CHAPITRE 65 : SOUVENIRS ET ÉPREUVES
CHAPITRE 65 : SOUVENIRS ET ÉPREUVES
Lorsque Huri enfila cette fameuse casquette bleue qui mettait en évidence son appartenance au prestigieux lycée Shiketsu, un pincement familier se logea dans son cœur. Elle soupira devant son miroir avant d'arranger quelques mèches de ses cheveux blonds. Par ailleurs, ces derniers étaient lissés à la perfection, les pointes ne laissaient voir aucune fourche, et en plus d'être très agréables au toucher ils pouvaient s'enorgueillir d'une somptueuse odeur de fleur de jasmin. Bien-sûr, Huri ne se serait jamais embêtée à prodiguer autant de soins à sa chevelure, alors qu'elle se contentait souvent du strict nécessaire et qu'elle avait appris à vivre avec les pellicules qui étaient décidées à ne jamais déserter son cuir chevelu en dépit de tous les shampoings qu'elle avait testé. En réalité, c'était Mimi qui s'en était occupée, et ce, pour le bien de leur mission. La consigne était claire : ils devaient arborer une image parfaite.
Huri était sûre qu'elle respectait cette contrainte. Col parfait, cravate repassée et chaussures cirées. Cependant, quand bien même il pouvait sembler difficile de douter d'elle, l'adolescente n'en restait pas moins consciente de la vérité. Son apparence pouvait tromper n'importe quel œil, à l'exception faite du sien.
Une criminelle.
Un monstre.
Selon elle, voilà ce qui se cachait derrière cette sublime façade lisse qu'elle représentait.
L'adolescente sentit le monde tourner sous ses pieds. Tout autour d'elle était un mensonge. Elle soupira lorsqu'elle pensa de nouveau à la raison de sa présence au sein de cette chambre d'hôtel. Elle ferma les yeux, avant de se frotter le visage avec les mains. Elle essaya en vain de ne pas céder. Malheureusement, elle demeura impuissante lorsque le verrou de son esprit scellant tous ses souvenirs sombres céda en un bruit sinistre.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle eut l'impression d'émerger des vagues sinueuses d'un cauchemar. Son cœur battait à une vitesse folle dans sa cage thoracique, et l'agitation qui dansait dans ses prunelles laissait deviner que pendant une fraction de secondes elle était persuadée que tout ce qu'elle avait vécu n'était pas réelle. Cependant, la réalité ne tarda pas à la frapper de plein fouet lorsque son regard croisa celui de ce type. Ce dernier était assis à califourchon sur une chaise, et ses bras étaient resserrés autour du dossier positionné juste en face de son torse. Ses cheveux blonds avait adopté un comportement indiscipliné, et la clarté qui émanait de ces derniers avait le don de faire émerger le bleu sombre qui s'étalait sur ses iris.
— Coucou.
Elle fronça les sourcils, le temps de récupérer tous ses souvenirs, puis elle se redressa d'un bond. Elle leva la main, prête à lui asséner une gifle magistrale qui saurait éclipser le petit sourire malicieux qui avait eu le malheur de s'imprimer sur ses lèvres. Mais elle fut vite stoppée dans sa lancée lorsqu'une crampe douloureuse lui attaqua l'épaule. Elle grimaça.
— Arrête-toi la pompeuse de sang. Tu as perdu.
— La ferme, espèce de sale tricheur ! Écoute ce que j'ai à te dire..., grogna-t-elle.
Un silence s'installa dans cette pièce qui devait sûrement être très familière pour Zachariel. C'était ici qu'il avait passé la majeure partie de son temps à l'Institut, lorsqu'il était encore trop jeune pour pouvoir prendre son envol. Il était aisé de deviner que cette chambre lui avait appartenu. La petite commode en bois qui reposait non loin du lit où elle avait été allongée, laissait voir deux pinceaux parfaitement alignés. Les murs peints d'un blanc immaculé étaient décorés par les images de trois estampes japonaises, et un coin du sol laissait voir quelques vieilles tâches de peinture bleues, qui en séchant n'avaient jamais été retirées.
— Pourquoi tu m'as mentie ? demanda-t-elle enfin par le biais d'une voix éteinte.
— Je ne t'ai pas menti Huri.
Il avait prononcé cette phrase avec une neutralité qui avait su l'irriter. L'adolescente jeta sur lui un regard sombre et dégoulinant de reproches.
— Comment oses-tu dire ça ? Tu as voulu me manipuler et tu m'as empoisonnée avec tes... Argh ! Je te déteste ! Tu m'as fait bien plus de mal que n'importe qui.
Voyant qu'il ne cillait toujours pas, et qu'il se contentait de la fixer comme si elle n'était ni plus ni moins qu'un spectacle étrange et fascinant, elle se mit à hurler plus fort.
— Tu m'as utilisée comme une arme ! Tu ne vaux pas mieux que mes anciens parents adoptifs ! Finalement... Tu n'as jamais voulu mon bien. La seule fois où j'ai pris une bonne décision, c'est-à-dire fuir la Némésis, il a fallu que tu viennes me mettre des bâtons dans les roues. Je te dé-
— Tais-toi. T'en as assez dit.
Un souffle de stupeur s'échappa de ses lèvres. En dépit de tout le temps qu'elle avait passé en sa compagnie, elle ne cessait d'être surprise par la vitesse avec laquelle il se déplaçait. Elle avait à peine cligné des yeux, que déjà il se positionnait à quelques centimètres d'elle, les sourcils froncés.
— Je ne t'ai pas menti Huri. Tu te souviens de ce que l'on a toujours dit sur moi au sein de la Guilde ?
Elle se contenta d'hocher de la tête en guise de réponse.
— Tu as raison, ils ont tous raison. La majeure partie de mes agissements et ma façon d'être laissent à penser que je ne suis pas humain.
Huri avait un mauvais pressentiment. Il était beaucoup trop calme. La jeune fille ne put s'empêcher de mettre tous ses sens aux aguets.
— Et dire que même toi tu n'as jamais rien remarqué, lâcha-t-il en un rire amer. L'humain que j'étais t'aurait aimé de tout son cœur Huri. Tu es la personne qu'il a toujours rêvé de rencontrer.
Un voile de tendresse inhabituel avait recouvert ses prunelles. Il avait levé la main, prêt à laisser son toucher explorer la joue de la jeune blonde, mais cette dernière ne lui en laissa pas l'occasion et le stoppa d'un geste.
— La plaisanterie a assez duré tu ne penses pas ? Tu n'as pas besoin de t'enfoncer encore plus, au point où j'en suis je n'ai d'autres choix que d'accomplir cette mission..., termina-t-elle d'une voix brisée.
— Je ne t'ai pas menti Huri, répéta-t-il.
— Prouve le.
Il inspira.
Ce fut la première fois, que l'adolescente le vit dans un tel état. Elle l'analysa par le biais d'un œil plus fin. Le flux de son sang semblait déréglé et elle l'avait compris en ressentant avec clarté la vitesse de sa pression artérielle.
D'un geste, Zachariel retira sa cape noire, ainsi que son haut de la même couleur. Les yeux d'Huri s'écarquillèrent lorsqu'elle vit sa peau d'ivoire qui était presque parfaite. Quelques cicatrices hideuses lui zébraient le torse, les épaules et sûrement le dos. Mais, elles n'étaient rien en comparaison à celle qui s'étendait sur sa poitrine. Elle prenait naissance au niveau de son cœur, et s'arrêtait au beau milieu de son ventre. La multitude de petits traits verticaux qui longeaient cette longue entaille, laissaient deviner la provenance de cette cicatrice.
— Qu'est-ce que c'est ? murmura-t-elle tandis que ses yeux s'embuaient de larmes.
Ses doigts fins s'approchèrent avec crainte de ses points de sutures. Cependant, elle n'eut même pas le temps de l'effleurer. Le grand blond se hâta d'enfiler de nouveau son col roulé sombre. Elle avait senti que son corps entier s'était raidi lorsqu'elle avait faillit toucher sa blessure.
En dépit du haut qu'il portait, Huri était incapable d'oublier l'image de sa peau écorchée.
— Zach... Qui t'a fait ça ?
Il la fixa avec une mélancolie étrange noyée dans ses prunelles. Ses poings étaient serrés, puis avec lenteur, sa tête se baissa. Huri n'en croyait pas ses yeux. Cet homme qui avait l'air si vulnérable était bel et bien Zachariel.
— Celui qui m'a fait ça est l'homme qui m'a sauvée la vie. C'est celui qui a donné naissance à mon plus grand secret, commença-t-il. Cette cicatrice est la preuve même que je ne suis plus humain.
Il s'éloigna d'elle, les mains enfoncées dans ses poches.
— Je ne vois pas ce que tu veux dire Zachariel.
— Concentre-toi sur le flux de mon sang, les battements de mon cœur, et pense à la personne que je suis. Alors ? Est-ce que tu le remarques ? Tu comprends enfin, que mon cœur est différent du tien ?
Elle déglutit.
— Non ce n'est pas vrai... Zach !
— Tu ne rêves pas ma petite Huri, lança-t-il en un léger sourire. Mon cœur est en partie modifié, tout comme une bonne partie de mon corps.
— Qu'est-ce que tu es ? demanda-t-elle avec calme.
— Un humain cassé, qu'on a réparé ? À vrai dire, je ne sais pas ! Les gens diraient que je suis un cyborg, mais c'est faux n'est-ce pas ? Jusqu'à maintenant, tu n'avais rien remarqué, et tous les autres membres de La Guilde à l'exception d'Henael l'ignorent.
— Mais comment se fait-il que tu sois ainsi ? C'est lié à ton alter ? s'enquit-elle.
Il leva les yeux au ciel, un léger sourire imprimé sur ses lèvres rosées. Puis enfin, il se décida à la regarder de nouveau. Leurs pupilles se fondaient l'une dans l'autre, chaque étincelle de leur regard se complétait, s'entrelaçait, et donnait naissance à ce lien complexe et singulier qui existait entre eux.
— Huri, dans un monde où environ quatre vint pourcent de la population possède un alter, il a fallu que je fasse partie des vingt pourcent qui n'en possède pas.
Elle fronça les sourcils tout en entrouvrant ses lèvres. Aucun son ne sortit de sa bouche, le choc la rendait muette.
— Tu ne comprends pas, c'est ça ? devina Zachariel qui retrouvait peu à peu cette expression malicieuse teintée d'une touche de cruauté. Je suis né sans alter, et le pouvoir que j'ai en ma possession m'a été implanté. Huri, il faut que tu saches que sans cette opération, je ne serai sûrement pas de ce monde aujourd'hui.
Les pupilles noires de l'adolescente s'attardèrent sur le torse de Zachariel, l'endroit où reposait sa cicatrice. Cette marque n'était autre qu'un vestige d'une opération des plus étranges qui lui aurait sauvé la vie. À cet instant, alors que les pièces du puzzle s'assemblaient enfin dans l'esprit d'Huri, une ribambelle de questions explosa aussitôt dans un recoin de son cerveau. Qui pouvait bien être l'auteur de cette opération prodigieuse ? Quel était l'événement qui avait poussé Zachariel au bord de la mort ?
Elle soupira.
— Peu importe ta nature Zachariel, murmura-t-elle par le biais d'une voix basse et désincarnée, j'ai toujours su qu'il y avait quelque chose en toi qui dépassait la normale.
ÉPREUVE COMMUNE FILIÈRE HÉROÏQUE
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PHYSIQUE-CHIMIE
Durée : 4 heures
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Une feuille de papier millimétrée doit être distribuée aux candidats.
L'usage des calculatrices programmables et alphanumériques est autorisé sous réserve des dispositions définies dans la circulaire du n°98-1027 du 22 Février 2018-BOEH n°7 du 12 avril 2018.
Mise en garde
Toute démonstration illisible ou incompréhensible sera considérée comme fausse.
Les parties I, II et III sont indépendantes. Avant de commencer le candidat doit s'assurer que le sujet comporte bien 10 pages dont deux annexes.
Megan respira un bon coup et resserra l'emprise qu'elle effectuait sur son petit crayon à papier.
Il ne fallait pas paniquer.
Non vraiment, ne fallait pas paniquer.
La salle était immense, et son emplacement était tel qu'il lui était impossible d'apercevoir le visage de Wallie. Plus d'une centaine d'élèves étaient éparpillés dans cette amphithéâtre qui avait été aménagée pour l'occasion.
Megan souffla un bon coup.
La physique-chimie n'avait jamais été son point fort, cette discipline était beaucoup trop complexe et demandait une technique et un savoir-faire qu'elle était loin d'avoir acquis. Cependant, c'était parce qu'elle était consciente de l'étendue de ses lacunes, qu'elle avait révisé cette matière plus que toutes les autres.
Mais même ça ne suffisait pas à la mettre en confiance.
Ses mains tremblaient et son souffle commençait à devenir court. Les mots de chaque question s'amoncelaient et formaient un tout indigeste, incompréhensible.
Elle bougea légèrement sur son siège, et se força à entamer ne serait-ce qu'un exercice. À l'instant même où sa mine de crayon rencontra la surface blanche de son brouillon, une voix les interrompit.
Megan sursauta et leva un regard presque apeuré en direction du surveillant de l'amphithéâtre. Ce dernier avait rivé sur eux deux prunelles teintées d'un bleu limpide, et qui avaient le don d'être insondables.
— Ce que je m'apprête à vous dire, concerne uniquement les élèves convoitant l'obtention d'un permis provisoire.
La majorité se mit à river sur lui un regard des plus curieux. Du coin de l'oeil, Megan remarqua que Katsuki avait cessé d'écrire et que c'était avec un sérieux des plus implacables qu'il s'apprêtait à écouter les propos du surveillant.
— Pour cette épreuve, trois possibilités s'offrent à vous. La première : avoir au moins la moyenne, et passer en seconde année. La deuxième est tout simplement le contraire de la première. La troisième consiste à vous démarquer afin de prétendre à l'obtention d'un permis provisoire.
Il se mit à marcher le long de l'estrade, les mains croisées derrière son dos et un sourire étrange posé sur ses lèvres.
— Normalement, vous possédez tous deux coéquipiers pour cet examen de fin d'année. Le but sera de savoir si vous vous faites assez confiance, et de mettre en évidence une cohésion d'équipe remarquable. Pour se faire, c'est très simple !
Il s'arrêta sur son estrade et leva les yeux au ciel, sûrement pour réfléchir aux paroles qu'il était sur le point de prononcer.
— Vous aurez tous une note individuelle et une note de groupe. Cependant, pour chaque épreuve, vous allez devoir désigner un de vos coéquipiers dont la note individuelle comptera cinq fois dans celle du groupe.
Des souffles de stupeur se firent entendre dans la salle, et Megan déglutit. Elle sentit brûler sur sa peau le regard de Shoto qui était pourtant assis des dizaines de rangées derrière elle.
— Le coéquipier choisi sera le capitaine de l'épreuve. Pour le designer, vous devez juste écrire son nom au dessus de votre copie. Oh et vous n'avez absolument pas le droit de communiquer. Le choix doit venir de vous seul. Dans le cas où il y a une voix pour chaque membre de l'équipe, et donc aucune majorité, les choses resteront inchangées et vous n'aurez pas de note de groupe en physique-chimie pouvant contribuer à l'obtention du permis. Donc, tâchez de faire le bon choix.
Si elle n'avait pas pris ses médicaments au préalable, Megan serait sûrement tombée de sa chaise avant de sombrer dans l'inconscience. Elle devait écrire le nom d'un de ses coéquipiers sur sa feuille et son choix serait déterminant. Shoto ou Katsuki ? Elle fronça des sourcils et déglutit. Il fallait absolument qu'elle fasse preuve d'un calme olympien afin de prendre la meilleure décision. Ses yeux s'écarquillèrent et elle sursauta sur sa chaise lorsqu'elle réalisa quel était le premier nom qui lui avait sauté à l'esprit : Katsuki.
Elle respira.
À tous les coups ce dernier n'oserait pas mettre son nom à elle. Mais alors, serait-il en mesure de placer son égo de côté et oser écrire celui de Shoto ? Mais, au même moment Megan réalisa que ce n'était pas une question de fierté, mais de confiance. Le problème n'était pas si compliqué à résoudre. En réalité, il nécessitait seulement une réponse à une question qui n'était autre que la suivante : qui d'eux trois était le plus doué en physique-chimie ?
Elle se mordit la lèvre inférieure, en proie au doute. Avant même d'arriver au Japon elle avait pu établir un contact avec Katsuki par l'intermédiaire des multiples moyens de communication qui étaient à leur disposition. Leurs conversations étaient principalement centrées sur leurs études, et si ses souvenirs ne lui jouaient pas des tours, Katsuki excellait en maths mais avait tout de même un niveau convenable en physique-chimie. En ce qui concernait Shoto, c'était un génie.
« Je ne peux pas mettre le nom de Shoto... Ni celui de Katsuki. Ces deux garçons sont beaucoup trop individualistes, et à tous les coups ils ont dû inscrire leur propre nom sur la feuille. C'est donc à moi de déterminer qui aura la majorité... »
Sa main tremblait.
Katsuki.
Shoto.
Katsuki.
Shoto...
Les mots s'embrouillaient dans son esprit, le monde n'allait plus tarder à tanguer autour d'elle.
« Fais un choix Megan ! Fais leur confiance ! Ils n'ont pas fait les imbéciles ! »
Elle souffla. Puis, par le biais de son stylo noir elle inscrit ce nom sur le haut de sa feuille.
Elle peinait encore à croire que pour une fois depuis longtemps, elle s'était enfin décidée à faire confiance.
« Maintenant, concentre-toi sur ta propre note.»
Megan sentit un poids déserter son esprit lorsqu'elle se débarrassa de sa copie de physique-chimie. Elle attendit que l'amphithéâtre se vide avant de se lever, récupérer son sac et quitter l'immense salle. Quand bien même l'épreuve était terminée, elle ne cessait de ressasser en boucle toutes ses réponses, se maudissant pour avoir oublié des détails dont elle venait tout juste de se souvenir.
L'adolescente alla se réfugier contre un poteau, en attendant que la foule d'élèves qui venaient de passer le même examen qu'elle s'éloigne avant de disparaître.
— Lève-toi.
— Ka... Euh... Katsuki ? balbutia-t-elle. Qu'est-ce que tu fais là ?
Les mains dans les poches, la veste ouverte, le grand blond haussa un sourcil en guise de réponse. De son côté, la brune resserra ses genoux contre sa poitrine, avant de déglutir.
— T'as mis quel nom ? demanda-t-il de but en blanc.
— Je... Je ne m'en souviens plus, dit-elle d'une voix basse.
Katsuki s'abaissa, et pencha la tête sur le côté. Cette position lui procurait presque un air innocent. Megan se demandait quel était le miracle qui lui permettait de rester en un seul morceau, alors qu'étaient rivées sur elle deux iris écarlates.
— Avec toi j'ai l'impression d'être sourd. On t'entend une fois sur deux quand tu parles, tu le sais ça ?
— J'ai dit que je ne m'en souvenais plus, répéta-t-elle.
— Tu me prends pour un con ?
Elle eut peur. La vérité était-elle inscrite au marqueur noir sur son front ? Quand bien même elle avait conscience d'être une piètre menteuse, elle secoua la tête et des mèches bouclées de son chignon en profitèrent pour se libérer. La jeune fille remarqua que Katsuki la fixait avec une intensité déconcertante. Elle mourait d'envie de lui demander d'arrêter cela. Ses sourcils froncés lui procuraient un air qui suffisait à l'effrayer.
Fuir.
Megan voulait le fuir. Écoutant son instinct, la jeune fille aux origines mexicaines se redressa et avança sans même regarder derrière elle. À cet instant, tout ce qui lui importait était de se trouver à des années lumières de Katsuki, et de retrouver le regard rassurant de Wallie.
— Oy ! Mais pour qui tu te prends au juste ?
Elle laissa échapper un souffle de stupeur lorsque Katsuki la rattrapa en saisissant son poignet. De nouveau, elle se retrouva en contact avec son toucher brûlant. En quelques secondes, ses battements cardiaques avaient adopté une allure tellement olympique qu'elle sentit tous les membres de son corps trembler. Ce n'était surtout pas le moment d'être victime d'une quelconque attaque. Surtout pas maintenant, alors qu'elle se retrouvait en face d'un Katsuki qui désirait juste s'illustrer comme étant le meilleur encore une fois.
— Quand jte cause, écoute-moi au moins ! grinça-t-il entre ses dents.
— Je... Wallie. Où est Wallie ? demanda-t-elle en sentant que ses tremblements devenaient de plus en plus persistants.
Elle n'aurait su dire si c'était là une une énième prouesse de son imagination, mais elle crut avoir décelé une véritable lueur de préoccupation dans les prunelles se Katsuki.
— Tu trembles, marmonna-t-il. Calme-toi. Il va rien t'arriver tant que je suis là petite folle.
Il n'avait peut-être pas remarqué qu'en lui parlant, sa main avait glissé sur celle de Megan. Cette dernière, beaucoup trop préoccupée par son état n'avait pas d'emblée remarqué ce petit détail.
La jeune fille respira, non sans avoir fermé les yeux au préalable. Son cœur ne s'était toujours pas calmé et sa gorge semblait obstruée par une immense boule. La panique qui affluait en elle explosa à l'instar d'une bombe.
— Katsuki je vais...
Elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Elle lâcha son sac qui s'écrasa contre le sol en un bruit sourd. L'adolescente se libéra de l'emprise du grand blond, avant de se précipiter en direction des toilettes. Elle ouvrit les portes battantes qui lui faisaient obstacle par le biais d'un violent coup d'épaule. Ses pieds filaient à une vitesse exceptionnelle, ses oreilles sifflaient et elle était victime de plusieurs hauts le cœur. Megan ne voyait plus le monde autour d'elle, et lorsqu'elle atteignit enfin la porte des toilettes elle remercia le ciel de lui avoir donné la force de se diriger jusque-là.
Son souffle se coupa, tous ses abdos se serrèrent et elle recracha son petit déjeuner. Elle ferma les yeux et s'arma d'une patience insoupçonnée. Cet instant fut une véritable souffrance pour Megan. Pour des raisons mystérieuses, des souvenirs qu'elle pensait enterrés dans un coin mort de son esprit émergèrent peu à peu des décombres. Les flashs qui surgissaient eurent le don de provoquer la descente sinueuse de ses larmes. Ses canaux lacrymaux s'emplissaient avant de laisser leur contenu glisser le long de ses joues.
— Megan !
Elle sursauta lorsqu'elle entendit rugir la voix de Katsuki derrière la porte. L'apprentie-héroïne sortit de son état de choc et se nettoya la bouche avec les moyens qu'elle avait à disposition. Elle regretta d'avoir abandonné son sac au beau milieu de cet immense couloir, et après avoir laissé échapper un léger soupir de fatigue elle se décida enfin à ouvrir cette porte, se préoccupant peu du fait que ses yeux étaient rougis par les larmes et que son haleine était désormais dotée d'une odeur aussi terrible que celle d'un putois.
Comme elle s'y attendait, elle se trouva nez à nez avec Katsuki qui avait encore les mains dans les poches, et la toisait avec un regard féroce. Il portait une seule manche de son sac à dos, et était dévêtu de sa veste grise, qui était une partie essentielle de son uniforme. Très vite, Megan réalisa que le vêtement en question était étalé au sol, et par dessus celui-ci il y avait un vieux sac à main noir, démodé depuis belle lurette et qui ne lui allait pas trop bien, ou du moins, qui n'ajoutait aucune touche particulière à ses tenues. Son sac.
— Merci Katsuki, souffla-t-elle.
— Pourquoi tu chiales, encore ?
— Pour rien de spécial, dit-elle par le biais d'une voix faible.
Elle attrapa son sac, dégota au fond de celui-ci un paquet de chewing-gum et s'empressa d'en fourrer un dans sa bouche.
— Merde, lâcha Katsuki. T'as carrément gerbé ! Faudrait vraiment que tu penses à te soigner un de ces quatre.
Sur ces mots, il récupéra sa veste non sans l'avoir époussetée au préalable.
Megan passa une de ses mèches bouclées derrière son oreille, puis une autre, avant de se décider de cesser de batailler : son chignon ne ressemblait à rien du tout. Au moins, elle était consciente de son aspect désastreux grâce au regard de Katsuki. Il la fixait avec ce qui semblait être un mélange de dégoût et de colère. Ne pouvant plus supporter la douleur que lui provoquait la simple vue de ses prunelles, Megan extirpa son téléphone et elle ne fut pas surprise en voyant une multitude de messages envoyés par Wallie, en plus de quatre appels manqués.
— On a l'après-midi de libre aujourd'hui. T'as intérêt à bosser l'histoire, lui fit remarquer le jeune homme à quelques pas d'elle.
— D'ailleurs, en parlant de ça..., commença-t-elle. Shoto. J'ai mis le nom de Shoto sur ma feuille pour l'examen de physique-chimie. J'aimerais que ce soit lui le capitaine de cette épreuve, avoua-t-elle enfin.
Elle ne se sentait pas prête d'affronter la réaction du jeune blond. Telle fut la raison pour laquelle elle s'empressa de fuir son regard, dès qu'elle lui eût avoué ces derniers propos. Contre toutes attentes, un rire nerveux se fit entendre au beau milieu de ce couloir.
— J'en étais sûr..., grogna-t-il. T'as préféré ce double-face. C'est lui qui te met le plus en confiance, hein ?
Elle ne répondit pas, et préféra serrer la lanière de son sac avec ardeur, tout en fixant ses chaussures sans réel intérêt. Megan tenta de rester de marbre, elle avait assez pleuré.
— Réponds ! hurla-t-il.
Elle serra les lèvres pour ne rien dire, pour ne rien déballer sur les pensées qui hantaient son esprit. Il ne fallait surtout pas qu'elle lui crache en pleine figure qu'il avait le don de lui rappeler une personne qu'elle détestait, une personne qu'elle pensait avoir oublié une bonne fois pour toutes.
— Tout ça est terminé Katsuki. Ce qui compte maintenance c'est l'épreuve d'histoire de... Aïe !
Elle ferma les yeux en sentant son dos se heurter avec violence contre une surface dure et froide. Elle ne tarda pas à comprendre que c'était Katsuki qui l'avait envoyée contre ce mur par le biais d'une pression sur ses frêles épaules. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle fut surprise de voir son visage aussi près du sien. Elle pouvait distinguer chaque détail de sa personne. Ses yeux brillaient, ils étaient éclatants, et jamais elle ne saurait les assimiler à une chose autre que le rubis. Ses lèvres étaient serrées en une fine ligne, et une goutte de sueur avait trouvé refuge au sommet de son front, entre deux-trois mèches de ses cheveux blonds.
Son parfum était brutal, ravageur, il s'était faufilé sans peine dans ses narines et semblait décidé à ne jamais les laisser en paix.
— Je peux savoir qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? demanda-t-il enfin.
— Je peux savoir ce que je t'ai fait ? craqua-t-elle. T'es détestable ! Je... Je ne sais pas, je ne t'aime pas et puis quelques secondes après je change d'avis sur toi, tu es...
— Ta gueule, grogna-t-il.
— Non Katsuki ! hurla-t-elle d'une voix tremblante.
Un silence suivit leurs paroles bruyantes. Leurs regards étaient le refuge d'un million de pensées non-dites, étouffées dans une partie de leur cœur.
— Je ne t'aime pas, lança Katsuki en reculant de deux pas. Tu me fais chier avec tes petits airs fragiles.
— Tu n'étais pas comme ça avant Katsuki, il y a environ deux mois. Je sais que notre communication se limitait à de simples messages, mais...
« Je commençais à t'apprécier.»
— Ah vous êtes là.
Megan et Katsuki tournèrent simultanément la tête en direction de Shoto. Ce dernier haussa les sourcils, ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
— Je vous ai dérangés ? dit-il enfin.
— Tu me déranges tous le temps, répondit le blond.
— C'est dommage ça, parce que l'air de rien on est souvent obligés de se supporter toi et moi. Enfin bref, je voulais juste qu'on discute des prochaines épreuves écrites, histoire qu'on se mette d'accord au cas où il faudrait désigner encore une fois un capitaine.
Megan ne voulait plus entendre parler de ça.
— Je suis désolée mais est-ce qu'on pourrait faire ça plus tard ? Je dois filer, je ne me sens pas bien...
— Oh. Katsuki qu'est-ce que tu lui a fait ?
Megan profita du fait que les deux amis commençaient à se chamailler pour s'éclipser. Faire le chemin toute seule jusqu'à l'hôtel l'arrangeait bien. Elle avait hâte de retrouver Wallie, car celle-ci avait le don de lui faire oublier ses peines et de trouver les mots et les actions qui sauraient l'apaiser. Puis, il fallait qu'elle pense à contacter sa mère qui devait sans aucun doute se faire un sang d'encre pour elle. Megan avait besoin de communiquer avec sa voix familière et d'entendre de nouveau la mélodie de son espagnol. Animée par ses pensées, elle extirpa son téléphone de son sac.
Elle se pétrifia.
Son cœur loupa un battement.
Katsuki
Tu préfères qu'on communique comme ça la folle ?
Megan
Pourquoi pas ? :-/ Ça pourrait arranger les choses ? "
Elle fut surprise de voir avec quelle vitesse il avait répondu.
Katsuki
Pk tu chialais tte à l'heure ?
Megan
Pour rien.
Katsuki
Tu m'as énervée. Quand je t'ai vu comme ça j'étais prêt à buter le monde.
Ses yeux s'écarquillèrent. Son cœur palpita.
Megan
Depuis quand tu te préoccupes tant de mes ressentis Katsuki ?:-|
Katsuki
C'est bon tu fais chier
Megan
Répond.
Katsuki
Ta gueule.
Elle avait soupiré.
Son après-midi fut rythmée par des révisions seule avec Wallie et une conversation avec la mama. La nuit était tombée rapidement.
Le temps passait vite, et les choses changeaient en suivant la vitesse que ce dernier lui imposait.
Katsuki
T'étais où ?
Elle s'était endormie. Elle ne vit pas son dernier message.
Katsuki
Parle-moi.
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