𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐.𝟐
Le soir, Eirien se retrouva aux côtés de son ancienn maîtresse pour souper. Cette dernière arborait sur sa robe tissée et son visage une tristesse profonde, plus encore que d'ordinaire. La musicienne n'osa pas la questionner sur la raison de cette mélancolie qui emplissait ses beaux yeux de noirs pensées, car elle savait qu'Arwen Undomiel ne souhaitait montrer que son meilleur profil aux banquets du Seigneur Elrond.
Mais ce fut pourtant elle qui, sans changer de visage, gardant cette émotion froide peinte sur ses lèvres, laissa échapper d'un souffle faible :
- Nauthol hîr Aragorn 'oveditha i Pheriannath.
[Je crains que le Seigneur Aragorn n'ira avec les Hobbits. ]
Eirien savait qu'elle ne se trompait pas. C'était le caractère de son ami Dunadain de secourir le monde entier, de cette abnégation sans faille qui faisait de lui un si grand homme mais qui détruisait le cœur de celle qui l'aimait chaque fois que son départ s'annonçait, nuages ténébreux masquant la constellation de leurs promesses.
- Mithrandir hyn govêd. Aniral sogad ? demanda-t-elle alors en se servant un verre d'eau fraîche.
[Gandalf les acommpagne. Souhaitez-vous boire ?]
- U-aniron. Gen hannon. Man lû bedir ?, s'enquiéra la belle dame, devinant bien que son amie en connaissait plus qu'elle n'en laissait paraître.
[Non. Je te remercie. Quand partent-ils ?]
- Ù-iston. Ned aduial firith. Dan Elessar lathra i imrath.
[Je ne sais pas. Au crépuscule de l'automne. Mais Elessar surveille la vallée.]
Arwen acquiesca tristement et ses yeux se perdirent dans les tapisseries, celles qui relataient la rencontre de Luthien et de Beren, ses ancêtres auxquels on la ramenait si souvent.
- Atholitha, soutint Eirien en cherchant la main blanche de son amie pour la serrer dans la sienne, satin contre faille, hiver contre été.
[Il reviendra.]
La Dame ne répondit que d'un soupir et la conversation s'arrêta là.
Cette fois-ci, Eirien n'assista pas à la soirée au coin du feu, car c'était l'un de ses jours de repos. Elle s'éloigna donc de la Maison Hospitalière car le chant des arbres lui manquait plus que n'importe quelle ballade. Se déchaussant, afin de sentir sous ses petits pieds la fraicheur du soir, elle sentait son cœur frémir d'impatience à l'idée de retrouver l'écorce rêche des sapins et l'odeur boisée de la terre qui abritait leurs immenses racines.
Bien sûr, ce n'était pas des Mellyrn, qu'elle chérissait plus que n'importe quelle plante sur Arda, car c'était dans ses arbres qu'elle avait vécu les plus belles années de son existance. Elle comprenait leurs complaintes, leurs grincements et, perchées sur leur faîte, elle composait les plus beaux chants et les créatures de la forêt se joignaient à elle. Non, ce n'étaient que des conifères communs, qu'elle embrassait tout de même, cheveux détachés volant derrière elle dans la douce brise du soir, pieds nus contre le colet rocailleux des jeunes arbres. D'un geste leste, elle s'aggripa à la première branche, et s'y balança quelques instants pour trouver l'élan de se hisser toute entière le long du tronc de l'arbre. Ensuite, ce ne fut que les reflexes de la jeune elleth qui s'exprimèrent, la portant rapide et gracile jusqu'aux cieux. Perchée plus haut que tout le reste, elle pouvait admirer ainsi la vallée s'étaler devant ses yeux encore naïfs. Les brumes automnales du soir apparaissaient, belles et langoueuses au-dessus du Bruinen qui, nonchalant et alangui, coulait plus loin que l'œil ne pouvait apercevoir. Les ombres du Lune se multipliait à mesure que ce dernier grimpait le ciel en projetant ses rayons opalins, dont brillaient les falaises.
Oh ! Qu'elle aimait s'évader dans ces paysages, rappel immédiat des contes anciens. Elle y voyait Beren et son amante, les rois anciens, la puissance des premiers royaumes, qui l'appelaient depuis toujours, alors qu'elle n'avait pas même arpenter les Terres-du-Milieu.
Et puis les montagnes lointaines qui s'étalaient dans le brouillard des horizons, ces pics majestieux où semblaient gravée l'histoire de la terre, ces chaînes argentées criaient son nom, la suppliaient de les gravir, elles aussi, puisqu'elle montait bien aux arbres.
Soudainement, une ombre sous elle attrapa son attention et elle cessa de respirer afin de mieux percevoir la provenance de ce nouvel arrivant. Elle le voyait s'agiter en contrebas, masqué par les épines du conifère, mais étrangement, son ouïe fine d'elfe ne lui permettait pas d'entendre le moindre pas. Sans bruit aucun, elle se laissa glisser entre les branches et déguêna sa dague, s'il devait s'agir d'un ennemi de Fondcombe. Elle remarqua alors la petite taille de ce dernier et frémit d'horreur : et s'il s'agissait de Gollum, cette créature dont elle avait tant entendu parler ? Devait-elle abattre son arme sur ce crâne ? Devait-elle capturer ce petit corps ?
Heureusement, ces interrogations furent de brève durée. La créature se retourna alors et Eirien se trouva nez à nez avec Frodon.
- Je ne pensais pas vous trouver accrochée aux arbres, s'exclama-t-il d'un air étonné.
- Je ne pensais pas vous trouver discret comme cela, répliqua l'elfe en rangeant sa dague. Vous avez le pas léger, et le souffle silencieux, jeune Hobbit.
Il haussa les épaules, n'osant croiser le regard de l'elleth et répondit :
- Paraît-il qu'il s'agit d'une caractéristique des Hobbits. Je m'en suis souvent servi pour échapper aux Sackville-Baggins.
- Bien utile, ce talent ! Mithrandir m'avait averti de la surprenante résistance des Semi-Hommes, mais pas de leur discrétion sans faille !
Ils se turent quelques instants, alors qu'Eirien s'élança sur le sol pour retrouver ses bottines.
- Souhaitez-vous m'accompagner pour cette balade nocturne ? s'enquiéra alors le Semi-Homme d'un ton timide.
- Avec grand plaisir !
Alors ils s'avancèrent, deux formes distinctes dans la lumière irisée des étoiles. Le chemin qu'Eirien leur faisait emprunter serpentait dans la douceur de la forêt, avant de les ammener sur un plateau, duquel ils pouvaient apercevoir Imladris toute entière, étincelante. La Maison Hospitalière brûlait de mille feux de joie, et les voix de ses hôtes atteignaient les deux amis comme un écho léger.
- Je suis heureux de vous avoir retrouvé, Dame Eirien. Mon esprit est confu et je crains que votre lumière seule puisse m'aider, soupira Frodon en regardant au loin.
- Je suis touchée de vos jolis mots, mais je ne vois pas la manière dont je pourrais vous être utile.
- Aniron i dulu lîn, souffla le Hobbit. Im bên-rad.
[Je souhaite votre aide. Je suis perdu. ]
- Hennion. Im naer. Dan avo 'osto ! I 'lawar en Elbereth 'oveditha le.
[Je comprends. Je suis désolée. Mais ne craignez pas ! La lumière d'Elbereth vous accompagnera ]
- C'est une bien trop grande quête pour une petite créature comme moi. Je regrette d'avoir promis de m'occuper de cela. Le Seigneur Aragorn aurait été un bien meilleur choix, dit Frodon en repassant en Parler Commun.
- Si Elrond a accepté votre proposition, c'est qu'il vous pense capable. Le courage se trouve parfois dans des endroits inattendus, essaya Eirien, malgré sa maladresse dans cette langue qui n'était pas la sienne.
Elle saisit alors la petite main du Hobbit, qui disparut dans la sienne, et chuchota :
- An ngell nîn, N'i lû tôl, posto vae.
[S'il vous plait, jusque là, reposez-vous. ]
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