arrivés très vite sur place. Yolanda a été tout de suite prise en charge par les médecins qui la placèrent sur une civière, afin de l'emporter dans leur camion, tout droit vers l'hôpital. Debout sur le trottoir devant la boutique, encore bouleversée, je regarde Alaska suivre le cortège emmenant sa mère vers le véhicule blanc qui clignote. Avec la nuit tombée, son ballet de lumières intermittentes m'éblouit. Je n'ai pu voir l'antiquaire qu'une demi-seconde ; son visage est tuméfié, sa bouche, grande ouverte. J'ai même cru apercevoir une marque noire sur sa gorge, à l'emplacement où Evan l'a attrapée.

Je me sens si mal, si coupable. Je ne sais quoi faire, totalement impuissante. Avant qu'elle n'entre à son tour dans le camion, j'arrête Alaska qui peine à sécher ses larmes.

— Hey, donne-moi des nouvelles de ta mère quand tu en auras, d'accord ? Je suis vraiment désolée pour ce qui s'est passé, Alaska. Je te jure que j'y suis pour rien.

Elle ne me répond pas. Seul son regard me parle ; il est noir, plein de dégoût et de peur. Ça me brise le cœur d'être jugée de la sorte par Alaska, mon unique amie. Rien ne sort de sa bouche, elle me tourne simplement le dos pour rejoindre sa mère, à l'arrière du véhicule d'ambulance. Je me sens rejetée, détestée comme la pire des maladies.

Pas toi, Alaska... S'il te plait... Pas toi aussi...

J'observe le camion partir au bout de la rue, l'alarme enclenchée. Un peu plus seule qu'avant, je laisse fuir un sanglot. Mes mains s'emmêlent dans mes mèches qu'elles tirent nerveusement. J'ai envie de me faire du mal, je n'en peux plus. Je suis à bout. Pourquoi tout s'acharne autour de moi ? Pourquoi ?!

En essuyant mes larmes, mon regard se tourne automatiquement vers le parc pour enfants, de l'autre côté de la route. Ma respiration se bloque.

Ils sont là.

Tous les quatre, ils me guignent avec satisfaction. Sont-ils heureux de me voir détruite ? Cette simple pensée me fait entrer dans une folie incontrôlable. Mes jambes ne m'écoutent plus et courent à toute allure vers le parc. Un cri de rage glisse d'entre mes dents serrées. Le vent frappe mes joues humides et moi, je n'ai qu'une envie...

En finir une bonne fois pour toutes avec eux.

Arrivée à leur niveau, j'attrape Phébus par les épaules, assis sur une balançoire, puis le secoue comme un prunier. Je lui hurle au visage, telle une cinglée :

— Laissez-moi en paix ! Laissez-moi ! Disparaissez de ma vie !

— Hey ! Qu'est-ce que vous faites ?

Une exclamation survient à mon flanc gauche. J'émerge de ma rage en voyant une femme se tenir à quelques mètres de moi. Elle semble furieuse.

— Lâchez mon fils, espèce de malade ! Je vais appeler la police !

En réalisant mon erreur, une gêne immense nait en moi. Ce n'est pas Phébus, mais un petit garçon innocent jouant non loin des yeux de sa maman. Il me fixe avec peur, jugeant mon délire de son air effrayé. Seigneur... Qu'est-ce que j'ai fait ?

Prise au piège, je le lâche et détale avant que la mère ne m'attrape et appelle la police. Je cours, m'enfuis sans me retourner, ignorant la nuit et ses étoiles sur mon sillage désaxé.

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