CHAPITRE 31 : PARTIR OU RESTER...
CHAPITRE 31 : PARTIR OU RESTER...
Akane entendit un éclat sinistre retentir dans les airs. Il lui en fallut peu pour comprendre que l'origine de ce son pétrifiant n'était autre que l'organe vital qui battait dans sa poitrine. Son cœur venait d'exploser. La faille déjà présente en elle qui menaçait de faire couler son âme, laissa entrer ce sentiment qui lui devenait de plus en plus familier. Elle le reconnut d'emblée, c'était la haine. Elle était teinte de noir, aussi profonde qu'un gouffre, aussi effrayante que les ténèbres et envahissante qu'un tsunami.
L'obscurité se répandait dans chaque parcelle de son être intérieur, elle courait et tournoyait dans ses veines. Elle déglutit. La situation était si dure à encaisser, que pendant une seconde elle se mit à envisager que tout ça était peut-être le fruit de son imagination. Ce fut à cet instant que la pauvre adolescente fut assaillie d'une ribambelle de souvenirs.
Un nom résonna dans son esprit. Il était semblable à une douce mélodie.
"Takara"
Le souvenir d'un joli sourire lui vint en mémoire. Le merveilleux regard de son amie ressortit des décombres de son esprit. Il s'agissait de deux prunelles violettes qui avaient le don magique de s'accorder avec une chevelure atypique, aussi rose que de magnifiques lauriers.
"Mike"
Deux pépites azurées et pétillantes semblèrent se matérialiser sous ses yeux. Ses souvenirs la bousculaient dans tous les sens. Elle crut presque sentir de nouveau la présence de Mike, qui avait pour habitude de lui dire bonjour en s'amusant avec la capuche du sweat qu'elle portait.
À cet instant, confrontée aux images de ses deux meilleurs amis, la jeune fille prit conscience du poids énorme qui venait de s'abattre sur ses épaules. Elle serra des dents en sentant une douleur aiguë se diffuser dans son crâne. Un léger cri s'échappa des lèvres de l'adolescente.
Elle recula de quelques pas, fit volte-face et se retrouva non loin de deux prunelles noisettes qu'elle reconnut comme étant celles de cet homme qui venait de l'abattre encore plus psychologiquement.
La douleur qui assaillait son crâne commença à se manifester de manière plus persistante. Le sol semblait tourner à chacun de ses pas.
L'image de Sirius qui était assis en face d'elle, miroita avant de se noyer dans une marre noire. Tout s'évapora en quelques secondes.
Lorsqu'elle ouvrit de nouveau les yeux, seule l'obscurité était là pour l'accueillir. Elle hésita. Était-ce donc les limbes obscures de son âme qu'elle affrontait désormais ?
- Akane.
Son corps fut sujet à un terrible frisson lorsque cette voix rocailleuse et grave résonna autour d'elle. Elle semblait forcer les serrures de son cœur afin de pouvoir entrer en elle.
- Laisse aller ta colère, laisse ta force s'exprimer. N'aies pas peur Akane.
Ces paroles suffisaient à faire vibrer la multitude infinie de cellules qui constituaient son corps. C'était la peur de l'inconnue qui lui provoquait cette sensation des plus étranges.
- Qui êtes-vous ? souffla-t-elle.
- Tu ne me reconnais donc pas ?
Les verrous de son esprit lâchèrent dès lors qu'il eut formulé cette question. Les douleurs de ce combat nocturne lui revinrent aussitôt en mémoire. Toutes les cicatrices qui avaient pris du temps à s'estomper, semblèrent se ranimer en un éclair. Elle aperçut de nouveau le regard déterminé de Shoto, et toute la force qu'il avait impliqué dans ce combat qui était tout sauf le sien. La vague de souvenirs qui l'assaillaient se termina par la vision de deux prunelles dont les teintes rouges rappelaient la couleur fascinante du rubis.
- Henael, prononça-t-elle avec lenteur.
- Je suis dans ton esprit Akane. Et c'est en pensant à moi, à cette marque qui orne ton poignet que tu trouveras cette force que tu cherches tant.
Elle aurait aimé hurler que cette force à laquelle elle aspirait, allait lui permettre de l'éliminer une bonne fois pour toute. Tout ce qu'elle désirait à ce moment n'était autre qu'avoir à disposition le courage nécessaire qui l'aiderait à lui expliquer qu'en voulant la rendre forte il désirait former de ses propres mains l'arme qui ne tarderait pas à faire périr son âme. Cependant, elle eut à peine le temps de mouvoir ses lèvres que la réalité lui bondit en plein visage. Le décor inquiétant qui l'entourait il y a quelques secondes de cela refit son apparition comme par magie. La silhouette de Sirius attaché à cette chaise, lui apparut de nouveau plus claire.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle en passant sa main dans sa chevelure.
- Cette douleur au crâne, ça ne peut être qu'Henael, annonça Sirirus.
Akane fusilla du regard son interlocuteur. Les dernières paroles qu'il avait prononcé au sujet de ses amis, s'étaient encrées en elle.
- Vous n'êtes qu'un imbécile ! cracha-t-elle. Cette force illimitée dont vous parliez, si j'en ai besoin c'est uniquement pour tous vous éliminer ! Et puis, vous avez été stupide de me parler des projets de la Némésis parce qu'il faudrait être fou pour penser qu'il n'y a pas de caméras en ces lieux.
Sirius pencha la tête sur le côté et ferma les yeux pendant quelques secondes. L'expression qui ornait son visage mettait en évidence une certaine concentration. La jeune fille se demandait qu'est-ce qu'il pouvait bien traficoter.
- Tu parles de caméras hein ?
Animée par un réflexe instantané, l'adolescente recula. Ses pupilles s'agitaient et laissaient ainsi deviner l'étendue incommensurable de sa perplexité, et surtout, de sa peur.
- Alors s'il y a des caméras... Endeavor ne tardera pas à se montrer !
À ces mots, Sirius se positionna en face d'Akane en quelques secondes. Il s'était libéré de ses menottes avec une aisance déconcertante. Prise par surprise, la brune n'eut pas le temps d'hurler lorsque la main fine du grand brun se resserra autour de son cou. Sa poigne n'était pas douloureuse, et voulait juste s'illustrer menaçante.
- Ils m'ont sous-estimé. Mais comment les blâmer ? Il est vrai que dans mon état, nul homme ne serait en mesure d'esquisser un seul geste qui demanderait un minimum d'efforts. S'ils ont éteint les caméras Akane, c'est uniquement pour... Te tester, termina-t-il en un léger sourire. Endeavor veut voir quelle décision tu prendras si tu es seule face au danger. Il te met sur le dos de grandes responsabilités.
L'adolescente déglutit. Elle se savait à la merci de Sirius. Il n'avait pas tort, si des caméras de surveillance étaient présentes, Endeavor serait déjà au sein de la pièce. Elle serra des poings, en pensant au fait que son ennemi avait raison. Le père de Shoto voulait la tester, et s'assurer si elle était digne de confiance ou pas. Si elle était entièrement du côté des héros, de la justice, et qu'elle ne pensait pas qu'à sa vengeance personnelle alors dès sa sortie de cette pièce elle s'empresserait d'expliquer l'étendue de la situation à Endeavor. Mais, dans le cas contraire, elle garderait l'essentiel pour elle et tenterait en vain de résoudre le problème à l'aide de ses propres mains.
Il n'y avait plus aucun doute, le super-héros la mettait en face de ses responsabilités. Le choix revenait uniquement à elle.
- À la vue de ton regard, et à l'entente des battements effrénés de ton cœur, j'en déduis que tu sembles comprendre.
- Qu'est-ce que vous allez faire à mes amis ?
- Ils sont juste un moyen de t'attirer jusqu'à Henael de ton plein gré.
- Je n'aime pas me répéter, dit-elle d'un ton glacial. Si Henael me rend assez forte, je me retournerai contre vous soyez-en sûrs.
- Alors viens, la provoqua-t-il. Il n'attend que ça.
Akane serra des poings, et munie d'un courage qu'elle n'aurait jamais décelé en elle il y a quelques temps, elle osa resserrer sa main sur le poignet de Sirius avant de le fixer droit dans les yeux.
- Lorsque tu nous auras rejoint Akane, tu comprendras les véritables enjeux de la Némésis. Et même si ton unique but dans la vie, est de nous exterminer parce que nous avons pris ton père... Tu échoueras. Tu échoueras parce que tu te rallieras à notre cause. Et dès lors, ton père te suivra. Tu es tout ce qu'il lui reste, alors pour lui il n'existe pas d'autres alternatives que de se plier à tes choix de vie.
Les yeux noisettes de son interlocuteur se fondaient dans les siens. Ses doigts tapotaient la peau de son cou, et le ton de sa voix était autoritaire et confiant. Il était sûr de ses propos. Sa confiance était telle qu'il en parvint à déstabiliser Akane. Il avait évoqué ses choix de vie, mais à cet instant là, elle ne savait plus quelle direction elle désirait prendre.
- C'est parce que tu t'accroches à la vie, à cette société misérable, à des personnes qui te vendent de faux espoirs, que ton père a voulu nous trahir. Mais sérieusement Akane, tu crois vraiment que Ken est à même de bâtir une vie paisible ?
L'adolescente n'avait qu'une seule envie qui se résumait à obtenir le silence. Elle ne supportait plus la voix de son interlocuteur et ses mots bien choisis qui avaient tous pour unique but de la faire vaciller un peu plus. D'un geste violent, elle retira la main du grand brun qui était autour de son cou.
- Tu as deux jours pour prendre ta décision, lui dit Sirius en se retournant.
Elle le regarda s'asseoir sur sa chaise avec une attitude désinvolte. Pourquoi ne le tuait-elle pas maintenant ?
- Qu'est-ce que vous allez faire à Mike et Takara si je refuse de vous suivre ?
Son interlocuteur craqua chacun de ses doigts, avant d'en faire de même avec son cou. Le bruit de ses os fit frissonner Akane, qui se demandait comment un homme normalement constitué pouvait se mouvoir de la sorte après avoir goûté aux flammes destructrices d'Endeavor.
- Je vais te répondre en citant un bon débile, j'ai nommé Zachariel : as-tu une idée de ce que signifie le mot s'amuser ? Si je répondais à ta question Akane, les choses seraient beaucoup moins amusantes.
À cet instant, l'expression de ses yeux vairons traduisaient toute l'horreur que lui inspiraient Sirius. Pendant ce temps, ce dernier prenait soin de se ligoter lui-même. La jeune brune sortit de sa transe en se demandant d'où pouvait provenir une telle agilité, et surtout, une si grande finesse dans chacun de ses mouvements.
- On va faire un pari gamine, annonça Sirius avant de laisser voir un léger rictus sur ses lèvres ensanglantées.
Dans cette pièce sombre, qui laissait émaner une odeur de cendre et de sang, Akane se demanda quelle décision serait la plus judicieuse à prendre. Son esprit était devenu le lieu de combat entre deux idéologies opposées. D'un côté, les paroles de Shoto l'entraînaient dans un monde beaucoup trop idéal pour qu'il soit réel. Puis, de l'autre côté les paroles de Sirius l'incitaient à poursuivre son projet de vengeance. Mais, une fois que cette dernière serait assouvie, qu'adviendra-t-il de son père, et de sa grand-mère ?
Qu'adviendra-t-il d'elle ?
- Je vous écoute, finit-elle par dire d'un ton confiant.
Lorsqu'elle quitta la salle, Akane eut l'impression d'émerger d'un océan ténébreux. La clarté des lieux l'aveuglait tellement qu'elle fut contrainte de plisser des yeux pour apercevoir au loin le super-héros Endeavor. Ce dernier l'attendait, bras croisés. Son regard ne traduisait ni colère ni déception. À cet instant, l'homme imposant lui rappelait Shoto. Ils avaient la même faculté qui consistait à arborer un regard froid. Ses yeux semblaient lui dire que désormais, c'était à elle de choisir. L'adolescente avança en sa direction, avant de s'arrêter en face de lui.
- Normalement il devrait parler.
Ce fut la seule phrase qu'elle prononça avant d'avancer droit devant elle. Une douleur vint se loger dans son estomac. Elle se força à paraître confiante.
- Akane. C'est tout ce que tu as à me dire ?
L'adolescente s'arrêta dans sa lancée, et ferma les yeux. Elle avait besoin de recul, et était consciente du fait que sa décision n'était peut-être pas la meilleure. Mais elle ne pouvait se résoudre à agir autrement.
- Oui.
- J'en conclus, que tu refuses notre aide. Tu veux donc te débrouiller seule Akane ? Mais, je tiens juste à te rappeler que lorsque tu n'es plus sous mes ordres, tu as l'interdiction formelle d'utiliser ton alter, c'est contre la loi, lui annonça le super-héros. Alors, en voulant jouer les petites gamines rebelles, tu fonces tête baissée vers une situation qui t'obligera à agir comme une hors la loi.
Akane laissa ses pupilles dériver vers le sol. Elle se mordit la lèvre inférieure, plongée dans une lutte sans merci entre les deux choix qui lui étaient possibles. Elle sursauta en sentant une poigne de fer se déposer sur son épaule. Du coin de l'œil elle percevait le scintillement des flammes qui ornaient son costume.
Durant son passé, de nombreuses fois elle avait espéré obtenir de lui ce simple toucher qui témoignait de son soutien. Il fut un temps où tout ce qu'elle désirait c'était de rencontrer Endeavor.
Se sentant faiblir, l'adolescente se libéra d'un geste de son emprise. Elle ne voulait aucune affection.
- Lâchez-moi, vous en avez assez fait. Je sais qu'elles sont les conséquences qu'impliquent mon choix. J'utiliserai mes alters... Même si je ne suis pas une héroïne. Et vous savez pourquoi ? dit-elle en le regardant enfin dans les yeux. Parce qu'il n'y a pas de prix quand on veut sauver les dernières personnes qui nous sont chères. Et même si je dois finir en prison jusqu'à la fin de mes jours, peu m'importe si j'ai réussi à accomplir... Ce que je veux accomplir.
Le super-héros qui la fixait jusque-là toujours avec ses bras croisés, laissa ses yeux bleus entamer une ascension jusqu'au plafond. Puis, d'une voix calme dénuée de toute sévérité, il prononça la phrase suivante :
- Tu me fais penser à moi Akane.
La brune ne prononça pas le moindre mot, attendant que son mentor s'exprime un peu plus.
- Tu ne veux pas que l'on fasse les choses à ta place. Tu as ce désir insatiable de toujours vouloir devenir plus forte. Je sais ce que c'est, mais contrairement à toi, j'ai usé de ces critères de ma personne pour servir une cause noble : la justice.
Akane détourna la tête, ne voulant pas que son mentor réalise que les larmes menaçaient de lui monter aux yeux.
- Renonce à ta vengeance. Prend le temps de réfléchir, et si tu te décides à me révéler les informations que t'aurais dites Sirius, tu sais où me trouver.
Il s'approcha d'elle, et l'adolescente se crispa de la tête aux pieds.
- Tu n'es plus sous ma responsabilité Akane. Tu peux t'en aller.
L'adolescente comprit l'ampleur de la dernière phrase d'Endeavor. C'était terminé désormais. Il ne voulait pas être à l'origine de la force d'une jeune fille comme elle, c'est-à-dire perdue, vacillant entre des notions opposées. Vengeance et justice. Elle courait tout droit vers le chemin de la criminalité. Une hors la loi.
Elle le regarda partir, le cœur serré.
- Attendez ! hurla-t-elle ignorant avec brio sa voix brisée. Si vous savez quelle route j'ai choisi... Alors pourquoi vous ne m'arrêtez pas ? C'est formellement interdit d'utiliser son alter si l'on n'est pas un héros. Vous savez que je vais le faire. Alors, pourquoi ? Pourquoi vous laissez une personne aussi nocive que moi en liberté ?
Il s'était arrêté, et même si elle ne pouvait voir que son dos elle savait qu'il avait pris le temps de l'écouter. Un silence s'installa. Akane attendit sa réponse.
- Tais-toi. Tes mots font mal. Plus mal que n'importe quelle blessure. Va-t-en mais je te promets que si je t'attrape en flagrant délit... Tu ne me laisseras pas le choix. Et sache que plus tard, Shoto aussi n'aura pas le choix.
L'adolescente le fixa partir, avant d'en faire de même. Ses pieds la menèrent jusqu'à l'agence Endeavor. La case départ. Elle connaissait les lieux par cœur, et d'un geste qui lui était familier elle ouvrit le casier où étaient rangées quelques unes de ses affaires. Elle dégagea sa tenue de combat qu'elle fourra dans son sac. Lorsque ses yeux se posèrent sur cette veste bleue, son cœur sembla victime d'un étau étouffant.
Son regard fut attristé pendant quelques secondes. Puis, essayant d'être forte, elle posa avec délicatesse le vêtement devant le casier où le jeune Todoroki rangeait son costume de super-héros en fin de journée. En pensant au jeune homme, elle se souvint que Noël approchait à grands pas. En effet, il ne restait puis que quelques jours et la période de cours serait terminée. L'adolescente fut en proie au doute. Elle fixa le paquet qu'elle avait caché dans son casier depuis quelques jours. Ce paquet qui contenait le cadeau de Noël de Shoto. Une voix lui soufflait que lui laisser ce souvenir était cruel de sa part. Son cœur allait-il souffrir de son absence ? Elle ferma les yeux, avant de les ouvrir de nouveau.
L'adolescente ferma son casier, et en quittant les lieux elle n'oublia pas de poser le cadeau aux côtés de cette fameuse veste. Le papier vert laissait voir son écriture.
- Joyeux Noël Shoto, lit-elle en espérant que le garçon apprécierait ce qui s'apparentait probablement au dernier souvenir qu'elle lui laissait.
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