Au crépuscule, la porte du pénitencier s'ouvrit sur une frêle silhouette. Sur sa route, Jaya avait vu l'engouement que prenait l'annonce de la mort du prince déchu. Les soldats s'affairaient à dresser la potence sur la grande place centrale, tandis qu'Horngrad, bourreau du royaume, choisissait méticuleusement les cordages les plus robustes pour la cérémonie solennelle prévue à l'aurore du jour suivant. La princesse n'avait pu lever les yeux sur eux, la vision du nœud coulant lui étant insupportable.
Escortée par deux gardes dévoués, elle avait quitté son carrosse pour arpenter les interminables couloirs de dalles polies de la prison cassandorienne. La jeune femme avait choisi de venir en solitaire, ne souhaitant la présence d'aucun compagnon, encore moins celle de son père ou de Byron. Elle avait besoin d'être un peu seule avec lui.
On lui avait donné l'autorisation en tant qu'ultime adieu.
Arrivé au bout du couloir où les geôles s'alignaient les unes à côté des autres, une porte au fond semblait éloignée de toutes. C'était la salle d'isolement pour les cas les plus spéciaux ou difficiles. Vadim était là, juste derrière. Jaya pouvait le sentir sans même le voir.
— Veuillez me laisser seule avec lui.
— Princesse, nous ne pouvons vous laisser seule, c'est un ordre du roi et du haut conseil religieux. Et s'il se montrait violent avec v...
— C'est mon mari ! rugit-elle avec ferveur. Il ne me fera aucun mal ! J'ai le droit de rester seule avec lui, alors partez ! C'est un ordre !
Les deux hommes se regardèrent. Elle avait l'air terriblement à cran, quasiment prête à pleurer.
— Nous resterons derrière la porte si vous avez besoin, princesse. Mais faites attention.
Qu'ils se taisent, elle n'avait pas besoin de leurs conseils ! Poussant la porte, Jaya y découvrit un autre corridor. Plus sombre, plus angoissant encore. Une vieille lampe à huile apportait un fil de lumière orangée bien maigre dans cette pénombre. Un pas, puis un autre. Jaya referma le passage derrière elle.
Un pas, puis un autre. Une cellule isolée se trouvait tout au fond.
Un pas, puis encore un autre. Elle s'arrêta.
Une forme était adossée dans les tréfonds obscurs du cachot. Malgré son importance et sa grandeur, sa tête était tristement baissée et ses épaules affaissées. Jaya tremblait de tout son être.
— Vadim ?
Quand il entendit ce minime éclat de voix, un réconfort dans sa croix, le prisonnier releva la tête. Ses yeux gorgés de peine s'illuminèrent aussitôt.
— Jaya...
Le blond se précipita sans réfléchir vers les barreaux. Ses pas empressés résonnaient dans l'exiguïté de la cellule, avides de la retrouver. Son cœur palpitait avec ferveur, au rythme de son prénom, mais s'immobilisa brusquement lorsqu'un bruit métallique l'arrêta à l'orée de la porte. Vadim laissa échapper un soupir de frustration. La chaîne qui le retenait au mur était légèrement trop courte, seuls son visage et ses épaules parvenaient à frôler les barres de fer lorsqu'il se penchait suffisamment. Les bras entravés derrière le dos, il exerça une pression sur ses gants de fer, oubliant la douleur.
Quand il fut à sa portée, Jaya glissa ses mains à travers les barreaux pour saisir le visage de Vadim en coupe et l'embrasser longuement, amoureusement. Sous cette tendresse qui le délivrait momentanément de ses tourments, Vadim ferma les yeux. Ses baisers lui avaient tant manqué et portaient désormais une saveur de chagrin.
Se séparant de lui pour reprendre un souffle, Jaya l'observa attentivement. Il était enchaîné comme un vulgaire animal privé de mouvements. Cette vision la tuait par sa cruauté.
— Qu'est-ce que c'est que ces choses ? dit-elle en pointant les gantelets.
— Ce sont des menottes blindées en fer. Le Risen a du mal à passer à travers cette matière. Ils me les ont placés en précautions, de peur que j'utilise encore la magie.
Elle déglutit. Il était donc dans l'incapacité d'utiliser le Risen...
— Oh, Jaya, je suis tellement heureux de te voir. J'ai eu tellement peur pour toi tout à l'heure, dans le tribunal. Qu'est-ce qui t'a pris, enfin ?
— Je n'ai voulu que te défendre. Personne ne t'a réellement laissé le faire. Ce procès était une vulgaire mascarade.
Il soupira.
— Je le sais. Le père Thésélius a absolument voulu diriger l'audience et il savait pourquoi. Mon père a réclamé un procès de force alors que l'archevêque voulait m'exécuter sur-le-champ. Il a déployé tous les efforts possibles pour m'accuser. Il a réussi son coup. Je suis même certain qu'il a comploté avec Aube contre moi.
— Avec Aube ?
— Ce qu'elle a dit est du pur mensonge. Elle ne savait pas que j'utilisais le Risen. J'ai vu leur regard échangé à la fin de son témoignage. Ce n'était pas clair... et ils ont dû se mettre d'accord pour inventer cette histoire de viol. Je n'ai jamais fait une chose pareille, Jaya, je t'assure.
Elle calma son angoisse d'une caresse sur la joue.
— Je le sais. Et c'est pour ça que j'ai voulu te protéger.
— Ce n'était pas la peine...
— Si, ça l'était ! Tout ça c'est de ma faute... Si je ne t'avais pas dit pour Zeph, tu n'en serais pas là...
Une larme se fraya un chemin sur le visage de la jeune femme face à cette terrible fatalité. Aussitôt, le blond s'agita.
— Non, ne dis jamais ça ! Je t'interdis de culpabiliser, ce n'est en rien ta faute. C'est moi qui ai fait tout ça et je ne le regrette pas une seule seconde. Zeph n'a eu que ce qu'il méritait pour t'avoir fait subir une telle chose ! Rien que l'idée qu'il ait posé ses doigts sur toi...
— Mais regarde-toi aujourd'hui ! Si j'avais fermé ma maudite bouche...
— Non... Il fallait bien que ça arrive un jour.
Vadim baissa la tête tristement. La détresse de la voir pleurer sans pouvoir sécher ses larmes lui était insupportable. Toute la peine du monde lui retombait sur les épaules. Dépourvu de force, le guerrier était désormais vaincu. Fatigué de devoir se battre vainement. Il appuya son front contre un barreau et, profitant du silence qui s'était installé, inspira profondément l'air pesant. Soudain, un éclat de cristal happa son regard.
La Larme de Leolan autour du cou de Jaya. Ce bien si précieux, ce trésor que lui avait laissé sa mère. Il ne pouvait la lâcher des yeux.
— Jaya... Demain, je vais mourir... Ce pendentif... C'est tout ce qu'il te restera de moi. Je t'en supplie... Prends en soin. Ne le retire jamais.
La jeune femme sanglota malgré elle face à ces mots. Ils lui tranchaient le cœur en petits morceaux. Il avait accepté sa destinée et devant son courage exemplaire, elle se trouvait ridicule.
— Dans d'autres circonstances, j'aurais pu te dire de prendre soin de Danil, mais... Je n'ai pas été capable de vous protéger. Ni toi, ni lui. Je n'ai pas été un bon père pour mon fils...
— Ne dis pas ça...
— C'est malheureusement vrai. Alors ne fais pas la même erreur que moi. Protège cette larme jusqu'à ton dernier souffle, pour moi... Ça te laissera un souvenir de ton époux.
— Tu m'as laissé tant de choses, Vadim... Tant de souvenirs. Je ne veux pas que tu meurs...
— Tu n'as pas le choix, Mëyrtania. Tu vas devoir être forte.
— Je ne suis pas forte...
— Tu l'es plus que quiconque, si tu savais. Je... je n'ai pas toujours été le mari idéal pour toi et je m'en excuse. J'ignorais comment être l'homme que tu voulais que je sois, je ne savais tout simplement pas ce que c'était d'être réellement amoureux. Maintenant je le sais et ce, depuis longtemps. Tu m'as appris à aimer, à savourer la vie et la liberté avec joie et naïveté. Tu m'as appris à m'accepter, à avoir une nouvelle vision de moi-même. Tu... Tu as été la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie de malheurs, Jaya.
Les pleurs de la brune s'intensifièrent. Les trémolos de sa voix envahirent la cellule. Sa main tremblante s'enroula à la nuque du blond qui la fixait sans relâche.
— Je ne veux pas que tu meurs, Vadim... On a encore tellement de choses à vivre, toi et moi.
— Ne pleure pas... Même quand mon corps sera dans la mort, mon âme et mon cœur continueront de t'appartenir. Tu sais, il y a un conte folklorique des terres de Thenaraïm disant que les morts se réincarnent en étoiles pour veiller sur les vivants. Dis-toi que je serais avec Danil. Je pourrais m'occuper de lui comme je n'ai pas pu le faire de mon vivant. Je pourrais le rassurer et lui parler de sa mère si fabuleuse. Et ont te veillera, lui et moi. Et tu pourras nous voir à chaque fois que tu lèveras les yeux au ciel.
Comment résister au chagrin face à de tels mots ? Si beaux, mais pourtant si coupants. Revivre en tant qu'étoile, c'était si joli, si rassurant, car elle se disait que la vie n'était peut-être pas finie ainsi. Qu'elle continuait quelque part, vers les nébuleuses, dans un monde inconnu où les gardiens regardaient la terre des nuages.
Vadim resterait donc toujours avec elle, même sans le voir. Et il espérait tant que cela suffise à la consoler sur son sort futur. Qu'ainsi, elle pourrait faire son deuil plus facilement.
Or, elle le surprit quand elle l'abandonna pour accrocher ses deux mains aux barreaux.
— Non... Je ne te laisserai pas mourir...
Si elle devait briser ces barrières, elle allait devoir d'abord briser les siennes. Fermant ses paupières, Jaya fit le vide dans son esprit pour visualiser la graine récalcitrante de son Risen. Si elle arrivait à la fissurer, même un tout petit peu, elle pourrait utiliser la magie pour sortir Vadim de sa prison.
D'un coup sec, elle tira une fois sur les grilles, affolant leur chant métallique.
— Qu'est-ce que tu fais ?
La voix de Vadim s'estompa dans les méandres de son subconscient. La lumière bleutée brûlait sous ses paupières closes ; elle était sur le point d'atteindre sa grille intérieure. Cette fois, l'échec n'était pas envisageable. Le vent soufflait impitoyablement, exacerbant ses sanglots et ses larmes qui virevoltaient derrière elle, se métamorphosant en lucioles luminescentes. Marchant à contre-courant, elle affrontait l'ouragan avec une détermination et un courage inébranlables.
Elle tendit un bras vers les barres de fer.
Encore un petit effort...
Son index allait bientôt les frôler.
Elle relâcha un cri de rage qui fut brutalement balayé par cette force occulte.
Écrasée à nouveau dans la réalité, Jaya se laissa glisser sur le sol poussiéreux du couloir, le long de la cage. Vadim suivit son mouvement et se retrouva à genoux, ses yeux inquiets braqués sur elle.
— Arrête, Jaya... Je t'en prie. Tu n'y arriveras pas...
Le nez dirigé vers l'inconfort des dalles, elle versait des larmes ardentes, une douleur frappant par à-coups dans sa poitrine. Elle avait l'impression d'avoir reçu un énorme coup de poing à cet endroit. Haletante, elle ne voulait cependant rien lâcher.
— Je dois ouvrir... ces barreaux...
— Laisse tomber, par pitié...
— Alors fais-le, toi, clama-t-elle en relevant la tête. Utilise ton Risen pour te sortir de là. Enfuis-toi, Vadim.
— Parle moins fort, les gardes sont à côté !
Il soupira, abattu.
— À quoi bon, Jaya ? Je serai libre mais après qu'est-ce qui se passera ? Je serai un fugitif recherché sur toute l'île, voué à me cacher jusqu'à la fin de mes jours. Non... je refuse. Je... je refuse que tu vives ça.
— Moi ?
— Je sais que tu voudras me suivre si je m'échappe. J'ai tort ?
Il la connaissait par cœur et la princesse se sentit soudainement percée à jour. Elle baissa piteusement la tête.
— Regarde-moi, Jaya.
Docilement, elle obéit. Sa mâchoire tremblait, en proie à l'arrivée de nouvelles larmes face à cet homme si courageux qu'elle aimait tant et qui la couvait d'un œil si doux.
— Tu es une princesse, la vie dans la nature n'est pas faite pour toi. Je te connais comme si je t'avais créée. Tu es née pour régner et vivre en sécurité.
— Ensemble, on y arrivera. On ira sur le continent... sur les terres de Thénaraïm.
— Non... Je ne veux pas t'infliger ça.
— Mais tu préfères m'infliger ta mort... siffla-t-elle, avec aigreur. Qu'est-ce que je vais faire sans toi, Vadim ? J'ai besoin de toi.
— Ça fera mal quelques temps, mais... ta blessure guérira.
— Tu t'entends parler ?! Réalises-tu ce que tu es en train de me dire ?!
Devant l'immense détresse de sa femme, Vadim étouffa un râle de douleur entre ses dents.
— Je préfère être réaliste que m'accrocher à un espoir vain, Mëyrtania. Tout le monde est contre moi. Tu es la seule... et tu seras toujours la seule.
Sa voix se brisa sur la fin. Jaya voyait dans son regard la lumière d'une perle d'eau qu'il ravala dans un grognement d'impuissance. Il peinait à trouver un fil d'air dans cet endroit moisi et mortifère. Sa tête enflait de rage, la folie du désespoir le prenant aux tripes.
Jaya se redressa alors sur ses genoux pour attraper son visage qu'elle caressa et embrassa avec tendresse. Ses lèvres rouges effleurèrent sa joue, remontèrent sur sa pommette, bifurquant sur son nez pour atteindre son front, alourdi de soucis. Elle s'y attarda, allongeant sa douceur qui apaisa le rythme cardiaque désaxé du marqué. Leurs regards se heurtèrent et, dans celui de Jaya, une larme solitaire coula silencieusement.
Vadim posa son front contre le sien, fermant les yeux pour apprécier son parfum et ce moment qui serait le dernier qu'il savourerait à ses côtés.
— J'ai au moins eu la chance... de rencontrer une femme qui m'a offert tout l'amour dont j'ai toujours rêvé en seulement quelques mois. C'est un exploit. Tu es pleine d'amour, et je sais que tu en donneras encore beaucoup durant ta vie.
— Je n'en donnerai qu'à toi, Vadim. Je ne pourrais pas... autrement...
— Non... Je suis peut-être l'homme le plus jaloux du monde, mais je suis réaliste. Ça me tue de le dire, mais... Un jour, tu deviendras reine, tu régneras sur Alhora avec beauté, élégance et justesse. Et il te faudra un roi.
— Tu es mon seul roi. Le seul digne d'être à mes côtés.
— Non, Mëyrtania, je ne veux pas que... tu finisses ta vie seule et malheureuse. La solitude est une perte de temps, c'est ce que j'ai compris lorsque tu es entrée dans ma vie. Tu es encore si jeune, tu as tant d'amour en toi qui ne demande qu'à pouvoir sortir. Alors ne l'enferme pas, même si ça prend des années. Ça ne t'empêchera pas de penser à moi... Un jour, on sera amenés à se recroiser. Ce point final ne veut pas forcément dire que tout s'arrête.
— Je ne t'oublierai jamais, Vadim... et je me battrai pour toi. Je me battrai jusqu'à mon dernier souffle, je te le jure.
Il sourit tristement en caressant son nez contre le sien. Elle méritait la lune et les étoiles, les sourires, la chaleur dans son corps. Les caresses la nuit, les baisers le jour et vice-versa. Jaya ne méritait que le bonheur, même si elle le fuyait.
— Je sais que tu le feras. L'avenir a encore tant de choses à t'offrir. La vie est un risque, la vie a besoin de personnes audacieuses comme toi. Alors tu dois être courageuse, ma belle, tout ira bien. Tu me promets de l'être ?
Son corps frémit, elle sanglota à nouveau, morte à l'intérieur. Elle hocha la tête sans grande conviction, espérant juste le satisfaire et le rassurer.
— Je t'aime tellement, Jaya. Et je suis tellement désolé que ça se termine ainsi, toi et moi.
— Je t'aime aussi... je t'aime si fort.
— Embrasse-moi une dernière fois, mon amour. Embrasse-moi de tout ton être.
Scellant cette promesse à jamais, Jaya lui laissa sur les lèvres toute la richesse de son amour. Leurs langues se mêlaient dans un affectueux ballet à la saveur salée des larmes.
C'était suffisant pour lui. Amplement suffisant pour lui donner la force de faire face à sa destinée.
Il la remerciait pour ses mots, pour l'espoir qu'elle avait fait naître en lui. Pour sa douceur et toutes ces nuits d'amour qu'elle lui avait donnée. Il la remerciait pour les rêveries, les fous rires, les fantasmes qu'elle éveillait. Il la remerciait pour son corps d'ivoire qui avait réchauffé le sien, anémié par toutes ces années de solitude et d'abandon. Il la remerciait pour le chemin parcouru qui lui avait ouvert les yeux sur certaines choses fondamentales. Il la remerciait pour avoir remis son cœur malade en route, cette trace d'elle qu'il chérissait à la folie. Il la remerciait pour leurs moments d'insouciance qui l'avaient fait retomber en enfance, mais aussi pour leurs moments de discorde qui lui avait fait réaliser à quel point il tenait à elle.
Il la remerciait tout simplement qu'elle l'ait aimé.
❅
Tard dans la nuit, une cape vola derrière un corps en pleine course.
Les serviteurs du roi achevaient les préparatifs sur la place centrale de Cassandore, leurs éclats de voix, tels des grondements volcaniques, résonnaient dans les chaumières assoupies. Tout devait être prêt pour l'aube du lendemain. Cachée par le voile sombre de la nuit, Jaya les observait de loin. Horngrad, toujours présent sur la potence, s'affairait à fixer l'unique corde au sommet du gibet. Une fois sa tâche accomplie, l'homme bondit avec agilité pour retomber sur ses jambes. Il testa la solidité en tirant dessus : tout était parfait.
Le souffle court, Jaya se réfugia dans la ruelle où elle se tenait, son cœur meurtri ne supportant pas d'assister à cette scène. Elle s'était éclipsée du Beffroi sans éveiller le moindre soupçon, avait traversé la salle des repas et descendu en trombe l'échelle sur le flanc de la tour pour rejoindre la ville. Même si elle lui avait promis d'être sage, Jaya était résolue à sauver Vadim. Elle refusait de le voir pendu ici, demain. Et elle savait qu'il ne lui restait qu'un dernier espoir.
Amaros.
Il était le seul à savoir manier le Risen dans son entourage. Avec sa magie, il pourrait briser la porte retenant Vadim, mais aussi ses menottes. Rien n'était sûr, mais elle devait tenter le tout pour le tout. Tiordan lui avait dit qu'ils allaient occuper l'appartement abandonné encore un moment et qu'elle pouvait compter sur eux en cas de besoin. Aujourd'hui plus que jamais.
Amaros, Tiordan et Symphorore étaient son ultime essai dans cette opération de sauvetage.
Courant dans les ruelles glacées et désertes, Jaya s'immobilisa fréquemment pour se cacher des lueurs vacillantes des lanternes portées par les soldats en patrouille. Son rythme cardiaque s'emballa lorsqu'elle se blottit entre deux tonneaux de graines. Sa silhouette, drapée de noir, passa inaperçue aux regards de ces hommes fatigués.
Quand ils furent partit, elle balaya la zone avant de reprendre sa course.
L'appartement se situait près de l'allée commerciale. Longeant la place du marché, elle déboula enfin dans la ruelle où elle avait croisé Tiordan, l'autre jour. Pantelante et le cœur fou, elle avança d'un pas.
Seigneur...
Retirant sa capuche, Jaya porta des yeux terrifiés sur un bâtiment détruit. Tout un pan de l'édifice était écroulé en plusieurs centaines de morceaux. Des bouts de fenêtre brisées craquèrent sous sa semelle, tel un cri de désolation.
L'appartement était ici, autrefois... Il avait été totalement saccagé par la colère de Vadim.
— Tiordan ?
Désespérément, Jaya posa un pied sur les gravats afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble sur ce désastre sans précédent.
— Symphorore ?
Plus rien ne subsistait.
— A... Amaros ?
Aucune réponse ne lui parvint. Que leur était-il arrivé ? S'étaient-ils enfuis ailleurs ? Ou bien... étaient-ils... ? Non, cela ne pouvait être vrai... la panique, telle une vague déferlante, la contraignit à hyperventiler, l'air peinant à franchir sa gorge nouée. La souffrance la plia en avant, couchée sous les coups du néant.
Baissant la tête au sol, Jaya vit une chose dépasser des briques détruites. Se penchant pour la tirer, elle réalisa qu'il s'agissait du sac en toile de jute qu'Amaros avait utilisé la dernière fois pour ramener des provisions.
Ils n'étaient donc plus là... La réalité la frappait de plein fouet. Elle laissa ses larmes dévaler en cascades sur ses joues avant que ses fesses ne rencontrent les débris. Elle avait tant espéré et désormais, elle tombait de si haut. La chute était douloureuse... si cruellement douloureuse.
Tous ses espoirs venaient de partir en fumée, emportés jusqu'aux confins de la mer.
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