CHAPITRE 71 : QUESTION FONDAMENTALE
CHAPITRE 71 : QUESTION FONDAMENTALE
L'orage grondait autour d'elles. Le vent hurlait, les branches se heurtaient et faisaient défaillir les plus grands feuillages. Alertés par ce vacarme, les oiseaux désertaient les lieux en laissant échapper des sifflements innocents. Les battements frénétiques de leurs ailes étaient des preuves de l'agitation qui devait sans aucun doute remuer leur instinct de survie. Ils n'avaient qu'à sinuer les airs pendant une certaine durée pour fuir l'intempérie que Megan avait créée. Par ailleurs, cette dernière était concentrée et à cause de la pression, la peur et la fatigue, chacun de ses muscles étaient tendus à l'extrême. Il ne fallait surtout pas qu'elle perde le contrôle de son alter. Son ennemie lui faisait face, toujours dotée de ce regard émeraude, stoïque, impassible.
Le ciel passa du gris à l'obscurité. Un premier éclair déchira les nuages.
— C'est toi qui fait ça ? demanda la blonde en essayant de se faire entendre à travers le fracas assourdissant de la pluie.
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire de savoir ? répliqua Megan d'une voix tremblante. Tout ce qui compte maintenant, c'est toi contre moi.
Un deuxième éclair zébra le ciel. Une vibration violente trouva refuge au sein même des veines de celle qui était à l'origine de cette intempérie. Cette dernière avança, puis recula. Elle était beaucoup trop effrayée. Cette blonde la terrorisait. Tout son être semblait respirer froideur et insensibilité.
L'adolescente déglutit.
Son adversaire passa une de ses mèches mouillées derrière son oreille, puis elle se mit à avancer. Megan recula. Encore.
— Oy...
— Katsuki ? balbutia-t-elle.
Elle tourna légèrement la tête. Ses iris vermeilles se détachaient de l'obscurité ambiante avec une somptuosité époustouflante. Deux rubis emplis d'espoir, de hargne et de détermination étaient rivés sur elle.
— Arrête de reculer, idiote. Arrête de chialer... Arrête ! hurla-t-il non sans serrer des dents.
En dépit de son état, le jeune blond essaya tant bien que mal de se relever. Lorsqu'elle le vit sur pieds, sa main tenant son bras blessé, du sang fleurissant sur son front et tâchant sa chevelure dorée et humide, Megan se sentit vivante.
— T'as raison, admit-elle. Ne te fatigue pas Katsuki, je m'occupe d'elle !
— Tu crois vraiment...que je vais rester spectateur ? lâcha-t-il en un rire amer. Je préfère mourir...
— Oh je vois, il est vraiment coriace.
Sur ces mots, la blonde se propulsa en leur direction, serra le poing, avant de l'enfoncer dans le ventre du jeune homme. Ce dernier étant beaucoup trop affaibli ne put pas riposter. Des gouttes de sang s'échappèrent de ses lèvres et glissèrent avec lenteur le long de son menton. Ses paupières se fermèrent, condamnant ainsi ses pupilles à l'obscurité pour une durée indéterminée.
Son corps s'effondra au sol. Megan sentit ses os se fossiliser, ses pieds s'enraciner à l'humus qui surplombait le bitume, et son souffle suspendre son cours régulier.
— Maintenant, il ne reste que toi. Allé, tue-moi, énonça froidement cette fille.
L'américaine serra les dents. Une multitude d'orages se mirent à déchirer le ciel, le visage des deux jeunes adolescentes étaient illuminés par les éclairs fugaces qui filaient de toutes parts.
— Pourquoi ?
Son poing vola. Lorsqu'il rencontra avec violence la joue de cette blonde, elle sentit une déchirure intérieure s'immiscer en elle. Ses coups se mirent à pleuvoir, et ils s'échappaient de ces derniers des flashs aveuglants. Les éclairs lacéraient la peau de son ennemie qui restait les bras ballants. Megan ne pouvait plus s'arrêter quand bien même son corps lui hurlait de mettre fin à ce supplice. Ses phalanges n'étaient plus en mesure de supporter le contact de cette mâchoire qu'elle venait brutaliser à chaque offensive. Mais le regard de Wallie hantait son cœur, le souvenir de ses blessures la poussait à ne pas lâcher prise et la vue du corps inerte de Katsuki suffisait pour lui ôter toute lucidité.
Ce ne fut que lorsque la blonde s'écroula que l'adolescente explosa en sanglots.
— Pourquoi ? murmura-t-elle. Pourquoi est-ce que l'ultime solution réside dans la violence ? Pourquoi est-ce que vous leur avez fait ça ? demanda-t-elle avant de se laisser tomber au sol.
Ses genoux furent sujets à une douleur incomparable lorsqu'ils se heurtèrent au bitume. Elle regarda avec frayeur les paumes de ses mains, parsemées de traces ensanglantées.
— Megan...
Elle ne bougea pas en entendant la voix défaillante de la jeune blonde. Le fracas de la pluie s'était tut, et les seuls sons audibles étaient les battements frénétiques de son cœur, et le souffle erratique de son interlocutrice.
— Tue-moi s'il te plaît. Achève-moi. Je n'en peux plus. Désolé. Désolé de t'infliger ça, soupira-t-elle.
— Pourquoi ?
— Je me pose les mêmes questions que toi Megan..., avoua-t-elle en un murmure. Pourquoi ? Pourquoi les individus ne naissent pas tous égaux ? Parce qu'on ne choisit rien dans la vie, peut-être est-ce ça la réponse.
Son interlocutrice tourna légèrement la tête, et en dépit de l'état pitoyable dans lequel se trouvait son visage, ses prunelles étaient aussi hypnotisantes que deux émeraudes.
— Le monde a besoin d'oppresseurs et d'oppressés, et ce ne sera pas à toi de décider du statut qui te sera attribué, conclut-elle.
Ce fut seulement à cet instant que Megan se souvint du nom de cette fille. Elle s'appelait Huri. En quelques secondes, par le biais de paroles murmurées, elle n'était plus la blonde au visage ferme et au regard stoïque. C'était une jeune fille frêle, au teint très pâle et au regard implorant. Elle avait la figure d'une gamine de quinze ans, qui n'aurait pas dû connaître haine et cruauté. Huri était un paradoxe et ceci était compréhensible à travers une observation assidue de son visage. Ses traits faciaux constituaient le champ de bataille d'espoir et néant.
Megan sortit de ses pensées en entendant une personne approcher en leur direction. Ce fut non sans trembler qu'elle osa lever les yeux pour les poser sur cet individu vêtu d'un pantalon et d'un col roulé noir doté d'une cape de la même couleur au niveau des épaules. Ses bottes cirées n'avaient pas leur place dans ce décor sauvage, en réalité, contrairement à elles, aucune crasse ou tâche de sang ne venait tâcher ses vêtements ou sa peau. Ses cheveux blonds presque blancs et décoiffés, encadraient un visage aux traits bien ciselés et détenteur d'un regard cynique, malicieux, teintés de ce bleu d'encre que l'on étalait sur les parchemins d'antan.
— Et baaaah ! souffla-t-il. Mais Huri dans quel état tu t'es mise !
— Zach ? C'est toi ? balbutia la blonde
— En chair et en os ! On rentre à la maison ma petite pompeuse de sang.
Comme pour accompagner ses paroles, il s'abaissa avant de soulever le corps d'Huri. Megan n'aurait su dire si c'était un mauvais coup de son imagination, mais il lui semblait avoir perçu une lueur de terreur à travers les prunelles de la jeune blonde. Elle était presque en mesure de ressentir également de son côté le frisson terrible qui avait sans aucun doute couru le long de sa colonne vertébrale lorsqu'il avait prononcé le mot "maison". La jeune fille connaissait cette souffrance qui se résumait à avoir peur de cet endroit que tous assimilaient à notre "chez soi".
— Attendez ! s'exclama-t-elle. Laissez-la !
Le blond se retourna et la toisa avec arrogance.
— N'ose même pas te mettre en travers de mon chemin.
— Je suis désolée de lui avoir fait ça, mais...
Elle se redressa et approcha sans ciller en sa direction. Comme elle s'y attendait, la physionomie d'Huri respirait une résignation profonde.
— Vous êtes-vous déjà demandés pourquoi est-ce qu'elle tient tant à mourir ?
— Huri ne veut pas mourir, répondit-il. Elle est juste entièrement dévouée à sa mission, aux causes qu'elle défend...et à moi.
Megan se sentit révoltée, mais elle était incapable de le faire comprendre. Au même moment, elle s'aperçut que des bandelettes blanches venaient de se resserrer autour d'elle. Elle n'eut même pas le temps d'hurler de frayeur, que déjà le professeur principal de Katsuki l'avait attiré à lui en un seul geste.
— Megan recule ! Ces types sont dangereux !
Elle cligna des yeux. Le grand blond et Huri avaient déjà disparu. Elle laissa échapper un souffle de stupeur, avant de s'adresser directement au professeur principal de la seconde A.
— Katsuki ! Il est blessé ! L'équipe de Wallie aussi, et Shoto a disparu, déblatéra-t-elle. Ce sont sûrement ces types, mais en attendant il faut qu'on fasse quelque chose pour les...
— Megan calme-toi, la rassura le professeur en posant une main sur son épaule. L'examen de pratique s'arrête là. Ne t'en fais pas, toute cette histoire va être résolue.
— Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il m'a fait ça papa ?
Sa voix était faible et enrouée. Il devait sans aucun doute avoir encore mal aux cordes vocales, tant il avait hurlé de douleur. Son faciès était sombre, abîmé, blessé et n'avait pour seules sources de vie que ces deux disques cyans qui lui servaient d'iris.
Ce jour-là il était resté tétanisé. Aucun son ne s'était échappé de ses lèvres, aucune réponse n'avait été donnée à ce pauvre enfant dont l'existence se retrouvait désormais dénuée de sens. Il n'était rien de plus qu'un échec.
— Pourquoi papa ? répéta-t-il.
Il avait serré les poings, et s'était contenté d'observer avec effroi son visage, dont la moitié de la peau était désormais calcinée.
Il ne peinait pas à visualiser la scène du crime. Des étincelles avaient sûrement dû obstruer son champ de vision et lui piquer les yeux. Il était resté allongé au sol qui à cet instant avait dû s'assimiler à un bûcher funéraire. La Mort. Il l'avait implorée. Il l'avait suppliée de le délivrer, de mettre fin à ses souffrances, mais elle avait refusé. Des pans de sa peau avaient succombé aux flammes laissant ainsi sa chair à vif se faire incendier.
— C'est de ta faute papa.
— Je suis désolé Touya.
Ce jour-là, ce fut la première fois où il daigna s'excuser. Il prit conscience de la banalité de cette phrase et de son incapacité à réparer ce qui semblait brisé pour toujours.
« Je suis désolé. »
Ça n'avait aucun sens. Enji réalisa que le pardon était fade, qu'il n'était ni plus ni moins qu'une formalité dénuée de profondeur.
°•°
— Je te déteste ! hurla-t-elle en sanglots.
Était-ce la colère ou les larmes qui rougissaient ses joues de la sorte ? Ses yeux gris étaient devenues deux fentes où se logeaient folie et désarroi. Ses cheveux blancs étaient toujours aussi magnifiques, et il aurait aimé les toucher pour vérifier s'ils étaient toujours aussi soyeux.
— Mais tu n'es qu'un monstre ! s'emporta-t-elle.
Elle se précipita vers lui et se mit à ruer son torse de coups. Enji fronça les sourcils, et la poussa sans aucune retenue. Sa femme tomba au sol non sans laisser échapper un gémissement, avant de laisser libre court à ses larmes.
— Mes fils... Touya... Mon bébé, sanglota-t-elle. Tu les as détruits. Je ne te pardonnerai jamais. Jamais, tu m'entends ?
Peu lui importait. Le pardon n'avait aucune valeur, ce n'était qu'une chose futile à laquelle les personnes faibles aimaient s'accrocher.
— Ce ne sont pas des enfants, cracha-t-il. Juste des échecs. Des échecs purs et simples, tu comprends ?
Non, elle ne comprendrait jamais. Personne ne comprendrait d'ailleurs. Tous étaient bloqués dans leur vision étriquée des choses, chacun était déjà assez accaparé par ses propres tourments et galères. De ce fait, nul ne serait en mesure de connaître l'étendue de la haine et de la frustration qui s'étaient développées en lui. C'était pour cette raison qu'il n'avait aucun scrupule à agir comme bon lui semblait.
Il tourna les talons, et lorsqu'il ouvrit la porte de sa chambre il haussa un sourcil en apercevant en face de lui les yeux gris de Fuyumi. Cette dernière resserra l'emprise qu'elle effectuait sur le petit garçon de deux ans blotti contre elle.
— Il... Il a faim..., murmura-t-elle avec peur.
— Laisse le moi.
— Je... Est-ce que je... Je peux lui donner moi-même à manger ? Il faut juste qu'on me dise où sont ses compotes.
Qu'est-ce que cette gamine ne comprenait pas lorsqu'il disait qu'elle devait le lui laisser ? D'un geste, il s'abaissa et souleva le petit garçon dont le nom était Shoto. Derrière lui, il entendit sa femme prononcer des paroles auxquelles il n'était pas prêt d'y prêter une quelconque attention.
— Papa ! s'exclama le bébé qui n'avait que ce mot à la bouche depuis quelques jours.
Ses pupilles s'illuminèrent lorsqu'il sentit ses pieds quitter le sol.
Endeavor fronça les sourcils, et se mit à espérer que d'ici un an il serait en mesure de prononcer bien plus de mots que ça, et de tenir fermement sur ses jambes, car il était bien décidé à ne pas faire de lui un échec.
•°•
À cet instant, le monde entier aurait pu brûler il ne s'en serait même pas préoccupé. Le sien était déjà détruit, ou du moins, il menaçait d'exploser en mille morceaux dans les secondes à suivre. Poings serrés et regard colérique, il n'avançait pas, il volait. Les flammes qui émergeaient de ses semelles lui permettaient de se maintenir dans les airs, et de poursuivre avec hargne ces deux élèves de Shiketsu. Ou plutôt, ces deux membres de la Némésis.
Ces derniers se déplaçaient avec une vitesse non-négligeable, mais Enji Todoroki n'était pas prêt de lâcher l'affaire. Membres de la Némésis ou pas, il n'étaient que des gamins qui avaient osé s'en prendre à Shoto.
Par ailleurs, il regardait avec rage le jeune brun qui se permettait de porter le corps de son fils sur son dos.
Ils étaient rapides. Il avançait. Rien ne pouvait l'arrêter. Rien ne pouvait le ralentir. Branches acérées, arbres aux troncs rugueux, feuillage imposant... Tous ces obstacles naturels étaient déviés avec aisance.
— Shoto ! hurla-t-il.
Quand bien même son égo refusait de l'admettre, il hurlait son nom car le désespoir l'envahissait. Il ne pouvait pas les laisser s'échapper et s'enfuir avec son fils.
Ce fut lorsqu'il formula ces pensées qu'il accéléra la cadence. Il n'était plus en mesure de distinguer les reliefs du paysage qui se dressait autour de lui. Les lignes de la réalité se voyaient brouillées, illusoires, inexistantes. Il voyait uniquement trois silhouettes. Il serra les dents, puis enfin il envoya une salve en direction de la jeune fille. Ils s'arrêtèrent. Il les contourna, et enfin, il se positionna en face d'eux.
— Lâchez-le. Tout de suite.
Le garçon le fixait par le biais d'un regard farouche, aussi sombre que de l'onyx, qui exprimait plusieurs ressentis différents.
— Qu'est-ce que vous avez fait à ma sœur ?
Il recula avec vitesse, faisant ainsi chanceler la tête de Shoto, accroché sur son dos grâce à un mécanisme étrange qu'Enji était bien décidé à réduire en cendres.
Endeavor daigna lancer un rapide coup d'œil à la jeune adolescente, qui tenait son bras avec une grimace imprimée sur son visage. Sa peau laissait déjà voir une morsure rosée et hideuse.
Il pesta. S'il avait pu lui infliger pire il n'aurait pas hésité.
— Seito ne t'inquiètes pas pour moi ! hurla Mimi. Je vais sûrement me régénérer...
— Ne dis pas des bêtises, c'est loin d'être une brûlure superficielle !
Le super-héros en face d'eux serra les poings, les pupilles rivées sur le visage pâle et le corps inconscient de son fils.
La colère qui sommeillait en lui était telle, que les flammes qui émergeaient de son corps redoublèrent d'efforts.
Les deux gamins eurent le réflexe de reculer, et en dépit de leurs regards sombres et déterminés Endeavor fut en mesure d'y lire une certaine incertitude.
C'était maintenant ou jamais. Ses gestes furent rapides, imprévisibles. Il s'approcha du brun. De sa main droite il l'attrapa par le cou, avant de le tirer en sa direction. Pris au dépourvu, le jeune homme lâcha Shoto. Enji Todoroki profita du léger espace qui s'était immiscé entre le corps de son ennemi et celui de son fils, pour réduire en cendres les fibres qui les reliaient.
Le corps de Shoto céda à la gravité. Le cœur de son père laissa échapper une pulsation violente, il se pencha aussitôt en sa direction. Il tendit la main, et pendant quelques secondes il crut être sur le point de réduire en cendres les millimètres qui le séparaient de son fils.
Il retint son souffle.
•°•
Il quitta la salle d'entraînement, non sans avoir claqué la porte au préalable. Dans la nuit, ses pas laissaient deviner l'étendue de son irritation. Ses sourcils étaient froncés, son débardeur noir lui collait à la peau et à l'instar de l'intégralité de son corps, ses bras étaient emplis de sueur.
Il laissa échapper un léger souffle en remarquant qu'au loin, la porte de la chambre de sa fille était légèrement entrouverte. En temps ordinaires, Fuyumi dormait déjà à cette heure-ci. Il fut sur le point de passer son chemin, et de se contenter de récupérer sa bouteille d'eau lorsque la curiosité le poussa à jeter un léger coup d'œil en direction l'entrebâillement de la porte.
Il haussa les sourcils, surpris.
— J'ai encore fait un cauchemar, sanglotait Touya. Je l'ai revu... J'ai l'impression de le voir partout. À chaque fois.
Fuyumi le regardait avec une immense peine logée dans ses yeux gris. De son côté, Natsuo avait une main posée sur l'épaule de son grand-frère.
— C'est terminé, lui souffla Fuyumi. Il ne reviendra plus. Papa s'est débarrassé de lui...
— Fu', n'essaie pas de faire passer papa pour un héros, lui reprocha Natsuo sans pour autant monter le ton. C'est quand même de sa faute tout ça. Je le déteste.
Endeavor ne cilla pas.
— Je... Non, mais voilà... Parfois, j'essaie de me faire croire que j'ai une famille normale...
Un silence s'installa entre les trois enfants, qui étaient assis à même le sol, contre le mur, côte à côte, Touya au milieu.
— Ça n'arrivera jamais, lâcha Natsuo en essayant de dissimuler la trembleur de sa voix.
— Ne dites pas ça, murmura leur grand-frère. Il y a Shoto. Il est encore jeune, il ne sait rien du monde... Il reste encore une personne à qui l'on pourra faire croire que nous sommes une vraie famille, chuchota-t-il d'un ton rêveur, presque puéril.
— Qu'est-ce que tu lui diras quand il sera plus grand, et qu'il te demandera d'où te viennent ces brûlures ? l'interrogea sa petite-sœur.
— Je lui dirai la vérité, répondit le garçon aux cheveux rouges. Je lui dirai qu'une méchante personne me les a faites et que...
— Et que papa n'a pas pu te protéger, craqua Natsuo. Que c'est de sa faute à lui.
Un silence pesant s'installa entre les trois enfants. Le père de famille tendit un peu plus l'œil, et put voir sa fille poser sa tête sur l'épaule de son grand-frère. Ce dernier esquissa un léger sourire, puis il passa un bras autour de Natsuo qui reniflait et tentait en vain de jouer ce dur à cuir qui ne pleurait pas. Dans la nuit, il n'était pas possible de distinguer les brûlures hideuses qui s'étalaient sur la peau de l'aîné.
— Pourquoi ? murmura Touya.
Sa question soufflée à voix basse se noya dans la nuit.
— Pourquoi papa ne m'a pas sauvé ? Pourquoi il ne nous a pas sauvé ?
Ni Fuyumi, ni Natsuo ne lui répondit. Les deux enfants dormaient déjà, blottis contre leur grand-frère. Endeavor détourna la tête. Un sentiment étrange emprisonna son cœur dans un étau. Il était désolé ? Non... Sûrement pas.
•°•
Le temps s'était arrêté. Il n'y avait que quelques millimètres qui séparaient la main gantée du père du torse de son fils. Les paupières de ce dernier étaient closes et ses traits faciaux avaient presque l'air paisibles. Shoto semblait plongé dans un sommeil animé par des songes mystérieux. Son teint pâle faisait émerger le ton rouge-rose de cette brûlure éternelle qui s'étendait au niveau de son œil gauche. Sa chevelure virevoltait au gré du vent, et quand bien même elle était poissée de sang, elle n'en restait pas moins fascinante.
Soudain, Endeavor écarquilla les yeux . Le visage de son fils s'était métamorphosé. Sa peau était désormais divisée en deux parties distinctes : l'une était saine, l'autre était abîmée. Blessée. Brûlée.
Ses yeux étaient grands ouverts, et son hétérochromie avait disparu. À présent, ses prunelles étaient caractérisées par deux disques cyans pénétrants.
— Pourquoi tu ne me sauves pas papa ?
— Touya ?
Puis, une silhouette féminine, vif et agile s'empara du corps du garçon.
Endeavor écarquilla les yeux. Deux prunelles aussi sombres que la nuit. Un sourire amusé. De longs cheveux violets. Un arc accroché à son dos.
Jill Stewart.
Cette dernière recula de quelques pas, et un tourbillon obscur parsemé de nuances violettes fit son apparition derrière elle. Elle murmura quelque chose qu'il ne fut pas en mesure d'entendre.
Enji Todoroki se libéra de l'emprise de ses tourments et plongea de nouveau dans la réalité. Le visage de Touya avait disparu, et Shoto était redevenu possesseur de ses traits.
Le super-héros, réalisant l'étendue de son erreur, se propulsa en direction de Jill. Mais cette dernière venait déjà de disparaître, engloutie par ce tourbillon qu'elle avait créé.
Son cœur loupa un battement.
Il regarda autour de lui, et la forêt semblait avoir repris le cours normal de son existence. Ils avaient disparu.
Tout laissait à croire qu'il venait d'émerger des vagues sinueuses d'un cauchemar.
« Game over. »
C'était ça qu'elle avait murmuré.
Il regarda autour de lui. Il devait sans aucun doute être en train d'halluciner.
Mais non, tout était bel et bien réel.
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