Chapitre 15
- Jeongin ! S'écria une voix que je ne connaissais que trop bien derrière moi.
Un sourire s'afficha sur mes lèvres, avant que je ne me retourne. La petite silhouette de Yuri fonçait vers moi, ses habituelles lunettes glissant légèrement sur son nez. Une fois qu'il fut à mon niveau, je repris ma route, traversant le lycée qui me paraissait infini.
- Eunji n'est pas avec toi ? Demandais-je en regardant devant moi.
- Nan, il est à l'auto-école.
- Il a toujours pas fini ses heures de conduites ? M'étonnais-je en tournant la tête vers le plus jeune.
- Nan, il lui en reste trois.
- Bof, c'est presque fini, alors.
- Ouais. Après il sera en conduite accompagnée.
Je retournais ma tête devant moi, avant que Yuri ne continu.
- Tu penses qu'il pourra conduire, si je l'accompagne ? Demanda-t-il innocemment.
Je pouffais.
- T'as ni dix-huit ans ni le permis de conduire, à ce que je sache ! Souris-je.
- Pffffff, mais c'est nul ! Et si je vole le permis de mon frère ? Tu penses que ça passe si je dis que j'ai dix-neuf ans ? Proposa-t-il en fronçant les sourcils, essayant de montrer son visage le plus viril, même si celui-ci équivalait à un poussin se donnant des aires de coq.
Je rigolais sans retenue, tandis que mon cadet affichait une moue boudeuse.
- L'inverse serait plus crédible. Fis-je en essuyant mes larmes de rire.
- Quel inverse ?
- Bah que tu sois en conduite accompagné et qu'Eunji t'accompagne. Mais dans ce cas là, certes vous aurez pas d'amandes, mais vous vous retrouverez au fond du fleuve Han en même pas cinq minutes.
- Yah ! Qu'est ce qu'y te fais croire que je conduis si mal ? S'écria Yuri en agitant les bras un peu partout autour de lui.
- Humm, je sais paaas... Peut être le fait que t'atteindrais même pas les pédales ? Le charriais-je en souriant, tandis que mon cadet m'insultait de tous les noms, se déchaînant sur mon épaule.
Une fois mon rire et la colère du plus petit calmé, on se remit en marche, traversant toujours notre immense lycée.
- Mais tu sais, Eunji aura son permis dans seulement un an. C'est dans pas si longtemps que ça. Fis-je en me tournant vers Yuri.
- Ouais, je sais... Soupira ce dernier. Mais bon, j'aurais bien aimé qu'il m'emmène faire un tour plus tôt...
- Bah, vous pouvez toujours aller dans une voiture.
- Ouais, mais si on bouge pas c'est nul.
- Oh, tu sais, il y a plein de choses à faire à deux dans une voiture qui ne nécessitent pas forcément le permis de conduire... Sous-entendis-je, un sourire en coin sur les lèvres.
- Yah, qu'est ce que tu veux dire ?! S'écria Yuri.
- Rien, rien, t'es trop petit pour comprendre...
- Yah, Jeongin ! J'ai que deux semaines de moins que toi, dis-moiiii !
- Et bah je te le dirais dans deux semaines, alors. Souris-je, amusé de la tournure que prenait la situation.
- Jeongiiiin ! Dis-moiiiiii !
Il s'arrêta soudainement, avant de lancer, sur le ton du défi :
- Si tu me le dis pas, j'irais demander à Eunji !
Mes yeux s'agrandirent sous la surprise, avant que de bruyants éclats de rires ne sortent de ma gorge.
- Et bah vas lui demander, je ne demande qu'a voir ça ! Mais si j'étais toi, je ne le ferais pas !
Yuri souffla bruyamment, avant de me rattraper. Il me donna un coup sur la tête, et se résolu à abandonner, du moins pour le moment.
En réalité, si Yuri n'avais pas compris mon allusion, ça n'étais pas par manque de jugeote ou de maturité, loin de là. Si je lui avais fait la même remarque avec Sunhi, il aurait tout de suite compris. En vérité, Eunji et Yuri ne voyaient aucune autre forme de relation entre eux que de l'amitié. Peut-être parce que c'était le cas, mais surtout car la société les avait façonné ainsi. Même si j'avais un groupe d'amis un peu rebelle, ce genre de choses ne leur traversaient même pas l'esprit.
Moi, ces sujets me fascinaient. Je n'étais pas forcément attiré par les hommes -à vrai dire, je n'en avais aucune idée-, mais j'étais de nature curieuse, et ce genre de relation m'avait intrigué. Je n'en avais jamais parlé à personne, sachant permanentant quels seraient les réactions autour de moi. C'est aussi pour cette raison que je n'ai rien dis à Yuri. Je gardais les connaissances de cette facette du monde pour moi, et cela me convenait très bien.
Au bout de quelques minutes, on fini par arriver devant le portail du lycée et je m'arrêtais, me retournant vers mon cadet.
- Ça te dis d'aller manger un goûter en ville ? Me demanda soudainement Yuri, le regard plein d'envie à travers les verres de ses lunettes.
- Euuu... Je peux pas... J'ai dis à ma mère que je rentrais tôt, ce soir... Mentis-je à moitié tandis que le plus jeune affichait une moue déçue.
- Pas grave, alors. Sourit-il. À demain !
- À demain ! Répondis-je en lui faisant signe alors qu'il tournait les talons, prenant la direction de chez lui.
Je soupirai en partant moi aussi, m'éloignant du grand portail blanc du lycée.
J'avais certes dit à ma mère que je rentrais tôt, mais cela ne m'empêchait pas de traîner avant. Cependant, ces derniers temps, j'avais remarqué que j'avais tendance à mentir à mes amis, même inconsciemment. J'avais tendance à fuir toute présence humaine, ayant besoin d'être seul pour me reposer et redonner à mon corps un semblant d'énergie.
A vrai dire, être en contacte avec des être humains m'était devenu très dure. Cela me demandait une quantité d'énergie énorme et me mettait dans un stresse que je n'arrivais pas à expliquer. J'en étais épuisé aussi bien physiquement que mentalement. Alors, je m'isolais, préférant rester dans ma chambre ou au parc, loin des regards et des avis tranchants. Loin de la réalité et de ses responsabilités.
Je m'arrêtais soudainement au milieu du trottoir. Certains passants me contournèrent en pestant, mais je m'en fichais. À ma droite, de l'autre côté de la route, se tenait la verdoyante boutique qui me fascinait tant. Je passais devant presque tous les jours, mais je n'y avais jamais mis les pieds.
''Le jardin de Mapo''
C'était ce que signifiaient les belle lettres émeraudes sur la devanture du commerce.
- Vas-y. Souffla Félix près de mon oreille.
Je me retournais vers lui, surpris.
- Mais je devrais pas...
- Et pourquoi pas ? Fit-il, une lueur de malice dans les yeux.
- ...
Je ne su quoi répondre, et Chan intervint, faisant s'envoler tous mes arguments.
- Tu peux y aller, Innie. M'autorisa-t-il en souriant doucement, comme un père sourirait à son fils.
Je leurs souris timidement, et sous leurs encouragements, je traversais la route, rejoignant l'entrée de ce magasin si intrigant et magique à mes yeux.
La clochette tinta tandis que je poussais la porte du commerce, une douce odeur de terre et d'humidité s'infiltrant dans mes narines.
- Bonjour ! Lança la jeune employée depuis le comptoir à moitié caché par la verdure envahissante.
- Bonjour... Répondis-je vaguement, beaucoup trop occupé à observer et analyser tout ce qui se trouvait autour de moi.
Je sus tout de suite je j'aimais cette boutique, pour une seule et bonne raison. Elle pouvait paraître insignifiante, mais à mes yeux, c'était la plus importante et la plus juste possible : il n'y avait pas de bouquets de fleurs.
J'avais toujours trouvé ça horrible de couper des fleurs pour les offrir. Qui offre des êtres vivants à l'agonie en pensant que ça fera plaisir ? Je trouvais ça complètement loufoque et cruel. J'avais donc l'habitude de fuir les fleuristes habituels, me demandant même comment ils pouvaient encore regarder une plante dans les pétales après ce qu'ils avaient fait.
Pourtant, cette fois, c'était bien différent. Il y avait une majorité de plantes vertes et les fleurs étaient toujours accrochés à leurs racines. Aucune œuvre du crime n'avait été commise et toutes ces plantes vivaient en paix, bien qu'un peu trop nombreuses dans cette petite pièce.
- Vous cherchez quelques chose en particulier ? Demanda la jeune femme en s'approchant de moi.
Je lui adressait un rapide coup d'œil, avant de rediriger mon attention vers les herbacés.
- Non merci, je me débrouille. Répondis-je un peu à côté de la plaque.
La jeune femme sourit, penchant la tête sur le côté, amusée de ma réaction. Elle décida donc de reprendre son occupation initiale, me surveillant du coin de l'œil.
Je déambulais entre les plantes en tous genre, prenant le temps d'observer chacune d'elles. Elles étaient toutes magnifiques et élégantes, pourtant, aucune ne me retenait plus que ça. Aucune, hormis une.
Là, tout au fond du magasin, une petite plante aux douces feuilles rondes était à moitié camouflée par les grandes feuilles de sa voisine d'étagère. Je m'approchais, tendant le bras pour saisir le pot en terre cuite ocre rouge de ce chétif végétal.
Je la reconnus en un coup d'œil. Elle n'avait que quelques feuilles, pourtant celles-ci étaient claires, striés de traits un peu plus foncés partant de la navrure centrale pour rejoindre l'extrémité de la verdure. Il s'agissait d'une Calathea orbifolia. La nuit venue, cette plante repliait ses feuilles pour se reposer. Je me souviens que cette caractéristique particulière m'avait beaucoup intriguée. Elle était d'ailleurs, à cause de cela, synonyme de nouveau départ, des faits de l'expression '' To turn a leaf : tourner la page/feuille '' en anglais.
Je souris doucement en observant cette jeune plante, en grand dilemme intérieur. Je restais un long moment ainsi, hésitant à reposer ce végétal sur son étagère, où à le garder. J'hésitais beaucoup, et moi même ne savait pourquoi, car même Chan m'avait donné son autorisation. Rien ne m'en empêchais, et pourtant...
- Bon, tu vas la prendre cette putain de plante oui ou non ?! S'énerva soudainement Changbin, me faisant presque sursauter.
- Euuu je- je sais pas...
- Mais bordel, Innie ! T'as envie de prendre cette plante ! Chan t'as donné son autorisation ! Alors maintenant arrête de t'auto-limiter et achète ce putain de végétale ! Gronda le noiraud, me faisant me recroqueviller sur moi-même.
Il souffla fortement du nez, avant de partir s'enfermer dans sa chambre pour calmer ses nerf. Je me mordillais violemment les lèvres, mais la vérité, c'était qu'il avait raison.
- Je vais prendre cette plante. Décrétais-je finalement à l'intention de la vendeuse en m'approchant du comptoir.
- Oh, c'est un très bon choix. Elle demande un peu d'entretien, mais elle est très jolie. Sourit la jeune femme. Les Calathea orbifolia sont normalement à 30euros, mais comme celle-ci est petite et un peu mal en point, je vous la fais à 27euros.
- Merci. Souris-je en sortant mon porte monnaie, lui tendant les trois seuls billets qu'il contenait.
Elle me rendit la monnaie et me proposa un sac que je refusais poliment, ayant peur d'abîmer ma précieuse plante. Lorsque je sortis du magasin, un joli sourire habillait mon visage, tandis que sous mon bras, ma toute nouvelle petite plante ondulait doucement au rythme de mes mouvements.
Lorsque j'étais rentré chez moi, je l'avais posé au bord de la fenêtre de ma chambre, près de mon lit. Je l'avais arrosé et j'avais même humidifié ses feuilles, la débarrassant de toute la poussière qui la recouvrait, dégageant ses conduis respiratoires.
Plus tard, je l'avais baptisé Pilo. Ce mot signifiait ''fatigue''. Et Pilo était tellement fatigué qu'il repliait ses feuilles la nuit pour économiser un maximum d'énergie. Je trouvais que ce prénom lui correspondait bien. L'éternel fatigué, qui se reposait tout le temps, mais qui restait épuisé. Il était comme ça, Pilo.
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