Chère maman,

Je sens que quelque chose de terrible va arriver dans les jours à venir.

Je te rassure, ce que tu lis là n'est pas la manifestation d'un pessimisme horrible que j'aurais contracté durant ces derniers temps. Cette première phrase que j'ai écrite résulte des choses que je vois. Il est cinq heures du matin au moment même où j'écris ces mots. Figure-toi que de ma chambre j'entends les bruits des coups qu'Akane donne depuis la salle d'entraînement. Elle est revenue à ma plus grande surprise. En fait, je doute que le terme "revenue" soit convenable. C'est vrai, d'ordinaire on utilise ce mot pour désigner le retour d'une chose qui était partie. Là, j'ai plus l'impression qu'il s'agit de l'arrivée d'une personne nouvelle.

Akane s'est métamorphosée, ou du moins, c'est ce qu'elle me laisse croire par son comportement. Et même son physique.
Ses longs cheveux fascinants sont devenus un vieux songe auquel je me surprends à penser lorsque mes yeux croisent sa coupe au carré qui s'arrête au niveau de son cou. Elle arbore avec une lueur de fierté deux cicatrices que beaucoup seraient d'accord pour dire qu'elles ne la mettent pas vraiment à son avantage. Ce n'est plus cette Akane que j'avais rencontré dans un vieux coin paumé de rue. Celle qui s'entraîne sans relâche sous les instructions de père, est une fille qui a pour désir d'être indépendante. Je le vois dans son regard, j'ai presque l'impression que nous possédons le même. Akane semble se ficher du regard des autres désormais, ce qui est assez étonnant pour une fille qui était membre d'un groupe de musique "branché". 

Je me dois d'avouer qu'elle est plus forte, et que je viens me placer aux antipodes des opinions en pensant que ses cicatrices contribuent à lui procurer une beauté spéciale. C'est celle qui vient de l'intérieur, elle est fascinante. En apercevant ses yeux vairons, j'ai l'étrange impression que son côté doux d'autrefois vient se mêler à une rage que je ne saurais nommer.

C'est ça qui me fait peur.

Je doute qu'elle lutte pour la justice à laquelle un super-héros aspire. Elle se bat pour la vengeance. Et je pense avoir ma petite idée en ce qui concerne l'individu qu'elle désire coûte que coûte anéantir. C'est probablement le type contre lequel Endeavor s'est battu. Ce type était vêtu de noir, quiconque aurait pu penser que c'était l'ombre vengeresse. Mais ce n'était pas lui. Il était accompagné d'une jeune fille, qui était aussi rapide que l'éclair. Je pense que la ou plutôt les cibles d'Akane, ce sont eux. Ils l'ont toujours été, depuis le début.

Maman, tu te doutes que si moi j'ai été à même de comprendre tout ça, il est évident que père aussi. Et pourtant, il s'obstine à entraîner cette jeune fille alors qu'il a dû deviner que ses intentions ne sont pas du tout ce qu'elle avait dit lors de leur rencontre : devenir une héroïne. Ce "rêve" est un beau costume derrière lequel elle dissimule des intentions meurtrières.

Endeavor, le grand super-héros est en train de former une criminelle. Mais, j'ose espérer au fond de moi que je fais fausse route. Il est à mon avis possible que père a pour intention de changer les objectifs d'Akane. La raisonner. Malgré toute la haine que j'ai pour ce fumier, je suis forcé de dire que ce serait louable de sa part.

En ce qui me concerne, j'attends avec une vigilance extrême ce moment terrible. Ce moment terrible où Akane aura pris sa décision. Je ne la laisserai pas faire. Ses idéologies vont à contre-sens de celles de héros. Elle pourra compter sur moi pour barrer sa  route. Je n'ai nul doute sur le fait qu'elle s'en doute bien que je risque de mettre à mal ses plans. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle a développé une froideur considérable à mon égard. Ou peut-être qu'il y a une autre raison ?
Peu importe ça m'est égal.

Je dois te laisser maman. Il est nécessaire que je dorme, et encore une fois je serai bercé par la détermination d'Akane qui me parvient d'ici.

Ton fils,

Shoto.