CHAPITRE 72 : PROJETS ET LUEURS D'ESPOIR
CHAPITRE 72 : PROJETS ET LUEURS D'ESPOIR
— Voilà, c'est tout ce que je sais, conclut Megan sans cesser de triturer ses doigts.
Shôta Aizawa qui lui faisait face, crayon et calepin en main, poursuivait sa prise de notes. Son écriture était minuscule, d'où elle était Megan ne parvenait pas à décortiquer ne serait-ce qu'un seul des mots qu'il avait écrit. Il lui fallut quelques secondes pour décréter qu'elle ne comprendrait jamais ses notes, étant donnée que ces dernières étaient rédigées en une langue étrangère qui n'était autre que le japonais.
Néanmoins, il était assez aisé de deviner le sujet principal de chacune des phrases qu'il griffonnait. Son rapport devait sans aucun doute concerner le trio de Shiketsu, responsable de l'enlèvement de Shoto Todoroki. Le professeur principal de ce dernier se laissa aller contre le dossier de sa chaise avant de soupirer. Il fit tournoyer son cou, tentant en vain de soulager les douleurs articulaires dont il était victime. Les cernes qui berçaient ses deux boules d'onyx qui lui servaient de prunelles témoignaient du manque de sommeil dont il souffrait. Les bandes accrochées autour de son cou rendaient difficile la vue de cette barbe de trois jours qui mangeaient ses joues et ses longs cheveux ébènes disposées autour de son visage avaient dû connaître le strict nécessaire niveau soins capillaires.
Megan déglutit, et attendit avec appréhension que l'adulte qui lui faisait face prenne la parole. Durant cette attente, elle put de nouveau constater que le drap étendu sur son corps avait une texture désagréable. Une odeur d'antibactérien torturait ses narines et semblait se propager jusqu'à sa gorge. Megan détestait les chambres d'hôpitaux.
— Comment vont Wallie et les autres membres de son équipe ? demanda-t-elle enfin.
Cette question à peine prononcée, elle se souvint de l'effet spontané qu'avait eut sur elle l'alter de l'infirmière de Yuei. Cette vieille dame très sympathique semblait être en mesure de réaliser des miracles. Elle pensa très fort à ça pour tenter en vain de se rassurer. Wallie allait bien, c'était une évidence.
— Izuku et Eijiro sont rétablis. Quant à Wallie, physiquement elle commence à s'en remettre, lui répondit le professeur. Mais, psychologiquement c'est autre chose. Elle a subi un traumatisme et à en croire ses paroles elle ne veut plus devenir une héroïne, débita-t-il avec un calme effrayant.
Megan sentit un terrible frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Elle écarquilla les yeux, et eut du mal à assimiler les paroles du professeur. Pendant quelques secondes, elle fut tentée de se dire qu'elle avait mal compris ses propos, mettant ça sur le fait que l'accent anglais du trentenaire n'était pas des plus parfaits.
Wallie Jones était une élève brillante, sûrement l'une des meilleures appartenant à la filière héroïque de leur établissement californien. Il était dur de concevoir qu'elle puisse penser à tout arrêter.
— Non ce n'est pas possible, souffla l'adolescente.
— Si. Elle a peut-être pris la bonne décision, avoua-t-il en se levant. Wallie a conscience des véritables dangers qu'impliquent le métier de super-héros. Bien-sûr, ce qui lui est arrivé est terrible... Mais une fois que vous serez pros, ce genre d'incidents fera partie intégrante de votre quotidien.
Elle déglutit avant d'hocher de la tête. Elle tenta en vain de dissimuler avec brio la trembleur de ses mains.
— Est-ce que je peux aller la voir ? s'enquit-elle.
— Désolé, ce ne sera pas possible, avoua-t-il en se massant l'épaule. Puis, loin de moi est l'envie de m'attirer les foudres de ton professeur principal.
— Mais je me sens beaucoup mieux ! protesta-t-elle.
Shôta Aizawa soupira, et murmura quelques paroles japonaises dans sa barbe.
— Ne t'en fais pas, dès demain tu pourras sortir. Tu vas enfin rentrer chez toi.
Elle conserva le silence et garda les yeux rivés sur ses doigts. "Chez toi". Elle se retint d'émettre un rire ironique. Megan Lawrence aurait aimé connaître cette sensation qui devait envelopper l'âme d'un être vivant lorsqu'il était dans un endroit où il se sentait épanoui, heureux et en sécurité.
Heureusement pour la jeune fille, elle n'eut pas le temps de se noyer dans les vagues de ses pensées moroses. Trois coups retentirent contre la porte, le professeur principal de la seconde A s'empressa d'ouvrir et quelques secondes plus tard il fit volte-face avant de la scruter.
— T'as de la visite. Je vous laisse.
— Ah..., bredouilla Megan. Katsuki, t'es déjà sur pieds ?
À sa grande surprise, aucun frisson de peur ne l'assaillit lorsque ses pupilles se fondirent dans les siennes. Les mains plongées dans les poches de son jogging sombre, le blond avança en sa direction avant de s'asseoir sur le siège qu'avait occupé son enseignant quelques minutes avant lui. Megan peinait à reconnaître Katsuki Bakugo. Tête baissée, avec un immense pansement au front et d'autres égratignures sur le visage, il semblait envahi par une déception qui avait sans aucun doute provoqué l'extinction de cette lueur de rage qui avait pour coutume d'incendier son regard. Ses lèvres ourlées formaient une ligne simple, et loin d'elles semblaient l'envie de se relever en un rictus cruel. Incroyable mais vrai, ses cheveux étaient encore moins structurés que d'ordinaire. Quelques-unes de ses mèches dorées caressaient l'extrémité de ses cils de la même couleur. Megan se hurlait de ne pas succomber à l'envie de le serrer dans ses bras pour évacuer cette peine dont il était victime.
— Tu vas mieux ? demanda-t-elle.
— Si je suis là, ça veut dire que oui.
Il baissa encore plus la tête, voûtant ainsi ses épaules affûtées.
— Je ne pense pas que Double-face puisse en dire de même, lâcha-t-il d'une voix désincarnée.
Megan sentit son cœur s'ébranler. Elle tourna la tête, et se mordit la lèvre inférieure. Elle serra les poings en sentant ses canaux lacrymaux se remplir de ce liquide maudit qui ne devait surtout pas couler le long de ses joues.
— Tout ce que j'ai fait, poursuivit Katsuki d'une voix étrangement basse, c'est provoquer la chute d'All Might et ne pas avoir été foutu d'empêcher ces merdeux de se barrer avec l'autre mec chiant.
Elle le regarda et devina avec aisance le tumulte d'émotions qui se jouait à l'intérieur de son âme. Il inspira. Il souffla. Puis, il enfouit sa tête dans ses mains et au vu des légers spasmes qui agitaient son corps, Megan devina sans peine que Katsuki était en train de pleurer. Les yeux humides, la gorge serrée, l'adolescente avala difficilement sa salive.
— Putain fais chier ! hurla le garçon, le visage toujours caché.
— Katsuki...
Avec une force insoupçonnée elle força le blond à briser cette cachette pathétique qu'il avait érigé avec ses mains, en tentant en vain d'éloigner ces dernières de son visage. Il essaya de lui résister, mais au bout de quelques instants, il baissa les armes. Megan pencha la tête avant de l'approcher de la sienne afin de vérifier qu'elle n'était pas en train de rêver.
— Regarde-moi.
Quand bien même la phrase était à l'impératif, elle fut prononcée avec une douceur rassurante.
Il la fixa.
Ses joues étaient aussi rouges qu'un brasier et leur couleur allait de paire avec le disque vermeille qui encerclait ses pupilles.
Il renifla.
Son regard était brillant, empreint d'une pointe de délicatesse et de vulnérabilité. Étant mouillés et collés, ses cils avaient l'air plus longs et épais que d'ordinaire.
Soudain, Katsuki se leva avec une brutalité qui fit vaciller la chaise qu'il occupait. Il s'approcha de la fenêtre de cette chambre et se mit à observer l'horizon.
— Megan, est-ce que j'ai foiré ? demanda-t-il.
— Je pense qu'on a tous notre part de...
— Avec toi, la coupa-t-il.
Un silence s'immisça dans la pièce.
— Katsuki, à partir de demain tu n'auras plus à me voir. Donc, laissons tomber...
— Ta gueule, s'il te plaît.
Il posa sa main sur la vitre, et l'adolescente quitta son lit pour le rejoindre. Elle grimaça légèrement en sentant la froideur du carrelage impeccable lui ronger la plante des pieds.
Comment prêter attention à la vue qui s'offrait à elle lorsque cette dernière était en confrontation avec un spectacle fascinant portant le nom de Katsuki Bakugo ?
— Je ne peux pas rester les bras croisés, dit-il.
— Ce n'est pas à nous de retrouver Shoto. Ne fais pas la même erreur que lui, lui rappela-t-elle. Lorsque tu as été en...
— C'est bon, c'est bon..., râla-t-il. Je suis pas un demeuré.
Megan contempla son profil, et souffla. Elle avait du mal à croire que dès demain, elle ne pourrait apercevoir son visage de si près uniquement dans un monde onirique auquel elle seule y avait accès.
— Tu te barres demain c'est ça ? fit remarquer Katsuki.
— Oui, enfin. On pourra dire qu'on aura accompli un exploit. C'est vrai, regarde... Aucun de nous deux n'a mangé l'autre. Bon, j'avoue qu'il y avait très peu de chances que ce soit moi qui te mange, mais voilà...
Elle cessa de parler en remarquant qu'elle n'avait pas pour habitude de débiter autant de paroles en présence d'une personne autre que Wallie.
— Désolé, dit-elle. Pour le... Coup de poing.
Le blond haussa un sourcil, et contre toutes attentes elle crut voir l'ombre d'un sourire effleurer ses lèvres.
— Ce jour-là j'ai faillit te buter, avoua-t-il avec une pointe de nostalgie perceptible dans sa voix.
— Que ce jour-là ? Avoue que t'as essayé plusieurs fois pendant les séances d'entraînement.
— Arrête de dire n'importe quoi, c'est de ta faute tout ça.
— Pourquoi ?
Les pupilles de son interlocuteur dévièrent de la fenêtre pour se poser sur elle. Megan remarqua du coin de l'œil que le poing du garçon s'était serré, et elle se prépara mentalement à retrouver le Katsuki Bakugo impulsif, incapable de maintenir un dialogue plus de dix secondes.
— Tu le sais, grogna-t-il. Tout le monde te voyait comme une fille fragile... Même moi j'y ai cru. Mais en fait c'est pas le cas. Je m'en doutais et c'est pour ça que j'ai fait ça. Je voulais juste voir ce que t'avais dans le bide.
— T'as conscience que tu m'as fait du mal juste pour voir... "Ce que j'avais dans le bide ?"
— Et alors ?
Elle soupira. Puis, sans prendre la peine de réfléchir plus que ça elle lui asséna un léger coup de coude dans le bras. Le garçon, surpris, n'attendit pas pour rappliquer.
— Tu vas mieux ? demanda Megan.
— Un peu.
Elle esquissa un léger sourire. Il posa sa main sur la nuque de sa coéquipière avant de se mettre à enrouler autour de ses doigts quelques-unes de ses mèches bouclées.
— Ne pense pas que tu pourras m'échapper dès demain, commença-t-il en la fixant avec ardeur. Je...
Il soupira. Il crispa la mâchoire.
— J'irai où tu voudras, lâcha-t-il enfin. Attend juste que je sois diplômé, et je... Et putain ! Ça fait chier ! Je suis en train de dire ce que m'avait conseillé de te cracher Double-face, avoua-t-il.
Elle explosa de rire. Un sentiment indescriptible naquit au sein de sa poitrine et elle n'aurait su dire pourquoi. Pendant quelques instants, la peine logée dans son cœur fut éclipsée. Elle attrapa la main libre de Katsuki, et la logea dans les siennes avant de le regarder avec bienveillance.
— Reste toi-même, et tu sais quoi ? Tu seras moins effrayant qu'il y a quelques secondes !
— Bien, alors dès que je serai diplômé où je pars, tu pars. Où j'irai, tu iras. Parce que c'est ce que je veux.
Un doux silence s'immisça entre les adolescents. Megan baissa la tête avec tristesse, et un sourire mélancolique se dessina sur ses lèvres. Elle remarqua que le garçon attendait avec impatience une parole de sa part, mais ses mots étaient bloqués. Elle ignorait comment lui dire que sa volonté ne serait jamais exaucée.
— Ce ne sera pas possible Katsuki, annonça-t-elle enfin.
— Quoi ?
Il eut un bref mouvement de recul. Ses sourcils se froncèrent. Il avait peut-être connu quelques échec ces derniers temps, mais il était décidé à ne pas en connaître un autre.
— Ne me mens pas ! s'exclama-t-il. La dernière fois près du lac tu m'as clairement fait comprendre que toi aussi tu avais... Et tous ces messages ? Ce qui s'est passé à New-York ? Tu vas essayer de me faire croire que pour une fille comme toi, c'est de la merde ?
— Il y a une différence entre vouloir et pouvoir ! craqua-t-elle. En dépit de quelques disputes tu m'as tant apportée, mais... Mais quand bien même je meurs d'envie de te retrouver plus tard, je ne pourrai pas.
— Oy... Tu crois que ton agoraphobie de merde va nous mettre des bâtons dans les roues ? lâcha-t-il en un rire amer.
Elle ne répondit rien. Il s'approcha d'elle, et brisa la distance qu'elle avait instauré entre eux. Son visage était si près du sien que son souffle chaud caressait sa peau au teint basané. Megan n'était pas naïve, et elle avait bien remarqué que ses prunelles écarlates dévoraient ses lèvres. Les paupières de l'adolescent se fermèrent, mais en raison de sa naturelle brutalité le front des deux coéquipiers se cognèrent l'un contre l'autre. Le garçon lâcha un juron, et Megan exprima très furtivement sa douleur. Soulagée et avec le coeur qui battait à en rompre allure, cette dernière recula avant de poser sa main sur le torse du jeune Bakugo.
— Tu es trop rapide Katsuki. Laisse-moi juste du temps. Laisse-moi juste le temps de... De te faire entièrement confiance, de me confier à toi, de ne plus avoir peur, et d'assumer qui je suis.
— C'est pour ça que tu me fais chier ! souffla Katsuki. Tu me pousses à changer mes habitudes... Ok. C'est d'accord pour adopter ta vitesse de tortue.
Un sourire illumina le visage de la jeune fille. Le blond détourna la tête, et lâcha sa main.
Megan était presque heureuse. Son coéquipier était de retour, de nouveau détenteur de sa hargne et détermination. Peut-être qu'avec un peu d'espoir, de force et de volonté, Wallie ne renoncerait plus à ses rêves, et Shoto serait de retour parmi eux. Oui, Megan avait envie d'y croire pendant quelques instants. Elle avait envie de croire qu'un jour tout rentrerait dans l'ordre. Elle avait envie de connaître le véritable bonheur durant quelques minutes. Son avenir était peut-être semé d'embûches, caractérisé par une peine et une peur enfouie au fond d'elle-même qu'elle ne parvenait pas à communiquer et une maladie qu'elle ne parvenait pas à éradiquer. Mais, tous ces obstacles se voyaient désormais confrontés à un autre de taille, qui la soutenait et était bien décidé à relever sa tête baissée. Et cet obstacle, il s'appelait Katsuki Bakugo.
La tasse de thé vert que lui avait apporté sa grand-mère était sûrement aussi froide qu'une eau de source. Les cookies au chocolat n'avaient pas été touchés, et pendant quelques secondes elle déplora l'absence d'Asta, se disant que ce dernier aurait aimé les engloutir. Akane était désolée de ne rien manger et rien boire, alors que sa grand-mère avait pris la peine de faire le trajet jusqu'à la demeure des Todoroki pour lui apporter son soutien.
Fuyumi était en train de pleurer dans la salle de séjour, et Iwa Isayo tentait en vain de la réconforter. La télévision allumée laissait entendre les paroles virulentes prononcées à l'égard d'Endeavor, le nouveau numéro un qui avait " du mal à assumer cette ascension brutale". Les critiques envers le père de Shoto Todoroki fusaient de toutes parts. Nul ne comprenait comment un tel incident avait pu se dérouler alors qu'il était dans les environs.
Le journal télévisé s'était succédé d'un débat où des personnes importantes, vêtus de costards et de robes élégantes, s'étaient permises de remettre en question le système de sécurité de Yuei.
Les doigts serrés sur la basse qu'il lui avait offerte à Noël, les yeux rivés sur ce bouquet de roses qui trônait sur la table de sa chambre, Akane ne désirait faire qu'une seule chose : demander à toutes ces langues de vipères de la fermer. Nul ne pouvait se permettre de critiquer Endeavor de la sorte, lorsqu'ils n'avaient pas conscience du contexte contre lequel il avait été confronté. Akane n'était pas surprise de la réaction des médias. Ces derniers ne faisaient autre que mettre en évidence la fébrilité à laquelle était désormais sujette la société, depuis la retraite d'All Might.
Elle soupira.
Akane sentait son être entier se noyer sous des vagues de tristesse et de désespoir. Elle baissait les armes. Pendant un long moment, elle avait réfléchit à se livrer. Mais elle était vite revenue à la raison, en se disant qu Henael n'aurait jamais utilisé Shoto comme moyen de chantage. Non, il était évident que s'il avait pris le risque de s'en prendre à ce jeune garçon, c'était uniquement parce que ce dernier avait le malheur de posséder quelque chose qui l'intéressait.
Elle aurait aimé s'abandonner aux larmes à l'instar de Fuyumi, mais son être entier semblait glacé dans une tristesse profonde.
Elle sortit de son état léthargique en entendant son téléphone émettre plusieurs vibrations d'affilée. Elle soupira et se laissa tomber le long de son lit, un bras en travers de son visage.
Son téléphone reprit de plus belle sa symphonie agaçante, et elle devina sans peine que ça devait être Takara, Mike ou Asta. Cependant, lorsqu'elle lança un coup d'œil à son écran elle fut surprise de voir que la personne qui cherchait à la contacter n'était autre que Dudu.
— Allô ? murmura-t-elle d'une voix éteinte.
— Je ne vais pas oser te demander si ça va, ce serait osé de ma part. Je suis vraiment désolé.
Akane ne dit rien et laissa sa tête se réfugier contre son oreiller.
— Néanmoins, reprit Dudu, j'ai un moyen. Je pense avoir un moyen pour t'aider à le retrouver.
Elle se redressa.
— Comment ?
— Sirius Blackthorne, soupira-t-il. Si la Guilde cherche coûte que coûte à le réveiller, ce n'est pas pour rien. Il possède sans aucun doute des informations capitales, comme par exemple, le lieu exact de leur QG.
Les yeux d'Akane s'écarquillèrent. Une mince lueur d'espoir naquit dans les tréfonds de son cœur.
— Tu penses qu'il faudrait réveiller Sirius ?
— Je ne le pense pas, j'en suis sûr ! Mon instinct me dit qu'à l'instant même où je te parle, Shoto est déjà quelque part au Japon. Si vous parvenez à soutirer des informations à ce mec, vous avez des chances d'intervenir à temps.
— Il faut que je dise ça au poulet..., murmura Akane pour elle-même en pensant à Hawks.
Elle se leva d'un bond, prête à aller à l'encontre des instructions que lui avait donné ce dernier, en ayant pour projet de quitter la demeure des Todoroki. Elle enfila une paire de baskets tout en maintenant son téléphone coincée entre son épaule et son oreille. Il fallait absolument qu'elle se rende au sein de l'agence Endeavor afin d'informer Hawks du fait qu'ils devaient coûte que coûte trouver un moyen quelconque de réveiller Sirius Blackthorne dans les heures qui allaient suivre. Soudain, l'adolescente se stoppa dans sa lancée.
— Mais attend... Si on réveille Sirius et que la Guilde l'apprend, ils n'auront plus aucune raison de garder Shea en vie...
— Pas si on la sauve avant même qu'ils n'aient réalisé que l'on a réveillé Sirius avant eux et qu'on lui a soutiré des informations.
La détermination qui animait sa voix provoqua un frisson chez la jeune fille.
— Merci..., souffla-t-elle.
— Bon allé ! s'exclama-t-il avec une joie dont lui seul en avait le secret. Dépêche-toi d'agir, moi je me charge de faire en sorte que le psychopathe qui me sert d'accolyte ne vienne pas se mêler à la fête. Parce que là, si tu veux mon avis, il est pas d'humeur à aller manger des barbes à papa maintenant qu'il sait que celui qu'il convoitait comme futur cible vient de lui échapper.
Akane ne manqua pas de lui assurer qu'il pouvait compter sur elle, avant de raccrocher. Ce n'était pas le moment d'abandonner, bien au contraire. Animée par cette pensée, l'adolescente poussa enfin la porte de sa chambre. Cependant, quel ne fut l'effroi de Fuyumi et sa grand-mère lorsqu'elles réalisèrent qu'elle était sur le point de mettre le nez dehors à une heure où la nuit était à deux doigts de tomber. De son côté, Natsuo avait esquissé une grimace qui laissait clairement sous-entendre que son initiative n'était pas du tout une bonne idée.
— Je pense avoir un plan pour trouver Shoto ! s'exclama-t-elle en rivant un regard implorant sur les adultes qui lui faisaient face.
— Akane ! Il est hors de question que je te laisse courir ce risque ! dit Fuyumi en séchant avec brutalité les larmes sur ses joues.
— Fuyumi je t'en supplie... Laisse-moi rejoindre l'agence de ton père.
— Tu as bien entendu les instructions de mon père et celles de Hawks !
L'adolescente serra les poings avant d'inspirer. Elle souffla un coup, et décida de ne pas lâcher prise.
— À ma place, Shoto se serait démené pour me retrouver. Il l'a déjà fait même ! Il n'a pas hésité à transgresser des règles pour venir me chercher lorsque j'étais partie avec Sirius Blackthorne de mon plein gré qui plus est ! Alors...
— Laissez-la, dit Iwa Isayo à la grande surprise des deux membres de la famille Todoroki. Mais... J'aimerais qu'Asta t'accompagne. Ce garçon est rempli de bienveillance et je sais que si tu es avec lui il ne pourra rien t'arriver.
Elle hésita quelques secondes. Loin d'elle était l'envie de mettre Asta dans une situation peut-être dangereuse. Puis, elle ne voulait pas donner l'impression de profiter de lui.
— Entendu, prononça-t-elle contre sa volonté.
Cette simple parole eut le mérite d'allumer une lueur de soulagement dans le regard de sa grand-mère.
— Ce n'est pas trop tôt..., grogna le moustachu à qui Asta venait tout juste de servir un plateau d'onigiris.
— Désolé... Je..., balbutia-t-il avant de secouer la tête.
Il était inutile d'expliquer à ce client qu'il était dans une mauvaise passe, qu'il devait faire des efforts surhumains pour ne pas se focaliser sur les pulsation cardiaques ou encore le flux sanguin de chaque personne qui l'entourait. Il était également inutile de lui dire que sa lenteur était le résultat de cette douleur atroce qui torturait ses dents, et remontait jusqu'à ses oreilles.
— C'est de mieux en mieux dans ce restaurant...
Les doigts d'Asta mourraient d'envie de jeter ces fichus onigiris à la figure de cet homme, mais le visage de sa mère fit aussitôt frein à ses pulsions. Elle ne serait pas très contente d'apprendre qu'il lui avait fait perdre un client dans un excès de colère.
Agacé de supporter les regards réprobateur des personnes qui l'entouraient, le jeune homme sortit de la salle en trombe, manquant de peu de se faire renverser par un serveur.
Lorsque l'air frais de l'extérieur souffla sur son visage il passa sa main dans sa chevelure de jais et laissa échapper un profond soupir. Il ne fallait surtout pas qu'il reste seul, alors que la nuit était sur le point de tomber. Asta avait besoin de s'occuper, et ce, à chaque seconde de sa vie. Le moindre moment de solitude devenait dangereux pour lui, car Dieu seul savait ce qu'il était capable de faire en étant guidé par son propre instinct. Il inspira un bon coup, et entra de nouveau dans le restaurant de sa mère où des rires tonitruants et des discussions peu intéressantes se faisaient entendre un peu partout. Le regard ébène du grand brun s'attarda quelques secondes sur la télévision située au dessus du comptoir. Les informations portaient encore sur Endeavor, Shoto Todoroki mais aussi, sur ces trois jeunes gens recherchés par la police, dont le visage et l'identité avaient été donnés par les super-héros chargés de superviser l'examen de fin d'année des secondes en filière héroïque.
Asta sentit son cœur se briser lorsque son visage fit de nouveau son apparition sur cet écran. Plus rien n'existait désormais, si ce n'était ce regard émeraude, ce teint pâle, cette chevelure blonde et ces lèvres rosées presque rouges.
Au restaurant, les clients ne cachaient pas leur indignation. Comment se faisait-il qu'ils aient été servis pendant si longtemps par une criminelle ?
Certains prétendaient qu'elle avait sans aucun doute choisi de travailler ici afin de pouvoir surveiller de près le jeune Shoto Todoroki. D'autres, se laissaient aller à leurs avis stupides en disant qu'il était évident que cette jeune fille n'était pas nette, Madame Amane n'aurait jamais dû recruter une jeune russe.
Asta était sûr au fond de lui que tous se trompaient. Huri n'était qu'une adolescente, elle avait sûrement été manipulée...
— Franchement, on a eu chaud ! Quand je pense que je me suis fait servir par cette criminelle, lança un client.
— C'est dommage, je la trouvais plutôt jolie avec ses cheveux blonds et son petit corps assez bien formé ! Si elle m'avait pour patron, je peux vous dire que je ne l'aurais pas laissé partir.
Des rires gras accompagnèrent cette remarque, et Asta ne put s'empêcher de lancer un regard noir à celui qui avait pris la parole.
— Cette gamine serait une belle affaire...
— Taisez-vous bande de gros dégueulasses ! hurla Asta, la gorge nouée par la colère.
Sa voix eut le mérite de se faire entendre à travers les éclats de rire.
— Ah mais c'est vrai que c'était ta copine ! s'exclama le premier client. Dommage pour toi mon petit, on dirait qu'elle a préféré le gosse de riches.
L'adolescent le regarda avec mépris et colère. Huri n'était pas sa "copine", et quand bien même il avait encore un peu de mal à le supporter l'identité de Shoto ne se résumait pas à celle d'un "gosse de riches". Il pensa aux paroles qu'il avait prononcé quelques secondes plus tôt, et sans prendre la peine de réfléchir plus que ça, il lui asséna un coup de poing magistral dans la mâchoire. L'homme fut tellement surpris qu'il tomba de sa chaise, et l'action fut accueillie par des cris et des remarques qui n'avaient pour but que d'aiguiser les hostilités.
— Mais c'est qu'il en a dans le ventre ce petit imbécile..., cracha le client une main plaquée contre son nez ensanglanté.
Le jeune homme déglutit. Il ne savait même plus de quoi il était capable.
— Asta !
Il fit volte-face en entendant la voix de sa mère. Lorsqu'il vit cette dernière le regarder avec incompréhension, une main posée sur son ventre arrondi, il se sentit envahi par la honte et la tristesse. Il quitta le restaurant en trombe, et ne lança aucun regard derrière lui.
— Asta Amane ! s'exclama sa génitrice qui l'avait suivi. Maintenant ça suffit tu vas me dire ce qu'il t'arrive ! Je conçois que t'aies été déçu par Huri, on peut en parler ! Mais, c'est bien avant aujourd'hui que j'avais déjà remarqué que quelque chose n'allait plus chez toi.
Le garçon se stoppa dans sa lancée, et prit la peine de faire volte-face. Il tomba sur les prunelles de sa mère, similaire aux siennes en tous points. La douleur qu'il logeait en lui s'était irrémédiablement propagée en elle.
— Maman... J'ai juste besoin d'être seul.
Peut-être qu'au final la solution à son problème résidait dans la solitude. Asta avait besoin de mettre les choses aux claires avec lui-même.
— Je veux bien pour cette fois. Mais dès ce soir, ton père et moi on demande à avoir des explications justifiant ton comportement étrange. Tu te renfermes sur toi-même, tu ne manges presque plus et...
Elle craqua.
— Il y a un an on ne se serait pas fait du souci, avoua-t-elle. Mais t'as eu un cancer et aujourd'hui encore on remercie le ciel de t'avoir maintenu en vie. Je remercierai toujours ce miracle inconnu, d'avoir préservé mon fils, alors tu comprends... Tu comprends que dès que quelque chose ne va pas, je commence à avoir peur, terrifiée à l'idée que tout puisse recommencer.
Asta sentit une douleur aiguë martyriser son cœur. S'il avait pu, il se serait donné des gifles monumentales. Il était attristé, et son corps était en train de subir un changement qu'il se forçait de dissimuler aux yeux des autres. Il n'était qu'un débile. Comment avait-il pu oser agir de la sorte, et faire souffrir les personnes qui tenaient à lui ? Il passa sa main dans sa chevelure brune avant de penser à Akio. Quand bien même ce dernier ne lui avait pas dit, il était clair que de son côte aussi il devait peiner à comprendre toutes les raisons de son nouveau comportement. Il était temps pour Asta de dire la vérité à ses proches, quand bien même elle était dure à admettre. Il finirait bien par trouver une solution à condition qu'il ne perde pas espoir.
— Maman ! Ne t'inquiètes pas pour moi ! s'exclama-t-il avant de la serrer dans ses bras. Je vous expliquerai tout ce soir, promis.
La femme resserra l'emprise sur son fils et ce dernier qui était plus grand qu'elle, lui offrit un baiser au sommet du crâne.
— Ne te met pas dans un état pareil, mon futur petit-frère serait tenté de se venger sinon.
— Il est temps qu'il sorte de sa cachette lui d'ailleurs, fit-elle remarquer en un rire en déposant une main affectueuse sur son ventre arrondi. Je ne m'en fais pas pour son avenir, tant que tu es à ses côtés.
— Tu as raison car ce petit bébé ne manquera de rien !
Il fut sur le point d'ajouter qu'Akio, Takara et lui avaient pour projet d'acheter des vêtements au futur nouveau-né, mais les vibrations de son téléphone le stoppèrent dans sa lancée. L'halo bleuté de son écran illumina son visage et perça l'obscurité naissante qui l'entourait.
— Akane ! s'exclama-t-il. Comment tu vas darling ? Je suis vraiment désolé, je...
— Asta j'ai vraiment besoin de toi. Encore une fois, je suis désolée mais... Il n'y a que toi qui puisse m'aider.
Pendant quelques secondes il fut surpris et en même temps soulagé de l'entendre s'exprimer d'une voix claire et non pas hachurée par des sanglots. Son cœur se mit à cogner avec force dans sa poitrine lorsqu'elle lui demanda son aide. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
— Je ferai n'importe quoi pour t'aider ma petite, dis-moi tout, articula-t-il enfin.
— Merci Asta, tu es vraiment fantastique. Pour commencer, est-ce que tu pourrais m'accompagner jusqu'à l'agence Endeavor ?
— Oui bien-sûr, ne bouge pas j'arrive !
Il lança un regard vers sa mère, et celle-ci étant depuis longtemps au courant des sentiments de son fils envers sa meilleure amie haussa les épaules en un sourire et lui donna donc son autorisation.
— Fais attention à toi mon garçon, lui murmura-t-elle.
— Ne t'inquiètes pas pour moi maman !
Sur cette phrase rassurante, le garçon se dirigea vers la demeure des Todoroki avec un enthousiasme sans faille. Akane avait besoin de son aide. Il allait enfin pouvoir agir, et surtout, aider une personne à se délester d'un mal-être ou d'une difficulté. Et ce simple fait suffisait pour lui faire oublier ses propres maux.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro