CHAPITRE 60 : NOUVELLE VENUE
CHAPITRE 60 : NOUVELLE VENUE
Il n'y avait qu'à jeter un coup d'oeil à la Seconde A pour deviner que l'examen de fin d'année approchait à grands pas. Si au début du trimestre seule la moitié de la classe aspirait à décrocher la licence provisoire promis aux meilleurs, ce n'était plus le cas désormais. En effet, au fil des jours tous devenaient désireux de faire partie de l'élite, et surtout, d'obtenir ce sésame qui pouvait quasiment assurer une future carrière de super-héros professionnel.
De telles motivations poussaient tous les élèves à dégainer les vieux cours du début de l'année qui étaient poussiéreux chez certains, et bien conservés dans des pochettes plastiques chez d'autres. Aucun détail ne devait être laissé au hasard, et même la compréhension parfaite de tous les cours de l'année n'assurait pas une place parmi les meilleurs. En effet, ils ne seraient pas confrontés à une centaine d'élèves, mais à des milliers.
C'était parce qu'il était conscient de tout cela que Shoto passait ses nuits à s'entraîner et à améliorer tout ce qu'il avait pu apprendre au cours de l'année. Ses séances de révision dépassaient le cadre scolaire, car en plus d'assimiler tous les cours de Monsieur Aizawa, il prenait la peine de se renseigner sur l'actualité et d'en apprendre plus sur la façon dont les super-héros exerçaient leur profession au quotidien. Le fait de vivre au sein d'un internat favorisait le travail à plusieurs et le jeune garçon qui était de nature solitaire avait su dépasser ses limites et mettre son égo de côté en proposant à Katsuki Bakugo de réviser ensembles. Ce dernier acceptait non sans grogner une parole dosée d'un petit juron pour être fidèle à lui-même. Travailler en compagnie de ce blond colérique était loin d'être la définition du bonheur pour Shoto, mais la constitution des équipes pour cet examen ne lui laissait pas vraiment le choix.
Dans cette atmosphère studieuse et presque étouffante, Shoto pouvait compter sur Akane qui ne se lassait pas de lui envoyer des messages au grand désarroi de Katsuki qui la jugeait trop distrayante pour lui. Le jeune homme aux cheveux bicolores se contentait de lever au ciel, en ayant conscience que ce n'était sûrement pas ce garçon impulsif sur les bords qui allait comprendre la nature de ce lien qui l'unissait à la jeune brune.
Ce matin-là, lorsque Shoto arriva en classe il ne manqua pas de remarquer que la plupart de ses camarades étaient plus excités que d'ordinaire. Pendant quelques secondes il émit l'hypothèse que la joie de Mina devait être dûe au fait que les filles avaient eu l'idée d'organiser une soirée pyjama, ou quelque chose de ridicule dans le genre.
— Oh double-face.
Shoto se retourna pour se trouver en face d'un Katsuki qui le toisait d'un air presque agacé, comme si l'adresser la parole était une véritable corvée.
— Tiens Katsuki, toujours aussi adorable de bon matin à ce que je vois.
— Arrête de faire le mâlin, cracha aussitôt son interlocuteur. La meuf débarque aujourd'hui.
Shoto haussa les sourcils, et pendant quelques secondes il fut tenté de demander à Katsuki de lui fournir plus de détails sur le message qu'il voulait lui transmettre. Heureusement pour lui, un déclic s'opéra dans son cerveau et il put s'abstenir de lui poser la question qui lui taraudait l'esprit et qui surtout aurait seulement eu le don de l'énerver.
— Megan c'est ça ? C'est aujourd'hui qu'on les accueille alors ?
— Mais putain c'est pas possible, t'écoutes pas en cours ou quoi ? Il y a deux semaines le prof nous a bien dit que c'était aujourd'hui qu'on allait rencontrer nos coéquipiers.
— Pas la peine d'être nerveux et de t'acharner sur moi Katsuki. Tu sais, ce n'est qu'une fille.
Shoto réajusta la manche de son sac sur son épaule et rejoignit son bureau non sans avoir esquissé un léger sourire amusé. Il savait que sa dernière remarque avait su agacer son camarade de classe, et il était forcé d'avouer que parmi les rares choses qui savaient le faire rire il n'était pas impossible d'y trouver la tête que tirait Katsuki lorsqu'il était en colère.
— Tu me saoules ! Tu m'as pris pour toi double-face ? Je suis pas du genre à changer pour une meuf moi !
Non vraiment, il n'y avait rien de plus drôle que ce blond colérique.
Toute l'existence de Megan Lawrence se résumait à être la plus discrète possible, à ne pas se faire remarquer, et surtout avant toutes choses, à éviter les foules du mieux qu'elle pouvait. Les endroits bondés d'individus, étaient pour elle des sortes de prison au sein desquelles nul n'était à l'abri d'un danger quelconque. Elle ne cessait d'imaginer des scénarios terribles, où elle était victime d'une attaque et qu'il était très dur de la secourir.
Pendant des années sa mère s'était inquiétée de son état allant même jusqu'à la faire consulter des psychologues. Megan avait horreur des supermarchés, elle était effrayée à l'idée de devoir patienter dans une salle d'attente chez le médecin, puis ce n'était sans parler de l'expression apeurée qui ornait ses traits lorsqu'elle était assise sur le siège d'une voiture qui roulait sur une autoroute. Non vraiment, il y avait de quoi s'inquiéter pour Megan.
La conclusion atténuée sous des airs d'hypothèses était tombée assez vite, et quand bien même elle était dure à admettre elle n'en restait pas moins réelle :
Megan était peut-être agoraphobe.
Ses proches avaient froncé des sourcils face à ce mot rare qu'ils n'avaient jamais entendu jusque-là. Alors, pour clarifier les choses la jeune fille se contentait de balbutier une définition assez évasive : l'agoraphobie était la peur envers les lieux publics. Mais en réalité, l'adolescente avait conscience que c'était bien plus complexe que ça, de même qu'elle savait que nul ne serait en mesure d'écouter et de comprendre l'amas étrange que formaient toutes ses peurs.
Megan aimait lorsque les gens venaient l'aborder avec bienveillance et elle rêvait de pouvoir un jour aider les personnes autour d'elle. Telle était la raison pour laquelle elle avait décidé de devenir une héroïne. La réalisation de ce rêve lui demandait des efforts considérables, comme par exemple d'accepter de prendre l'avion pour se rendre au Japon et faire connaissance avec deux parfaits inconnus. Elle avait vomi deux fois d'affilée la veille, et puis elle n'était pas montée dans cet avion non sans avoir pris un traitement qui lui avait été prescrit.
— Megan, tout va bien ?
L'adolescente aux longs cheveux châtains et bouclés redressa la tête et quitta des yeux le poème qu'elle était en train de rédiger en secret, sur la dernière page de son agenda. Elle déglutit. Elle ne devait pas regarder autour d'elle, et se focaliser uniquement sur le regard azuré de son interlocutrice qui était au passage sa seule amie. Elle ne devait pas paniquer, quand bien même elle était déjà à des kilomètres de son foyer, de son lieu de sécurité. Son cœur se compressa aussitôt dans sa poitrine, et elle sentit des bouffées de chaleur envahir son corps. Ses doigts étaient crispés sur son stylo.
— Tu veux de l'eau ? lui demanda Wallie.
Elle secoua la tête négativement, et passa une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Ses prunelles caramélisées laissaient deviner l'étendue de la panique qui affluait en elle. Non sans avoir esquissé un sourire doux et protecteur, Wallie prit ses mains dans les siennes avant de river ses pupilles sur elle.
— Calme-toi, tout va bien d'accord ? Tout va bien se passer. On est arrivés, tu peux lâcher ton crayon.
Megan acquiesça. Ils étaient arrivés, et tout allait bien se passer. De toute façon, Wallie n'avait jamais tort. Quelques minutes plus tard, l'américaine et le reste de sa classe embarquèrent dans un car privé qui avait pour visée de les mener jusqu'à Yuei. À peine furent-ils montés que Wallie se retourna en direction de son amie qui avançait juste derrière elle.
— Côté fenêtre pour toi j'imagine ? déclara la jeune brune.
Son amie hocha de la tête, non sans la remercier intérieurement d'être toujours aussi compréhensive avec elle. Une des choses que Megan aimait beaucoup avec Wallie, c'était qu'elle n'avait pas besoin de parler pour lui communiquer sa pensée. Cette dernière n'avait qu'à la regarder, et elle comprenait tout ce qui se tramait dans son esprit.
Les deux jeunes filles s'installèrent, et un brouhaha s'éleva à travers le car bondé de jeunes adolescents. Megan extirpa son téléphone de sa poche et prit quelques secondes à démêler ses écouteurs. Durant ce laps de temps, le reflet de son visage figurait sur l'écran de son smartphone. Son teint hâlé était le résultat de ses origines mexicaines qu'elle avait hérité de sa mère. Son regard était pénétrant, et sa bouche en forme de cœur esquissait très rarement des sourires.
— Qu'est-ce que tu vas écouter ? voulut savoir Wallie en s'adossant complètement sur son siège. Du piano ? Ou peut-être qu'aujourd'hui t'es plus d'humeur à écouter du violon ?
— De la flûte, dit-elle tout simplement par le biais de sa voix naturellement écorchée.
— Super ! Rien de mieux pour se détendre, et ne pas entendre les paroles débiles de cette bande de cas sociaux ! N'est-ce pas Luke ?
Elle tourna son visage orné d'une expression taquine en direction du dénommé Luke qui se contenta de lui tirer la langue en guise de réponse. Megan aimait bien les regarder, tout en se faisant discrète. Aucune parole ne lui échappait lorsque ses oreilles étaient inoccupées par des écouteurs. Luke lui avait parlé que deux fois depuis le début de l'année, et pourtant elle savait sur lui des choses que beaucoup ignoraient.
N'étant pas d'humeur cette fois-ci à écouter ce qui se jouait autour d'elle, elle enfonça ses écouteurs avec en tête la même litanie : « tout va bien se passer. Ce n'est que passager.»
En l'occasion de la venue de leurs «correspondants tout droit sortis des States» comme le disait Mina, les cours de l'après-midi avaient été banalisés. Un goûter avait été installé dans le self afin d'accueillir comme il se devait les nouveaux-venus. Tous les élèves possédant un coéquipier américain dans cette classe étaient déjà en train de faire leur connaissance. Cependant, ce n'était pas le cas de Katsuki qui au grand désarroi de Shoto restait assis au fond du self, les mains fourrées dans les poches, le tout sublimé par un regard sombre.
Shoto soupira. Il attrapa le premier gobelet en plastique rouge qu'il trouva, et se dirigea vers le blond.
— Elle est présente, mais à mon avis elle attend que nous allions l'aborder en premier. Tu sais comment sont les filles, lâcha Shoto de but en blanc en tendant un verre à Katsuki.
— Raah, grogna-t-il. Fais chier.
Il se leva, non sans s'emparer du verre avant de le boire d'une traite. Il grimaça sous le regard amusé de quelques américaines que Shoto avait surpris en train de les épier depuis un bon moment.
— C'était quoi la saveur de ce jus ? Il était dégeulasse.
— Tu m'excuseras j'ai pas regardé, je me suis juste dit qu'il fallait t'hydrater.
Katsuki lui lança un regard terrible, avant d'avancer d'un pas décidé en direction d'une silhouette féminine, dont ils ne pouvaient voir que le dos. Shoto était assez surpris de la vitesse avec laquelle son camarade de classe avait repéré leur future coéquipière. Pendant quelques secondes il le soupçonna d'avoir passé son temps à l'épier depuis le fond du self.
— Oy ! hurla-t-il.
La fameuse Megan sursauta mais ne daigna pas se retourner.
— Hé la meuf aux cheveux bouclés ! C'est à toi que je parle, t'es sourde ou quoi ? hurla le blond avec un anglais parfait qui aurait su faire plaisir à Présent Mic.
Shoto fut sur le point de demander à Katsuki de faire preuve de plus politesse, mais c'était déjà trop tard. Le blond avait posé sa main sur l'épaule de l'adolescente. Cette dernière fit volte-face, une expression apeurée imprimée sur son faciès. Quelques secondes plus tard, un bruit sourd retentit dans le self et la tête de Katsuki fut projettée en arrière. Poing serré et regard ahuri, Megan resta stupéfaite pendant quelques secondes. Un silence brutal s'abattit dans l'immense pièce. Shoto était trop surpris pour esquisser le moindre geste, les yeux écarquillés il regardait Katsuki qui avait une main posée contre son nez ensanglanté.
— Megan..., commença une fille aux cheveux noirs en s'approchant d'elle avec une mine inquiète.
— Katsuki..., prononça Eijiro avec de gros yeux ronds. Mec, tout va bien ? Qu'est-ce que t'as fait pour qu'elle te fiche un coup de poing ?
Le blond ferma les yeux, tandis qu'une veine palpitait au niveau de son front. À la vue de la mine terrifiée qu'effectuait Izuku, Shoto comprit que quelque chose de très moche était sur le point de se produire.
— Je... JE VAIS LA BUTER !!
Des premières étincelles firent leur apparition au niveau de la paume de Katsuki. Il se retourna prêt à bombarder la jeune fille, tandis que tous ses camarades tentaient en vain de le retenir. Shoto laissa échapper un soupir de soulagement lorsqu'il remarqua que Megan avait déjà déserté les lieux, et que Monsieur Aizawa s'occupait personnellement de son élève. Le jeune garçon devait absolument trouver qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez cette jeune fille, qui avait su mettre Katsuki dans tous ses états.
En dépit de son égo, Jill était forcée d'avouer que sans les soins prodigieux de cette jeune fille elle n'aurait jamais pu être sur pieds aussi vite. Elle la toisa pendant quelques secondes du haut de ses grands yeux noirs, et cela lui suffit à déceler toute la souffrance que laissait transparaître ce visage enfantin, empli de candeur. Elle attacha ses longs cheveux violets en une queue de cheval bien haute, avant d'abaisser son col roulé noir qu'elle avait dû relever pour soigner ses blessures. D'un geste, elle enfila sa cape de la même couleur que son haut et juste après ses doigts longs et fins retrouvèrent le contact familier de ses gants obscurs.
— Qu'est-ce que tu veux ? lâcha-t-elle d'un ton désinvolte en ayant remarqué que la jeune fille qui l'avait soignée ne cessait de l'observer avec un regard étrange.
À peine eut-elle prononcé cette question, qu'elle sursauta.
— Vous devriez arrêter de vous surmener autant pendant vos entraînements.
Jill fronça des sourcils. Cette gamine ne pouvait pas comprendre.
Le teint foncé de cette jeune fille lui évoquait la couleur du café, et ses cheveux noirs tressés en deux nattes africaines avaient le don de procurer à son visage une beauté particulière. Cependant, ce qui intriguait le plus Jill était sans contester ses prunelles ébènes. L'évidence la frappa de plein fouet. Quand bien même elle différait de lui sur certains points, cette fille faisait bien partie du même arbre généalogique que Sirius. Puis, comme l'avait dit Henael auparavant, son nom, son alter, ainsi que ses talents en médecine ne pouvaient pas tromper : elle était bien membre de la famille Blackthorne.
En quelques pas rapides Jill se positionna face à l'adolescente, et saisit le pendentif du collier qu'elle portait autour du cou.
— Cet anneau, cette bague... Où est-ce que tu l'a trouvé ? lui demanda-t-elle.
— C'est... C'est mon père qui me l'a offert le jour de mes douze ans. Apparemment, c'est un objet important au sein de sa famille.
— Je vois, conclut Jill. Donc, tu es bien de la même famille que Sirius, il avait exactement le même anneau. C'est étrange, à première vue vous ne vous ressemblez pas, mais vous avez le même regard.
— Je ne connais pas de Sirius Blackthorne ! hurla-t-elle aussitôt. Vous m'avez kidnappée pour rien, je ne sais pas ce que vous attendez de moi, mais...
— Tais-toi gamine, lui intima Jill en lui donnant une petite tape sur le front.
— Pour infos, mon nom est...
— Shea Blackthorne, je sais.
Jill n'avait plus de temps à perdre avec cette gamine que Seito avait kidnappé sous les ordres d'Henael. Cependant elle était forcée d'avouer qu'elle était bien heureuse de savoir que cette fille était capable de trouver un moyen de réveiller Sirius. Avec ce dernier à ses côtés, son combat contre ce fichu clone de papier ne se serait pas passé comme ça. Cette pensée lui rappela aussitôt qu'il était temps pour elle de discuter de nouveau au sujet de cette mission avec Heanel.
— J'ai une question à vous poser, dit Shea en rivant sur elle un regard déterminé.
— Hmm... Je t'écoute.
— Vous avez dit que ce n'était qu'un clone. Un clone de papier, c'est bien ça ?
Les souvenirs affluèrent dans l'esprit de la jeune femme. Son regard obscur fut aussitôt possédé par la haine.
— Je ne connais qu'une seule personne capable de faire ça..., murmura Shea pour elle-même. Pourquoi est-ce que vous vouliez tuer ce type que vous avez affronté ?
Jill serra le poing. Pendant quelques secondes, elle se demanda pourquoi Shea lui posait de telles questions.
— Ce type va nous trahir, commença-t-elle. Quand deux personnes convoitent la même chose, elles ne peuvent pas se blairer.
Sur ces mots, la jeune femme quitta la pièce et laissa derrière elle une Shea qui fronçait des sourcils.
Les pas de Jill résonnaient à travers ce long couloir sombre et vide de l'Institut. Elle rejoignit assez rapidement la pièce ou était Henael, car elle connaissait les lieux par cœur. C'était ici qu'elle avait passé la majeure partie de son adolescence. C'était ici, qu'elle avait tout appris.
Elle posa sa main sur la poignée et la porte s'ouvrit dans un grincement sourd. Dans la pièce, aucun bruit ne pouvait s'entendre si ce n'était le déplacement des pièces d'échecs sur l'échiquier. Un air curieux s'imprégna sur le visage de Jill lorsqu'elle aperçut Henael plongé dans une partie d'échecs avec un homme d'une vingtaine d'années.
— Tiens Jill, je t'attendais.
— Qui c'est lui ? demanda-t-elle de but en blanc.
Le concerné tourna la tête et riva sur elle deux prunelles teintées d'un bleu limpide. Un sourire étira ses lèvres. Il se leva sous le regard prudent de la jeune femme, puis, d'un geste lent il attrapa la main de celle-ci avant de d'y déposer un baiser.
— Je m'appelle Byakuya, enchanté de faire votre connaissance Jill Stewart.
Un frisson lui parcourut l'échine. Elle se contenta de froncer les sourcils, et de fixer son interlocuteur avec une indifférence glaciale, dont très peu auraient su faire preuve face à un tel homme. Quelques mèches de sa chevelure aussi blanche que la neige, lui tombaient sur les yeux. Il était vêtu d'un costard noir ajusté, et un joli noeud papillon noir allant de paire avec sa chemise blanche, ornait son cou.
— Je pense qu'il est grand temps pour moi de m'en aller, dit-il toujours muni de son petit sourire. À une prochaine fois.
Jill ne put passer à côté du coup d'œil qu'il avait lancé à Henael avant de déserter les lieux.
— Ce mec est bizarre, grogna-t-elle.
— Tu dois être là pour me parler de cette ancienne mission j'imagine.
La voix de son supérieur la ramena aussitôt à la réalité. Elle hocha de la tête en guise de réponse, avant d'avancer et de s'asseoir sur le siège qui était libre. Henael encra ses prunelles écarlates dans les siennes, et elle soutint son regard en croisant les jambes.
— Qu'est-ce qu'on fait de lui ? demanda-t-elle tout simplement. Je vais être honnête avec toi, au vu de ses capacité il est possible qu'il mette la main sur Shoto avant nous. Il faudrait peut-être penser à avancer la date de l'opération.
— Hors de question. Nous enlèverons Shoto lors de cet examen, comme il a été convenu il y a quelques mois déjà.
— Tu es sûr de toi ? insista-t-elle en croisant les bras. Dois-je te rappeler qu'Huri a disparu depuis un bon bout de temps ? Tout le plan tombe à l'eau sans elle.
— Elle reviendra, prononça-t-il avec une certitude inébranlable. Zachariel se charge personnellement de la retrouver.
Jill s'adossa sur son siège, avant de soupirer. Elle décida d'occuper ses mains en faisant tournoyer un poignard entre ses doigts. Le scintillement de la lame dans les airs parvenait à la détendre.
— Je veux me charger personnellement de ce numéro 97, pensa-t-elle à haute voix.
— J'ai pourtant l'impression que c'est à moi d'agir, expliqua Henael. Si j'avais su avant qu'elles étaient ses véritables intentions, je ne l'aurais jamais aidé à s'échapper de la prison que lui avait attribué le docteur Wayne.
Il s'approcha de son échiquier et saisit la pièce du roi.
— Ça me ferait presque de la peine de l'éliminer.
Depuis cette nuit où elle avait révélé tous ses ressentis à Zachariel, le quotidien d'Huri se résumait à fuir. Fuir la Némésis qui allait sûrement chercher à la retrouver. All Might avait pris sa retraite depuis bien longtemps déjà, et elle se basait sur ce repère temporel pour estimer le temps qu'elle avait su passer loin de la Guilde, et surtout, le temps qu'elle avait passé à survivre.
L'argent qu'elle avait gagné grâce à ses missions, lui avaient permis de dormir dans des hôtels différents, mais à partir d'un certain instant, elle décréta qu'il fallait qu'elle trouve un job, aussi infime soit-il, mais il lui fallait mettre la main sur un gagne-pain. Très vite, par un miracle inconnu elle découvrit que la mère d'Asta était propriétaire d'un petit restaurant.
Par le biais de faux papiers que lui avait fourni la Némésis, elle avait su décrocher un petit emploi de serveuse au sein de ce fameux petit endroit chaleureux. À plusieurs reprises,
elle avait supplié le ciel pour qu'Asta ne se présente pas en ces lieux mais malheureusement ses prières ne furent pas exaucées et le grand brun devint même la personne qu'elle côtoyait le plus au quotidien.
Elle avait fini par s'habituer au bruit des ustensiles qui s'entrechoquaient, au brouhaha qui pouvait prendre naissance lorsque le restaurant était rempli, à l'odeur du riz associé au poisson pour donner naissance à des sushis et enfin, à la voix d'Asta qui avait le don de diffuser des ondes positives.
— Hé hop ! Voilà pour vous monsieur, bon appétit !
Huri fixait du coin de l'œil le sourire qu'esquissait le jeune homme en servant les clients de sa mère. Ses prunelles ébènes étaient pétillantes et allaient de paire avec sa chevelure brune et désordonnée. Le jeune homme était vif et empli d'énergie. Il portait un t-shirt blanc et un petit tablier noir. La jeune blonde avait une vue imprenable sur les premiers muscles qui apparaissaient sur ses bras et sur la façon dont ses doigts maniaient chaque plateau avant de les déposer sur la table. Quiconque l'apercevant à l'instant même dirait qu'il arborait un physique ordinaire, mais l'ayant vu proche de la mort Huri était à même de dire qu'il était bien plus fort qu'auparavant.
— Dis-moi Asta, commença l'un des clients, comment vont ta mère et le bébé ?
— Super bien ! répondit-il. Le ventre est bien arrondi maintenant, j'ai hâte de voir la bouille de ce petit.
Voyant qu'il s'approchait de la cuisine, Huri cessa de l'observer et fit mine de s'occuper de la vaisselle quand bien même ce n'était pas à elle de la faire. En réalité, depuis qu'Asta s'était engagé à passer un peu de temps dans ce restaurant afin d'aider sa mère enceinte, il s'occupait de toutes les tâches attribuées à la jeune blonde.
— Coucou Huri ! lança-t-il.
— Oh salut.
— Tu peux laisser ça tu sais, je vais m'en occuper.
Le cœur de l'adolescente loupa un battement lorsqu'elle sentit les doigts du jeune homme se poser sur les siens. Prise de court par ce contact soudain, elle en laissa tomber l'assiette qu'elle tenait entre les mains qui se fracassa contre l'évier. Elle ferma les yeux, non sans avoir pesté contre elle-même tandis que de la mousse venait de se déposer sur ses joues.
— Désolé..., balbutia-t-elle.
Quelques gouttes de sang se mirent à perler sur ses doigts. Le cœur de la jeune blonde - dont les cheveux avaient bien poussé depuis - tambourinait dans sa poitrine à une vitesse phénoménale. L'odeur d'Asta envahissait ses narines, elle percevait le flux puissant de son sang dans ses veines, et bientôt elle put même entendre chaque pulsation de son cœur qui battait à une vitesse aussi phénoménale que le sien.
Le sang.
Elle remarqua du coin de l'oeil que les pupilles du jeune homme étaient rivées sur les gouttes écarlates qui traçaient des sillons délicats sur sa peau d'ivoire. Les yeux noirs d'Asta étaient rivés sur elle, et détaillaient chaque partie de son visage.
— Ce n'est pas grave, dit-il enfin. Tu devrais te reposer tu sais ! Tiens, ça te dirait d'aller au parc d'attraction ce soir ?
Il lui sourit. Il semblait avoir contrôlé avec brio la pulsion qui l'avait envahie à la vue du sang.
Huri aurait aimé refuser, elle n'avait pas le temps de se distraire alors que la Némésis menaçait de lui tomber dessus d'une seconde à l'autre. Mais pour une raison qu'elle n'aurait su dire, la réponse s'échappa de ses lèvres sans qu'elle puisse faire quoi que ce soit.
— Oui, j'aimerais bien.
— Super !
D'un geste du doigt, Asta lui retira la mousse qui s'était logée sur sa joue. Elle le regarda, puis lui sourit.
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