Chapitre 57
- Innie... Innie, réveil-toi !
Je grognais en me retournant lourdement, ne prenant pas garde à Sumin qui secouait mon épaule, essayant en vain de m'arracher à mes draps tout chauds.
- Innie, s'il te plaît... Il faut que je te montre un truc ! Allez, viens...
Je soupirais profondément, avant de finalement céder, sachant pertinemment que le bleuté n'abandonnerait pas. Je me redressais en baillant, étirant mes muscles douloureux. Sumin me sourit dans la pénombre et je me levais, m'accrochant quelques secondes au pied du lit, le temps que ma tête arrête de tourner.
Le bleuté me tendit un jean léger que je m'empressais d'enfiler, gardant tout de même mon t-shirt de pyjama en haut. Puis, comme tout le temps, Sumin glissa sa main dans la mienne, me guidant doucement hors de la chambre.
On sortit du bâtiment des dortoirs, et on traversa le grand jardin central. Je ne savais pas vraiment où on allait, mais il m'a semblé qu'on entrait dans le bâtiment principal. Après quelques couloirs qui se ressemblaient tous, nos pas s'arrêtèrent finalement devant une simple porte. Elle me semblait familière, mais avec la pénombre ambiante, je n'arrivais pas à me souvenir.
Sumin appuya doucement sur la poignée, avant de nous entraîner tous deux à l'intérieur. Je ne savais pas si ce que nous faisions était autorisé, mais à vrai dire, je m'en fichais.
Le bleuté vagabonda un instant dans la pièce, s'assurant que tous les volets étaient bien fermés, avant d'allumer les lumières. Et alors, je découvris enfin où nous nous trouvions.
Cette salle dans laquelle j'avais passé tant d'heures. Avec ses murs blancs recouverts de toutes sortes de dessins et de statues colorés. Je souris. La salle d'art plastique.
- Innie, viens par-là ! M'appela Sumin un peu plus loin.
Il se trouvait devant le grand rideau rouge qui cachait les étagères murales à droite de la salle. Avant même que je ne puisse dire quoi que ce soit, il souleva la lourde étoffe vermeille, découvrant un grand chevalet recouvert d'un large drap immaculé. Le bleuté me sourit doucement, avant de saisir le tissu blanc, tirant dessus d'un coup sec. Le grand drap céda alors, s'écroulant à terre dans un doux bruit de tissu, tandis que se révélait devant mes yeux brillants le plus grand secret de Sumin.
Sur le chevalet de bois clair était posé une grande toile fraîchement terminée. Sur le tissu bien tendu se trouvait le visage d'un jeune homme. Il semblait se retourner gracieusement vers nous, un léger sourire étirant ses lèvres fines. Derrière lui, de grands arbres étendaient leurs feuilles jusqu'aux cieux scintillants d'étoiles. C'était manifestement la nuit, mais le garçon, lui, n'était pas plongé dans les ténèbres. Tout autour de lui, de petites lumières colorés flottaient dans l'air nocturne. Il y en avait sept.
Une jaune, brillante comme le soleil, sa lumière créant comme des fils d'or dans les cheveux bruns du jeune homme.
Une violette, tout en haut, semblant veiller sur toutes les autres sans jamais les entraver.
Une bleue, symbole de fatigue et de mélancolie, mais aussi de sérénité et de fidélité.
Une rose, juste à côté. Aussi brillante que les yeux d'un enfant et aussi petite que le pied d'un bébé.
Une blanche, aussi pure que le lait et aussi raffinée qu'un monarque.
Une orange, douce comme le miel et aussi calme que le coucher du soleil.
Et une rouge. Symbole de colère, mais brillante de courage.
Je me rapprochais doucement.
Dans les yeux du garçon se reflétaient toutes ces couleurs vives. Elles semblaient danser dans son regard, comme faisant partie de lui. Mais, il y avait autre chose.
Je fronçais doucement les sourcils, avant de m'approcher un peu plus.
Là, entre toutes ces couleurs, brillait un reflet qui venait de nulle part. Presque insignifiant, ce petit point vert ne m'avait pourtant pas échappé. Il n'y avait aucune raison logique pour qu'il se retrouve là, pourtant, il s'harmonisait parfaitement au milieu de toutes ces couleurs, leur donnant un éclat plus magnifique encore.
Je passais doucement mes doigts sur la toile, les yeux humides, comprenant enfin le sens de cette peinture.
Ce garçon... c'était moi.
Je relevais lentement la tête vers Sumin, les mains tremblantes. Ce dernier avait le regard fuyant, ses cheveux en bataille m'empêchant de voir son visage.
- Sumin... Soufflais-je d'une petite voix, sentant mon cœur se compresser douloureusement dans ma poitrine.
- J'arrivais pas à dormir... Se justifia timidement le bleuté. J'ai repensé à ce que tu m'as dit quand on était dans la forêt, et j'ai décidé de te montrer comment moi je te vois. Ça fait plus de deux semaines que je travaille dessus, alors ne le déteste pas trop, s'il te plaît...
Il fit une courte pause, avant de reprendre.
- Et aussi... Ce que je voulais te dire, c'est que... Même si les petites lumières venaient à disparaître, les reflets dans tes yeux ne changeraient pas. Ils font partie de toi. Alors, même si les lumières disparaissaient, eux, ils continueraient de briller. Du moins, ce n'est que mon avis...
Il tourna doucement la tête vers moi, un léger sourire sur les lèvres. Au début, je crus mal voir. Seulement, il y avait bien quelque chose qui avait changé, sur son visage. Je m'avançais de quelques pas, avant de finalement comprendre. L'espace de quelques secondes, mon cœur s'arrêta.
Sur ses pommettes, des centaines de petites taches brunes semblaient vouloir reconstituer la voie lacté. Je ne les avais jamais vue avant, pourtant, elles étaient bien là, plus belles et plus vraies que jamais. Ces centaines de tâches de rousseurs...
- Qu'est ce que... Laissais-je échapper, la voix tremblante.
- Oh, ça aussi, je voulais te le montrer... C'est un peu comme mon trésor. Je trouve que c'est la plus belle partie de moi, alors je veux pas que tout le monde la voie. Je me débrouille pour les cacher, et c'est devenue une habitude. Mais... Je voulais te les montrer, à toi.
Il sourit doucement, tandis que les larmes coulaient le long de mes joues. Et à cet instant, je ne pus plus tenir. C'était trop, et je n'en pouvais plus. Alors, sans prévenir, je m'écroulais par terre. La dernière chose que je vis avant de fermer les yeux fut Sumin qui accourait vers moi, ses cheveux bleues volant près de son visage. Puis, j'éclatais en sanglots.
- Féliiix ! M'écriais-je ne me jetant dans ses bras, de lourds sanglots secouant mon corps.
- Innie... Souffla le blond, avant de resserrer son emprise autour de ma taille, de lourdes larmes courant le long de ses joues.
Et alors, lentement, tous les autres vinrent nous entourer, joignant toutes leurs lumineuses présences à notre étreinte. Là, j'eus la sensation de respirer à nouveau. Tandis que mon corps entier était secoué de spasmes, je pris une grande inspiration, semblant vivre de nouveau.
- Tu sais Innie... Commença Félix en s'écartant un peu pour pouvoir me regarder dans les yeux. On est tout le temps avec toi. Même quand tu nous vois pas, même quand tu penses pas à nous, même quand tu te crois seul, on est toujours avec toi. Et on le sera toujours.
Il me sourit doucement ses yeux brillants de bonté.
- Seulement, Reprit-il, Je pense qu'il est temps pour toi de rejoindre la réalité. Tu es fort. Plus que tu ne le penses. Et je sais que tu peux le faire. Alors, s'il te plaît, vis comme tu l'entends. Ne laisse plus les autres te détruire, et n'enferme plus tes sentiments. Par ce qu'on est là. On sera toujours là. Derrière toi. Toujours.
Un doux sourire éclaira son visage, et je me jetais dans ses bras, pleurant de plus belle. Mais au fond, je savais qu'il avait raison. J'avais changé. C'est pourquoi, je ne les retins pas.
Lorsqu'ils commencèrent à disparaître un par un, je ne cherchais pas à les rattraper. Je me contentais de serrer Félix autant que je le pouvais, pleurant pour la dernière fois au creux de son coup.
Puis, mes bras se refermèrent doucement sur eux-mêmes.
- Je suis fière de toi... Souffla doucement la voix grave de Félix, avant qu'il ne disparaisse totalement.
Je tombais à genoux, observant sans rien faire la grande maison qui renfermait tant de mes souvenirs partir doucement en poussière. Et je pleurais. De tristesse. De joie. De peur. De soulagement. De mélancolie. De douleur. De légèreté. De fatigue. De détresse.
Je pleurais.
Et lorsqu'il ne resta plus rien, je rouvris les yeux.
Devant moi, Sumin paraissait complètement perdu. Alors, dans un ultime geste de détresse, je me jetais dans ses bras, pleurant toutes les larmes de mon corps entre les réconfortants bras du bleuté.
Je ne sais plus combien de temps on est restés ainsi. Peut-être seulement quelques minutes. Peut-être toute la nuit. Mais à vrai dire, peu importait.
À présent, je n'avais plus que la réalité. Et je n'avais d'autre choix que de l'affronter. C'était effrayant. Mais j'avais au moins retenu une chose.
Quoi que je fasse et où que j'aille, je n'étais pas seul. Car ils étaient là. À l'intérieur de moi.
C'est à cet instant, que je compris.
En réalité, ils n'étaient pas partis. Loin de là.
Car, tout compte fait, ces sept garçons n'étaient autre que...
moi-même.
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