
Secrets en Sous-Main 3/3 ✔️
Jaya s'était échouée sur la plage, afin de calmer sa montée en tension. Sous l'impulsion du vent, le sable fin s'élevait et la fouettait, tandis que le soleil entamait sa lente descente, projetant sur l'océan ses premières lueurs orangées, à perte de vue. Les vagues roulaient dans un chant marin et venaient mourir sur la rive écumée. Quelques mètres plus loin, elle aperçut la caverne.
Vadim...
Penser à lui faisait mal. Comment avait-il pu embrasser cette fille ? Décidément, les hommes étaient tous les mêmes ; ils n'étaient attirés que par les femmes adultes, fières et fortes de leur connaissance de la chair. Quelle bassesse... Et elle qui commençait à lui faire confiance. Elle avait été naïve, comme toujours. Leur union n'était pas faite pour s'adoucir. Avec Aube dans les parages, il aurait toujours cette tentation qu'elle ne pouvait lui offrir... Cela l'attristait et la mettait en rogne, à la fois.
Elle n'était qu'une princesse inexpérimentée, bien trop prude... mais elle connaissait sa valeur.
Baissant les yeux en soupirant, Jaya vit quelque chose dépassant du sable. En s'y attardant, elle réalisa que c'était un coquillage à moitié enterré au bord de l'eau. C'était donc vrai. On pouvait vraiment trouver des coquillages ici. Un fin sourire illumina son doux visage malgré sa tristesse. Tombant à genoux, Jaya usa de ses mains pour creuser et le déloger de sa tanière sablonneuse. C'était une carapace semblable à sa spirale nacrée. Elle portait les mêmes couleurs, la même brillance. C'était si joli.
Absorbée par cette vue et l'air si agréable de la mer s'infiltrant dans ses longs cheveux, Jaya repensa à sa terre natale qu'elle déplorait avec nostalgie. Elle aurait tellement aimé montrer ces coquillages à son père, en offrir un au père Olien pour le remercier du temps qu'il lui avait accordé pour parfaire son éducation. Elle aurait tellement aimé que Symphorore soit là pour en chercher avec elle. Et Tiordan...
Tout lui paraissait si loin, inaccessible...
— Tu chasses des coquillages, princesse ?
Jaya ne sursauta pas, même si elle ne l'avait pas entendu arriver. L'héritière commençait à y être habituée. À croire qu'il se laissait porter par le vent, virevoltant au-dessus du monde tel un hibou calme et silencieux. Est-ce qu'il volait ? Parfois, elle le pensait capable.
Jaya se retourna lentement et lança un regard assassin à Vadim. Que faisait-il ici ? Avec son petit sourire arrogant, pensait-il peut-être qu'elle ignorait ce qu'il avait fait avec Aube ? Pourquoi venait-il perturber sa quiétude ?
— Il y en a pas mal par ici et de très beaux. Les marchands du village viennent en ramasser pour les revendre.
Elle était déjà au courant. Néanmoins, elle se contenta de garder le silence et de ramener toute son attention sur sa trouvaille. La jeune femme n'avait pas envie de discourir avec lui, juste profiter de cette ambiance feutrée qui avait le mérite d'apaiser ses humeurs, contrairement à lui.
Le soupir de Vadim se fondit dans celui océanique.
— Je sais que tu as tout vu, dans l'entrepôt du camp. La discrétion n'est pas ton fort.
Il l'avait vue ? Jaya se sentit pâlir. Elle était pourtant certaine d'avoir été invisible. Ce pouvoir ne lui appartenait visiblement pas, et cela lui importait peu. Elle lui signifia son mépris par un ricanement.
— Grand bien t'en fasse, Prince Vadim, je suis bien trop chaste et trop jeune pour comprendre ce genre de choses. Aube le comprends mieux, c'est tout à ton honneur.
Cette fois, ce fut Vadim qui ricana comme une mouette, attisant la colère de la jeune femme. Lentement, il la dépassa pour lui faire face. Elle ne l'honora même pas d'un revers de cils. Jusqu'alors debout, le prince finit par s'agenouiller devant sa jeune épouse prostrée sur le sable, un bras posé sur un genou.
— Oui, il est vrai que tu es bien jeune. Tu entres à peine dans l'âge adulte, contrairement à moi ou même Aube.
— Ça ne veut pas dire que je suis stupide, même s'il n'y a pas d'âge pour l'être. Tu n'es pas beaucoup plus vieux que moi.
— J'ai vingt-sept ans.
— Oh, un âge bien vénérable... Un âge où nous savons réfléchir et prendre de bonnes décisions avant d'agir. Enfin, en toute normalité. Certains ne sont pas ainsi, malheureusement.
Ses propos étaient peut-être audacieux, mais qu'importe ! Qu'il ne compte pas la voir prendre des pincettes avec lui parce qu'il était plus âgé ! Elle se risqua à lui jeter un œil ; il revêtait un sourire idiot sur les lèvres. Vadim ressemblait à un garnement sous cet angle, une vraie fripouille faite homme. Son attitude le divertissait ? À vrai dire, le combattant n'en menait pas large à l'idée d'avoir été surpris dans une telle position. Le rire n'était-il pas la meilleure arme contre la colère du monde extérieur ?
— Je m'excuse sincèrement pour ce que tu as vu, princesse, sache que nous n'avons pas été plus loin avec Aube. J'imagine que tu étais venue me voir en toute amitié, tu as dû être... déçue d'assister à cela.
— Déçue n'est pas le mot. Je dirais plutôt surprise.
— Surprise comme je l'ai été en apprenant que tu en aimes un autre ?
Il avait osé ? Le sang bleu de Jaya ne fit qu'un tour. Pourquoi remettre ça sur le tapis ? Pour se dédouaner lui-même ? Ou pour encore la provoquer ? Elle en avait plus que marre d'être toujours attaquée à ce sujet.
— Sois franche avec moi, Jaya. Tu aimes cet autre au point de te refuser à moi, il est impossible que tu n'aies pas enfreint le vœu d'Ymos. Une fille comme toi... N'importe quel homme qui ne soit pas aveugle la désirerait. Aimer, c'est se donner. Les jeunes vierges ont tendance à se laisser submerger par leurs émotions. Un homme avide peut facilement les manipuler.
Cette fois, Jaya explosa. C'en était trop ! Ses petites remarques absurdes avaient assez duré !
— Pourquoi me dis-tu tout cela ? Pourquoi es-tu si braqué là dessus ? Oui, je tiens à Tiordan, mais je ne le reverrai jamais ! Plus jamais ! Il est parti, parti loin... Il est probablement mort à l'heure qu'il est. Je n'ai pas couché avec lui ! J'aurais pu, mais je ne l'ai pas fait ! Eh puis, je n'ai pas à me justifier ! Je connais ma valeur et les règles morales. Alors s'il te plaît, je t'en supplie, cesse de me parler de lui et de remettre ma pureté en question. Qu'est-ce que tu en sais ? Et quelle importance portes-tu à la pureté de toute façon ? Tu n'aimes que ce qui est sauvage...
Elle avait repris les mots de Aube sans même s'en rendre compte.
Vadim la fixait sans bouger. Il était vrai qu'il n'en savait rien, mais ce dont il était conscient, en réalité, c'était à quel point ce sujet la touchait. Et pourtant, il revenait sans cesse à la charge, lui plaçant cette vérité sous les yeux, espérant qu'elle ressente enfin ce que cela faisait d'être attaquée sur sa propre vulnérabilité —comme elle l'avait fait avec lui. Était-ce puéril ? Peut-être. Mais à cet instant, il n'en avait cure.
Or, depuis qu'il l'avait appris, juste penser à cette idylle qu'elle avait eu lui arrachait les tripes. Aube avait raison, la pureté ne l'avait jamais vraiment attiré. Il était une salissure sur tout ce que le monde faisait de plus blanc, et Ymos et ses saints vœux le débectait. Mais là, avec Jaya, c'était différent. Elle était l'incarnation même de la pureté, un être si immaculé qu'il n'aurait jamais valu le briser. Une telle beauté, une innocence qui l'aimantaient irrésistiblement malgré lui.
Connaître une vierge... Sentir cette différence charnelle avec les autres femmes. Cela devait être la plus belle chose au monde. Elle n'avait pas le droit de lui mentir là-dessus, sinon sa jalousie pourrait sculpter un tout nouveau décor.
Jaya, elle, était fissurée pour ne pas dire brisée. La belle brune vira son regard vers la mer en silence. Les larmes la piquaient face à ce magnifique soleil couchant. Elle espérait l'avoir atteint en plein cœur, comme il l'avait atteint avec Aube. Malgré tout, le voir avec cette fille lui avait procuré un effet qu'elle n'attendait pas. Cela la rongeait douloureusement, tel un poison, même si elle avait maintes fois clamé qu'ils n'étaient pas un couple.
— Il s'appelle donc Tiordan.
Vadim avait enfin brisé ce lourd silence entre eux.
— Oui... acquiesça-t-elle, et c'est lui qui m'a tout appris. Tout. La chasse, l'arbalète... C'est grâce à lui si je ne suis pas une princesse écervelée et inutile. C'était un homme bien et respectueux, non un homme avide. Mais il n'est plus là... et même s'il l'était encore, je ne pourrais que faire une croix sur lui, comme tu as su me le dire dans les thermes. Je connais le rôle qui m'incombe et il y a visiblement peu de place pour les sentiments. Je suis peut-être une jeune prude sans intérêt, inexpérimentée et ennuyeuse, mais je ne suis plus une enfant. Je ne suis pas faible.
Vadim ne la lâchait pas de son regard perçant, sa mâchoire se contractant par intermittence. Jaya s'attendait à ce qu'il crie son désaccord ou qu'il se montre violent comme il avait l'habitude de le faire lorsque les choses lui échappaient. Cependant, il se contenta de se pincer les lèvres sans détourner les yeux.
— Tu sais, princesse... J'ai passé ces deux derniers mois fou de détresse, sans savoir si je pouvais t'adresser la parole, car je savais que tu ne désirais aucun lien avec moi. C'est tout à fait naturel, moi qui t'ai privée de ta liberté. Tu voulais sans doute une union d'amour avec un homme que tu aimes et connais, peut-être avec ce cher Tiordan, fonder une famille avec lui dans une si parfaite union, mais...
— Mais notre union ne correspond à rien de tout cela.
Un éclat amer naquit dans l'œil du prince.
— Est-ce qu'elle aurait une chance de s'apaiser, désormais ?
— Je l'ignore... avec des choses comme j'ai pu voir, aujourd'hui.
Il ricana fébrilement. Elle saupoudrait de l'espoir en lui depuis quelques jours avant de tout balayer d'une simple phrase... comme toujours.
— Tu ne sais pas ce que je peux ressentir... Chaque jour je pense à toi, du matin au réveil jusque dans mes rêves les plus fous.
Interloquée, Jaya lui jeta un regard presque craintif. Qu'avait-il dit ? Les rouleaux de la mer avaient peut-être déformé ses paroles ?
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— J'ignore comment je pourrais être plus clair que ça !
Vadim se leva rapidement sans prendre la peine d'épousseter son pantalon, puis la guetta d'en haut.
— Tu te remets déjà en colère ! siffla-t-elle, les sourcils froncés.
— Non, pas du tout !
À vrai dire, il l'était bel et bien, mais il soupira pour se calmer. Il avait laissé son cœur parler trop fort ; méprisant, inconcevable, surtout avec une telle réponse ! Jaya le jaugeait avec une légère appréhension qu'il remarqua immédiatement. S'il ne voulait pas la voir partir en courant, il devait impérativement refroidir son sang chaud.
— Jaya, je veux que tu me montres ce que tu vaux...
La concernée arbora un air abêti par ce soudain changement de direction. Avait-il perdu la tête ?
— Q-quoi ?
— Tu disais ne pas être faible, montre-moi donc comment tu te bats. Je t'avais promis un entraînement de combat, tu t'en souviens ? Si tu veux être forte, il faut déjà que tu le sois physiquement.
Jaya plissa les yeux comme une taupe éblouit par son énormité. Était-il sérieux ? Extrêmement. La provocation était le fort de cette jeune tête brûlée, il allait donc lui en donner. L'exacerber pour faire ressortir tout le meilleur d'elle. Se relevant, Jaya le toisa alors que son profil était noyé dans la lumière orangée du soleil.
— Si ce Tiordan t'a appris les armes, je t'apprendrais le corps à corps. L'art ancestral de Cassandore, le Vhaïka. Mais que ce soit clair... Je suis crains ici pour la dureté de mes apprentissages. Ça ne te fait pas peur ?
Est-ce un défi qu'il lui lançait ? Elle allait lui montrer de quoi elle était capable. Jetant son coquillage dans le sable, elle se jura de ne pas flancher.
— Je n'ai pas peur.
Le sourire qu'il lui adressa n'était qu'un prélude à l'épreuve qui l'attendait. Comme s'il savait d'avance qu'elle allait souffrir. Mais il ne devrait pas la sous-estimer... Jaya n'avait plus peur de lui désormais.
❅
— Le Vhaïka est l'art de combat ancestral de notre terre. Il a été inventé il y a des siècles par les premiers hommes ayant colonisé et baptisé Cassandore, avec pour but de se protéger des ennemis et animaux sauvages. Il a énormément évolué avec le temps et s'est dédoublé en deux catégories. Le guerrier, que nous utilisons à l'armée, plus technique et difficile, et l'original, appuyant davantage sur la tradition et le respect de l'adversaire. Je vais t'apprendre l'original pour commencer.
Même si elle ne savait pas où elle se dirigeait, Jaya ne céda pas face à Vadim. Elle le vit prendre position, une posture qu'elle avait déjà vue chez les apprentis. Son pied glissa légèrement en arrière ; une sorte de salut qu'il l'encourageait à imiter. Les poings en avant, la princesse était en place.
— Tes mouvements doivent être comme les éléments, coordonnés avec patience. Comme un nuage, tu seras légère. Comme les algues sous la mer, tu seras souple et te laissera porter par le courant. Comme un ouragan, tu seras puissante et sans pitié. Commençons.
Vadim passa des heures sur cette plage à lui apprendre les secrets du Vhaïka. L'esquive, les coups portés du plat de la main, très fort pour couper la respiration et s'apporter un avantage. Il lui montra les mouvements à faire, la façon de prendre soin de son espace vitale afin d'assurer sa sécurité. Au début, Jaya peinait à suivre et souvent, elle avait embrassé le sable sous sa force colossale.
Vadim n'était pas au maximum de sa puissance et pourtant, il la fatiguait de seconde en seconde par ses assauts. Elle commençait à saisir l'ampleur de sa réputation d'enseignant cruel et exigeant. Il ne lui accordait aucun répit.
Une fois de plus, Jaya chuta lourdement au sol, son esquive ayant été vaine face au croche-pied de Vadim qui la fit perdre tout équilibre. La mâchoire de la jeune héritière heurta violemment le sol. Elle râla, la bouche pleine de sable et son menton rougi par le frottement.
— Allons, relève-toi, Jaya, ce n'est que le début.
Pourquoi avait-elle accepté cela, au juste ? Sa témérité finirait par la perdre un jour. Cependant, elle ne se dégonfla pas. Pas ici et surtout pas devant lui.
Plus le soleil disparaissait à l'horizon, plus Jaya assimilait les techniques avec davantage d'adresse. Ce n'était pas très au point, mais constituait un bel effort en si peu de temps. Comme un nuage, ses jeux de jambes étaient légers. Comme les algues, son dos s'assouplissait et se tordait pour lui permettre d'esquiver ses coups de manchette. Et comme l'ouragan, elle n'eut aucune pitié pour lui lorsqu'enfin, elle riposta d'un poing à la mâchoire. Jaya sursauta, craignant de l'avoir blessé. Vadim recula d'un pas, tenant son menton d'un air vacillant entre la douleur et l'amusement. Une goutte de sang nuança sa lèvre ; il la cueillit d'un revers de pouce.
Un sourire le dérida. Elle avait de la force, quand elle le voulait.
— Félicitations, princesse...
Essoufflée, Jaya soutint son regard, encore surprise de son propre geste. Ses phalanges la faisaient encore souffrir.
— Tu as fait de rapides progrès, mais...
Soudain, il l'attaqua de manière inattendue, saisissant ses mains jointes qu'il enserra avec une rapidité étonnante. Vadim la fit tournoyer telle une poupée de chiffon avant de la ramener brusquement à lui, plaquant son dos contre son torse. Il coinça fermement les bras de la jeune fille entre les deux.
Il venait de la maîtriser avec tant de facilité que c'en était dégoûtant. Tout était allé si vite, Jaya n'avait rien vu venir.
— Tu as encore beaucoup de choses à apprendre.
Il chuchota ces mots à l'oreille de Jaya, si proche qu'elle sentait ses mèches blondes chatouiller sa tempe. Haletante, la brune n'avait plus la force de se défendre. Une douleur lancinante pulsait dans la totalité de ses os, en particulier dans ses bras, que Vadim comprimait fermement contre ses omoplates.
La respiration de l'ardent soupirant souleva un brin de sa chevelure. Les battements de son cœur s'accélérèrent, tout comme les siens qu'elle sentait très nettement contre son dos. Si elle fermait les yeux, elle pourrait croire entendre ses lèvres hurler pour frôler la peau fine de sa gorge. Quelle étrange attraction, elle affolait son souffle...
L'intensité s'évanouit lorsque Vadim la poussa en avant. Jaya, désarticulée, s'effondra à nouveau sur le sol, écrasée dans le sable, face contre terre.
Jurant ses ancêtres, elle gémit de douleur. Quelle rudesse incroyable ! Vadim s'esclaffa à la lune. Ses joues lui en faisaient presque mal aux dépends de la pauvre Jaya.
Quelle pénitence, un homme si peu délicat...
S'étirant sur le dos, épuisée et à bout de souffle, Jaya contempla le ciel obscurci. Tellement absorbée par cette leçon si difficile, l'alhorienne n'avait même pas remarqué la tombée de la nuit. Peut-être qu'elle n'était pas faite pour ça, après tout. Le Vhaïka était trop rigoureux pour elle. À cette heure tardive, ils avaient probablement manqué le dîner. Les nébuleuses étaient magnifiques, parsemées de milliers, de millions, de milliards de petites flammèches brûlant à des distances incommensurables. Jaya aurait pu passer des heures à les contempler... Mais le visage de Vadim se superposa à leur beauté.
— Aller, on se lève, je pense que c'est assez pour aujourd'hui.
Il lui présenta une main qu'elle accepta après un minime temps d'hésitation transporté par l'épuisement. D'un bras, il la tira sans forcer, comme si elle n'était qu'une vulgaire plume. Il l'emporta si aisément qu'elle en fut plaquée contre sa poitrine. Leurs regards se heurtèrent ; un choc des titans qui la paralysa. Jaya ne réalisa pas immédiatement que sa main libre était posée sur son pectoral. Son aura la troublait, comme si sa masse frêle était face à un animal majestueux, un fauve tigré la méprisant de sa taille.
Elle se sentait si petite à côté...
Les yeux de Vadim étaient rivés sur les lèvres rouges et pulpeuses de sa jeune épouse, avec le souhait brûlant de les croquer. Connaître leur saveur, savoir si elles étaient sucrées ou neutres, peut-être même un peu acidulées. Mais il était sûr que leur douceur était incomparable, un satin pur sur lequel il aurait aimé se coucher pour lui faire goûter toute l'essence de l'amour qu'il pouvait lui donner. Elle n'avait qu'un mot à dire, un seul, pour que cela se réalise.
Un simple oui.
Le visage de Vadim se rapprocha légèrement de la belle qui l'hypnotisait. Elle pouvait voir dans ses yeux le désir de lui montrer cette part chaude de lui-même. Il voulait sentir sa respiration incandescente et erratique, sa bouche timide frémir sous la sienne.
Était-elle prête ?
Son cœur affolé hésitait face à ses palpitations, mais sa raison lui clama que non. Jaya baissa les yeux juste avant l'impact, les lèvres de Vadim ricochant sur sa pommette.
— On devrait rentrer au Beffroi...
Vadim avala durement la pilule, en suspend au-dessus de sa bouche. Sa virilité venait d'en prendre un coup. La douce main de Jaya quitta sa poitrine à regret, juste avant qu'il n'aille trop loin. Son geste avait eu l'effet d'un seau d'eau froide sur ses ardeurs. Pourquoi tant d'obstination de sa part ? Ne comprenait-elle pas ces sentiments naissants à son égard ? Ne le voyait-elle pas qu'il crevait d'envie pour elle ?
Frustré, Vadim se contenta de rester là, l'œil penaud et lointain.
— Tu as raison, princesse... Rentrons.
Elle s'attendait à une attention de sa part, peut-être un bras offert afin de l'escorter hors de la plage, comme le faisait Leftheris. Mais non. Vadim lui tourna le dos et partit. Il fallait mieux qu'il s'éloigne, il avait besoin d'air pour faire redescendre ce feu soudain ayant embrasé ses entrailles.
Malgré la persistance de ses mauvaises habitudes, Jaya remarqua un changement significatif chez lui. Il était devenu beaucoup plus compréhensif à son égard, acceptant ses refus ainsi que son passé sans violence ni animosité. Peut-être avait-il finalement pris conscience...
Peut-être s'était-il rendu compte qu'elle n'était pas la seule à souffrir face à la brutalité et l'indifférence. Jaya espérait sincèrement que cela soit le cas pour lui. Après tout, chaque être humain possédait un cœur, certains batifolaient de façon anarchique, tandis que d'autres étaient plus réfléchis dans leur manière d'aimer. En le suivant au pas, sous le voile de la nuit, Jaya était rassurée de constater que celui de Vadim marchait encore.
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