𝟐𝟖. 𝐁𝐞𝐭𝐭𝐞𝐫 𝐰𝐚𝐭𝐜𝐡 𝐰𝐡𝐞𝐫𝐞 𝐲𝐨𝐮'𝐫𝐞 𝐰𝐚𝐥𝐤𝐢𝐧𝐠
Stopped Time - WOO JI HUN, Park Sejun
Clubbed to Death (The Matrix) - Robert D.
I Drive - Cliff Martinez
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— Bon retour parmi nous, Kim Taehyung, mon vieil ami.
— Le plaisir n'est pas partagé, et je ne suis pas ton ami...Lay Zhang.
Il n'avait pu le voir, mais Taehyung avait facilement deviner ce qui se tramait désormais sous la table. Dès lors qu'il avait levé le petit doigt, Lay avait silencieusement ordonné à ses hommes de lancer les hostilités. Ainsi, chaque main qui était restée hors de vue portait une arme, qui était fixée sur des ennemis différents. Si les hommes de Lay pointaient tous en direction de Taehyung, Namjoon et Hoseok, eux, le visaient, lui.
Dans son dos, Jungkook avait été le seul courageux pour sortir son arme à la vue de tous, la pointant sans vergogne, tout droit sur la tête de l'homme en rouge, maître des lieux.
Aux côtés de Lay ne se trouvaient autre que ces deux "toutous de garde" comme Taehyung aimait les appeler : Woo Ji Ho et Bang Yongguk. Leurs regards étaient terrifiants, et reflétaient leur attachement à leur maître. Lay, lui, se présentait avec un sourire collé aux lèvres, le dos et les épaules bien droites.
On n'entendait pas une mouche voler, c'était à croire que même les plus petits insectes fuyaient cette pièce, qui par ailleurs, portait en son sein, la naissance d'une tension sans nom.
A la table, Namjoon avait à peine bouger la tête, mais ses yeux, eux, étaient dirigés vers Taehyung. Son regard traduisait l'inquiétude en lui, qui avait commencé à pointer le bout de son nez au moment où Lay avait prononcé ses premiers mots. L'ancien colonel avait dû se retenir de réagir, mais ce n'était pas l'envie qui lui avait manqué.
Namjoon le savait, dans une mission, il y avait toujours des failles.
Mais à cet instant précis, alors que lui et ses camarades se retrouvaient piégés au cœur de la gueule du loup, Namjoon sentait ces satanés picotements dans tous ces muscles. C'était le genre de picotements qui nous faisaient trembler lorsque l'on avait froid, mais maintenant, c'était parce qu'il avait peur.
L'ancien colonel se répétait silencieusement, dans un recoin de sa tête, qu'il ne fallait pas perdre la main, quitte à risquer de perdre sa jambe. Après tout, Lay et ses hommes étaient en position de force.
Taehyung ne le regardait pas, et semblait être en plein duel de regard avec leur hôte. Au fond, Namjoon se doutait que par ce simple duel, se jouait une toute autre histoire. C'était simple, si Taehyung se décidait à tourner la tête, il serait le premier à perdre la partie. Alors, l'ancien colonel se décida à reporter son attention ailleurs, lorsqu'il tomba dans les iris pas moins angoissés de Hoseok.
Le tireur d'élite avait la mâchoire serrée, et ses yeux valsaient entre l'expression du visage crispé de Jimin et celui de son aîné. Dès qu'il eut l'attention de Namjoon, le jeune homme lui désigna le noiraud des yeux, comme s'il essayait de lui faire passer un message.
Ce message, Namjoon le comprit à l'instant, mais ne pouvant pas faire plus pour lui répondre, il bougea à peine le menton, signe de dire qu'il devait surtout se concentrer sur la mission.
L'important, c'était la mission.
Comprenant que ses deux camarades n'étaient pas bien plus avancés que lui, Jimin voulut trouver du réconfort dans un autre regard que celui de Hoseok, qui venait de le quitter. Alors, il tourna la tête, à peine, comme s'il avait peur qu'on puisse venir la lui couper s'il bougeait trop et ainsi, il tomba sur l'expression de Jungkook.
C'était son ami, Jungkook était son ami, pourtant, rien qu'en le regardant, Jimin fut pris d'un étrange spasme de douleur.
Jungkook lui faisait peur.
Il était effrayant, tout en lui semblait avoir changé. Comme si...d'une minute à l'autre, il avait perdu toute sa sympathie et sa bonne humeur. Bien sûr, le plus jeune de l'équipe avait affiché, comme le reste de ses camarades, une petite inquiétude quant à la première étape de leur mission. Mais comme toujours, il avait su rassurer Jimin, en lui racontant quelques blagues durant le trajet, lui disant qu'il ne craindrait rien.
Mais maintenant, ce Jungkook là n'était plus.
Et c'était peut-être bête, voire étrange même, mais plus il le regardait, plus Jimin sentait des émotions ambivalentes l'envahir. Il avait peur, extrêmement peur de lui, oui. Mais dans un autre sens, il était tout autant inquiet par la présence de ces autres gars à la table. Alors savoir qu'un type comme Jungkook était de son côté, lui permettait de garder un minimum de force pour rester serein et ne pas prendre les jambes à son cou.
De toute façon, la fuite allait devoir attendre, elle n'avait pas sa place.
Ils étaient coincés.
Coincés comme des rats.
— Alors Kimi, que me vaut cet honneur de ton retour chez nous ? Demanda Lay, brisant le silence qui était devenu pesant.
Pour autant, il ne donna aucun ordre pour que les armes soient rangées.
Il restait sur ses gardes, mais surtout, il gardait la main.
— Je fais du tourisme, et arrête de m'appeler comme ça, siffla Taehyung sur le même ton. Je ne suis pas ton ami.
— Ah oui...il semblerait que tu traines très près des ports Kimi, reprit Lay, ignorant sa remarque et l'homme qui vint distribuer ses cartes.
— En effet, je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter vos beaux ports japonais. Mais il ne saurait tarder. On m'a dit que l'air y était bon, lança Taehyung, un petit sourire au coin des lèvres.
Il y pensait bien, si l'air était aussi pourri que celui qu'il avait gâché en foutant le feu à son bateau, alors il y retournerait bien vite.
En face de lui, son ennemi ignora son petit sourire, penchant quelque peu la tête en arrière. Peut-être était-ce le léger contour noir de ses yeux qui le rendait si imposant, mais quoi qu'il en soi, il savait bel et bien l'effet qu'il faisait.
Et il aimait en jouer.
— Je vois que tu as toujours de très bons goûts, reprit Lay en jetant un œil au reste de l'équipe. Tu sembles avoir refait toute ta garde personnelle et...ceux qui t'entourent.
— Je vois que les tiens n'ont pas changé.
— Je reste fidèle à mes choix, Kimi, dit-il en passant la langue contre la lèvre inférieure.
Pendant un instant, le silence revient, laissant planer une drôle d'atmosphère.
Faisait-il si chaud à cause du fait qu'il n'y avait pas de fenêtre, ou bien alors, faisait-il si chaud à crever parce que le danger venait toquer à leurs portes ?
Les mots que s'étaient échangés les deux hommes dominants de la pièce semblaient futiles. C'était subtil, léger, mais si on était malin, on pouvait entendre tout ce qui ne se disait pas, dans leur silence. Même leur façon d'agir, ou de réagir, semblait suivre un fichu code.
Dans leur coin, Namjoon et Hoseok tentaient de tenir bon, gardant leur position. Jimin et Jessy pouvaient seulement voir leurs yeux tourner à droite ou à gauche, lorsque l'un des deux chefs de table ouvrait la bouche pour parler.
— Comment va ta mère ? Reprit soudainement Lay.
Mais dès lors qu'il eut fini de poser la question, il sembla se délecter de la réaction de Taehyung qui fut immédiate. Alors qu'il ramassait les cartes qu'on lui avait faites glisser à la demande de son adversaire, la simple mention de sa famille le transforma en statue. Cela ne dura qu'une minute. Surpris par cette réaction, Namjoon eut le temps de regarder Hoseok, qui lui, regarda Jungkook.
Une longue et terrible minute, après laquelle le noiraud reprit ses affaires, sans même donner de réponse.
— Oh, j'avais oublié...reprit Lay en cachant son sourire derrière sa main, elle ne peut même te répondre de là où elle est. D'ailleurs à ce propos, en parlant de famille...il serait temps que tu lui donnes des petits-enfants.
Semblant se satisfaire lui-même, Lay rit de bon cœur cette fois-ci. Il était bien le seul.
— J'avais oublié...tu les préfères vue de derrière, ça risque d'être difficile, reprit-il en regardant Jimin.
Il le fixa durant quelques secondes, avant de tourner la tête en direction de Jessy, qui, pour se contenir, dut se mordre l'intérieur de la joue.
— A moins que tes préférences aient changé.
Taehyung avait relevé la tête, il continuait de toucher ses cartes et le fixait droit dans les yeux. Si on en oubliait les armes qui étaient pointées dans différentes directions sous la table, menaçant à tout moment de tous les rendre estropiés, ni lui, ni Lay n'agissaient dangereusement.
Pourtant, le danger était là.
Dans chaque coin, dans chaque main, dans chaque regard.
Son attention toujours portée sur la seule femme de la pièce, Lay croisa les bras sur la table, et fronça les sourcils avant de parler.
— Notre cher Kimi est-il toujours aussi brutal ?
Elle ne lui répondit pas, et se contenta d'avaler sa salive. Dire qu'elle ne paniquait pas serait un euphémisme, simplement, elle avait préféré garder le silence, de peur de tout faire foirer en moins d'une seconde. Elle sentait rien qu'en partageant son regard, que cet homme en rouge, ce Lay, était plus mauvais que le Mal lui-même.
— Je ne t'en veux pas ma chère, il nous en ôte les mots de la bouche, se mit-il à rire avant de s'adresser à Jimin. Toi aussi tu as perdu l'usage de la parole ou serait-ce parce que le grand Kim Taehyung y serait allé un peu trop fort ? Ou bien peut-être...un peu trop loin ? Profonds, devrais-je dire ? Ça aussi c'est sa spécialité paraît-il.
Jimin le regarda, stoïque.
Il avait été préparé à lui faire face, mais sans comprendre pourquoi, il avait été pris de court, autant par son attitude que par ses paroles. Il en avait croisé des connards dans sa vie, oh oui, il en avait connu. Mais lui, s'il devait le faire, il ne pourrait même pas le définir.
Il se sentait bouillir de l'intérieur, sous son regard qui faisait office d'un mauvais rayon de soleil. Alors, se sentant d'humeur à répondre, Jimin commença à bouger sur sa chaise, mais avant qu'il ne puisse parler, Namjoon lui donna une légère tape sous la table, à l'aide de son arme.
La message était clair, et la règle était pourtant simple.
Si Taehyung ne parlait pas, alors personne d'autre ne devait le faire.
Jimin dut se retenir de faire les gros yeux à son aîné, et se mordit les lèvres après y avoir passé sa langue, lançant un dernier regard à Lay avant de baisser la tête.
— En même temps, je peux le comprendre, reprit ce dernier en passant sensuellement les doigts sur le bout de ses lèvres, avec une bouche pareille...
Il se jouait de lui, et pourtant, Taehyung restait silencieux. Il continuait de le fixer, ne quittant jamais son visage des yeux, sans piper mot. Autour de lui, ses camarades se demandaient bien ce qu'il attendait pour agir. Même Lay semblait faire tout ce qui était en son possible pour le faire réagir.
Mais Taehyung n'était pas une proie facile.
C'est après avoir longtemps regardé les "gardes du corps" de son adversaire que Lay se redressa contre sa chaise de velours, en se massant les mains.
— Très bon choix de recrutement, par ailleurs...aller chercher l'un des plus grands combattants de la Corée, bravo. Lui aussi, il y est passé ?
— Tu devrais faire attention à ce que tu dis, indiqua froidement le noiraud.
Cela pouvait paraître étrange, qu'il ne réagisse pas ou peu concernant le sang de son sang. Mais dès lors que Lay avait insinué une telle chose à propos de Namjoon, celui avec qui il avait en partie appris et grandi, Taehyung avait senti la boule de nerf qui s'était formée dans son abdomen se fissurer.
Comprenant qu'il avait réussi à attirer son attention, Lay se mit à rire avant de reprendre une expression aussi froide que la sienne.
— Oh ! J'aurai donc touché l'un de tes points sensibles ? fit-il semblant d'être outré.
— Tu sais que je n'en ai pas, respecte mes hommes comme je respecte les tiens.
— Bon, c'était sympathique ces petites retrouvailles, mais j'ai d'autres choses à faire. Donc dis-moi, qu'est-ce que tu viens foutre chez moi ? Dit-il en lançant la partie de poker.
— Des affaires, répondit le noiraud en l'imitant.
— Des affaires ?
— J'aimerais qu'on fasse affaire, toi et moi.
— Faire des affaires avec moi, vraiment ? Indiqua Lay, sa voix sonnant légèrement plus claire.
— Disons plutôt plutôt une alliance.
— Une alliance, vraiment...
— J'ai des vues sur le continent coréen.
— C'est vrai que tu n'as plus grand chose à faire, ici, dit-il avec un sourire machiavélique. Mais ta proposition est plutôt intéressante, ne dit-on pas "soit proche de tes amis et encore plus proches de tes ennemis" ?
Faisant mine de réfléchir, une main sous son menton, Lay lui adressa un beau sourire laissant apparaître ses magnifiques dents blanches.
— Ça va plutôt bien, je n'ai aucun ami. Donc j'ai du temps à revendre et j'ai envie de m'amuser avec toi...Kimi. Et avec tout ton petit monde.
Taehyung ne pipa mot.
La partie continua ainsi, dans le mutisme le plus total. L'air ambiant devenait presque rare. On manquait d'oxygène ici, et plus les cartes se posaient sur la table, plus la tension grimpait. Cela, jusqu'à ce que Lay ne finisse par annoncer sa victoire.
Cependant, l'homme en rouge savait bel et bien que son adversaire l'avait laissé gagner. Tout le monde savait que Taehyung était un as, que quand bien même il paraissait perdre la main, il ne laissait jamais la victoire à personne.
Alors, lorsque ce dernier commença à se lever pour mettre fin à leur échanges, Lay en profita pour l'interrompre.
— C'est vraiment honorable de ta part de m'avoir laissé gagner...mais vois-tu Taehyung, je n'aime pas qu'on se moque de moi. Tu sais très bien qu'on ne peut pas repartir avec une somme aussi importante au casino, encore moins quand il s'agit du mien. D'autant plus quand on a triché, souffla t-il en pointant Jimin du doigt.
On aurait pu croire que ce dernier avait abusé de ses talents pour en profiter, mais s'il l'avait fait, cela avait seulement été dans le but d'attirer l'attention du grand méchant loup. C'est ce qu'on lui avait demandé, du moins, Jungkook lui avait glissé l'idée en lui disant que de cette manière, ils seraient tous repérés à coup sûr.
Cela avait été unanime, mais quand bien même il savait pourquoi il l'avait fait, Jimin se sentit mal à l'aise, épié ainsi par tous ces hommes. Il le regardait comme s'ils s'apprêtaient à l'attraper et le mettre en cage ou pire, pour l'asseoir sur une chaise et le torturer jusqu'à ce qu'il apprenne la leçon. Oui, Jimin savait que ce genre de pratiques n'étaient pas des foutaises. Il avait déjà assisté à un "redressement", c'est comme ça que ces gens aimait appeler leurs actes de tortures.
C'était horrible, et autant dire qu'on en sortait avec un visage aussi défiguré qu'un tableau de Picasso, en sang, et parfois, avec quelques côtes fêlées.
Le jeune voleur avait commencé à se lever lorsqu'il avait vu Taehyung bouger, mais à l'instant même ou son prénom avait été prononcé, il avait stoppé tout mouvement, se cramponnant à sa chaise. Perdu, paniqué, pris sur le fait comme s'il avait voulu le cacher, il avait seulement dégluti.
Mais ils n'allaient rien lui faire, non ? Jungkook avait toujours l'arme pointée sur Lay, alors il ne risquait rien...non ?
— Tu m'es redevable maintenant, Kimi.
Debout, dos à son vis-à-vis, Taehyung serra les dents. Il n'était pas idiot, et savait très bien à quoi Lay faisait référence. Non seulement, il lui faisait passer un message pour la cargaison qu'il avait foutu en l'air -de bon cœur- mais maintenant, les actes de Jimin qu'il pensait être en sa faveur, se retournaient aussi contre lui.
Chez Lay, être redevable revenait à donner une chose qui vous appartenait.
— Nous nous reverrons bientôt, Kimi. Ji hoo va vous raccompagner, mais tu diras une chose à tes hommes, souffla t-il comme si ces derniers n'étaient pas présent dans la pièce. Chez moi, tu peux jouer...mais jamais, je ne te laisserais gagner.
Ainsi, Lay fit signe aux hommes en noir qui se trouvaient devant la porte afin qu'ils libèrent le passage, mais au même moment, ses deux chiens de gardes arrivèrent au niveau de Namjoon, Hoseok et Jungkook, leur faisant comprendre qu'ils attendaient leur armes.
Pris sur le fait, l'ancien colonel et le tireur d'élite eurent la même réaction. Ils levèrent leurs armes et les pointèrent sur leurs ennemis, refusant catégoriquement de leur obéir. Jungkook, lui, avait toujours Lay dans sa ligne de mire. Il n'avait pas bougé depuis le début.
Cependant, ils étaient en sous effectif, et bien vite, deux autres joueurs de la table vinrent les menacer en collant le canon de leur arme contre leurs tempes.
— Dit à tes hommes de baisser leurs armes Taehyung, ou je leur explose la tête.
Pourtant, Taehyung resta muet.
Comme à retardement, on entendit les fins bruits des doigts frôlant les gâchettes, signe que Lay était un homme de parole, et surtout, un éternel impatient. Tout cela, sous le regard de Taehyung, ainsi que de Jessy et Jimin, qui faisaient les gros yeux.
Ils ne pouvaient absolument rien faire, ni rien dire et pourtant, ce n'était pas l'envie qui leur manquait. Sous le choc, ils pouvaient se sentir trembler de peur de l'intérieur, mais à l'extérieur, leurs corps étaient aussi figés que des statues.
Namjoon et Hoseok étaient des soldats, alors pour eux, la simple idée de battre en retraite était inexistante. Ils étaient prêts à mourir, là, et maintenant.
Saisissant cela, Lay se gratta la nuque et d'un seul geste, il fit avancer les deux hommes en noirs qui vinrent se poster de part et d'autre de Jessy et Jimin, qui devinrent, à leurs plus grand regret, les nouvelles cibles de leurs ennemis.
— Comme tes hommes n'ont pas vraiment l'air de tenir à la vie...que dirait tes chères petites poupées ?
L'un comme l'autre, Jessy et Jimin avaient toujours connu la violence, la peur, le danger. Ils avaient vécu dans ce monde, il l'avait assez longtemps côtoyé pour en connaître les enjeux. Pourtant, personne n'avait jamais osé menacer leur vie d'aussi prêt. Ils pouvaient sentir la froideur du métal contre leur peau, et même leurs petites gouttes de sueur ne suffisaient pas à réchauffer leurs corps. Leurs cœurs battaient si vite, qu'ils avaient l'impression que si l'un deux respirait trop fort, ils finiraient par mourir sans avoir pu l'éviter.
A ce moment-là, comprenant que la menace était bien plus imposante, Hoseok fut le premier à baisser son arme, suivit de Namjoon, qui le regarda, désolé. Ils étaient presque tirés d'affaires, mais un d'entre eux n'avait toujours pas décidé d'y mettre un terme.
Jungkook n'avait pas bougé d'un poil.
Toujours droit sur ses appuis, ses pieds semblaient s'être enfoncés dans le sol. Les épaules quelque peu en retrait, son bras était levé, droit, et à son bout, se trouvait l'arme qu'il pointait encore sur le crâne de Lay. Il le regardait comme s'il était la peste, la pire chose que Dieu avait pu créer. Il le regardait avec haine, une haine si forte, que si ses yeux avaient pu tuer, il l'aurait fait souffrir jusqu'à son dernier souffle.
Voilà ce que pouvait ressentir Taehyung en le regardant. Et pourtant, il ne faisait rien.
Il attendait.
Tout comme Lay, face à eux, attendait.
Son visage était habillé d'un large sourire, dévoilant ses dents aussi blanches que la neige. L'une de ses mains étaient posées sous son menton, et l'un de ses doigts venait caresser le bout de ses lèvres, lentement, doucement. Ses yeux, eux, étaient plongés dans ceux de Jungkook, qui ne bougeait pas.
Tout comme Taehyung, les deux hommes attendaient.
Ils attendaient de voir jusqu'où Jungkook pouvait aller, en suivant son propre chef.
A sa droite, Jimin cherchait à attirer le regard de son ami, mais il ne pouvait faire aucun son. Pourtant, il aurait presque pu couiner de peur, voir même hurler son nom, jusqu'à ce qu'il lâche enfin cette putain d'arme.
Merde, ils allaient être foutu.
— Vais-je encore gagner Kimi ? Oh allez, une petite partie de bingo ne serait pas de refus, mais quel dommage de perdre trois de tes beaux spécimens pour si peu ?
— Tu ferais mieux d'arrêter de parler et peut-être passer à l'action Zhang, lâcha Jungkook comme s'il l'avait craché de ses entrailles.
A sa remarque, l'un des hommes de Lay, le plus tatoué, avança jusqu'à lui et s'apprêtait à lui donner la leçon de sa vie quand son maître lui ordonna de ne rien faire.
Il s'était mit à rire, seul.
Après tout, jamais personne n'avait osé tenir tête à Lay Zhang en personne.
Décidant qu'il en était assez, et se fiant au rire de son ennemi qu'il trouvait de plus en plus étrange, Taehyung s'avança d'un pas, sans pour autant rentrer dans la bulle que Jungkook s'était créé.
— Lâche ton arme Jungkook.
Comme il l'avait pensé, sa simple parole déconnecta Jungkook de son propre monde, et ce dernier tourna légèrement la tête pour tomber dans le regard de Taehyung. Cependant, cette seconde infime suffit à Yongguk pour donner un terrible coup de pied dans le creux de ses genoux.
Ne l'ayant pas vu venir, Jungkook tomba à terre sous les yeux sévères de Taehyung. Ainsi, Lay, qu'on n'avait pas vu se lever, fit le tour de la table, arrivant à leur niveau. Sa présence fit reculer Jimin et Jessy à qui on avait rendu la vie sauve, cherchant à se cacher même jusqu'à dans les murs de la pièce.
Lorsqu'il fut arrivé devant Jungkook, Lay le regarda de haut. Le pauvre gamin, comme il le pensait, était à genoux, et geignait entre ses lèvres. Le coup avait été sec, rapide, et surtout, puissant. Après tout, Lay n'avait pas pensé à engager de gentils petits hommes à ses côtés.
Il le regardait, comme s'il était un simple petit insecte qu'il s'apprêtait à écraser puis, il leva la main pour attraper la racine de ses cheveux. Ce geste obligea Jungkook à relever la tête, et comme Lay s'y attendait, il ne manqua pas une seconde pour le défier du regard.
Il ressemblait à un pauvre chien battu et pourtant, il osait encore le provoquer.
C'est en le regardant ainsi que Lay attira l'attention de Taehyung qui se trouvait derrière lui.
— Kimi, t'as jamais compris la leçon...un si beau visage...
Tout en chuchotant ses derniers mots, Lay se vit donner un petit canif qu'il ouvrit, laissant tomber l'étui au sol. De son autre main, il tenait fermement les racines des cheveux de Jungkook, toujours à terre, puis il commença à bouger le canif sous ses yeux.
Encore une fois, cela ne l'étonna pas quand il ne vit aucune réaction envahir le visage de sa proie. C'était même cela qui le poussa à l'approcher de sa joue droite, appuyant assez sa lame afin qu'elle puisse abîmer sa peau.
Namjoon, ainsi qu'Hoseok et les autres regardaient la scène, impuissants.
Ce n'était ni trop fort, ni trop doux.
La lame commença son chemin du bas de sa tempe, lentement, laissant le sang couler doucement sur son visage, jusqu'au bas de son cou.
Cela lui ferait un beau souvenir, une belle cicatrice.
— J'ai toujours aimé le rouge, siffla Lay, fier de son geste.
A aucun moment, à aucun instant, Jungkook ne laissa un seul son sortir d'entre ses lèvres. Personne n'avait même pu le voir serrer ces dernières entre elles, comme n'importe qui l'aurait fait pour se retenir de hurler face à la douleur.
Au contraire, Jungkook était resté plus calme que le silence. Il avait accepté sa punition, les yeux ancrés dans ceux de son bourreau.
Parfois, les veines de son front s'étaient invitées à la partie, montrant à quel point il se contenait pour ne pas l'assassiner de ses propres mains.
Avant que Lay ne finisse par soulever la lame, Jungkook détourna le regard pour le plonger dans celui de Taehyung. Personne ne put comprendre ce qui s'était joué à cet instant, bien trop perturbé par ce qu'il ce passait devant eux, sans avoir le pouvoir d'agir.
Non pas qu'ils ne le pouvaient pas, mais Taehyung, tout comme Namjoon, savaient que s'ils s'interposaient, alors la partie serait finie.
— On aurait pu lui refaire son sourire...mais bon, sa bouche pourrait encore servir, qui sait, pour m'accueillir un jour. Ca serait dommage de t'en priver aussi, Kimi. Disons que ce sera ça de moins dans ce que tu me dois, finit par dire Lay après avoir apprécié son art sur le visage de Jungkook.
Puis, il lui avait lâchement lâché le visage, manquant de lui faire rencontrer le sol une deuxième fois. Ainsi, il s'était retourné, et avait fait signe à ses hommes de tous les faire sortir.
Comme il l'avait annoncé, l'un de ses hommes, Ji Ho, les mena jusqu'à la sortie. Ils ne passèrent pas par la grande salle, et empruntèrent un autre escalier, caché aux yeux de tous. Passant par les grands coulisses du bâtiment, ils finirent par retrouver l'air frais de l'extérieur, ayant emprunté les sorties arrière.
Celles par lesquelles on allait jeter les poubelles, et autant dire que l'odeur était à crever.
— Monsieur Zhang vous fera parvenir son invitation, dit Ji Ho en craquant ses doigts.
Jungkook, qui avait encore du mal à tenir debout, cracha le sang qui avait coulé dans sa bouche avant de rétorquer :
— Tu lui diras de se la mettre profond son invitation.
Prenant cela comme une menace, et au fond, ça l'était puisqu'on osait critiquer son patron, Ji Ho fit les deux pas qui le séparaient de Jungkook et se mit face à lui, manquant de faire entrechoquer leurs fronts.
— J'crois que toi t'as pas encore saisi les bonnes manières ici.
Alors que Taehyung et les autres avaient déjà commencé à s'éloigner, Namjoon n'eut pas le temps de réagir lorsqu'il vit deux hommes sortir de nul part. Ils attrapèrent les bras de Jungkook, et d'un seul coup, rapide et précis, Ji Ho enfonça un canif dans le flanc gauche du jeune homme, le relevant à la manière d'un sabre qui lui écarta les chairs et le fit tomber à terre.
Cette fois-ci, Jungkook avait hurlé.
Non pas un hurlement de douleur, mais un hurlement de haine.
De rage.
Alors que Hoseok et Namjoon se précipitèrent pour récupérer leur camarade à terre, en pleine crise de frénésie, Ji Ho pencha la tête dans l'embrasure de la porte, et juste avant de la claquer devant leur nez, il souffla :
— Bienvenue au Japon.
Boom.
*
Tout semblait tanguer autour de lui.
La tête baissée vers le sol, Jungkook avait l'impression que son cou ne jouait plus son rôle, peut-être même que son crâne finirait par glisser et éclater sur le béton. Et putain, ça pouvait presque faire office de nouvelle décoration.
Il ne se souvenait même plus de tout ce qui avait été dit à l'intérieur de la limousine. Tout était flou. On l'avait certainement porté, peut-être l'œuvre de Namjoon et Hoseok qui avaient dû le soutenir en plaçant chacun un de ses bras sur leurs épaules. Ils l'avaient traîné jusqu'à la voiture, puis cette dernière avait filé à toute vitesse.
Dans son état, plongé entre la douleur qui lui tirait dans le flanc, le liquide chaud et rouge qui coulait le long de son visage et la haine qu'il ressentait à l'égard de son agresseur, Jungkook n'avait pu suivre les conversations autour de lui.
Tout s'était agité.
Les voix s'étaient élevées, les tons avaient grimpé. La panique avait pu se lire dans chaque regard, tous, sauf un.
Dès lors que la limousine fut arrivée devant l'hôtel, Namjoon et Hoseok, aidés par Jimin, vinrent tirer le lourd corps de Jungkook des sièges. Pour ne pas éveiller les soupçons, et surtout, pour cacher le sang qui s'écoulait encore sur sa peau et transperçait ses vêtements, ils avaient été contraints d'arracher un petit bout de sa chemise, afin de le nettoyer. A la volée, et surtout, dans l'euphorie du moment, Jessy s'était attelée à bander la plaie, rappelant ô combien il était nécessaire de l'emmener à l'hôpital.
Mais Taehyung avait refusé, rappelant à l'ensemble de l'équipe qu'ils devraient se débrouiller seuls.
Ce ne fut pas une tâche facile que de porter Jungkook comme si de rien n'était, jusqu'à l'ascenseur. Durant un instant, tous avait dû jouer la comédie, une nouvelle fois, feignant revenir d'une longue soirée alcoolisée et se plaignant du fait que Jungkook avait encore fait des siennes.
Arrivé à leur étage, tout se précipita.
Toujours dans un état second, Jungkook pouvait entendre leurs voix, sans pour autant les comprendre.
Tout le monde criait, parfois, le jeune homme blessé entendait la douce voix de Jimin lui demander s'il allait tenir le coup, qu'il devait le faire, parce qu'il était fort. Il pouvait sentir des mains sur son corps, sans pouvoir relier les gestes à un visage.
Jungkook tanguait en avant, puis en arrière, soutenu par la maigre force de Jimin qui attendait le retour de Jessy, étant partie chercher de quoi le soigner. Heureusement, pensa t-il, elle n'était pas médecin mais elle avait acquis assez de savoir-faire pour pouvoir assurer leurs arrières.
La séduction n'était pas son seul atout.
Autour de lui, Jungkook avait l'impression que la pièce dans laquelle il se tenait difficilement debout commençait à tourner. Il n'avait jamais aimé ce foutu jeu de tourniquet, et cela le fit grogner de mécontentement. Et puis, il pouvait sentir ce foutu pansement de dernière minute lui chatouiller la peau, il pouvait sentir la chaleur de son sang qui s'écoulait entre ses poils. C'était une sensation abominable, mais quand bien même la douleur était présente, Jungkook ne disait rien.
Il avait déjà connu pire.
Avant de sombrer, peut-être parce que le choc avait été puissant et que son sang n'avait pas arrêté de lui faire faux bon, Jungkook releva les yeux, difficilement, cherchant à trouver quelque chose, n'importe quoi, un point d'appui.
Cependant, la seule chose qu'il trouva furent les yeux de Taehyung, qui le fixait, froidement.
Ainsi, le jeune homme finit par s'écrouler dans les bras de Jimin, qui eut du mal à le retenir avant que Hoseok ne lui vienne en aide. Lorsque Jin revint dans la suite, il leur fit signe pour que ces derniers transportent le corps de leur ami jusqu'à sa chambre.
Au même moment, Namjoon qui était resté silencieux, congédia tout le monde en dehors de la pièce, d'un ton pas moins autoritaire et sévère. Jimin et Hoseok étaient déjà parti en trombe, suivant la voix de Jessy dans les couloirs. Quant aux autres, ils quittèrent la suite sans dire un mot, conscient que l'heure était grave.
Dans un recoin du grand salon, les bras croisés contre son torse et les reins appuyés contre les bordures d'un meuble, Taehyung fixait Namjoon comme si de rien n'était. En fait, son regard était plutôt froid, dénué de toutes émotions. Comme toujours, il ne laissait rien transparaître et se contentait d'attendre la sentence.
Lorsque la porte de la suite claqua derrière le dos de Yoongi, l'ancien colonel releva les yeux vers son unique compagnon, et pendant un court instant, l'air sembla manquer dans la pièce.
Comme si tout avait été mis sur pause, on ne pouvait même plus deviner le bruit de leurs inspirations, même un aveugle aurait pu croire qu'il était seul dans cette immense chambre. Puis, contre toute attente, avant même que Taehyung n'eut le temps de décroiser les jambes, Namjoon s'avança jusqu'à lui, dans un pas extrêmement rapide. Ce fut tellement surprenant de sa part, que Taehyung ouvrit un peu plus grand les yeux lorsque son camarade lui attrapa le col de sa chemise, et d'un autre geste aussi vif, le plaqua contre le mur de la pièce avec hargne.
Taehyung connaissait Namjoon depuis bien longtemps, il l'avait observé et connu dans de multiples situations, mais ce dont il était certain, était que la probabilité pour voir Namjoon perdre son sang froid avait toujours été mince.
Voir même inexistante.
Désormais coincé entre le mur et son camarade, Taehyung releva la tête, assez pour ne pas que son menton ne touche les extrémités des phalanges de Namjoon, qui resserrait de plus en plus sa poigne. Son regard était strict, il parlait pour lui.
C'était sûr, le noiraud allait passer un mauvais quart d'heure.
— Tu te fous de la gueule de qui exactement, Taehyung ?
— Je ne me fiche de personne.
— Arrête ! Arrête, ne commence pas à vouloir jouer la carte de l'ignorant avec moi, putain, souffla Namjoon dans un souffle court. C'était quoi ce bordel ?
— J'ai fais ce que tu m'as demandé, répondit Taehyung en se raclant maladroitement la gorge.
— Ne joue pas à ça avec moi Taehyung, pas avec moi. Dis-moi la vérité maintenant, qui es-tu ?
— Tu me connais Namjoon, tu-
Le noiraud cessa tout mouvement lorsque Namjoon ramena son poing contre sa gorge, le forçant à déglutir contre son gré.
— Arrête de me mentir ! Hurla férocement l'ancien colonel, la voix brisée.
Le voilà qu'il commençait à élever la voix de plus en plus, se fichant totalement du fait qu'on puisse l'entendre à travers les murs. A vrai dire, Namjoon se doutait du fait qu'un de leurs camarades puissent s'amuser à écouter aux portes, bien trop préoccupé par l'état actuel de Jungkook qui devait souffrir du coup de leur ennemi. Voilà ce qui l'énervait, plus que ça, il n'en revenait toujours pas.
Namjoon avait choisi Taehyung pour une bonne raison, il ne l'avait pas fait par pur plaisir, ni par envie de revoir son ancien camarade sur le terrain. Si il l'avait fait, c'était parce qu'il savait que Taehyung avait anciennement eu affaire à la mafia japonaise. Pourtant, il n'en avait jamais su plus que ça.
Il se doutait que Taehyung puisse en savoir un rayon sur Lay, mais de là à le connaître personnellement, ou pire...intimement ?
Il n'avait rien pu dire sur le moment, se forçant à rester professionnel. Il n'avait pas voulu envenimer la situation, cette dernière s'était assez bien engagée sans qu'il n'ait à bouger le petit doigt. Mais bordel, il ne s'y était pas attendu.
C'était presque inconcevable pour lui, au fond, il se sentait trahit.
Dire qu'il avait espéré que les suppositions de son meilleur ami soit fausses, le voilà qu'il était piégé.
Oui, Namjoon se sentait impuissant.
Il ne s'agissait pas que de lui, en fait, il se fichait de ce qui pouvait lui arriver. Il avait déjà vécu, et bien vécu. Il avait déjà pu affronter des années de remises en questions, d'errance. Il avait connu la peine, et il avait su se relever à force de détermination.
Mais aujourd'hui, il n'était plus question que de sa propre personne.
Il avait embarqué des amis, sa famille, et de nouvelles personnes dans ce dernier coup.
Il leur avait promis.
— Alors Jin avait raison, souffla Namjoon, ignorant le fait que ses poignées lui faisaient si mal dans cette position.
— Jin n'y connaît rien.
— Je ne suis pas con, Taehyung, reprit Namjoon plantant son regard dans celui du noiraud. Je savais que tu avais eu des histoires avec les Yakuzas, mais je n'ai jamais su à quel point tu semblait si bien les connaître, merde. Je te connais depuis longtemps, trop longtemps. J'ai toujours eu des doutes sur tes histoires, je savais bien que ton argent ne tombait pas du ciel, tu entends ? Je le savais ! Mais là, qu'est-ce que je dois comprendre Taehyung ?
Taehyung ne pipa mot, se contentant de grogner lorsque Namjoon le repoussait encore et encore contre le mur. Il aurait pu bouger, il aurait pu se détacher de son emprise, mais il ne faisait rien.
— J'ai aussi mes secrets, Taehyung. Tout comme tu possèdes les tiens. Mais je dois savoir, je dois savoir qui tu es.
— Kim...Kim Tae-
— Ne change pas de sujet putain, c'est quoi ? T'es qui ?
Namjoon semblait devenir fou, c'est que ce Taehyung pensait en le voyant perdre son sang froid ainsi. On disait souvent de l'ancien colonel qu'il avait des yeux de dragon, et bien il fallait dire qu'à cet instant, Taehyung se trouvait devant la bête elle-même.
Aux oubliettes le gentil homme, le voilà qu'il agissait tel le soldat qu'il avait connu, fut un temps.
Prêt à tout pour obtenir ses informations.
Peut-être qu'il n'agissait pas de la pire des façons, mais son simple regard et le son de sa voix suffisait à faire entendre la menace qu'il laissait planer sur le noiraud. Si Taehyung pouvait être coriace, alors Namjoon, lui, était bien pire lorsqu'il en oubliait d'activer la case émotions.
— Celui que tu as toujours connu, finit par souffler Taehyung. Lay et moi, c'est de l'histoire ancienne.
— De l'histoire ancienne...? Putain Taehyung, cracha l'ancien colonel. Qu'est-ce que ça veut dire ce bordel ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi ?
Trop pris par sa colère, Namjoon en oublia la force qu'il laissait glisser entre ses paumes. Ces dernières étaient tellement serrées et collées à la gorge de Taehyung qu'il aurait pu lui couper le souffle.
— Taehyung, tu joues encore solo, c'est ça ? J'étais persuadé qu'on était des frères malgré tout ce qui s'est passé. J'ai toujours su que tu étais à part et particulier, putain je l'ai toujours su. Et je l'ai toujours respecté, t'entends ? Merde, avec tout ce qu'on a vécu j'ai toujours laissé ton petit jardin secret là ou il était, mais aujoud'hui c'est pas que nous deux qui sommes impliqués Taehyung ! Pas que Jin, pas que Hoseok, pas que Yoongi, mais c'est tous les autres ! Et le gamin a fallit perdre la vie !
— Et il l'a cherché.
Semblant retrouver un peu d'humanité à travers ses paroles, Namjoon en perdit pied et commença à relâcher la pression qu'il exerçait contre Taehyung, qui en profita pour passer une main sur sa gorge, la massant doucement. Devant lui, Namjoon lui jeta un regard sévère, puis il commença à s'éloigner en posant ses deux mains sur les côtés de sa tête, semblant se contenir d'exploser.
— Et moi, j'ai personne, répondit froidement Taehyung.
Namjoon laissa retomber ses mains le long de son corps, puis il passa deux fois la langue sur ses lèvres, semblant réfléchir à deux fois à ce qu'il allait répondre avant d'ouvrir la bouche.
— Si, tu nous a nous. Tu nous a toujours eu Taehyung, et putain...merde, quoi ? Tu vas encore nous trahir ?
Durant un instant, l'air ambiant sembla manquer à la pièce. Les deux hommes se regardaient sans rien dire, l'un et l'autre cherchant à déceler leurs pensées. C'était comme un champ de bataille silencieux, et n'importe qui aurait pu penser que cela aurait été moins terrible d'entendre des coups de feu survenir de droite à gauche plutôt que de se retrouver au milieu de ces deux-là.
Taehyung fut le premier à se détacher du regard de son camarade, tournant la tête de l'autre côté, les lèvres plissées entre elles. Dans sa tête se jouaient les souvenirs de ce fameux jour, il y a trois ans. Celui qui l'avait arraché à ceux qui l'avaient longtemps considéré comme des amis. Celui qui l'avait arraché à ceux qu'il avait toujours, au fond de lui, considérer comme sa deuxième famille.
Pris de remords, ce qui était assez rare venant de sa personne, Taehyung releva ainsi la tête vers Namjoon, plongeant son regard dans le sien. Il savait exactement ce qu'il allait lui dire.
Cette fameuse phrase, qu'on lui avait longtemps répété lorsqu'il était enfant.
Cette fameuse phrase, qui avait été le moteur de toutes ses actions.
— Tout est pardonnable Namjoon, Sauf le mensonge, l'infidélité et la trahison...moi, je ne vous ai jamais trahis.
*
2018, en plein cœur de la guerre en Afghanistan.
Avec la contribution militaire de l'Alliance du Nord et d'autres nations occidentales, le Royaume-Uni, la France, le Canada, mais aussi d'autres nations, étaient opposés au régime taliban. C'était une guerre contre le terrorisme, qui avait été déclarée en 2001 après les attentas du 11 septembre.
Le but des Etats-Unis était simple, capturer le chef de l'organisation, détruire Al-Qaïda qui possédait des bases dans le pays avec la bénédiction des talibans, pour enfin, les renverser.
Depuis 2006, les forces armées talibanes étaient très actives. Bien que dans les pays occidentaux, on n'en parlait peu, les armées, elles, savaient à quel point cette guerre était devenue destructrice. En août 2013, de nombreux soldats étrangers y avaient de nouveau été déployés, dans l'espoir de détruire les forces talibanes.
L'ennemi était coriace, terrible, et frappait fort. Il ne laissait aucun répit, si bien que compter les décès et les pertes sur plusieurs mains n'était plus devenus possible.
Les Etats-Unis avaient fait appel à toutes leurs forces, mais sachant que cela n'allait pas être assez pour démanteler les forces ennemies, le gouvernement américain avait fini par faire appel à des alliés de renom. C'est ainsi que dépêchés par les Etats-Unis, Namjoon et son équipe s'y étaient retrouvés.
Le colonel Kim Namjoon était connu pour être l'un des meilleurs soldats que l'armée coréenne ai pu porté, et il n'avait pas ciller lorsqu'on lui avait confié cette mission. Il avait fait la légion étrangère à Calvi dans sa jeunesse, alors il avait vu l'opportunité dans cette mission d'aller porter main forte à d'anciens camarades, qui étaient devenus des amis.
Mais Namjoon n'y était pas allé seul, non.
Il avait demandé à ce que les meilleurs éléments de ses équipes soient présents, voilà comment Jin, Hoseok et Yoongi s'étaient retrouvés à ses côtés. Bien que la mission présentait des risques énormes, aucun d'eux n'avait refusé, rappelant qu'ils seraient prêts à suivre le colonel Kim jusqu'à la mort s'il le fallait. Aussi, avait été ajouté à leur équipe, le colonel Kim Taehyung.
Ce dernier ne leur était pas inconnu, ils se connaissaient déjà pour avoir travaillé ensemble sur d'autres terrains. Taehyung était un élément apprécié de leur hiérarchie, et on disait même de lui qu'il finirait par signer un énorme contrat, dans le futur. Il était apprécié de ses équipes, de tous ses camarades, mais surtout, il était adoré par ses compagnons les plus proches.
Son histoire n'avait jamais été totalement nette et précise, on disait de lui qu'il était tout droit sorti d'une famille riche et puissante, et qu'il avait gravit les échelons à une vitesse incroyable. A l'époque, il n'avait que vingt sept ans, et de multiples médailles sur ses épaules. Cela n'avait étonné personne lorsqu'on l'avait greffé à l'équipe de Namjoon, et à eux tous, ils formaient une belle équipe de forces spéciales, envoyée pour prêter main forte aux forces alliées.
A vrai dire, la nouvelle avait de suite réjouit Namjoon et ses fidèles compagnons, car ils n'avaient pas eu la chance de retrouver leur camarade depuis un moment. Après leur dernière mission partagée, le plus jeune de l'équipe avait emprunté un chemin différent au sein de l'armée, rendant sa présence aussi rare que la paix sur le terrain.
La mission des forces spéciales coréennes allait prendre un tout autre tournant. Aucun d'entre eux n'auraient pu deviner la suite des événements. Après tout, deux jours avant, toute l'équipe avait décidé de fêter, avec leurs faibles moyens, l'anniversaire de leur fidèle lieutenant Jung Hoseok.
Au milieu de leurs tentes, après un petit feu de camp, ils avaient tous partagé quelques boissons, ce qui avait donné le pouvoir de redonner un peu de courage à certains, et de l'espoir à d'autres. Un peu plus tardivement, alors qu'ils restaient que les membres principaux de l'équipe sous la nuit étoilée, Taehyung était resté bien plus silencieux qu'à son habitude. Alors que ses amis, Jin et Yoongi n'avaient pas arrêté de se charrier l'un l'autre comme à leurs habitudes, sous le regard amusé d'un Namjoon un peu trop saoule pour être remonté, Hoseok s'était approché de lui. Il lui avait tendu sa gourde remplie à ras bord, la faisant rebondir contre son épaule.
— Alors colonel, on fait bande à part ?
Sortant de ses pensées, Taehyung se redressa un peu, détachant ses coudes de ses genoux qui semblaient s'y être fortement ancrés, puis il lui offrit un maigre sourire, acceptant la gourde sans broncher.
— Ils ont l'air de s'amuser, souffla t-il, la gourde en main et lançant son menton en direction de leurs amis.
Puis, il détacha son regard de leur personne et approcha le goulot de la gourde à ses lèvres. Il but sans réfléchir, et lorsque le liquide frais entra en collision avec sa gorge, Taehyung se mit à toussoter, recrachant la moitié de sa gorgée sur le sol.
A ses côtés, Hoseok se mit à rire et lui donna un petit coup dans l'épaule, prenant place sur la chaise de camping qu'il avait postée à quelques mètres et qu'il avait traînée avec lui quelques minutes avant.
— Merde Hobi, c'est quoi cette merde ? Se plaignit Taehyung, en se mettant à rire lorsqu'il croisa le regard de son ami.
— Du réconfort mon vieux, enfin...j'te dis ça mais, t'es tout frais p'tit veinard.
— T'as eu vingt neuf ans, c'est pas encore dans la tranche de la trentaine j'te rappelle.
— Ah...j'y suis presque, non ? Regarde toi, vingt sept ans et t'es aussi frais qu'à ta naissance, j'en suis sûr, répondit Hoseok en attrapant sa gourde de la main de son ami pour en boire une gorgée.
— Ouais...
— Pourquoi tu t'es mis à l'écart, y'a un truc qui va pas ?
— J'avais juste besoin d'être un peu seul.
— Ta famille te manque ?
— Ma famille ? Demanda Taehyung, en riant doucement. Non, non...c'est pas ça, tout va bien. Un peu de calme, ça fait juste du bien.
— Ouais, t'as pas tort...
Un léger silence s'installa entre les deux amis, qui voyait, au loin, le reste de leur fine équipe rire comme des idiots. Enfin, surtout Jin qui semblait vouloir imiter un animal, hurlant le fait qu'il imitait surtout et avant tout, le phénomène qu'était Min Yoongi à leurs côtés. D'ailleurs, Taehyung, qui n'affichait aucune émotion particulière sur son visage, se mit à sourire et leva la main en l'air comme s'il tendait un verre rempli de champagne lorsque Yoongi lui fit signe.
Ils en avaient traverser, du chemin. Et voilà qu'après cette soirée, cette seule et unique soirée qui avait fait office de brèche dans le temps, ils allaient devoir se replonger dans les horreurs de la guerre. Ils allaient devoir tirer les ficelles de leurs masques de soldat, et faire ce pourquoi on les avait envoyés ici.
Se battre.
Pendant longtemps, et peut-être depuis toujours, Taehyung avait entretenu une certaine vision de ce concept. A vrai dire, lui, comme ses camarades, avait eu une vie plutôt ordinaire avant de s'engager. Du moins, c'est ce qu'il avait dit. Un soir, il avait confié à Yoongi qu'il n'était peut-être pas si normal que ça, mais qu'il avait fièrement accepté ce chemin de vie, fier d'avoir écouté les conseils de sa mère avant de la quitter.
Parfois, lorsqu'il les regardait, en action sur le terrain, il se disait qu'il avait face à lui des hommes courageux et forts. Taehyung savait qu'il n'avait besoin de rien de plus dans sa vie, même l'argent au final, ne valait rien, contrairement à leurs présences.
Ces quatre gaillards étaient devenus comme des frères, les grands frères qu'il n'avait jamais eu. Il les trouvait formidables, prêt à se battre non pas seulement pour l'honneur, mais pour la justice. Et il aimait ça.
Taehyung avait été élevé pour ça, respecter les codes, écouter la loi.
On lui avait appris de nombreuses valeurs, auxquelles il n'avait jamais dérogé.
Jamais.
Mais la vie n'était pas toujours simple, il l'avait très vite appris. La première fois remontait à quand il avait dû faire son premier choix. Il s'en souviendrait toujours, et bien qu'il avait enterré ce souvenir dans un recoin de sa tête, parfois, il lui arrivait d'y penser et de se demander si les choses auraient été différentes.
— Dis, Tae.
— Hm ?
Sortant de ses pensées, Taehyung se redressa une nouvelle fois contre le dossier de sa petite chaise de fortune, jetant un œil aux alentours par réflexe, avant de reporter son attention sur son ami.
— Ça t'arrive d'avoir peur ?
La question de Hoseok laissa Taehyung sur le cul, et c'était le moins qu'on puisse dire.
Bien sûr qu'il lui arrivait d'avoir peur.
Enfin, cela lui était déjà arrivé.
Taehyung se souvenait avoir eu peur lorsqu'il était enfant et que sa mère partait pour de longues journées et que son père lui disait de ne pas s'inquiéter. Il n'avait jamais compris pourquoi, jusqu'à un certain âge, d'ailleurs.
Il se souvenait avoir eu peur, lorsque sa mère lui avait dit une fois, qu'il lui arriverait un jour de se confronter à quelque chose de si grand, qu'il devrait être prêt à remettre en question ses propres paroles et ses propres choix, voir même ses propres sentiments, aussi puissants pourraient-ils être.
En fin de compte, avoir peur, c'était humain.
Puis avec le temps, Taehyung avait appris à dompter la peur.
— Pas depuis longtemps, et toi ?
— Ouais, plus que ce que j'aimerais en fait, déclara Hoseok en riant. Pour tout te dire, quand je suis sur le terrain et que je tiens mon flingue dans la main, je me dis "eh, c'est peut-être la fin". Puis il suffit que je tourne les yeux quelques secondes, que je me rende compte que j'suis pas tout seul, parce que vous êtes là.
— Et quoi ?
— Ça me rassure, et la peur s'en va.
Ouais, lui aussi pensait la même chose.
Mais il ne le disait pas, il ne pouvait pas le dire.
A ce moment-là, Taehyung avait ressenti une drôle de sensation étrange et surtout, dérangeante, qui lui avait gratté le palais. Il avait eu envie de se tortiller sur place, d'en faire tomber sa chaise à la renverse, de se lever pour se mettre à gratter ses mains, ses bras, jusqu'à que cette sensation s'en aille.
Mais il n'avait rien fait.
La discussion avait continué, sur des choses aussi futiles que la température du vent, puis était venu l'heure de se coucher. En chemin, Taehyung avait rejoint Yoongi, et ce dernier ne lui avait rien dit de plus, se contentant de lui donner quelques petites frappes dans le dos, de façon amicale.
Avant d'aller se camoufler sous sa tente, Taehyung avait croisé le regard de Namjoon, et ce dernier lui avait fait un geste rapide de la tête, pour lui dire bonne nuit. Un peu plus loin, Jin avait partagé sa dernière blague, peut-être de trop mais qui avait eu le don de tous les faire sourire.
Puis la soirée avait pris fin.
Dès le lendemain, les hostilités avaient repris. La bonne humeur s'était envolée, les sourires avaient disparu, et la guerre avait repris.
La longue journée du 19 février 2018 s'était écoulée à l'envers. Chacun avait pensé qu'il aurait pu y laisser sa peau, mais comme toujours, la chance leur avait souri.
En ce fameux jour du 20 février 2018, était arrivée l'étape fatidique, celle que tous avaient redoutée depuis le début de la mission.
Au matin, Namjoon avait donné les ordres : lui et les autres devaient récupérer le chef des Talibans, pour le faire prisonnier. Taehyung lui, avait la mission de récupérer des documents, qui en vérité, étaient classés secret d'état. Personne ne savait ce que ces foutues documents cachaient, mais lui, était au courant que ces foutus papiers ou données, cachaient de sales trucs sur des accords d'armes entre la Corée et les Talibans.
Après avoir donné les ordres, Namjoon avait pris avec lui la moitié de son équipe, ils étaient partis assez tôt pour avoir la chance de coincer leurs ennemis par surprise. De son côté, Taehyung était parti avec d'autres hommes. Il leur avait dit au revoir, mais aucun d'entre eux n'auraient pu se douter qu'il avait en réalité prononcé ses adieux.
A contre coeur.
Afin de rester en contact, tous avaient à portée de main leurs talkies walkies branché sur la même fréquence. Ce n'était pas comme s'ils avaient pensé à faire la petite discussion durant leur mission, mais de cette façon, ils étaient prêts à se prévenir en cas de danger extrême, d'événements inattendus ou bien encore...
Alors qu'ils étaient presque arrivés à terme de leur mission, Namjoon, Hoseok et Yoongi reçurent un signal de Jin.
Ce dernier les informa, en pleine panique, qu'il était dans le merde, encerclé, et qu'il risquait d'y passer. Il avait essayé de paraître serein, mais sentant la détresse de son ami, Namjoon opta pour le cœur plutôt que la raison, et abandonna la capture du chef des Talibans pour aller lui porter secours. Eux trois et leur petite équipe se frayèrent un chemin, tirant à droite, à gauche, derrière et devant eux. Ils ne faisaient même plus attention aux dégâts, l'heure était bien trop grave, et la vie de leur ami était en jeu.
Arrivé à une intersection, coincés dans une petite ruelle entre quatres maisons, Namjoon se retourna pour appeler Jin, quand il remarqua qu'eux aussi, étaient totalement pris au piège.
Bien qu'ils n'étaient pas que trois, leur effectif était nul comparé à celui de leurs ennemis, qui se trouvaient partout. Dans chaque recoin, à chaque fenêtre, sans oublier les toits.
Activant tant bien que mal son talkie walkie, Hoseok attendit le signal de son colonel pour tenter d'interférer la fréquence afin de recevoir des nouvelles de Taehyung. Personne ne savait où il était, s'il était en vie ou si lui aussi, était pris au piège.
Puis, alors qu'ils se débattaient désespérément en attendant qu'une solution tombe du ciel, le visage de Taehyung leur apparut au fin fond d'une ruelle, accompagné de quatre de ses hommes. Ils s'étaient faufiler à travers les bruits de balles et les cris des hommes, et au moment où Namjoon pensa qu'il était possible de s'en sortir, son regard croisa celui de Taehyung avant que celui-ci ne déguerpisse.
Il l'avait vu, Namjoon savait que Taehyung les avait vu, tous là, proches de la mort.
Mais il n'avait rien fait.
Seulement, alors que le colonel essayait de chercher des raisons à sa fuite, Hoseok et Yoongi le virent au loin, ainsi que Jin, qui fut le premier à activer son micro à travers son appareil, qui faisait grésiller sa voix.
— Putain Taehyung, qu'est-ce tu fous mec ?
— Taehyung ? Tu vas où ? Taehyung ? Demanda aussi Hoseok, manquant de se prendre une balle dans la tête.
Dieu merci, il avait encore son casque. Sinon, il y serait passé.
— Putain de merde Kim, réponds !
Yoongi aussi s'y était mis, tentant tant bien que mal de défendre ses arrières et celles de ses amis. A leurs côtés, la moitié de leurs hommes s'étaient fait abattre, et bientôt, il ne resterait plus qu'eux pour assister à leur propres funérailles.
Soudain, une autre voix familière grésilla dans leurs oreilles, les informant que le chef Talibans venait d'être découvert mort, gisant dans son sang et que les fichiers eux, avaient disparu. L'information ne mit que très peu de temps avant de finir son chemin dans les cerveaux et les oreilles des soldats, et pris d'une colère sans nom, Jin se mit à hurler dans son micro, par-dessus le bruit incessant des coups de feu.
— Putain Taehyung, qu'est-ce que t'as foutu bordel ? Taehyung ! Réponds !
— Tae, je t'en supplie, ne nous laisse pas, supplia Hoseok tentant malgré lui de rester le plus serein possible.
Il ne le montrait pas, mais sa voix avait craqué à travers le micro, laissant comprendre à tous ses camarades que s'il avait pu, il aurait laissé couler ses larmes.
La situation empirait, l'espoir devenait de plus en plus mince, les chances de rester en vie aussi. Hoseok, Jin, tout comme Yoongi et Namjoon, commençaient à se faire une raison.
Ils allaient mourir ici, mais au moins ils mourraient ensemble.
Soudain, le bruit d'un hélicoptère les surprit tous, surtout leurs ennemis, qui pendant un instant, cessèrent tout coup de feu afin de regarder le ciel. La porte de l'engin était encore grande ouverte, et c'est à ce moment précis que Namjoon et son équipe purent reconnaître le visage de Taehyung, qui avait retiré son casque, mais pas son micro.
— Taehyung...? Laissa échapper Hoseok, avant se retourner pour assommer un ennemi qui avait accouru jusqu'à eux.
— Colonel Kim Taehyung, ici le colonel Kim Namjoon. Que faites vous, répondez. C'est un ordre, tenta Namjoon, reprenant lui aussi ses forces et son esprit pour essayer de battre en retraite.
Alors qu'il pensait ne pas avoir dé réponse, la voix chaude et rauque de leur ami, de leur frère, se mit à retentir dans leurs oreillettes.
— Chacun sa mission, colonel. A dans les enfers, mes frères.
Le micro qui semblait être celui du noiraud vint s'échouer au sol, explosant dans un bruit que personne ne pu entendre dû à la symphonie des coups de feu. C'était là, la pire musique que personne n'avait jamais entendu.
Et pourtant, il y en avait des sons au monde qu'on pouvait craindre.
Mais celui-ci était certainement l'un des pires.
Lorsque Namjoon prit conscience de la réponse de leur ami, il sembla paniquer un instant, voyant qu'autour de lui, qu'autour de ses amis, les ennemis affluaient de toutes parts. Il aurait aimé que cela se passe comme dans ces jeux vidéos, où même si l'on perdait la partie, on ne mourrait pas vraiment.
Mais à cet instant, le colonel Kim Namjoon savait qu'il allait échouer, et qu'il allait devoir faire un choix.
Il n'était plus question de perdre ou de gagner, mais de sauver ou être sauvé.
C'était lui, ou ses amis.
Sa vie, ou les leurs.
Namjoon sentit ses bras devenir bien lourds, et quant il se décida à prendre sa décision, il se mit à pleuvoir des corps, qui finissaient par s'écraser sur leurs ennemis. Tous levèrent la tête au ciel, et personne comprit pourquoi les hommes qui étaient montés dans l'hélicoptère de Taehyung tombaient un à un. Puis, une arme sembla leur venir en aide pendant quelques minutes, mettant à terre la plupart des ennemis qui leur barraient leur seul chemin de retraite.
Et enfin, l'hélicoptère disparu, emportant avec lui Taehyung, et les documents.
Ce court laps de temps offrit l'occasion à Namjoon et les autres de se dépatouiller pour aller se cacher, en attente d'un signe du bon Dieu, n'importe qui, n'importe quoi, qui puisse venir les sauver.
De son côté, avachi sur le petit banc de l'hélicoptère, Taehyung sentait son cœur battre si vite qu'il pensait mourir. Vraiment, il allait crever d'une crise cardiaque s'il n'arrivait pas à se calmer. Il avait jetté son putain de talkie walkie et pourtant, il avait encore l'impression d'entendre les bruits des balles et surtout, les cris des hommes, et surtout, ceux de ses amis, l'appelant à l'aide.
Sa petite crise de panique ne dura pas longtemps, et il reprit ses esprits quand le pilote, le seul homme encore en vie de sa petite équipe, lui tendit rapidement un appareil. Taehyung ne perdit pas de temps et s'en empara comme si cela était nécessaire à sa vie, le coinçant contre son oreille.
Il n'attendit pas que son interlocuteur parle, avant de lui ordonner sévèrement et clairement d'envoyer des tas de renforts à la position où se trouvaient encore ses amis. Il entendit l'homme à l'autre bout du fil lui demandé des choses, n'importe quoi, mais Taehyung se mit à hurler contre l'appareil que c'était un code rouge et qu'il devait écouter son putain de colonel.
Chose faite, le noiraud laissa retomber l'engin à ses pieds, et prit sa tête entre ses mains, ses coudes s'appuyant sur ses genoux.
C'était comme s'il était devenu sourd, aveugle et muet, et pourtant, il avait l'impression que sa tête allait exploser. Des tas de choses se bousculaient dans son crâne, des sons de rires, des paroles, des promesses. Il se mit à rire comme s'il devenait dingue, puis prit d'un élan qu'il ne put définir, il se mit à frapper son front, sans prendre en compte les larmes qui dévalaient ses joues.
Les ordres avaient été clairs pourtant, depuis le début, Taehyung savait quelle était sa mission. On ne l'avait pas seulement envoyé pour faire partie des renforts, si on l'avait appelé, c'était parce qu'il allait devoir porter sur ses épaules, un choix horrible.
Quelques jours avant de rejoindre ses compagnons, Taehyung avait été appelé au bureau de son supérieur, qui lui avait clairement demandé, sans aucune once de remords, de récupérer ces putains de documents au prix de la vie des autres. Il lui avait dit, mot pour mot, de les laisser sur le carreau si cela était nécessaire. Il lui avait même demandé de les tuer de ses propres mains, s'il le fallait. Tant qu'il revenait avec les documents.
Taehyung n'avait rien pu dire, mais il se souvenait avoir pensé aux paroles de sa mère à ce moment-là.
Et maintenant, tout faisait sens.
Relevant la tête de ses genoux, le noiraud se mordit le pouce et regarda par la fenêtre. Silencieux, il observait les nuages et les paysages défiler, sentant les larmes couler sur ses joues brûlantes.
Depuis le départ, Namjoon, Hoseok, Yoongi, Jin et tous les autres, avaient été considérés comme des dommages collatéraux.
Et si au départ, Taehyung avait trouvé cela absurde sans plus y penser, maintenant, il s'en voulait affreusement. Il connaissait leurs noms, il connaissait leurs vies.
Ces quatres hommes étaient devenus ses amis, ils étaient devenus sa famille.
Et il les avait abandonnés.
Alors, il avait essayé de trouver un compromis, se disant que Namjoon était assez fort pour les sauver de n'importe quelle situation. Mais il s'était trompé, après tout, un seul homme, même s'il était un génie, n'aurait rien pu faire face à un tel assaut.
C'est pourquoi, pour ne laisser aucunes traces, il avait prévu, dès la veille au soir, d'abattre tous les hommes de sa propre équipe. Ces connards n'étaient autre que des traites à ses yeux, et ils se fichaient totalement de la vie de leurs autres camarades. Il les avait balancés du haut de l'hélicoptère comme de vulgaires sacs de pommes de terres, puis il avait fait ce qui avait été en son pouvoir pour aider ses amis, restés au combat.
Taehyung ne savait pas ce qu'ils allaient devenir, et cela le tuait.
Mais il ne pouvait plus rien faire maintenant, alors il laissait les pleurs dévaler son visage, se répétant sans cesse qu'il avait fait ce qui était juste, pour le bien de tous. Quitte à ce qu'on le haïsse, quitte à ce qu'on le blâme. Il avait fait le choix de porter l'éventuelle perte de ses amis sur la conscience, bien qu'il espérait plus que tout au monde qu'ils s'en sortent.
C'était la mission et il était un soldat, comme Namjoon, comme les autres, c'était comme ça qu'on l'avait formé, pour répondre présent quand son pays lui demandait, quel que soit l'enjeux, quelle qu'en soit la finalité. Pourtant, il avait dérogé, il avait trouvé un moyen de leur laisser une chance, mince peut-être, mais tout de même une chance de s'en sortir.
Il avait toujours dit ne jamais avoir eu d'amis, mais eux, avaient été sa famille.
Ce fut la dernière fois qu'il versa des larmes.
Après ce jour, Taehyung avait changé, devenant un homme dur, froid, glacial, et solitaire.
Un an plus tard, Taehyung avait quitté le sol coréen et s'était retiré de l'armée. Il n'avait rien laissé sur son passage, si ce n'est la réputation d'un grand soldat pour la patrie. Mais il n'en avait eu que faire, de tout ce putain de blabla, de toutes ces putains de médailles en toc qui lui pourrissaient le torse.
Tout n'était que fausses vérités, faux semblants, rien n'était vrai, tout était une putain d'utopie, ce monde dans lequel il évoluait n'était que ça, alors il devait partir et retrouver ses sources.
Il s'était retiré, loin de tout, et de tous.
Un beau jour, on vint lui apprendre les grandes nouvelles : après la mission, ses amis avaient pu rentrer en vie. Il avait ressenti un énorme poids le quitter ce jour-là, mais il ne l'avait montré à personne, restant de marbre.
Quelques mois plus tard, il avait fini par reprendre contact avec Yoongi. Ce dernier lui avait donné quelques nouvelles, et lui avait confié que Namjoon avait été répudié à leur retour. Hoseok lui, travaillait toujours pour la patrie, mais il était devenu bien plus coriace et surtout, il s'était promis de ne jamais mettre ses équipes en danger à sa place. Enfin, Jin, avait changé de base, et c'était tout.
Ils n'avaient pas vraiment reparlé de ce jour, même si Taehyung avait tenu à présenter de maigres excuses, si l'on pouvait les nommer ainsi, au hackeur. Ce dernier l'avait écouté, puis il avait finalement conclu que le passé était le passé, et que de toute manière, ils finiraient tous par crever un jour.
Taehyung s'était douté qu'un jour, avant sa mort, il lui faudrait révéler ses terribles remords et secrets à ceux qu'il avait longtemps appelé "amis".
Mais il avait finalement accepté ses choix, se remémorant les paroles de sa mère.
"Mon fils, ton rang t'amènera un jour à bafouer tes propres convictions. Même si tu aimes, même pour la personne qui sera la plus importante à ton cœur. Et tu devras être prêt, Taehyung. Quoi qu'il arrive"
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