CHAPITRE 38 : LE PLAN DE MIKE

   S'il en croyait ses souvenirs, New-York n'avait pas changé et demeurait la même ville arborant avec une pointe d'arrogance ses fameuses structures intimidantes. De sa position, il était à même de repérer cette vieille statut qui parvenait encore à demeurer debout malgré l'immense flot temporel qu'elle avait connu. Cette dernière brandissait une torche et semblait désireuse d'embraser les nuages par le biais de sa flamme de liberté. 

Le vent soufflant dans sa chevelure auburn, Henael contemplait d'un œil amusé la ville de son enfance. Ses prunelles écarlates, scintillantes à la manière de deux rubis, exprimaient l'étendue de sa satisfaction. Nul ne pouvait voir le sourire qui avait pris possession de ses lèvres, le bas de son visage étant dissimulé par un tissu noir. À cette heure matinale, il n'avait aucun scrupule à demeurer debout au dessus du toit d'un des plus grands buildings de la ville.

-  Henael, j'ai une question.

Il s'en doutait bien. Il avait deviné avec une clarté sans pareille que le jeune brun à ses côtés mourrait d'envie de lui poser une question. Cela pouvait se deviner à travers la fine lueur de curiosité qui brillait à travers ses yeux aussi noirs que l'ébène.

-  Exprime-toi Seito, je t'en prie.

Le dénommé Seito qui tout comme Henael était vêtu d'une tenue entièrement noire, arbora aussitôt un visage fermé dénué de toutes émotions. Ses cheveux aussi obscurs que ses yeux faisaient émerger la pâleur de son teint.

" Il est aussi sombre que la nuit. C'est pour ça que je l'ai choisi. "

-  Vous ne ressentez rien ? Là, sur cette terre où vous avez grandi ? Vous ne ressentez aucune envie de retrouver tous vos proches ?

-  Je ne te savais pas aussi sentimental Seito, dit-il en laissant ses doigts gantés effleurer le manche du sabre derrière son dos.

Le jeune homme demeura de marbre.

-  Non. Je ne ressens absolument rien, finit-il par répondre.

Le froid de New-York glissait sur son corps, et Henael savourait avec un plaisir interdit cette sensation qui étreignait les restes de son cœur. Il s'était vengé. L'odeur de son sang subsistait encore dans ses narines.

-  Le docteur Wayne est mort, prononça-t-il d'un ton neutre. Admire Seito. Admire le flot de super-héros qui vont se concentrer à New-York pour essayer d'élucider le meurtre d'une des pires vermines de l'humanité.

Son ton avait fini par être colérique. Il n'exprimait que haine et dégoût.

-  J'imagine que cette mission sera placée top secrète. Les médias n'en parleront pas, fit remarquer Seito en adoptant une pose accroupie tout en ne cessant de fixer l'horizon. Les activités de cet hôpital dirigé par le docteur sont connues uniquement par les gouvernements et les super-héros.

Henael fronça des sourcils, la colère affluant en lui.

-  Dites-moi, vous ne pensez pas que l'enquête qui se déclenchera suite à ce crime vous mettra en danger ?

-  Ils sauront que je suis là, répondit Henael en serrant son poing. Ils sauront que je ne suis pas mort, et je trépigne d'impatience à l'idée de leur montrer qu'ils avaient eu raison d'avoir peur ce jour-là. Le jour où mon alter a été découvert.

Du coin de l'œil il vit les traits de Seito exprimer de nouveau de la curiosité. Le jeune garçon laissait également transparaitre une toute autre émotion : de l'impatience.

-  Henael... En vous sachant vivant, ils comprendront l'étendue du danger qui plane au dessus du monde, de ce monde régi par les alters. Vous êtes sur le point de...

-  De changer les choses ? devina-t-il. En effet.

-  Mais aussi de révéler à tous, la face cachée de notre société.

Le sourire sur ses lèvres s'agrandit. Enfin.

-  On rentre au Japon Seito, dit-il. Nous avons d'autres missions à accomplir et les sommes d'argent à gagner ne sont pas négligeables.

- Entendu.

Henael se servit d'un alter basé sur la vitesse pour se déplacer de toits en toits. De son côté, Seito parvenait à suivre la cadence en faisant émerger de ses doigts des fils qui lui permettaient de prendre appui à certains endroits afin de se laisser basculer dans les airs.

Henael avançait, animé par ses objectifs et une force qui semblait indestructible.

" Une guerre est sur le point de se déclencher. Peu importe le clan que tu choisiras Ken, ta petite Akane sera de mon côté et le jeune Todoroki constituera mon arme secrète. "

Il lui importait peu de savoir si la mission à Tokyo avait été un succès. Il avait supposé un instant que Sirius et Jill avaient pu échouer. La conclusion qu'il avait établit à la formulation de cette pensée était la suivante : s'ils n'avaient pas eu Akane Isayo, il irait la chercher de lui-même.

Akane était beaucoup trop terrorisée par la peur pour daigner prendre en considération les larmes qui traçaient de longs sillons sur ses joues. S'enfuir à bord d'une moto qu'elle savait à peine manier s'apparentait sans aucun doute à une de ses plus grandes bêtises. La totalité de son corps était en proie à des tremblements.

Elle s'éloignait. De tout.

Pendant quelques secondes, l'idée de tout quitter et de disparaitre lui effleura l'esprit. Elle ne supportait plus ce poids qui pesait sur ses épaules. Lorsqu'elle était aux côtés de Sirius, pendant quelques instants elle était persuadée du fait que son destin était scellé. Durant ce laps de temps, elle s'était faite à l'idée qu'elle n'allait plus avoir aucun lien avec les héros, et que son avenir allait se dessiner auprès de la Némésis qu'elle n'aspirait qu'à détruire. Puis surtout, elle allait enfin sauver Takara et Mike.
Mais il était réapparut.

Shoto.

Ses mains se crispèrent, et ses sanglots furent noyés par le bruit de sa moto.

Shoto.

Il était revenu comme un vieux songe. Un vieux songe qui n'avait rien perdu de sa beauté et de sa facette attirante. À la simple vue de son regard, son cœur et ses pensées s'étaient mises à vaciller. Elle se sentait de nouveau attirée par deux forces antagoniques. Une partie d'elle-même se retrouva contre toutes attentes soulagée de retrouver ce regard vairon qui lui était si propre, et une autre le maudissait de chambouler tous ses plans. Elle voulait se décider une bonne fois pour toute.

Elle se mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang.

Elle lui en voulait. Elle lui en voulait de manière injuste et bête, elle en avait conscience, mais c'était plus fort qu'elle. Il hébergeait en lui quelque chose qu'Akane savait trompeur et purement illusoire : l'espoir. Elle l'avait attaqué pour ça. Parce qu'il arrivait presque à lui redonner espoir, à la guider vers un chemin empoisonné au sein duquel elle était convaincue de se perdre un jour.

Mais désormais, Shoto était derrière elle. Allait-il vaincre Sirius ? Elle ne désirait pas le savoir. Ce qui lui importait dès cet instant même était de retrouver ses amis et d'accomplir sa propre mission. Pour se faire, elle devait fuir l'équipe de super-héros qui accompagnait sans aucun doute Shoto.

Akane fronça des sourcils et se munit d'une concentration immense. En face d'elle se dressait un premier obstacle qui avait pour unique fonction de signaler le fait que la route entière était barricadée. L'adolescente déglutit. Son maniement de la moto était très fragile, elle craignait de s'écraser la figure à n'importe quel moment. À travers le tumulte des émotions qui l'assaillaient, la peur de ne pas s'en sortir vivante était celle qui régnait maintenant en tant que maîtresse. L'adrénaline affluait dans ses veines tandis que ses yeux voyaient le paysage défiler à une vitesse folle.

Les battements de son cœur étaient effrénés.

L'obstacle approchait.

" Qu'est-ce que je vais faire ? "

Elle ferma les yeux, mais lorsqu'elle vit l'image du visage de Shoto imprégner ses paupières elle décréta que ce n'était pas ce qu'elle devait faire. Elle chassa tout souvenir du jeune homme à la chevelure bicolore, et retrouva sa concentration initiale.

" Vole. "

Elle hocha la tête comme pour donner raison à ses propres pensées. Aussitôt, la totalité de la partie droite de son corps se mit à générer de l'énergie. De l'air commença à tournoyer autour d'elle.

Les battements assourdissants de son coeur parvenaient à noyer le bruit du moteur. Une boule terrible prenait naissance dans son estomac. Ce fut à l'aide d'un geste prodigieux qu'elle parvînt à taper le bitume à l'aide de son pied droit. Ce contact brusque lui servit d'appui, et grâce à l'air qu'elle ne cessait de générer elle parvint à effectuer un saut des plus vertigineux avec sa moto.

Son souffle resta suspendu dans les airs et elle laissa échapper un petit cri lorsque le véhicule atterrit de manière brusque au sol. Elle perdit le contrôle, et les pneus crissèrent contre le gravier. Ses gestes précipités lui permirent néanmoins de ne pas s'écraser contre ce bitume. Elle n'eut pas le temps d'émettre un simple soupir de soulagement. Le GPS lui indiquait que Mike et Takara n'étaient plus très loin.

-  T'auras des ennuis. Sois-en sûr.

La blonde en face de lui croisa des bras et le toisa d'un air sévère. Shoto ne prit pas la peine de répondre quoi que ce soit. Il laissa son regard rivé vers le sol, laissant les médecins s'affairer sur son bras droit qui laissait voir plusieurs traces de sang. Son corps était affaibli. Il avait chaud, puis froid. Il semblait subir les effets secondaires de l'utilisation abusive de ses alters. Il serra le poing, décrétant qu'il n'avait pas été assez fort.

-  Bon..., soupira l'héroïne occupée de lui faire la morale, tu n'as pas de quoi être fier d'avoir arrêté Sirius Blackthorne. Ton action était... Shoto ! Est-ce que tu m'écoutes au moins ?

Il sentit une colère terrible se propager en lui. Il avait une envie irrépressible de tout envoyer valser. En quelques secondes, il se sentit immergé dans la peau de son camarade de classe le plus impulsif : Katsuki Bakugo. Il se laissa le temps de retrouver son sang-froid. Il grimaça en sentant l'alcool entrer en contact avec ses plaies.

-  Infligez-moi la punition que vous voulez. Ça m'est égal.

-  Ton stage en entreprise. Si ton père apprend l'immense bêtise que tu as commise, il est en droit de t'infliger une note catastrophique.

Il laissa échapper un rire amer.

-  Parce que vous croyez qu'Endeavor serait capable de faire ça ? Il est beaucoup trop obnubilé par ma réussite, cracha-t-il.

Elle prononça quelque chose qui lui échappa. Il laissa son regard se perdre vers l'horizon, comme si cela suffirait pour qu'il la voit. Il sentit son cœur se compresser dans sa poitrine. Il aurait aimé dire à Akane, qu'il comprenait l'étendue de la souffrance dont elle était sujette. Mais cela serait un pur mensonge. Elle était rongée par un mal si profond, qu'elle en venait à détruire tout autour d'elle.

-  Akane, prononça-t-il. Qu'allez-vous faire d'elle ?

-  Je vois..., souffla la blonde. Si c'est elle qui t'inquiète, sache que des équipes se sont lancées à sa poursuite.

-  Est-ce qu'on a une idée de sa destination ? s'enquit-il.

-  Pas vraiment, répondit-elle. Ce n'est encore qu'une hypothèse.

Shoto en profita que les médecins d'urgence aient les yeux tournés pour tenter de persuader l'employée de son géniteur.

-  Il faut que je rejoigne ces équipes.

Les prunelles azurées de la trentenaire s'écarquillèrent. Elle semblait avoir du mal à réaliser que Shoto était prêt à s'embarquer dans une mission en dépit de son état physique.

-  Hors. De. Question, articula-t-elle. Tu nous as assez causé de soucis comme ça. On va devoir prétendre devant les médias que tu n'as servi que d'aide dans l'arrestation de Blackthorne. C'est déjà trop tu comprends ? Et si le pire était arrivé Shoto ?

Ce dernier encra ses pupilles dans celles de son interlocutrice. Pour une raison qu'il n'aurait su dire, il décela en elle un désir de protection qui en devenait presque maternel. Elle lui faisait penser à Fuyumi, et dans un autre contexte il aurait presque été touché. Presque.

-  Vous êtes une héroïne, alors vous devez sans aucun doute connaitre ce désir. Cette envie, qui en devient presque un devoir : celle de devenir le héros d'une personne qui semble connaître les moments les plus désastreux de son existence.

Il se leva, ne prêtant aucune attention aux protestations des médecins et enfila de nouveau le haut de son costume qu'il avait été forcé d'abaisser pour se faire soigner. Il serra les dents, et parvint à oublier la douleur par son immense envie de retrouver Akane.

-  Bon... C'est d'accord. Je vais t'affecter à la dernière équipe. Le but est d'emprunter plusieurs chemins afin de la cerner. C'est une mission d'importance capitale Shoto.

Il se contenta de faire volte-face avant de s'en aller. Le jeune homme à la chevelure bicolore était en proie à ses pensées.

Il était persuadé d'avoir entendu la voix d'Asta à un certain moment. Bien que cela puisse paraître fou, dans le fond il ne serait pas surpris de savoir que ce grand brun s'était immiscé dans l'enquête d'une manière qui lui échappait. Asta semblait avoir tout compris depuis le début, et même si Shoto n'avait aucune once d'affection à son égard il était forcé de l'avouer.
Le premier qui avait eu la volonté de sauver Akane, c'était lui. Il avait senti son mal-être. Shoto serra des poings. C'était comme si ce jeune homme avait su mettre en place des liens invisibles avec la jeune fille. Il semblait comprendre le flux complexe des pensées d'Akane, de telle sorte qu'il avait anticipé la bêtise qu'elle semblait sur le point de commettre, en l'occurrence, s'en aller avec Sirius. Délivrer ce membre de la Némésis pour les rejoindre.
Asta avait compris ce que lui n'aurait même pas pu imaginer il y a quelques temps de cela, même en connaissant les motivations d'Akane et la véritable identité de son père.

Takara avait perdu la notion du temps. Son corps était épuisé, et son ventre hurlait famine. Assise contre le mur, le regard absent, elle attendait. Elle n'avait d'autres choix que de s'illustrer comme cette personne faible et sans défense, forcée d'attendre l'individu ou le miracle qui saurait la sauver.

Faible.

Ses poings se serrèrent et ses ongles s'enfoncèrent dans sa chair. En restant aussi passive, elle donnait raison à Dan.

-  À ton avis, elle va venir ? demanda-t-elle.

-  Je n'en doute pas, souffla Mike. Elle est beaucoup trop de nature suicidaire pour ne pas venir.

Takara ferma les yeux. À présent elle était désolée. Elle s'en voulait d'attirer contre son gré Akane dans la gueule du loup.

-  Y a vraiment aucun moyen de la battre cette Jill ? demanda-t-elle d'un ton rageur.

-  Jill est... Cette meuf a tué "mes amis" devant mes yeux, lui avoua Mike. Elle l'a fait sans pitié.

Takara sentit son cœur cogner à une vitesse phénoménale contre sa poitrine. Elle avait compris qu'elle n'était pas à la merci de n'importe quelle organisation. Ses mains se mirent à trembler, et elle déglutit.

-  À chaque fois elle débarque de nulle part pour s'assurer qu'on va bien, ou pour nous apporter ces trucs infectes qu'elle appelle nourriture, fit remarquer Takara. Elle débarque par ce qui semble être un portail étrange, conçu par elle-même. On est prisonniers dans une sorte de dimension qu'elle contrôle. Cette chambre... J'ai l'impression que ce n'est qu'une illusion..., conclut-elle en s'agrippant les cheveux. Pourquoi est-ce qu'on ne l'attaque pas, avant de s'enfuir par ce portail ?

Elle riva ses yeux violets sur Mike, assis à quelques centimètres d'elle. Son teint pâle avait au moins le mérite de faire émerger le bleu exceptionnel de ses yeux. Le brun contracta la mâchoire en entendant les propos de Takara. Pendant quelques secondes, cette dernière eut peur qu'il ne soit en train de craquer, agacé d'être enfermé avec elle.

" Il m'a pourtant dit que... Non. Ce n'est pas le moment de penser à ça. "

-  Ce serait inutile de l'attaquer pour s'enfuir. Parce qu'au final, quoi qu'il arrive Akane viendra. La conclusion de toute cette histoire sera que finalement nous serons libres, mais à quel prix ? Notre meilleure amie sera entre les griffes de... De ce groupe, termina-t-il avec peine.

-  T'as raison. Je me suis montrée égoïste, encore une fois ! dit Takara en laissant échapper un rire amer.

-  Arrête, t'es bien la dernière personne égoïste que je connaisse.

L'adolescente aux cheveux roses faillit répliquer, trouvant injuste le fait que Mike l'idéalise tant alors qu'il existait encore plusieurs choses qu'il ignorait à son sujet. Puis, elle fut bien forcée d'avouer que cette façon qu'il avait de la regarder lui faisait penser au regard que Dan lui dévouait il y a quelques temps de cela.

-  Ce qu'on va faire, reprit-il, c'est qu'on va rester et attendre comme deux petits enfants sages l'arrivée d'Aka'. Ensuite, là on attaquera. Et on va se barrer. Pas à deux mais à trois. Je suis persuadé qu'Akane n'a pas vraiment l'intention de les rejoindre
... Elle n'est pas tarée quand même, tu me suis ?

Takara esquissa une grimace, montrant ainsi son scepticisme.

-  On parle quand même d'Akane.

Elle fut surprise en entendant un léger rire s'échapper des lèvres de son ami.

-  OK j'avoue, elle a toujours été bizarre, solitaire, et peu bavarde, mais à mon avis elle doit être munie de bon sens.

-  Peu importe qu'elle soit folle ou pas, conclut Takara. Je te suis dans ton plan.

Le brun hocha de la tête, l'air satisfait d'entendre la réponse de son amie.

-  À ton avis, on est là depuis combien de temps ? demanda Takara en sentant de nouveau la fatigue l'étreindre.

-  Je t'avoue un truc ? J'en ai aucune idée.

L'adolescente était épuisée. Une douleur sans nom lui vrillait le crâne, et pour couronner le tout elle était effrayée. Pas une seule seconde ne s'écoulait sans qu'elle ne craignait de voir Jill apparaître.

-  T'es là depuis plus longtemps que moi, je ne devrais même pas essayer d'imaginer ta notion du temps, dit-elle en étant convaincue que parler lui permettrait de rester debout.

-  Ouais. En effet, reconnut Mike en un soupir.

-  Qu'est-ce que te veut vraiment cette femme ? demanda Takara.

Elle vit les sourcils sombres du garçon se froncer. Elle observa avec attention la manière dont il faisait passer ses dents sur sa lèvre inférieure. Bien qu'il ne l'avait pas dit, Takara savait que Mike souffrait d'un traumatisme au fond de lui-même.

-  Ces gars qu'elle a tué... Ils... Elle les a assassinés parce qu'ils préparaient un casse de grande envergure. Un braquage mémorable si tu préfères.

-  Qu'est-ce que tu foutais avec...

-  J'le savais pas ! la coupa-t-il. Je n'y savais rien. Bon, j'avoue que j'avais conscience qu'ils étaient peu fréquentables. À la base, ils me disaient qu'il s'agissait juste d'un petit braquage dans une supérette paumée. Jill nous fréquentait souvent. Elle avait opté pour un style un peu ado, et puis en un temps record elle avait réussi à se trouver une place parmi nous. Puis un jour, comme ça...

Il n'acheva pas sa phrase, et laissa son regard divaguer au loin. À la vue de ses yeux, Takara sentit son cœur se compresser. Elle avait conscience qu'après sa dernière rencontre avec Dan, elle arborait le même regard absent, vide. D'un geste incontrôlé, et en dépit de son épuisement, elle attrapa la main de Mike.

-  Continue, je suis là.

-  Elle les a tués. Est-ce que tu réalises Taka' ? Y... Y avait du sang partout. C'était horrible. Je voulais m'enfuir, j'avais terriblement peur. Mais elle m'a dit que ça ne servait à rien. Puis, elle m'a révélé les véritables plans de ces types. Ils voulaient s'emparer d'un
brinks. Ce sont des camions qui transportent de grosses sommes d'argent. Mais, pour se faire ils comptaient kidnapper la fille du chauffeur. Ils préparaient ça depuis deux ans. Et Jill avait mis la main sur tous leurs plans.

Pendant quelques secondes, Takara n'osa pas imaginer le choc auquel avait pu être sujet Mike. Ce dernier déglutit avant de poursuivre :

-  Puis c'est là, qu'elle m'a dit toute la vérité. À propos de son groupe. Elle m'a forcée à rencontrer son boss. Et puis tu connais la suite, il s'est procuré mon alter...

Le jeune homme toucha du bout des doigts un endroit de son cou. Takara ne peina pas à faire le rapprochement entre ce geste qu'il avait esquissé de façon naturelle et ses paroles.

Dotée d'un courage qu'elle n'aurait pu soupçonner, elle toucha le cou de Mike du bout des doigts et ne manqua pas de remarquer cette petite cicatrice.

-  C'est par là qu'il a pris mon sang... Et il s'est accaparé de mon pouvoir. Il a le même que moi, en plus d'une dizaine d'autres.

Sous le choc, la jeune fille ne sut quoi dire. Alors elle prit le temps de détailler Mike par le biais de ses prunelles violettes. Jamais en le rencontrant il y a quelques années, elle n'aurait pu deviner qu'ils en arriveraient là. Pourquoi lui ? Pourquoi eux ? Takara ne comprenait pas. Elle ouvrit la bouche, prête à prononcer une parole emplie d'espoir pour eux. Mais elle fut stoppée par l'apparition de ce portail qu'elle maudissait tant.

Ses cheveux violets encadraient son visage intimidant et ses grands yeux noirs étaient rivés sur eux. Elle n'était pas aussi détendue qu'à son accoutumée.

Jill.

Sa présence signifiait-elle qu'Akane n'était plus très loin ?