𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟔.𝟏.
Le matin suivant, alors qu'elle se réveillait dans sa chambre, en haut d'un des nombreux telain qui parsemaient les Mellyrn, Eirien sentit son corps entier protester. Malgré tout, son voyage l'avait écorchée et ses membres ankylosés peinaient à la sortir de sa couche. Lorsque les escaliers menant en haut de son arbre craquèrent, elle poussa un grognement mécontent et s'empressa de ramener ses couvertures sur son visage, pour ne pas être trop brusquée hors du lit. Elle savait qu'Haldir ne la laisserait pas rester encore au lit plus longtemps.
- Minno, bougonna-t-elle en s'étirant entre les draps éthérés qui volaient presque à chaque mouvement .
- Ui mi chaust ? rit Haldir en pénétrant dans le sanctuaire d'Eirien, amenant avec lui toute la lumière du soleil d'hiver.
[Toujours au lit ?]
- Ma. Im gorth, mima-t-elle alors en étendant ses membres en peu plus. Awartha nîn.
[Oui. Je suis morte. Abandonne-moi]
Haldir rit de plus belle et ses éclats de bonheur se répercutèrent sur les murs boisés, éclairés d'or et d'amour.
- Mae, pedin 'Aladriel, ú-delin, lâcha-t-il en faisant mine de repartir.
[Bien, je vais dire à Galadriel que tu ne viens pas]
- Baw ! s'exclama-t-elle, dramatique, en se relevant soudainement. Ú-thelin bedo, im goeb.
[Non ! Je ne veux pas y aller, je suis pleine de peur. ]
Faussement agacé par les moues boudeuses d'Eirien, le grand elfe blond vint s'asseoir sur le lit et la fixa calmement. C'était souvent ainsi, la jeune elleth jouait à l'enfant, lui la rassurait en riant et ils continuaient ainsi dans cette innocence artificielle qui confortait tant la musicienne. Seulement avec lui pouvait-elle ainsi agir, et se lâchait alors, se sachant insupportable. Le pauvre Haldir l'aimait trop pour lui en vouloir, et elle le savait.
- Habo gen ! Lim ! lui ordonna gentiment Haldir.
[Habille toi ! Vite !]
Comme elle protestait encore, il tira sur les draps, la laissant dans sa chemise fine au froid et elle laissa échapper un cri avant de quitter le lit, toujours les traits boudeurs agrippés à son visage. Elle réalisa alors que le code d'Imladris ne s'appliquait pas ici, en Lórien, et elle poussa un sifflement d'allégresse en fonçant devant les yeux amusés d'Haldir vers sa garde-robe. Adieu les robes fines, les corsets ornés et les tissus si vite abimés ! Elle ouvrit grand l'armoire, autorisant les effluves de ses vêtements s'envoler par la porte encore ouverte. Aussitôt, sa tenue de forêt jaillit de l'étagère et elle la brandit fièrement.
Ah ! Quel bonheur de retrouver sous ses doigts la chemise verte tissée, qui coulait entre ses doigts, le corset où pouvaient se dissimuler mille poignards et le cuir résistant des chausses. Elle enfila immédiatement les collants gris, alors que l'elfe Galadhrim détournait poliment le regard. Elle laça le corset elle-même, chose rendue impossible par la complexité de ces apparats à Imladris. Ceux de Lórien trouvaient au moins une utilité. Finalement, les bottines épousèrent la forme de ses chevilles et elle se trouva prête.
- Ci bain, dit Haldir en la voyant tournoyer dans sa tenue.
[Tu es belle. ]
Elle ne répondit rien mais son cœur se gonfla d'amour pour l'elfe blond.
- Bado na 'Aladriel ! s'écria Haldir en souriant.
[Allons vers Galadriel]
- Mae, soupira Eirien en lui lançant un regard boudeur.
Sur la plateforme, avant de descendre les longs escaliers qui les mèneraient sur le sol, la musicienne s'étira longuement, pour gagner quelques minutes au sommet des arbres de la Lórien, laissant son regard amoureux s'alanguir sur ce paysage qu'elle affectionnait tant.
Mais son ami s'était déjà élancé, et elle fut forcée de sauter sur les marches afin de le rattraper. Son rendez-vous avec la Dame de Lothlórien ne pouvait plus attendre.
- Pedich, telir lim ? Na van ? s'inquiéta la belle Dame de la Lórien, en observant son royaume de feuilles chanter au vent.
[Tu dis qu'ils arrivent bientôt ? Quand ?]
- U-iston, Hiril vuin, s'inclina Eirien.
[Je ne sais pas, ma Dame]
Elle avait expliqué la situation, son retour soudain. Sur le visage de Galadriel s'était imprimé une peur soudaine, qui n'avait pourtant fait que sublimer ses traits si purs. La musicienne avait souvent écrit la beauté légendaire de la Dame, mais même ses sublimes mots ne pouvaient saisir l'essence de cet éclat vif, de ces yeux plus brillants que les Silmarils, plus clairs que les eaux de la Nimrodel, de sa chevelure plus resplendissante que le soleil. Seule Arwen, sa petite-fille, rivalisait avec les charmes de Galadriel.
- Mathon dhae.
[Je sens une ombre.]
Les murmures de l'Elfe glaçaient les sens d'Eirien, qui la savait d'une grande sagesse. S'il était arrivé malheur à Aragorn, jamais l'Etoile du Soir ne s'en remettrait.
Elle se décida alors, honorant pour la première fois sa promesse à l'amour d'Elessar.
- Thelothon an syn. Boe nîf meldir.
[J'irai à eux. Ils auront besoin d'un visage d'un ami]
- Mae. Gobedo Haldir. Namarië.
[Bien. Va avec Haldir. Adieux]
De ces mots la congédia la Dame de Lórien, lui adressant un sourire d'espoir.
- Namarië, Hiril vuin.
[Adieux, ma Dame]
Et elle quitta la salle du trône, dont était absent Celeborn, trop occupé à chasser avec ses serviteurs.
C'est encore subjuguée par la présence divine de Galadriel qu'Eirien retrouva Haldir. Il ne lui posa aucune question mais déposa sur le front de l'elleth un baiser étoilé, qu'elle aurait voulu capturer pour le garder à jamais contre son cœur palpitant.
Tant de fois avait-elle voulu écrire l'amour, tant de fois avait-elle trébuché sur les phrases maladroites qui créaient tant d'obstacles sur la route de la création ; mais depuis que reposait dans son sein l'idée de l'elfe blond, ses tourments s'étaient apaisés et elle jouissait de l'inspiration de milles astres grâce aux fossettes de rires de celui qu'elle aimait.
- Bedithanc nan herth e-gorf, annonça-t-elle alors qu'ils se trouvaient dans une clairière d'argent, profitant du soleil pâle.
[Nous irons vers la garde de l'anneau]
- Ring, répondit seulement Haldir en la regardant avec un sourire amusé.
[Il fait froid]
- Iston. Bedithanc i lond ah tolthathanc aen 'lad an naur.
[Je sais. Nous suivrons le chemin et devrions ramasser du bois pour un feu. ]
- Aniron laug.
[Je veux avoir chaud. ]
- Pe-channas!
[Idiot !]
L'elleth lui lança un coup d'œil excédé avant de s'écrouler entre l'herbe grasse et les fleurs d'or et d'argent. C'était étrange comme ces dernières tapissaient le sol de Lórien, alors que sur le chemin, elle n'avait croisé que désert glacé et cadavres de plantes. L'hiver était là, bien cruel pour cette partie de l'année mais jamais en Lórien il ne semblait sévir.
Elle chantonna un petit air, qui fit sourire Haldir, et ferma les yeux pour mieux s'autoriser à penser. Les bruits de la forêt inspiraient à la jeune elleth des dizaines de mélodies, qui s'effaçaient presque immédiatement, remplacées par d'autres. Oh, que la Lórien lui avait manqué ! Que n'entendait-elle pas ici ? Tous les cris de la nature perçaient son âme et s'y muaient en un chant universel qu'elle ne savait traduire. Elle se blottit contre le torse chaud de son amour, et se laissa bercer par les rêves environnants.
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