𝟑𝟒. 𝐌𝐚𝐤𝐞 𝐚 𝐠𝐞𝐧𝐞𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐨𝐟 𝐨𝐮𝐫 𝐧𝐚𝐦𝐞
Die Fledermaus / Act 2 - Mein Herr Marquis (Adele's Laughing Song) - Johann Strauss II, Marko Letonja, Lorina Gore, Tasmanian Symphony Orchestra
Wind - Kim Jung Mi
The Poor Woman - No Yoo Rim
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𝐈𝐍𝐓𝐄𝐑𝐋𝐔𝐃𝐄 𝐈
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Printemps 1988.
Ce soir-là, en plein centre de Tokyo, se déroulait l'une des soirées mondaines les plus importantes de l'année. Il fallait savoir que toutes les richesses du pays étaient présentes, à part quelques partis qui n'avaient pu s'y rendre en personne. C'était une soirée qu'on ne pouvait louper, au risque d'être la risée de la haute société.
Comme toutes soirées de la haute qui se respecte, le thème était à l'honneur. On pourrait retrouver les hommes habillés de beau costume trois pièces, qui à eux seuls devaient coûter plus de la moitié des œuvres présentes au cœur du Louvre. Les dames quant à elles, portaient parfois des robes, parfois de très beaux costumes ou tailleurs deux pièces, mais c'étaient leur bijoux qui démontraient leurs richesses.
Chez la haute société, pour ne pas dire "les riches" du langage commun, les personnes importantes se retrouvaient régulièrement afin de parler affaires. La plupart du temps, les hommes menaient à bien leurs marchés, tandis que leurs femmes faisaient office de décoration. C'était ça, les femmes, dans ce genre de soirées, n'étaient autre que des "poules de course", comme on le dirait dans la rue.
Lorsque votre nom se retrouvait sur la liste des invités, il vous était tout bonnement impossible de refuser. Cela voulait dire que vous étiez assez important aux yeux du petit monde des riches pour vous pavaner pendant des heures pour présenter votre crâne vide et vos profits de voleurs.
Mais ce soir, dans la plus grande salle, du plus haut immeuble de la ville, l'hôte n'était autre que l'homme le plus puissant et le plus craint du pays. Lors de ces rares présences, l'on se bousculait pour obtenir la chance de s'y présenter. La première raison, était que cet homme n'était autre que le plus influent du pays, maître de l'économie et de grandes entreprises, sans parler de parti politique, il était l'Oyabun de la plus grandes familles de Yakuzas.
Depuis la nuit des temps, la famille Yamaguchi-gumi était connue comme étant la plus grande famille de yakuzas du Japon, possédant terres et richesses à foison. On craignait ses représailles et l'on priait sa reconnaissance.
Le pouvoir s'était donné de père en fils, fier de détenir le nom doré de l'une des plus puissantes organisations criminelles du monde.
Oui, à cinquante ans, Shinobu Tsukasa était un homme non seulement réputé par son nom, mais aussi, dignement respecté par l'immensité de sa gouvernance. Et ce soir, au cœur de cette soirée mondaine qu'il avait lui-même organisée pour réunir de puissants représentants des entreprises locales et voisines, baignant entre deux représentations d'Opéra, il était l'homme le plus fier.
Le plus fier, car se tenait à ses côtés sa tendre épouse, son amour de toujours, qui lui avait offert le plus beau des cadeaux il y a vingt ans de cela. Leur magnifique et unique fille, digne d'être la prochaine héritière de son plus lourd fardeau mais aussi de sa plus grande réussite.
Pour faire honneur à l'amour que sa femme portait à la saison hivernale, Miyuki Tsukasa détennait le nom d'un homme puissant, et d'une romantique amoureuse de la neige.
Comment pouvait-on la décrire autrement que par la perfection elle-même ?
Miyuki, dans la fleur de son jeune âge, était la plus douce de toutes. Elle était grande, d'une taille parfaite, dotée d'un corps et d'un visage envoûtant. Elle avait une longue chevelure noire, toujours coiffée de belles boucles élégantes qui habillait ses épaules dénudées par-dessus sa robe pourpre. A l'image de son nom, sa peau était aussi claire que la clarté de la neige d'un hiver profond, et l'on ne pouvait que parler sans cesse de son ton froid et ensorcelant. Elle détenait un regard aussi glacial qu'un blizzard, entre ses paupières singulières. Comme toujours, ce soir-là, elle avait décidé de porter un rouge à lèvre qui rappelait la couleur de son vêtement de haute couture, et les femmes se plaignaient et jalousaient sa beauté, comme l'on harcelait Blanche-Neige pour la sienne.
Cependant, Miyuki Tsukaya n'était pas seulement un corps radieux, elle était aussi un véritable prototype de guerre. Elle avait suivi une éducation sévère et rude, à l'image de la dureté de son père et des exigences de sa mère. De part sa beauté, elle arrivait à berner qui que ce soit, et surtout, elle était si intelligente et maligne qu'on ne pouvait que la craindre.
Ce soir-là, Miyuki faisait doucement son entrée dans le monde des grands, pour reprendre les mots de son paternel, se frayant un chemin entre la gouvernance de son père et sa future place d'héritière. Elle avait suivi ce dernier à travers la foule, partageant quelques faux sourires, magnant l'élégance avec perfection, toujours accompagnée d'un verre de champagne à peine consommé.
Cela était une règle, festoyer, mais toujours moins que ses proies.
Ce soir-là, Miyuki avait une mission. La première en tant que future Oyabun.
Un peu plus loin dans la salle, se trouvait un jeune homme âgé de vingt-six ans. Il était coréen d'après ses informations. Elle ne l'avait pas quitté des yeux depuis son arrivée, et derrière sa coupe de cristal, il était certain qu'elle l'avait trouvé à croquer. Cela dit, elle l'avait observé comme l'on étudierait un sujet de thèse, afin de mieux le comprendre, de mieux l'amadouer.
A la première occasion, Miyuki s'extirpa du petit groupe d'où son père l'avait emmené, voguant entre les tables et les invités, toujours sur cet air d'Opéra agréable, jusqu'à atteindre sa cible.
Elle attendit encore quelques minutes, avant de trouver la première faille, et l'approcha. Avec un sourire, elle comprit de suite que sa mission allait être une digne réussite. De fil en aiguille, la jeune femme combla les attentes de son père, amadouant et charmant sa proie, jusqu'à ce que celui-ci ne soit un peu trop happé par sa beauté, plus que par ses paroles.
Ravie et quelque peu avide de plaisir, Miyuki attrapa la main du jeune homme, nommé Kim Joo-Won, et le mena jusqu'à l'étage réservé aux invités. Très vite, leurs deux lèvres se lièrent de passion et d'envie, et ils consumèrent leurs désirs ardents tout le reste de la nuit.
Le lendemain matin, au réveil, Kim Joo-Won perdit la totalité de ses esprits lorsqu'il se rendit compte que ce n'était pas les lèvres de sa conquête qui l'avait sorti de ses rêves, mais plutôt, le canon gelé d'une arme contre sa tempe.
Bien trop plongé dans le regard de cette magnifique femme, qu'il savait être la plus belle et la plus importante de toutes, il en avait oublié sa condition.
Kim Joo-Won était un jeune coréen, fils d'une famille de nouveau riche qui avait construit sa fortune avec ce qui fut par le passé une modeste entreprise d'armement. Avec le temps, ses parents avaient fait exploser le chiffre d'affaires, et avaient trouvé de nombreux partenaires. En tant que digne héritier de l'affaire familiale, son père l'avait envoyé au Japon, apprenant qu'ils y avaient été invités par nul autre que Shinobu Tsukasa. Le but était simple pour Joo-Won, revenir au pays avec un gros contrat, et donc, une entrée d'argent inconcevable qui les auraient mis à l'abri pour les années à venir. Pour être honnête, son père lui avait même confié qu'avec ce contrat signé, ils y gagneraient mieux qu'au loto en plusieurs vies.
Mais alors qu'il perdait complètement le fil, la pression du canon froid contre sa tempe le ramenait à la réalité, et Joo-Won comprit qu'il devait craindre pour sa vie. Ce n'était pas parce que son agresseur était une femme magnifique seulement vêtue d'une petite robe de cambre en dentelle et parfaitement apprêté qu'il devait ne pas avoir peur.
Leurs regards s'étaient ancrés l'un dans l'autre, et Miyuki avait finalement fini par parler. Le marché était clair et précis : Joo-Won devait accepter de céder toutes les plus grosses actions de son entreprise aux Yamaguchi-Gumi, sous peine de disparaître dans les plus étranges circonstances et sans laisser aucune trace.
Aussi fou que cela puisse paraître, Joo-Woon avait accepté rapidement, et le contrat avait rapidement été signé. Seulement, sans qu'il ne sache la raison, l'entrée d'argent fut phénoménale de son côté, et son père le récompensa en le nommant PDG bien plus tôt que prévu.
Un mois plus tard, Joo-Won avait de nouveau mis les pieds au Japon, espérant timidement retrouvé la femme qui lui avait fait perdre la tête. Il fallait croire que les Dieux l'avaient entendu, car l'attente ne fut pas longue. Contre toute attente, bien qu'il l'avait espéré, les deux amants d'une nuit finirent par coucher ensemble à nouveau, bien que plus le temps passait, plus Joo-Won découvrait une jeune femme bien plus sévère et autoritaire.
Très vite, ils finirent par ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre, et à la fin de l'année, Kim Joo-Won et Miyuki Tsukasa se marièrent. La jeune femme, bien que précédé par son futur statue, avait fortement insisté envers son père. Elle avait été vindicative : elle aimait cet homme, et c'est cet homme, qui serait le père de ses enfants. Nul autre.
L'année suivante, après un échec, Miyuki Tsukasa venait à peine de reprendre les rênes de l'organisation lorsqu'elle tomba enceinte. Elle s'en était rendue compte seulement après s'être occupée d'un règlement de compte avec une petite famille de traîtres qu'elle avait dû éliminer. Sur le chemin, à l'arrière de sa voiture, alors qu'elle était au téléphone avec son mari qui avait dû retourner en Corée pour affaire, la jeune femme s'était sentie horriblement nauséeuse et avait finit par vomir l'entièreté de son repas dans son salon.
D'abord, elle avait pensé à l'immense dose de stress qu'elle avait dû accumuler en prenant en charge une organisation aussi puissante que la sienne, mais lorsque sa propre mère lui fit passer un test de grossesse, la nouvelle tomba comme un miracle du ciel.
Alors, durant huit mois, Miyuki s'occupa de toutes ses affaires tout en restant au foyer familial. Elle avait été chérie par ses proches et ses gens de maisons, passant la plupart de son temps à caresser son ventre rond tout en écoutant les plus grands classiques d'Opéra et de musiques japonaises.
Lorsqu'il le pouvait, son mari revenait lui rendre visite et passait des heures entières à admirer ce ventre qui grossissait à vue d'œil, et il ne put se retenir de pleurer lorsqu'il entendit la fabuleuse nouvelle : ce serait un garçon.
Sa belle famille, qui l'avait adopté tel un fils, l'avait gracié pour ce cadeau, répétant à quel point ils étaient fiers d'entendre qu'un jour, ce petit être reprendrait les rênes d'une organisation flamboyante et d'une entreprise grandissante.
C'est un jour d'hiver, exactement le 30 décembre 1991, que naquit l'enfant le plus aimé du pays. Ce jour-là, Kim Joo-Won sentit toute l'angoisse de sa femme quant à l'avenir de leur enfant, alors il lui glissa ces petits mots "tout ira bien à la fin" et ainsi, ils nommèrent leur jeune garçon : Taehyung.
Dès ses premiers jours, Miyuki fit construire une fabuleuse maison, perdue dans la forêt et proche de la capitale japonaise, afin d'y vivre en toute sérénité. Elle y consacra alors trois années entières de sa vie à son enfant, le chérissant tel le plus beau trésor de la Terre, le voyant doucement s'épanouir et rendre son personnel aussi heureux qu'elle pouvait l'être, avant que le devoir ne la rappelle.
Après avoir rappelé auprès d'elle ses gens les plus fidèles pour mener à bien l'éducation de son fils, Miyuki commença à s'absenter, du moins toujours un peu moins que son mari. Ce dernier se voyait obligé de voyager entre le Japon et la Corée, afin de diriger son entreprise, quant à elle, Miyuki dirigeait l'empire qu'avait construit son père.
On disait d'elle qu'elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, outre son physique, cette belle femme et jeune mère mettait de côtés toute sa douceur afin d'affronter ses ennemis. Nombreux étaient ceux qui connaissaient l'image de la femme radieuse et apprêtée telle une chic femme d'affaire, menaçant à elle seule et d'un regard les traitres sur son chemin.
Alors qu'elle avait finalement jeté aux oubliettes ses vieilles habitudes masculines, Miyuki retrouva bien vite la nécessité de sentir le poison du tabac entre ses douces lèvres. L'affaire du traître de Kobe avait fait le tour du pays, si bien que tous et toutes parlaient de cette famille qui avait été décimée sous l'ordre de la jeune femme.
Ce que peu de gens savaient, c'était que ce jour-là, Miyuki avait quitté sa belle maison assez tôt dans la matinée, avant même que le soleil ne se lève et après avoir embrassé le front de son enfant. Elle était restée silencieuse durant tout le trajet, s'adressant seulement à son fidèle homme de main, Noguchi, lorsque le besoin se faisait ressentir.
Lorsqu'elle était arrivée devant ce portail gris, quatre autres de ces hommes avaient forcé le passage et avaient retourné toute la maison sans encombre, tel avait été son ordre, afin de trouver l'homme qu'elle cherchait.
Ce dernier avait dû comprendre la raison de sa venue, puisqu'il n'avait fait que chouiner comme un pauvre chien, à genoux, implorant son pardon. Cependant, Miyuki n'était pas connue pour être plus tendre que son père, et l'homme l'avait bien vite compris. Tandis que d'autres l'auraient fait chanter, s'amusant à le torturer avant de le tuer, elle n'avait fait que le regarder de haut, une cigarette fumante au coin des lèvres.
L'homme avait supplié de mainte et mainte fois, mais alors, Miyuki lui adressa seulement quelques mots qui lui glacèrent le sang. Il avait déshonoré sa place au sein de leur famille, il les avait trahi pour son propre bien égoïste, pensant pouvoir se protéger sous les jupons d'une autre, bien moins imposante et surtout, moins puissante. Puis, elle s'était agenouillée face à lui, plongeant son regard aussi turbulent qu'un blizzard dans le sien, avant de lui confier un sabre qu'un de ses hommes lui avait apporté plus tôt.
A bien des égards, Miyuki était la femme de l'organisation la plus tranchante qui soit. Et à l'image gracieuse de sa famille et de son nom, elle accorda alors une mort digne à ce traître. La solution de l'harakiri n'était plus répandue depuis longtemps, mais aux yeux de la jeune femme, cette solution finale était la plus digne que l'on pouvait donner à un homme proche de la mort.
Pris au piège de sa propre erreur, l'homme lui confia alors ses dernières paroles et son dernier vœux comme elle l'avait demandé, et c'est ainsi que Kim Miyuki reparti de la maison avec un nouveau sang sur les mains, en plus d'une petite fillette âgée de deux ans de moins que son propre fils.
A son arrivée tardive au foyer familial, Miyuki retrouva alors son plus beau et franc sourire de mère comblée, lorsque son fils lui couru dans les bras. Elle n'oubliera jamais la façon dont ces petits yeux asymétriques avaient détaillé la fillette qui s'était cachée auprès de sa jambe, ni la façon dont il la serra dans ses bras.
La vie continua de s'écouler ainsi, entre pouvoir et gouvernance, dévotion et amour inconditionnel. Lors de ses venues, Joo-Won apportait toujours tout un tas de cadeaux à ses deux enfants, tandis que leur mère les berçait sur quelques musiques japonaises. Parfois, il arrivait même que le couple se dispute sur leur éducation musicale, tout en riant. L'un prônait les classiques coréens tel que Jung Hoon Hee, tandis que l'autre faisait l'éloge de l'Opéra et des balades japonaises.
Outre ces moments de détente, Taehyung commença lentement à rencontrer la personnalité intransigeante et sévère de sa propre mère quant à son éducation morale. Il avait d'abord connu quelques professeurs particuliers jusqu'à ses six ans, avant de mettre les pieds dans la meilleure école de Tokyo.
Celle-ci n'était pas une école comme les autres, puisqu'elle accueillait toute l'élite des plus grandes familles du pays. On leur apprenait les langues, les arts, les coutumes et les devoirs de leur rang, mais aussi, la défense, la stratégie et l'éloquence.
C'est dans cette configuration que Taehyung fit la connaissance de celui qui serait plus tard son pire ennemi, mais aussi de son petit frère et du premier amour de sa vie.
Taehyung avait sept ans lorsqu'il tomba dans la même classe que Lay Zhang, qui n'était autre que le fils de la deuxième famille la plus puissante du pays. Comme ils étaient installés à Tokyo depuis des décennies, leur famille était aussi respectée que la sienne. Cela dit, Taehyung n'avait rien à lui envier.
Lay était un jeune garçon impétueux, turbulent, qui n'hésitait pas à se faire tout un tas d'alliés idiots pour faire régner toute une suprématie en son nom, au détriment du sien. Pourtant, si jeune, Taehyung qui n'était rien d'autre qu'un jeune garçon au cœur gros comme l'univers, l'avait bêtement suivi.
Durant trois années, Taehyung et lui furent comme de vrais aimants, devenant de purs inséparables. Si Lay se revendiquait "chef de la bande", Taehyung lui, était son second. Le meilleur, et de loin.
A eux deux, ils firent régner un véritable ordre en leurs noms au sein de leur école, au point où même le corps enseignant les craignaient. On disait même que s'il venait un jour où ils feraient le choix de s'associer, alors ce serait la fin. Car dès le plus jeune âge, la personnalité loufoque et tendancieuse de Lay se faisait déjà ressentir, bien que ce n'était qu'un gamin.
Un beau jour, alors qu'ils étaient en route pour l'école, arriva le terrible accident qui changea et scella leur destin à jamais, sans qu'ils n'en aient conscience. Ce même jour, Miyuki était partie rendre visite à son père qui, depuis peu, était enfermé derrière les barreaux.
Ce matin-là, Taehyung avait été extrêmement déçu de ne pas obtenir le droit de lui rendre visite, car s'il aimait une personne tout autant qu'il aimait sa mère, c'était bien son grand-père. Mais sa demande avait été rejetée.
"Tu dois continuer d'apprendre pour être le meilleur, Taehyung" lui avait dit sa mère avant qu'il ne rentre dans la voiture qui le mènerait jusqu'à son point de rendez-vous.
Sur le chemin, alors que Noguchi venait tout juste de le déposer, Taehyung se rendait à la maison de son ami, tout en repensant à la discussion récente qu'il avait partagé avec sa génitrice.
Deux semaines auparavant, alors que sa mère avait tout juste fini de coiffer la chevelure de sa sœur, elle lui avait rendu visite dans sa chambre alors qu'il travaillait. Il était tard, mais Taehyung savait à quel point sa mère était intransigeante avec son éducation. Alors il y mettait tout son cœur, jusqu'à tout connaître sur le bout des doigts.
Elle avait passé le pas de sa porte, l'invitant à se blottir dans ses bras. Taehyung n'avait pas refusé, et s'y était jeté tandis que la voix d'une incroyable cantatrice résonnait dans tous les murs de la maison. C'était un chant italien, et le favoris de sa mère ces derniers temps.
Montserrat Caballé faisait des merveilles, selon sa mère.
Ainsi, il confia bien vite à cette dernière ses premiers émois, ses premiers battements de cœur qu'il avait ressenti pour la toute première fois envers une autre personne de son âge. Elle l'avait écouté avec patience, puis lui avait dit :
— L'amour est synonyme de faiblesse, Taehyung. Même dans l'amour, tu ne dois pas être faible. Assure toi que cette personne te soit fidèle et qu'elle soit prête à mourir pour toi.
Ce n'était pas la première fois que sa mère lui parlait avec tant de sincérité et d'autorité. Elle avait toujours été ainsi, douce, mais aussi froide et stricte quant aux petits plaisirs de la vie.
— Mais si il a peur ?
Taehyung était encore jeune, mais il savait déjà qu'on ne pouvait pas toujours aimer comme on le voulait en son temps. Pourtant, sa mère n'en avait eu que faire de savoir si la personne qu'il aimait était une jeune fille ou bien un jeune garçon, quoi qu'il advienne, la sentence était la même.
— Alors tu devras prendre des décisions.
— Et s'il ne m'est pas fidèle ?
— S'il n'est pas fidèle à notre clan, s'il te déçois, s'il ne respecte pas le pacte, alors tu devras le tuer, avait-elle dit tout en caressant ses cheveux.
— Mais...si je l'aime plus que tout au monde ? répondit Taehyung, en levant ses petits yeux brillants vers le visage de sa mère.
— Notre clan est plus important que tout le reste, quoi qu'il arrive Taehyung...Un jour, c'est toi qui le gouvernera.
Un petit silence s'en était suivi, durant lequel Taehyung apprécia les douces caresses de sa mère sur son crâne, avant de reprendre, l'esprit quelque peu embrouillé mais sérieux.
— Tu aurais été prête à tuer papa ?
— Oui, j'aurais été prête à le tuer Taehyung, même si je l'aime plus que tout au monde. N'oublie pas, mon fils. Notre clan ne s'arrête pas à nous quatre. Peut-être que plus tard, tu seras aussi entouré de gens qui te seront tellement fidèle, que tu seras prêt à mourir pour eux. Mais tu devras aussi être capable de tuer celui que tu aimes pour eux, s'il va à l'encontre de tes devoirs.
— Mais maman, tu as déjà dit que l'amour était plus important que tout...
— Oui, l'amour du clan, avait-elle repris en embrassant ses cheveux, tu ne dois pas faire passer ton propre intérêt avant celui des autres membres de notre clan. Souviens-toi toujours de ça, mon fils.
En y repensant, Taehyung se dit qu'il était peut-être encore un peu trop jeune pour saisir tous les enjeux des paroles de sa mère. Enfin, Lay le rejoignit et ensemble, ils quittèrent sa maison pour se rendre à l'école.
Ce jour-là, ils avaient décidé d'y aller à pied, car le temps était bon bien que la veille, la pluie avait plongé la ville dans un état morose. Comme toujours depuis leur première rencontre, Lay se vantait d'un de ses nouveaux exploits, ne prenant pas en compte le fait que l'attention de Taehyung se déportait lentement un peu plus loin.
C'est à ce moment là, que tout arriva aussi vite que la vitesse du son.
Ils se figèrent après avoir entendu des passants hurler, mais surtout, leurs visages perdirent leurs sourires enfantins pour faire place à l'horreur de la scène après que quelques voitures se soient écartées pour tenter d'éviter le malheur.
Ce fut l'histoire de seulement quelques secondes, qui auraient pu être anodines à leurs yeux, si la victime n'avait pas été Hitobashira.
Le jeune frère de Lay.
Taehyung l'avait rencontré que peu de fois, mais à cet instant même, il eut l'impression d'être envahi d'une vague de souvenirs intenses le concernant, comme la forme de son visage ou l'étendue de son petit sourire de gamin. Il s'efforça même à se souvenir du son de sa voix, mais il en fut incapable. Tout semblait s'être envolé, aussi bien que la vie de ce petit être qui venait de disparaître sous les voitures.
Le cœur de Taehyung se serra lorsqu'il s'imagina voir le corps de sa jeune sœur à terre, avant que ses esprits ne lui reviennent et qu'il remarque Lay avachi au sol. Son premier réflexe fut de le rejoindre, ne pouvant retenir ses larmes. Mais Lay ne pipa mot, tremblant entre ses petits bras d'enfant de dix ans et ravagé par l'horreur de la scène face à leurs yeux innocents.
A l'autre bout de la ville, lorsqu'elle reçut l'avertissement, Miyuki fit faux bon à son père afin de rejoindre son fils au plus vite.
Car ce matin-là, ce n'était pas seulement une vie qui s'était éteinte, mais également...
Une toute autre qui venait de s'éveiller.
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