- Hum, désolé de te déranger mais Effie m'a demandé de venir te chercher pour le dîner. 

J'ouvre doucement les yeux et regarde autour de moi. Malheureusement je ne suis pas dans ma chambre, au District Douze comme je l'espérais. Je suis toujours sur les draps en soie de mon grand lit dans le train et je vois le paysage défiler à tout vitesse par la fenêtre. A ma grande surprise je constate que le soleil se couche. J'ai dormi plus longtemps que prévu. 

- Tu...ça va ?

Je me redresse brusquement et me tourne vers l'entrée. Ben me regarde, gêné.

- Je...oui, oui j'arrive c'est gentil. 

- Je leur demande de t'attendre ? 

- Non je te suis, je réponds en me levant.

- Dans...dans cette tenue ?

Je baisse les yeux et remarque avec effroi que je suis encore en peignoir. Je deviens rouge de honte mais bégaye une phrase à peu près correcte.

- Oh...heu, non je me change et je vous rejoins.

Il a l'air soulagé et sort de ma chambre devant mes yeux stupéfaits. Il aurait pu se contenter de toquer ! Je devine malgré moi que c'est ce qu'il a fait mais que, sans réponse il a été obligé d'entrer. La prochaine fois je mettrais un réveil, ou alors je m'habillerais avant de dormir c'est sûr. Je fouille dans le vaste dressing et troque mon fameux peignoir contre une tenue simple. Mes cheveux sont secs à présent, mais je n'ai pas le temps de les tresser alors je les brosse juste, en espérant qu'ils tiendront en place. Je sors de mon wagon et traverse presque tout le train afin de trouver le wagon restaurant. Lorsque je rentre, essoufflée, le tintement des couverts s'arrête aussitôt. Moi qui espérais être discrète c'est raté. Je m'assois à la seule place libre, à côté de Ben et en face de ma mère en m'excusant. 

Le repas est délicieux, malheureusement je n'ai pas faim. Effie tente de faire la conversation, mais malgré les maigres efforts de mon père et de Ben pour répondre, l'ambiance reste pesante. Après avoir mangé, chacun se retire dans sa chambre. Je croise le regard de ma mère et résiste à l'envie de me jeter dans ses bras. Je suis la dernière à me diriger vers mon wagon. Tout le monde a déjà quitté la pièce, et j'hésite avant de partir du côté des Mentors. Ce n'est pas très loin mais une fois devant la porte, je suis vite découragée. Ce que je m'apprête à faire est terriblement injuste pour Ben. Il a prit la place de mon frère, a quitté sa famille pour les Jeux, et moi je le remercie en allant pleurnicher dans les bras de mes parents. Je me résigne à faire demi-tour lorsque j'entends des voix de l'autre côté de la porte.

- Ressaisis toi Katniss ! Je sais que c'est dur, mais on ne peut pas les laisser tomber comme ça. Se dérober c'est obéir à ceux qui veulent nous détruire tu comprends ça ? Rose et Ben doivent être prêts. Le Conseil n'aura pas la satisfaction de nous voir sombrer.

Je devine que maman est entrain de pleurer.

- Tu te souviens à quel point tu en voulais à ta mère lorsqu'elle a réagit de cette manière après la mort de ton père ? reprend mon père avec plus de douceur.

- Oui, murmure presque ma mère, je la détestais.

- Alors tu sais ce qu'il nous reste à faire.

Je n'entend plus rien, cependant il est facile de comprendre qu'elle est allée se blottir contre papa.

- Je t'aime Peeta.

Je m'écarte de la porte et part vers ma chambre en courant. Tout ça ne me regarde plus. Je ne veux pas penser à quel point c'est difficile pour eux. Bouleversée, je défile dans les couloirs sans regarder où je vais. Les portes sont toutes les mêmes et après m'être trompé plusieurs fois de wagon, j'arrive enfin à destination. J'entre dans la pièce et me fige en entendant un bruit d'eau. Quelqu'un est dans la douche, dans MA douche. Je regarde autour de moi. Le bruit d'eau se coupe. J'ai peut-être rêvé. Non je n'ai pas rêvé. Alors que la porte de la salle de bain s'ouvre je me rends compte que ce n'est pas ma chambre. Elle y ressemble comme deux gouttes d'eau mais ce n'est pas la mienne.

- Rose ?!

Face à moi, se tient Ben en peignoir qui est d'ailleurs similaire à celui qu'on m'a donné. Je rougis une nouvelle fois, prenant conscience de ma bêtise. 

- Oh pardon..je suis vraiment désolée j'ai cru que c'était ma chambre.

Je recule, honteuse.

- T'inquiètes pas je comprends. Toutes les portes se ressemblent ici je peux pas t'en vouloir.

Il regarde son peignoir et rit.

- On est quitte je suppose.

Je sourit légèrement malgré moi.

- Oui certainement...

Je lui souhaite bonne nuit avant de détaler dans ma chambre à moi de l'autre côté du couloir. Je pensais qu'il serait en colère puisqu'il m'évitait depuis la Moisson, mais peut-être que ce n'était pas volontaire au final. Une fois dans mon lit, comme par hasard, je n'ai plus sommeil. Pas étonnant vu la sieste que j'ai faite avant le diner. Je m'enroule dans les draps et me laisse bercer par le train. Ce n'est pas aussi efficace que la pluie, loin de là. Je fini par m'endormir, très tard, en redoutant la journée du lendemain. 

｢✵｣

- Allez debout Rose ! 

Une lumière vive m'arrache de mes rêves agités. 

- Cet après-midi on arrivera au Capitole mais il nous reste la matinée pour discuter de votre stratégie avec vos Mentors ! claironne Effie.

Je me retiens de l'envoyer dehors. Chaque mot qu'elle prononce me donne l'impression d'être hurlé. Je me surprend à penser que Ben m'aurait réveillé de façon bien plus agréable. Je me redresse et marmonne que j'arrive. Vu de la manière inintelligible dont je l'ai dit, c'est un miracle qu'Effie finisse par me laisser tranquille. Je sors de mon lit et m'habille avec regret. Dormir un peu plus ne m'aurait pas fait de mal. Je m'arrose le visage et remet mes cheveux en place sans les tresser. Je n'ai guère l'énergie de me faire belle pour cette dégénérée. Je me rend dans le wagon restaurant sans me perdre cette fois-ci et remarque avec soulagement que je ne suis pas la dernière.

J'évite de regarder mon père dans les yeux et m'assois à côté d'Effie. Celle-ci a beau m'insupporter, c'est bien la seule à qui j'ai le courage de parler sans trembler. Ma mère arrive une demi-douzaine de minutes plus tard, précédée de peu par Ben qui s'installe face à moi. 

- Alors Peeta et Katniss ! Qu'avez vous prévus pour vos tributs ? s'exclame ma voisine de table avec entrain.

- Hum...on pensait que pour les premières apparitions, vous pourriez paraître assez soudés et en bonne entente, le public aime ça et la priorité est d'avoir un maximum de sponsors, commence mon père.

- Il faudrait aussi que vous ayez un aspect sûr et confiant, mais sans plus. On ne doit pas vous croire faible mais il ne faudrait pas qu'on vous prenne pour la première menace à éliminer, ajoute ma mère.

- Quelle bonne idée ! s'extasie Effie, qu'en pensez vous, vous êtes les principaux concernés après tout ?

Ben se tourne vers moi.

- Je ne sais pas trop ce que le public apprécie mais vous avez plus d'expérience que moi alors je suppose que c'est une bonne technique.

- Et toi Rose ? demande Effie.

- Heu...oui, oui ça me va. Mais, quand vous dîtes soudés...soudés comment ?

Parce que dans le cas de mes parents, ils étaient carrément amoureux.

- Amis, enfin, disons qu'après que Ben se soit porté volontaire pour prendre la place de ton frère, explique mon père, tu ne peux pas être hostile à son égard.

- Evidemment, je réponds, il lui a sauvé la vie.

Ben paraît gêné.

- Ils vous interrogeront certainement sur ce sujet d'ailleurs, prévient ma mère, surtout toi Ben, je ne sais pas si tu as une raison particulière de l'avoir fait, et c'était très courageux mais attends toi à ce que ça suscite des questions lors de l'interview.

Il hoche la tête.

- Je serais près à y répondre, assure-t-il.

Le reste de la matinée est principalement occupé par les conseils de nos Mentors tel que bien choisir ses alliés ou encore ne pas se précipiter dans le bain de sang dès le départ. Après le déjeuner, je suis autorisée à aller dans ma chambre. Mais une fois dedans j'ai seulement envie de ressortir. Alors je me rend à l'arrière du train, dans une pièce entièrement vitrée exceptés le sol et le plafond. Je remarque que je ne suis pas la première à avoir eu cette idée. Ma mère est déjà là, elle fixe le paysage continu qui défile à toute vitesse sous nos yeux. Elle se tourne en m'entendant arriver et me sourit. 

- Comment ça va ?

- Aussi bien que l'on peut aller quand on va aux Hunger Games, je grimace.

- Je suis sûre que tu va y arriver ma puce d'accord ? Et puis tu peux compter sur Ben, il...

- Non, je la coupe, non le problème n'est pas de compter sur lui. Le problème c'est de devoir le voir mourir si je veux vivre.

Elle détourne le regard.

- Je suis désolée Rose.

- Ce n'est pas ta faute.

Le ciel s'assombrit pour ne laisser que des murs autour de nous, nous passons dans un tunnel. Ma mère se lève et se dirige vers la sortie.

- On va bientôt arriver au Capitole, prépare ton sourire pour les caméras. 

Elle hésite puis me prends dans ses bras quelques secondes avant de partir. Je me blottis contre elle, au bord des larmes. Comment pourrais-je sourire dans cet état ? Elle glisse un objet métallique dans ma main et se détache de moi juste avant que le train débouche dans une immense ville. Je reste bouche bée devant les bâtiments grandioses. Toutes ces richesses, tout cet espace...Puis je baisse les yeux sur son cadeau. Une broche dorée, représentant un geai moqueur avec une flèche dans le bec. C'était la sienne. 

- Bienvenue au Capitole ! s'écrie Effie derrière moi en me faisant sursauter.

Elle me prend par les épaules et me demande de me dépêcher. Je la suis et elle m'envoie me changer sous prétexte que ma tenue actuelle, bien trop simple, n'est pas digne d'une jeune fille comme moi. Je pense surtout qu'elle cherche à faire bonne impression dès notre arrivée mais je ne réplique pas. Je retrouve Ben, Effie et mes parents juste après et nous entrons enfin dans la gare. Je serre toujours la broche de ma mère dans ma paume et celle-ci me fait un signe réconfortant de la tête. Une seconde à peine avant que les portes s'ouvrent sur la foule,  je l'accroche à ma poitrine. Des centaines de personnes se pressent autour de notre train et les Pacificateurs doivent intervenir pour nous dégager l'accès. 

Je regarde partout autour de moi, stupéfaite. Je devine en croisant l'expression de Ben qu'il en est de même pour lui. Mon père me pousse légèrement vers lui et je me souviens que nous sommes censés être amis. Alors je souris à mon partenaire et lui chuchote quelque chose à l'oreille. Il comprend immédiatement et fait semblant de rire. Il me fait tellement penser à mon frère. Les même yeux, le même rire...Les gens du Capitole se bousculent pour nous toucher et nous parler. Je me colle un peu plus contre Ben, effrayée par tous ces visages inconnus. Heureusement nous sommes rapidement escortés dans nos appartements. A mesure que nous nous élevons dans les étages dans l'ascenseur. Je sens l'adrénaline retomber. On nous fait visiter les immenses pièces où nous allons loger. Ben et moi passons la fin d'après-midi à observer la ville autour de nous du balcon commun de nos chambres. 

- Belle prestation tout à l'heure, me félicite Ben, si on continue comme ça tout le monde va croire qu'on se connait depuis toujours. 

- Merci tu n'étais pas mal non plus.

Nous discutons un peu et plus j'apprends à le connaître, plus je me dis que ça va être compliqué de le voir mourir dans l'Arène. Si seulement cette règle existait vraiment. Celle de laisser deux tributs du même District gagner...