Maman,

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit.

Après avoir porté Akane jusque dans la chambre d'amis, je me suis réfugié dans cette salle d'entraînement. Tu sais, cette pièce ou père me faisait passer toutes mes journées lorsque je n'étais qu'un enfant. Je me suis assis sur ce tatamis et j'ai laissé les flashs du passé prendre possession de mes pensées. Mes blessures cicatrisées se sont d'emblée ouvertes de nouveau. Je me suis aperçu, le visage empli de sueur, le souffle saccadé, tenant difficilement sur mes petites jambes.

Ses iris bleues étaient rivées sur moi, et me donnaient cette impression horrible de ne pas être un enfant. De ne pas être un humain. Mais juste un prototype parfait.
Mes poings se sont serrés, mais je ne voulais pas quitter cette pièce maman. Et ce, parce que j'avais besoin de savoir. Je ne dois pas fuir le passé, je ne peux pas me permettre de fermer les yeux sur ses souvenirs tortueux au sein desquels tes larmes glissent sur tes yeux à cause de la douleur que papa t'a provoquée.

Je tremblais lorsque sa main s'abattait contre ta joue. Je n'étais pas en mesure d'agir, les membres du corps paralysés je demeurais tout simplement faible.

J'ai fait renaître les souvenirs du passé cette nuit pour savoir si je suis réellement en mesure de tourner la  page. Sous le ciel étoilé en présence d'Akane, j'avais cette douce impression qu'un avenir empli d'espoir me tendait les bras. Puis lorsque je lui ai enfin soufflé ce secret, ces deux mots que tu aimais me murmurer lorsque j'étais dans tes bras, secoué par mes sanglots, j'ai sentit un verrou de mon cœur lâcher prise. Il s'est brisé. Broyé.

Je peine encore à y croire. Ai-je donc tant changé que ça ? J'ignore si j'ai pris la bonne décision, mon cœur vacille entre celui que j'étais avant, en l'occurrence le garçon impassible dont l'existence se résumait à renier son père et à exceller dans tous les domaines et celui que je suis actuellement... Celui qui est déterminé  à s'emparer des minces filaments d'espoir, et celui qui veut parvenir à rendre heureuse la plus merveilleuse des personnes qui s'est malheureusement retrouvée détruite par les coups inévitables de la vie.

Akane.

Lorsque je la regarde j'aperçois un reflet de la personne brisée que j'étais. Néanmoins, les cassures perdurent au sein de mon âme, mais en tentant de l'aider à se relever après chaque blessure je parviens à oublier mes propres douleurs. Lorsque l'on doit s'illustrer fort pour quelqu'un qui nous est précieux on en vient à vaincre nos propres faiblesses. Lorsque je l'ai aperçue cette nuit, exposée aux pâles rayons de la lune, mon cœur a bondit dans ma poitrine. Elle me paraissait si innocente, et cela lui procurait une beauté que je semble être le seul à apercevoir. Mes pupilles ont pris soin de la détailler, et c'est à cet instant que je n'ai plus vu aucun sens à la théorie des prénoms. Elle s'appelle juste Akane, qui en soit n'est ni plus ni moins qu'une succession de trois syllabes. Mais Akane n'est pas juste Akane. Elle est la personnification d'une boule d'émotions que j'ai toujours logé en moi. Elle est ma colombe déchue, mon étoile scintillante qui menace de fuser à travers le ciel sans prévenir. J'ai cette peur logée en moi maman, je ne peux plus la refouler. J'ai peur qu'elle s'en aille avec la Némésis. J'ai peur que sa présence à mes côtés ne soit pas le résultat d'un choix guidé par son cœur.

En dépit de tous les sentiments que je peux ressentir, mon objectif reste le même. Je dois devenir le meilleur. Malheureusement, si j'en crois les mots de père l'affection que je développe envers Akane s'illustre comme étant un frein à mon plus grand rêve.
Je ne comprends pas. Ma définition du super-héros s'en voit troublée. Ce métier ne demande-t-il pas une once d'humanité ?
Je suis perdu. Je vacille encore et encore. Tout serait beaucoup plus facile si elle n'était plus là. Mais en même temps, je perdrai peut-être la seule véritable amie que je n'ai jamais eu. Celle avec qui je peux m'allonger et contempler l'immensité du ciel pendant une durée indéterminée.
J'espère qu'elle ne filera pas parce que malgré tout ces mots restent encrés dans mon esprit : "Loyal jusqu'à la mort." Alors cette nuit j'ai regardé les étoiles et j'ai prié pour qu'elle ne me pousse jamais à commettre le pire.

Je ne demande pas à Akane de me suivre jusqu'à la fin de ses jours, bien qu'au fond je commence à prendre conscience que mon cœur ne désire que cela. Non, je lui demande simplement d'être heureuse, et de garder espoir. Et pour cela, je serai prêt à tout. Si un jour on venait à me dire que son bonheur prendra naissance qu'à condition que je m'éloigne d'elle pour l'éternité, alors je le ferai sans hésiter.
C'est quand je la vois, c'est quand je croise ses deux prunelles aussi pétillantes que deux perles que je me dis qu'un véritable héros est celui qui est prêt à mourir pour les personnes qu'il aime. Elle m'a appris ce qu'était l'humanité, et surtout, l'amitié, l'amour. Et rien que pour ça, je lui dois une reconnaissance éternelle.

Ton fils, Shoto.