CHAPITRE 24 : LA MARQUE D'HENAEL

     Depuis quelques temps, Akane avait l'honneur de se voir attribuer certaines missions par Endeavor. Bien-sûr, à chacune d'elles, l'adolescente n'avait d'autres choix que de collaborer avec Shoto Todoroki. Ce dernier étant le fils de son mentor, était toujours en stage dans la prestigieuse agence de super-héros ce qui laissait donc deviner qu'à l'instar de l'adolescente, il participait à des interventions sur le terrain.

À peine sortie des cours, Akane s'était dirigée en direction de cette immense tour intimidante. Elle avait eu le temps de vêtir sa tenue d'entraînement noire, et bien-sûr de s'équiper. À sa ceinture, l'adolescente avait veillé à dissimuler deux armes, et le simple contact avec ces dernières parvenait à la rassurer. Savoir que les armes de son père étaient à sa disposition lui procurait la sensation d'être encore plus forte, et ceci était tout ce qu'elle désirait depuis son combat contre Henael. Quelques jours étaient passés depuis ce combat qui avaient laissé des traces indélébiles sur son corps, comme sur son cœur. Humiliée de devoir la vie sauve à autre qu'elle-même, Akane était désormais dotée d'une détermination encore plus grande. Elle ne voulait pas vêtir l'image de l'éternelle protégée de Shoto Todoroki, ou encore, celle de la typique demoiselle en détresse incapable de se sauver sans son chevalier servant.

La jeune brune était en train de lutter contre ses mèches rebelles lorsque trois coups retentirent contre la porte. Elle haussa des sourcils, interloquée. 

-  C'est moi, je voulais juste savoir si t'avais bientôt fini.

-  J'arrive, répondit-elle aussitôt en reconnaissant la voix de Shoto.

Non sans respirer un bon coup, Akane redressa la tête et affronta son propre reflet dans le miroir. Elle se retrouvait confrontée à sa propre image, à ses prunelles hétérochromes. Elle sentait glisser dans ses veines un héritage étrange, spécifique et sans nom. Elle fronça des sourcils avant de serrer les poings. De ses mains émergeaient de légers flux d'énergie presque imperceptibles. L'adolescente haussa un sourcil intrigué, et puis lorsqu'elle redressa la tête elle crut déceler dans ses propres pupilles l'image de deux dragons majestueux. Pour elle, ceci n'était ni plus ni moins qu'une manifestation de son subconscient qui venait s'associer à sa détermination. 

-  Cette fois-ci, hors de question de le laisser faire les choses encore une fois.

Sa promesse formulée, elle ouvrit la porte et tomba nez à nez avec le fils d'Endeavor. Il était vêtu de sa combinaison de super-héros qui lui allait à merveille et rehaussait les couleurs fascinantes de ses yeux.

-  On doit se dépêcher, la mission semble être de taille aujourd'hui et je ne vais pas m'en plaindre, lança Shoto en avançant en direction du bureau de son père. Je commençais sérieusement à m'ennuyer. 

Akane se contenta d'hocher de la tête avant d'esquisser un léger sourire. Enfin il y aurait de l'action et du danger, c'était ce dont elle avait besoin si elle voulait un jour se mesurer de nouveau face à Henael.

La jeune brune sortit de ses pensées, lorsque Shoto et elle intégrèrent le bureau d'Endeavor, lieu où celui-ci venait de finir de donner ses dernières indications à son équipe de super-héros. Elle ne pût passer à côté du voile de colère qui venait de posséder le regard de Shoto. Elle en était désormais persuadée : le jeune homme possédait une rancœur envers son père, et ce n'était pas une simple haine d'adolescent rebel. Non, c'était bien plus que ça. Cependant, elle n'avait pas le temps de s'attarder sur une rancœur mystérieuse, ou sur de sombres histoires de famille, car d'autres choses la préoccupaient.

Droite comme un beau "i", Akane n'attendait plus que les instructions du jour. De son côté, Shoto s'était adossé au mur, bras croisés et les sourcils froncés. Akane pensa qu'il était sûrement un des seuls êtres sur Terre à adopter une posture aussi nonchalante en face du numéro deux des super-héros.

-  On nous a signalé un braquage au sein de la banque la plus proche d'ici, expliqua Endeavor. Deux innocents ont été blessés.

-  Les vilains à l'origine du crime ont été arrêtés ? voulut savoir Shoto.

-  Pas tous, répondit son père, il nous en manque trois, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne soient rattrapés. La première personne recherchée a l'apparence d'une adolescente, légèrement plus âgée que vous. Son alter semble avoir un lien avec le contrôle de l'obscurité.

Akane prit soin de noter cette dernière information dans un coin de sa tête.

-  Ensuite, en ce qui concerne les deux autres, c'est plus compliqué. Les séquences vidéos retransmises par les caméras de surveillance de cette banque, ne nous permettent pas de détecter leur alter, ni même leur visage.

-  J'ai compris, dit aussitôt Shoto. L'alter de leur amie leur a été bénéfique pour se dissimuler dans l'obscurité.

-  Donc si l'on arrive à mettre la main sur la fille, on trouvera d'une manière ou d'une autre les deux gars..., réflexiona Akane à voix haute.

-  J'aime quand les missions sont rapidement comprises. Dernière indication : si vous rencontrez une quelconque difficulté, n'hésitez pas à signaler votre position à l'aide de votre smartphone.

Un léger silence s'installa, laissant ainsi le temps aux deux adolescents d'assimiler les informations.

-  Des questions ? voulut savoir Endeavor.

-  On peut y aller ? demanda Akane.

-  Je propose qu'on se sépare, dit la brune en se déplaçant aux côtés de Shoto.

Le garçon la fusilla du regard, ce qui laissait donc deviner son désaccord.

-  Hors de question. Ne prenons pas de risques.

Akane soupira de manière discrète. Elle avait deviné avec une aisance sans faille que Shoto demeurait encore marqué par leur combat contre Henael. Mais au fond d'elle, elle se demandait si elle pouvait vraiment le blâmer. Plus une nuit ne passait sans qu'elle ne pense à ce cauchemar qu'il avait su matérialiser dans les tréfonds de son esprit en un seul coup d'œil. Le simple fait d'y penser suffisait à la faire trembler.

-  Shoto, l'interpella-t-elle.

-  Qu'est-ce qu'il y a ?

Akane fronça des sourcils face à autant de froideur de sa part. Depuis cette nuit, il avait de nouveau arboré son aspect glacial.

-  Quand Henael nous a attaqués psychologiquement, t'as vu quoi toi ?

-  Je rêve ou tu me demandes indirectement de te dévoiler mes faiblesses ?

-  Tu ne m'auras pas aussi facilement Todoroki, je sais que tes parents y figuraient.

La jeune homme s'arrêta aussitôt dans sa lancée. Akane fixa chaque détail de son visage, et à sa grande surprise il n'avait même pas bougé d'un cils. En un geste lent, il encra ses prunelles vairons dans les siennes.

-  On est en mission Akane.

Comme pour venir confirmer ses propos, une ombre fila derrière le jeune homme. Elle avait été rapide, et sa couleur était aussi sombre que la nuit.

-  Je sais.

Sans prévenir, la jeune fille partit en courant. Ses yeux fixaient avec animosité cette ombre qui se déplaçait, et laissait voir son aspect obscur et effrayant.

" Je vais t'avoir ", se dit-elle en se déplaçant à la manière d'un félin. Ses jambes couraient avec plus d'aisance qu'auparavant, et elle savourait avec plaisir l'adrénaline qui battait dans ses veines.

À l'instant où l'adolescente leva la main gauche, prête à piéger l'ombre à l'aide de ses flammes, un torrent de glace la devança.

-  Tu es encore trop lente Akane, dit Shoto en la regardant avec un léger sourire au coin.

-  Ça, c'est ce que tu crois Todoroki. De mon côté, je peux dire qu'en matière d'analyse d'Alter tu as encore des progrès à faire.

À ces mots, Akane dégagea ses deux poignards de sa ceinture. Ses armes sifflèrent dans les airs avant de se ficher dans deux masses obscures distinctes.

-  Des autres ombres ? s'interrogea Shoto.

-  Allé montre-toi ! hurla Akane. Tes trois ombres sont piégées, pas de bol !

-  Vous vous révélez plus perspicaces que ce que je pensais, avoua une voix féminine.

Shoto et Akane firent face à leur interlocutrice. Cette dernière était vêtue de noir de la tête aux pieds, et ses cheveux de la même couleur rehaussait la couleur cadavérique de son teint.

-  Rends-toi, déclara Shoto. Tes attaques ont échoué.

-  Hors de question. Vous avez mené tous nos plans vers l'échec. Mais je ne compte pas vous laisser vous en tirer comme ça !

Les longs cheveux noirs de cette fille se mirent à virevolter autour de son corps. De ses mains, Akane vit émaner de la fumée noire.

-  Elle est en train de créer des ombres, devina-t-elle à voix basse.

Les formes noires auxquelles elle avait donné naissance, se mirent à se diriger en direction de Shoto et Akane. Du coin de l'œil, cette dernière vit que son coéquipier allait attaquer. Décidée à le devancer, la brune esquissa un geste à l'aide de sa main droite. La tornade qu'elle avait créé parvint à projeter les ombres en direction du ciel.

-  Ce n'est pas fini, dit leur adversaire.

Les ombres replongeaient à l'assaut et se faisaient de plus en plus nombreuses. Bientôt, l'obscurité se mit à encercler Shoto et Akane, et la jeune fille à l'origine de cette attaque venait de disparaitre.

-  Ce que déteste les ombres, murmura Akane, c'est la lumière.

Une fois cette pensée formulée à voix haute, l'adolescente laissa des flammes envahir son bras gauche et se propager dans les airs.

-  Si tu penses m'avoir aussi facilement la sorcière, tu te trompes !

Les flammes se jetèrent sur les masses sombres qui s'évanouirent aussitôt.

-  Akane... Arrête, dit Shoto.

Il était impensable pour la jeune fille de cesser ses attaques. Elle savait que son ennemie était tapie dans l'ombre, et elle comptait bien la faire succomber à ses flammes. Une sensation qu'Akane jugeait merveilleuse venait d'emplir son cœur. Elle se sentait supérieure, et forte.

-  Akane ! hurla Shoto. Tu vas la blesser !

Plus aucune ombre ne survivait autour des deux adolescents. La jeune fille vêtue de noire semblait vaincue. Ses joues étaient tachées de cendres, en raison de l'attaque flambante d'Akane. Cette dernière, en apercevant son ennemie en piteux état esquissa un sourire muni d'une beauté cruelle.

-  On a fini de jouer à cache-cache ?

Sa voix était sombre, mais elle en avait que faire.

-  C'est bon..., crachota la jeune vilaine affaiblie par le feu. Je vais... Je vais me...

Akane ne lui laissa pas le temps d'achever sa phrase. Munie d'une vitesse hallucinante, elle envoya un coup de pied au bras droit de la jeune fille. Cette dernière laissa échapper un cri de douleur tandis que le bruit de son os fracassé venait de résonner dans les airs.

-  Il est trop tard ! s'indigna Akane. Tu aurais dû réfléchir à deux fois avant d'agir.

-  Akane !

L'adolescente restait indifférente aux cris de Shoto. Elle avança en direction de sa victime qui ne bougeait plus, effrayée, les yeux emplis de larmes.

-  Maintenant ça suffit !

Deux bras fort se resserrèrent autour de la jeune brune. Elle hurla pour se défaire de l'emprise de Shoto. La rage affluait en elle lorsqu'elle constatait que le garçon avait une force supérieure à la sienne.

-  Shoto lâche-moi ! Je t'interdis... Je t'interdis de me toucher.

De manière abrupte, le garçon à la chevelure bicolore retourna Akane en sa direction. Son visage était désormais à quelques centimètres du sien. Elle remarqua que le regard du jeune Todoroki venait de s'écarquiller, comme si une chose effrayante se matérialisait devant lui.

-  Tes yeux Akane... Ce n'est pas toi.

-  Oh que si c'est bien moi Todoroki.

-  Non... Je refuse de l'admettre. Tu n'es pas...

Le garçon resserra son emprise sur les bras de la jeune fille. Il baissa quelques secondes les yeux, avant de les redresser pour les encrer profondément dans ceux d'Akane. Le bleu et le gris venaient d'envahir le champ de vision de l'adolescente. Peu à peu, elle sentit le feu ardent qui brûlait en elle s'atténuer.

-  Tu n'es pas...

Shoto rapprocha la brune avant de l'enlacer. Cette dernière ne sut quoi faire, et demeura les bras ballants le regard perdu dans le vide.

-  Tu n'es pas ma Akane. 

-  Ta... Ta Akane..., bredouilla-t-elle.

-  Reviens à toi, je t'en supplie.

Son odeur fraiche envahit ses narines. Akane ressentit un frisson lui parcourir la colonne vertébrale en sentant le souffle doux de Shoto parcourir son cou. Le cœur de l'adolescente se mit à battre la chamade, elle déglutit en sentant son corps se consumer en entier. 

-  Shoto..., dit-elle en un souffle. Qu'est-ce qui m'arrive ?

Le jeune homme lâcha l'adolescente avec douceur, comme s'il craignait de la briser.

-  C'est bon Akane. Tout va bien maintenant. On a réussi notre mission, c'est tout ce que t'as à comprendre, la rassura-t-il en caressant sa chevelure avec tendresse.

Perturbée par autant de douceur de sa part, Akane ne sut esquisser le moindre geste. Elle demeura perplexe et frustrée, se demandant pourquoi elle avait cette étrange sensation d'émerger d'un sommeil profond. Son esprit était en proie au brouillard. Non, elle n'avait plus aucun souvenir de ce qu'il venait de se passer il y a à peine quelques minutes. La seule chose qu'elle était en mesure de ressentir, était que son poignet était aussi brûlant qu'un feu de forêt. 

Le petit groupe de braqueurs avait été arrêté en l'espace de trente minutes. Endeavor n'avait félicité ni Akane et encore moins Shoto, ne voulant pas les habituer à des éloges précoces. Akane était restée seule de son côté, le regard rivé sur ce tatouage qui fleurissait au niveau de son poignet. C'était une flamme à l'encre noire, à l'intérieure Akane lut avec clarté le mot suivant : "vengeance".

Elle serra les poings tandis qu'un hoquet de stupeur s'échappa de ses lèvres. Elle avait peut-être du mal à l'admettre, mais Henael semblait être le seul à avoir percé les sentiments bercés par son cœur.
Il fut un temps où Akane était aussi pure que la neige, mais lorsque les aléas de la vie s'étaient mis à taillader son cœur...

"Tu éprouves le besoin de faire payer ce monde."

Ce n'était pas sa voix qui avait résonné dans son esprit. Celle-ci était grave, bien plus rocailleuse : Henael.
Akane avait besoin de comprendre. Elle ne pouvait plus attendre, son père avait besoin d'elle. Il fallait qu'elle le rejoigne. Le regard attristé, la jeune fille redescendit la manche de son haut. Elle empoigna son sac à dos, prête à rentrer chez elle. La nuit commençait déjà à tomber.

-  Tu vas attraper froid comme ça.

-  C'est gentil de t'inquiéter pour moi Shoto, mais je ne suis plus une enfant.

L'adolescente avança, et passa l'immense porte vitrée automatique.

-  Ce sont mes parents que j'ai vu à cet instant, lui avoua Shoto qui se positionnait derrière elle.

Le froid s'engouffra dans la chevelure d'Akane, et de la buée s'échappa de ses lèvres. Il était évident que son simple sweat n'était plus en mesure de la protéger du froid nocturne.

-  Moi aussi..., dit Akane du haut d'une voix faible qui se perdit dans le silence de la nuit.

-  Ce n'est pas parce que tu as vécu des épreuves dans la vie, que tu dois laisser ton cœur sombrer.

La jeune fille laissa les paroles de Shoto s'encrer dans son esprit. Pour éviter que ses larmes ne coulent, elle redressa la tête et fixa les étoiles qui brillaient dans le ciel.

-  Tu peux devenir qui tu veux. Et je suis persuadé que celle que tu veux devenir, est une personne bien Akane.

Shoto s'apprêta à faire demi-tour. La brune se mordit la lèvre inférieure et se retourna.

-  Ça vaut aussi pour toi Shoto.

Le garçon fit volte-face. Ses yeux brillaient dans la nuit. Akane aurait aimé demeurer à ses côtés. Noël approchait et tout ce qu'elle voulait se positionnait peut-être juste là, en face d'elle.

-  Tu peux devenir qui tu veux.

-  Je sais Akane. Je sais...

Avant de rentrer de nouveau dans l'agence, Shoto retira sa veste et la lança vers Akane qui la rattrapa au vol.

-  Ce serait dommage de tomber malade quelques jours avant Noël.

Elle hocha de la tête d'un geste lent, et le regarda disparaître derrière les portes vitrées.
Il y en avait un qui avait su percer à jour son côté tourmenté qu'elle s'efforçait de garder cachée. C'était Henael.
En même temps, deux avaient su voir celle qu'elle aurait aimé être, mais qu'elle ne serait peut-être jamais. Asta et Shoto.

-  Merci..., dit-elle en un murmure, serrant dans sa main la veste du jeune Todoroki.

Elle ne sentait aucune odeur particulière. Mais en l'enfilant, Akane décréta qu'elle en avait une finalement. Une odeur qui à proprement parlé n'existait pas. Celle de l'espoir. De l'amitié.