III ─ analogie
•✒ 𝙻'𝚊𝚋𝚊𝚗𝚍𝚘𝚗 𝚎𝚜𝚝 𝚞𝚗 𝚏𝚕𝚎́𝚊𝚞.
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Asaka rejoignit le couloir principal très tôt ce jour-là et fit attention à ne pas réveiller les autres résidents. Le silence était seulement altéré par le couinement de ses bottines et ses nombreux reniflements. En même temps qu'elle jetait des coups d'œil ennuyés à son téléphone portable, sa bouche se contracta en une moue boudeuse en voyant que certaines personnes avaient eu la même idée qu'elle et se tenaient déjà appuyées contre le mur menant à la cantine.
C'était une matinée hamburger, et elle ne raterait ça pour rien au monde.
Contre toute attente, les jours avaient défilé bien vite. Asaka avait appris à ses dépens qu'il ne servait à rien de passer toutes ses journées à l'intérieur de sa chambre ; la nourriture qu'ils leur apportaient dans ce cas-ci était faite pour leur donner envie de mieux. Parce qu'il était rare que quelqu'un apprécie les plats mal assaisonnés. Le restaurant était donc devenu l'endroit préféré de la jeune femme en un rien de temps.
Quand les infirmiers ouvrirent enfin les portes, la brune lâcha un soupir sous l'odeur qui s'infiltra jusqu'à elle. Ainsi bercée, Asaka avança tout en ignorant les logorrhées qui résonnaient derrière elle. Prendre place sur un banc à l'écart des autres lui fit un bien fou, une fois son hamburger récupéré, et elle prit un plaisir malsain à l'engloutir sans faire attention aux regards étonnés que lui lancèrent les employés éparpillés un peu partout dans la pièce.
Au moment où le liquide pétillant de sa boisson lui parvenait en bouche, la jeune femme ne put empêcher la dérive de ses pensées. A tel point qu'elle ne remarqua même pas l'homme qui prit place à ses côtés.
─ Salut.
Avec ses poils hérissés à cause de la température ambiante, Asaka lui jeta un regard noir et retint un sursaut violent. La peau lactescente de son visage était maintenant devenue rouge vif. Ainsi, elle ne répondit pas d'emblée et l'expression agitée qui possédait chacun de ses traits renforça l'atmosphère gênante qui s'était installée autour d'eux. Prenant son courage à deux mains, la brune fronça les sourcils durant un instant avant de finalement lui répondre :
─ Qu'est-ce qu'il y a ?
Ignorant sa réponse, le grand homme aux cheveux noirs se contenta de soupirer en entendant son ton amer. La chaleur qui flottait tout autour d'eux n'arrangeait rien à son humeur déplorable. Le fait que cette fille commence à lui manquer de respect sans raison n'aidait pas non plus. Le regard courroucé qu'elle rapporta sur lui en voyant qu'il ne lui répondait pas ensuite fut tout ce qu'il fallut pour le fatiguer encore un peu plus.
─ Il n'y a plus de place autre part, se justifia-t-il en attrapant un morceau de viande.
Ce fut au tour d'Asaka de se sentir épuisée. Aussi pâle que la dernière fois, les cheveux légèrement gras lui collant au front et retombant sur ses épaules en de douces boucles, l'homme de l'activité présentation se tenait face à elle. Et franchement, elle aurait préféré ne pas le remarquer. Contrôler ses paroles était toujours quelque chose qu'elle n'avait jamais réussi à faire, et nombreux étaient les gens qui avaient été vexés par ces dernières sans même qu'elle ne s'en rende compte.
Mais elle supposait que cet homme n'était pas comme les autres, puisqu'il continua à dévorer son hamburger comme si de rien n'était.
─ Mais...
Asaka resta pantoise quelques secondes jusqu'à ce qu'un haussement de sourcils venant de l'homme face à elle ne la perturbe encore un peu plus. La façon dont il la scrutait à l'aide ses yeux réduits en fentes ne lui permettait pas de s'exprimer correctement.
─ Quoi ? grogna-t-il.
Elle était ridicule.
─ Je suis désolée. Je ne voulais pas te parler ainsi, essaya-t-elle en baissant la tête vers la table en métal.
Quand elle releva la tête, leurs regards se croisèrent. Cela ne dura qu'une seconde, tout au plus. La jeune femme, cependant, eut l'impression que le moment dura une éternité. Au fond de sa poitrine, une étrange sensation fit son apparition, tandis que son souffle s'amplifiait. Alors que sa poitrine gonflait à chaque respiration qu'elle effectuait, le signe qu'il lui adressa lui fit comprendre que ce n'était pas si grave que ça.
La brune sentit sa mâchoire tressaillir d'irritation quand il ne reprit pas la parole et se contenta de terminer son assiette sans un bruit. De longues minutes s'étaient déjà écoulées quand ils eurent tous les deux fini de manger. Autour d'eux, il n'y avait presque plus personne. Les résidents de l'hôpital psychiatrique avaient fait en sorte de quitter le restaurant après avoir débarrassé les tables. Certains déchets avaient tout de même été abandonnés ab irato.
─ Nous sommes voisins de chambre, déclara-t-il finalement. Je te vois sortir chaque matin.
Ce fut en quelques secondes qu'Asaka se figea. L'envie de s'enfermer dans un trou lui mitrailla les pensées et les bouffées de chaleur commencèrent. La framboise embrumée de pruine qu'elle mit dans sa bouche ne suffit pas à la calmer.
Il l'avait entendue.
Il l'entendait tous les jours hurler et pleurer !
Le sentiment de honte qui s'était développé à l'intérieur d'elle redoubla d'intensité, tandis qu'un combat intérieur se livrait à bas bruit. Ce n'était clairement pas le moment idoine, bien que seuls les infirmiers demeuraient encore dans la pièce. Anticipant les moqueries présumées qui allaient franchir la paroi de ses lèvres rosées, la jeune femme ne put qu'endurer.
Ses paroles la figèrent néanmoins sur place.
─ Tu me réveilles tous les jours. Je ne sais plus dormir.
Encore une fois, elle ne savait pas quoi lui répondre. Son corps tremblait comme une feuille alors que la conversation marquait le pas. Un sentiment prégnant s'infiltra dans son esprit et lui martela les idées. La jeune femme vit rouge. Sans pouvoir faire quoi que ce soit, Asaka revit tout : les insultes, les plaisanteries en tout genre, les coups, les moments de doute. Tous eurent l'effet d'une bombe.
Bombe qui explosa au moment où il s'approcha un peu plus d'elle. La chair de poule se glissa sur son épiderme en un instant. Les poils hérissés à cause de la température ambiante, Asaka lui jeta un regard noir. La peau lactescente de son visage vira à l'écarlate. En fait, il était trop près. Beaucoup trop près d'elle. Et elle avait perdu l'habitude d'être aussi près d'un homme depuis que son fiancé l'avait abandonnée, lassé par son comportement incontrôlable.
Elle allait imploser.
Oui, elle allait craquer.
Quelque chose lui hurla de se défendre. De se jeter sur lui avant même qu'il ne commence à se moquer d'elle. Ou même de faire en sorte de lui arracher les yeux pour qu'il ne puisse plus poser son regard troublant sur elle. Mais en fin de compte, la voix se tut au moment où il ouvrit la bouche une nouvelle fois.
─ Si tu as besoin de quelqu'un pour parler, je suis là.
La rage s'évanouit, puis revint aussitôt. Sans qu'elle s'en rende compte, la réflexion la fit hésiter suffisamment longtemps pour que son interlocuteur finisse par s'inquiéter. Et l'éclatement qui suivit cette dernière fut incontrôlable.
─ Je n'ai besoin de l'aide de personne.
C'était faux. C'était un mensonge.
Ce disant, Asaka se leva, emportant au passage son plateau en faisant tout pour éviter son regard. Elle ne souhaitait pas qu'il sache à quel point il l'avait bouleversée. Après avoir débarrassé, elle croisa alors les bras dans un signe profond de mécontentement et alla jusqu'à la porte. L'amphigouri qu'elle se retint de lâcher en passant près de lui fut heureusement retenu à temps. Même le parfum melliflu qui s'échappa de ses vêtements amples ne l'arrêta pas.
Son fiancé lui avait dit la même chose, à l'époque. Il lui avait promis de l'aider. De la chérir jusqu'à la fin des temps. Mais il l'avait abandonnée, comme tous les autres. Et si elle acceptait l'amitié de cet homme, lui aussi le ferait à un moment donné.
En fixant ses longs cheveux noirs onduler dans son dos alors qu'elle s'enfuyait, l'homme se dit que sa réaction avait trahi quelque chose de plus profond. De beaucoup plus sombre. Son flegme lui permit de sortir de la salle comme si de rien n'était, même s'il était un peu perturbé.
Quand elle passa la porte à toute vitesse, les grelots suspendus à cette dernière tintinnabulèrent. Leur doux reflet diapra un instant les murs et illumina l'endroit à cause du soleil qui s'infiltra dans le couloir. Une fois arrivée dans sa chambre, Asaka eut tout le mal du monde à fermer les yeux. Des images s'imposèrent à elle sans lui laisser le temps de respirer. Et quand Morphée l'accueillit enfin dans son étreinte, il était trop tard pour effacer les longues traces de griffures qui lui accablaient le cou.
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⋆ chapitre relu par KoyukiActar
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