CHAPITRE 13 : BIENVENUE CHEZ LES TODOROKI

   Akane se contentait de fixer Takara au loin, ne sachant pas comment l'aborder. Elle était tiraillée entre l'envie de la prendre dans ses bras, et celle de faire demi-tour. Comme à son accoutumée, sa meilleure amie était resplendissante. Ses cheveux roses formaient une jolie tresse derrière son dos, elle souriait de temps à autres procurant ainsi un semblant de magie dans ses grands yeux violets. Akane fut frappée par la différence qu'il y avait entre elles. Takara brillait de mille feux au beau milieu de la cour de récréation, et de son côté Akane demeurait blottie dans son grand sweat-shirt noir. 

La brune tourna la tête, et un hoquet de stupeur s'évada de ses lèvres. À cet instant, elle aurait préféré trouver en face d'elle le grand Endeavor qui pourtant lui faisait si peur. 

-  Mike ? 

Son meilleur ami la fixait du haut d'un regard qui traduisait de la déception. Ses grands yeux bleus qui d'ordinaire inspiraient la sympathie, n'étaient plus si accueillants qu'auparavant. Ses cheveux noirs ébouriffés allaient de paire avec son style négligé. Akane fronça des sourcils  en remarquant qu'il portait désormais un piercing au niveau de l'arcade sourcilière. Son ami avait ajouté une petite touche de changement à son physique. Néanmoins, quand bien même elle n'avait jamais été fan des anneaux, Akane ne pouvait s'empêcher de voir le visage de Mike aussi anguleux qu'auparavant. Il demeurait toujours cette perfection qui savait attirer la gente féminine, et ce nouveau look dans les tons "rebels" avait sûrement fait monter d'un cran sa côte de popularité. 

-  Akane, commença-t-il en un soupir. Je sais même pas quoi te dire... En fait, j'ai juste du mal à réaliser que c'est bien toi qui se dresse en face de moi. 

-  Écoute Mike, je pense que l'idéal serait que je vous explique deux, trois trucs. J'ai conscience que je vous ai provoqués une frayeur, mais... 

-  Mais quoi ? la coupa-t-il. Ne cherche pas des justifications là où il n'y en n'a pas Akane. Ton... Ton grand-père est décédé, et tu sais quoi ? Je l'ai appris de mes parents. Après ça, j'ai attendu. Oh ça oui, j'ai attendu au moins un petit message du genre : "salut". Mais au final, j'ai fini par en déduire que ton silence voulait tout simplement dire que tu n'étais pas prête de nous adresser de nouveau la parole, ni à moi et à Takara. Tu nous zappes d'un geste Akane, et au moment où on devrait t'épauler en plus. C'est ça qui fait mal. 

L'adolescente conserva le silence, et fixa sans ciller non pas la haine, mais la tristesse qui dansait dans les yeux de son interlocuteur. Mike était bouleversé, elle le sentait. Comme pour confirmer son intuition, elle vit que les mains du garçon étaient légèrement tremblantes. C'était face à ce genre de situation qu'Akane ne savait vraiment pas quoi faire. Plusieurs scénarios défilèrent dans sa tête. Elle voulait exploser et dire toute la vérité à son ami. Une partie d'elle-même voulait raconter comment elle avait découvert la vérité sur son père, comment son cœur avait volé en éclat lorsqu'elle avait perdu son grand-père, et surtout, comment ses rêves avaient changé. 

Mais tous ces mots qu'elle aurait tant voulu extérioriser se balançaient au bout de ses lèvres, incapables de se laisser tomber. Alors, elle voulait faire demi-tour, quitter le lycée et se consacrer à d'autres activités. 

Malheureusement, en dépit de ses volontés, elle était restée là,plantée, les mains dans les poches. Elle fuyait avec brio les deux éclairs azurés qui servaient de prunelles à Mike Pour se faire, elle avait dirigé son regard vers l'horizon, là où Takara les fixait d'un air ahuri. Akane ne pouvait que comprendre l'étendu de son choc. 

Comme elle s'y attendait, la fille aux cheveux roses les fixa avant de s'en aller. Mike soupira, et ce fut non sans avoir lancé un dernier regard à Akane, qu'il partit également vers une toute autre direction. 

Elle était seule. 



Dès la sortie des cours, Akane se dirigea d'un pas rapide vers la station de bus. Elle avait essayé tant bien que mal de rester insensible à l'absence de ses deux meilleurs amis, et surtout, au fait que son groupe venait de se disséminer. Pour elle, il n'y avait nul doute sur le fait qu'elle était l'unique responsable de ce qui venait de se passer. C'était parce que comme à son habitude, elle avait gardé toutes les difficultés qu'elle endurait pour elle, que ses amis ont en faussement déduit qu'elle n'avait pas besoin de leur présence et que pire encore, elle voulait s'éloigner d'eux. Elle serra des dents à cette dernière pensée. Cependant, elle ne laissa pas ses émotions prendre le dessus sur sa personne. En effet, elle était sur le point de se rendre à un rendez-vous très important qui prenait lieu dans la demeure des Todoroki. 

Elle-même avait encore du mal à y croire. Le simple fait de penser que le bout de son nez allait entrer dans l'endroit où Endeavor vivait, suffisait à rendre la situation irréaliste. Cependant, réel ou pas, elle devait se rendre à ce rendez-vous. Motivée par cette pensée, elle monta dans le bus et se laissa guider en analysant le paysage. Elle sut d'emblée qu'elle approchait sa destination en remarquant la présence de belles maisons, telles que celles que son père aimait acheter à l'étranger. 

Après être descendue du moyen de transport, elle monta à une vitesse fulgurante les petits escaliers qui menaient jusqu'à une immense porte en acajou. Elle craqua ses doigts et souffla un bon coup avant de toquer. Le temps d'attente lui parut interminable. Elle se balançait d'un pied à l'autre, désireuse s'évacuer son stress. 

Ce fut seulement au bout d'environ cinq minutes que la porte s'ouvrit enfin. 

Akane retint son souffle. 

-  Bonjour, je peux... T'aider ? 

Son interlocutrice avait presque les mêmes yeux que Shoto. Son visage laissait voir qu'elle était mature et beaucoup plus âgée qu'elle. 

-  Bonjour, je suis Akane Isayo ! Je...

-  Isayo ! la coupa-t-elle. Ah bah tiens, en voilà une surprise. C'est toi la nouvelle stagiaire qu'a recruté mon père, je le sais tu n'as pas besoin de le préciser. Allé, vas-y entre et ne reste pas plantée là. 

L'adolescente sourit, et suivit la jeune femme qui lui avait donnée un accueil beaucoup plus chaleureux que ce à quoi elle s'attendait. 

Une des premières choses à laquelle Akane pensa était le fait que la demeure des Todoroki était un véritable palace. De magnifiques lustres japonais étaient suspendus au plafond, le parquet en bois était impeccable et des meubles à l'apparence assez traditionnelle pouvaient s'apercevoir d'un endroit à un autre. 

-  Installe-toi, je vais te préparer un bon thé en attendant le retour de mon père. Au fait, je m'appelle Fuyumi Todoroki. 

-  D'accord..., bredouilla-t-elle. Merci pour tout. 

Akane s'installa sur une chaise, et se contenta de fixer les lieux tandis que la grande-sœur de Shoto était en cuisine. Cette dernière fut très rapide, et en quelques instants l'adolescente aperçut en face d'elle une tasse de thé qui laissait émaner une bonne odeur de menthe. 

-  Je t'avoue que je suis surprise que mon père t'ait donnée rendez-vous ici même, dans notre maison, commença Fuyumi. Connaissant sa nature, je sais qu'il n'est pas du genre à accorder de l'importance à n'importe qui. 

-  Votre père est vraiment... En réalité, Endeavor est tout simplement le héros de mon enfance. Depuis que je suis petite j'affectionne particulièrement les supers-héros. 

Akane ne put passer à côté du regard changeant de son interlocutrice. Pendant quelques secondes elle eut peur d'avoir dit une bêtise. Cependant, à son plus grand soulagement le visage de la jeune femme ne tarda pas à s'éclairer de nouveau. 

-  Je suis sûre que l'intérêt que te porte mon père doit avoir un lien avec tes alters, je me trompe ? 

-  Non pas du tout. Je possède deux alters, tout comme votre petit-frère. 

-  Il fallait bien s'en douter ! Je l'ai d'emblée su en voyant tes cheveux. Au fait, tu peux me tutoyer, ajouta-t-elle en lui adressant un clin d'œil. 

Le temps passa, et Fuyumi s'était décidée à tenir compagnie à l'invitée. Cette dernière commençait intérieurement à s'impatienter de l'absence d'Endeavor. Néanmoins, ce temps lui avait permis de canaliser son stress. Elle se sentait plus apte à faire face à l'entraînement qui lui était réservé. En effet, écouter son interlocutrice faire l'éloge de son métier d'institutrice avait su faire disparaître la boule qui flottait dans son estomac. Par ailleurs, la jeune fille se demandait bien pour quelles raisons la jeune femme avait décidé de se consacrer à une profession aussi différente que celle de son père. Cependant, elle admirait la façon dont Fuyumi avait su définir et suivre sa propre voie. 

Le calme régnait dans la demeure quand soudain un cliquetis résonna. Fuyumi se tut aussitôt, et une voix juvénile perça le silence qui venait de s'abattre. 

-  C'est moi ! Fuyumi t'es là ? 

Akane sentit un frisson courir le long de son échine. Sans crier gare ses battements cardiaques se mirent à adopter une allure aussi rapide que la célérité de la lumière dans le vide. 

-  Tiens, c'est Shoto ! s'exclama la grande-sœur de ce dernier. Shoto ! Viens par ici, on a une invitée. 

-  Une invitée tu dis ? lança Shoto en faisant son apparition dans la salle de séjour. 

Akane supplia son cœur de cesser de la faire souffrir autant. Ne sachant quoi faire de ses deux mains, elle se saisit de la deuxième tasse de thé que Fuyumi lui avait servi il y a peu de temps de cela. La chaleur fit aussitôt souffrir sa peau, et le liquide fumant lui brûla la langue. L'adolescente s'empressa de reposer la tasse avant de frotter ses mains contre son jean, non sans laisser échapper un petit cri de douleur. 

Akane était prête à parier que le rouge bouffait ses joues. Elle réalisa que Shoto la fixait avec le même regard neutre, et les bras croisés. Il portait son bel uniforme de Yuei, qui le rendait encore plus intimidant. 

-  Shoto, je te présente Akane Isayo. Apparemment, elle a... 

-  Tu peux nous épargner les présentations on se connait déjà. N'est-ce pas Akane ? 

-  Oui, dit-elle en tentant avec peine de sourire. 

-  Alors c'est super, je ne pouvais pas espérer mieux, dit Fuyumi en se redressant. Maintenant que je te sais accompagnée, je vais pouvoir filer ! Vous m'excuserez, mais j'ai du travail, rajouta-t-elle en mettant ses lunettes de vue. À plus tard et bonne chance Akane. 

L'adolescente la remercia, et dut se faire violence pour ne pas tenter de la retenir par un quelconque moyen. Malheureusement, une de ses pires craintes fut réalisée. Elle déglutit, compressa ses poings à plusieurs reprises pour se donner de la force avant d'enfin affronter le regard de Shoto. 

Ce dernier était appuyé contre le mur d'une façon nonchalante. Ses yeux imperturbables étaient rivés sur elle, Akane. Les deux se fixèrent pendant un semblant de cinq minutes. La brune n'en pouvait plus, et se demandait quand est-ce que son rival allait dévier ses yeux. Ses pupilles noires semblaient sonder chaque parcelle de sa peau. 

-  Personne ne le sait, commença-t-il, pas même mon père. Mais moi oui. Et je ne pourrai pas dormir sur mes deux oreilles en sachant que tu te fais passer pour une bonne fille qui veut devenir une héroïne. Je t'ai vu de mes propres yeux discuter avec cet homme. Alors maintenant Akane, trêve de plaisanteries, dis-moi ce que tu veux vraiment, dit-il en accentuant le dernier mot de sa phrase. 

-  Tu te trompes sur tout Shoto. Cesse de vouloir débusquer la faille en moi, je ne suis pas une criminelle. À mon avis tu as du mal à accepter que j'ai réussi, et que ton père est sur le point de m'apprendre à maîtriser mon alter. 

-  Tu es pathétique. De nous deux, c'est toi qui a tout faux. 

-  Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. 

Le jeune homme se décolla du mur, et s'approcha de son interlocutrice. Cette dernière qui était assise jusque-là, se redressa sans ciller. Shoto qui avançait en sa direction, s'arrêta à quelques centimètres d'elle. Akane pouvait distinguer chaque parcelle de son visage, et pouvait mieux observer cette brûlure qu'il avait autour de l'œil gauche. À cet instant, elle pensa à Takara qui ne cessait de faire l'éloge de la beauté du fils d'Endeavor. Akane réalisa qu'elle ne posait pas sur lui le même regard qu'elle. 

-  J'ai compris pourquoi mon père veut tant t'entraîner. Tes alters sont très intéressants. Mais retiens bien une chose Akane Isayo : tu ne m'arriveras jamais à la cheville. 

Sur ces mots, le garçon s'en alla sans un regard de plus en arrière. 

-  Shoto a toujours été un adolescent rebelle, fit remarquer une voix grave qui ne lui était pas si inconnue. 

Endeavor venait enfin de faire son apparition, mais Akane n'eut même pas le temps d'avoir peur, le jeune Todoroki l'ayant complètement perturbée. 

-  Je vais te demander une chose Akane. Tu vas devoir te surpasser. Aller jusqu'au-delà de tes limites. Et avant toutes choses... Je veux que tu t'entraînes pour dépasser mon fils. 

-  C'est mon objectif, dit-elle. Si je surpasse Shoto, cela ne pourra que signifier que j'ai atteint un niveau non-négligeable. 

-  Parfait. Alors... N'attendons plus. Commençons l'entraînement !