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𝟒𝟑. going full pogues

LE moteur se coupa, à l'instant où le cabriolet pénétra dans l'allée du Wreck. A l'intérieur, trois passagers. Sienna, conductrice, Blake et Oliver, sur la banquette arrière. Les deux amis se tenaient la main, vaguement inquiets.

La nuit n'avait pas été reposante, du tout. Ils étaient restés dans la maison familiale, jusqu'au petit matin, en profitant pour se doucher —parce que, après les péripéties des derniers jours, ils sentaient tout sauf la fleur— s'alimenter, et surtout, faire le sac de Blake.

Il était d'ailleurs échoué sur ses jambes, pas bien lourd. Comme à son arrivée, elle n'avait emporté que le strict minimum: vêtements, et le nécessaire de survie fournie par sa belle-mère.

Le sac était léger, mais le cœur de Blake, lui, semblait peser une tonne. Son nez était un peu rouge, et ses cheveux, encore humide de sa douche, pendaient sur ses épaules, lui donnant un air encore plus misérable. Les au-revoir avec Bodhi s'était avéré plus difficile qu'elle ne le pensait. Elle l'avait serrée dans ses bras, aussi fort qu'elle le pouvait, si longuement, qu'Oliver avait dû l'a décollé de lui.

Blake revoyait encore la mine perdue de son chien, une oreille dressée, et ça lui fendait l'âme. Bodhi c'était sa dernière famille, le dernier être la rattachant à son jumeau, et elle devait le laisser, fuir. Encore.

— Tu as tout ? S'enquit Sienna.

Elle décrocha les clefs, les fit glisser dans sa veste, et lui lança un coup d'œil. Tout en se détachant mollement, Blake acquiesça.

— Bien.

En sortant de la voiture, Blake se sentit faiblir. Claquant la portière, elle shoota dans un gravier, enfonçant la lanière de son sac sur son épaule. Oliver profita du toit ouvert, pour bondir —littéralement —par dessus la voiture.

— Vous êtes sûrs qu'ils sont là ? Demanda Sienna, en verrouillant l'auto.

— C'est ce que Pope m'a dit, confirma Oliver.

D'un pas alangui, Blake suivit son ami, qui escalada les petites marches du restaurant, avant d'ouvrir la porte à la volée. Il était vide. Personne sur le parking. Pas de bruit. Aucun signe de vie. Pourtant, les pogues étaient dedans, seulement ils se faisaient le plus discret possible.

— Kie ? Appela Oliver. JJ ?

Son cri se répercuta dans la pièce, lui renvoyant son écho. Puis, derrière un pan de mur, deux têtes sortirent. Les garçons.

— Vous nous avez foutu la trouille, grommela Pope.

Il fut le premier à avancer, venant à leur rencontre. JJ restait en retrait, ses yeux passant de Blake, à Sienna, puis à Blake, intense et curieux. En croisant le regard éreinté de Blake, il arqua un sourcil. En réponse, elle lui offrit un maigre sourire.

— Tout est okay ? S'inquiéta t-il, s'approchant de la blonde. J'veux dire entre vous ?

Blake plissa un peu le nez, en hochant la tête.

— Ouais, tout est okay.

— Cool.

Un sourire rayonnant éclaira son visage, creusant ses fossettes. Il semblait sincèrement ravi pour elle. Quand il passa son bras sur ses épaules, en lui effleurant la tempe d'un baiser, quelque chose interpella la jeune femme;

— Où est Kie ?

— Là, répondit une voix fatiguée.

Sortant des cuisines, un verre d'eau à la main, Kiara faillit le lâcher en apercevant Sienna. Heureusement, elle avait de bons réflexes, et réussit à le maintenir dans sa paume.

— Bonjour madame Knight, balbutia-t-elle.

Sa gaucherie amusa Sienna, qui lui décocha un petit rictus moqueur.

— Bonjour Kiara.

— Vous faites quoi ici ? Questionna Pope.

— Je suis venue déposer ces deux-là.

Elle agita son index sur les silhouettes de Blake et Oliver.

— Et dire au revoir, conclut-elle, nettement moins guillerette.

Ça jeta un sacré froid sur l'équipe. Blake se raidit dans les bras de JJ, qui lui coula un petit regard, fronça les sourcils, et releva le menton vers Sienna;

— Tu vas quelque part ?

Une moue chagrinée tirait la bouche de la brune vers le bas, alors qu'elle fixait sur Blake, d'un œil assombri. Sentant que c'était à elle de parler, Blake poussa un lourd soupir, elle n'avait aucune envie de faire ça;

— Elle, non. Moi, oui.

— Quoi ? Se récria Pope.

La nouvelle s'écrasa sur les pogues, telle une avalanche déferlante. JJ s'écarta brusquement de Blake, comme s'il s'était brûlé. Elle ne le regardait même pas, c'était trop dur. Elle focalisa son attention sur ses lacets, qui malgré leur lavage de la veille, avait été déteint par le sang, passant du blanc à une teinte rosée écœurante.

Un silence de mort s'installa dans le restaurant. JJ contemplait le dos de la jeune femme, la bouche entrouverte, écarquillé. Lui, il se sentait ravagé de l'intérieur. Elle, elle aurait voulu se terrer au fond d'un trou, et y rester. Tout ce qu'elle avait redouté était en train de se réaliser.

C'était franchement oppressant. Ses tripes commençaient à se tordre. Il fallait qu'elle s'échappe.

— C'est une blague ? Scanda Kie.

Bénie soit-elle. Pour une fois, son sale caractère avait du bon. Le cri vrilla tellement les tympans de Blake, que ça court-circuita le reste. Elle pouvait à nouveau respirer.

Poings sur les hanches, la métisse s'avança vers elle, ses iris noirs se voulaient inquisitrices.

— Comment ça tu pars ? Pourquoi ? Et où, d'abord ?

Le tas de questions s'abattit sur Blake, alors que Kiara continuait d'approcher. Il y avait quelque chose de menaçant dans son attitude, mais l'inquiétude transformait son visage. C'était assez surprenant de sa part.

Oliver stoppa la marche de Kiara, un bras tendu entre elle et Blake. Frustrée, elle dévisagea le brun, l'air revêche, mais il ne céda pas un bout de terrain.

— Kie, se défendit Blake. J'accompagne John B au Mexique.

— Mais, baragouina Pope, paumé. Pourquoi ?

— Parce que je lui ai demandé.

L'intervention de Sienna eut le mérite de moucher les adolescents, mais ça ne fit qu'accroître le malaise ambiant. Les regards des pogues se focalisèrent sur la veuve, avides de réponses.

— C'est trop risqué pour elle, expliqua-t-elle avec douceur. Si Blake reste et témoigne, ils l'enverront à Miami.

JJ émit un juron bas, comprenant aussitôt l'ampleur de la situation. Kiara, non. Croisant les bras sur sa poitrine, elle fit la moue;

— Pour quelle raison ?

Alors, comprenant que c'était le moment, Blake leur raconta tout, à elle, et Pope. Sa fugue, les violences de sa mère, la précarité de sa vie en Floride, elle n'omis aucun détail, survolant tout de même les épreuves de son frère avec la drogue —ça, ça concernait Billy, pas elle.

A la fin de sa tirade, les deux adolescents affichaient une expression bouleversée, qui mit à rude épreuve les défenses que la blonde avait construites entre eux. Avec un brin de soulagement, Blake se rendit compte que cette fois, ça avait été plus facile d'exposer ses traumatismes. Peut-être car c'était les pogues ?

— C'est affreux, souffla Pope, interdit.

— Tu peux pas y retourner, déclara Kie, motivée, sautant de la table où elle s'était assise. Faut qu'on te fasse sortir de l'île.

— Ouais, sourit Oliver en s'étirant. C'était un peu le plan Sherlock.

L'élan de compassion que Blake reçut de ses amis la laissa pantoise. C'était réconfortant et terrifiant. D'ordinaire, elle aurait hais cela, mais pas là. Probablement car pogues ne la reluquait pas avec pitié, non, ils brûlaient plutôt de l'aider.

Et, à sa plus grande surprise, le premier soutien vint de Kiara;

— T'as pris des fringues ? Je peux aller t'en chercher si tu veux.

Un peu maladroite, la métisse tenta un petit sourire. Blake agita son sac devant son visage, une moue crispée incurvant ses lèvres.

— J'ai pris ce qu'il faut.

Elle rabaissa son sac, se tourna vers Sienna, hésita, puis lança derrière son épaule;

— Merci quand même Kie.

C'était un pas de géant. Ça lui avait écorché la gorge, mais elle n'avait pas frissonner de dégoût en remerciant la métisse. Oliver récompensa son comportement par un pouce en l'air.

Sienna était moins enthousiaste. Elle affichée une mine résignée, et s'obligeait à garder la face, malgré sa poitrine douloureuse. Le moment était venu.

Prudemment, Blake s'approcha de sa belle-mère, avant de l'enlacer. Ce câlin n'avait rien de naturel pour l'adolescente, pourtant, alors que Sienna refermait ses bras autour d'elle, elle sentit qu'il lui apportait un sentiment d'apaisement. C'était sûrement ça, d'avoir une mère.

— Tu fais attention à toi, souffla Sienna dans ses cheveux.

— Mais oui, ricana-t-elle. T'en fais pas pas.

— Blake ! Insista-t-elle, apeurée, avec un ton autoritaire. Promets le moi.

Elle s'écarta doucement, obligeant la blonde à la regarder bien en face. Un peu troublée par autant de préoccupation, elle mit pris la voix la plus rassurante dont elle était capable —ce qui n'était pas fameux, mais au moins elle essayait.

— Je te le promets.

Apparemment rassérénée, Sienna hocha lentement la tête, comme si elle souhaitait se convaincre elle-même que tout irait bien. Puis, à regret, elle lâcha complètement sa belle-fille.

— D'accord.

Le regard embué, elle raffermit sa prise sur son sac à main, anxieuse.

— Alors j'y vais.

Et c'est avec ces derniers mots qu'elle s'en alla, jetant un dernier coup d'œil, presque nostalgique, vers Blake.

Quand la porte du Wreck claqua, la chair de poule envahit le corps de la jeune femme. Elle était partie. Ils ne restaient plus qu'elle, et les pogues.

Après une longue minute, grattant nerveusement son poignet, Blake fit volte-face. Ils l'observaient tous, sauf JJ. Il gardait le visage tourné vers la grande vitre, visiblement subjugué par le vent dans les arbres, roulant son pouce sur son briquet, sans en tirer une seule flamme. Même de loin, Blake capta les muscles de sa mâchoire tressauter, et ça lui transperça l'estomac.

D'une des fenêtres ouvertes leur parvenait l'écho de sirène de police. Le son strident mit un coup de pied au cul à l'adolescente. Pour l'instant, ce n'était pas elle la priorité, mais John B.

— Vous croyez qu'ils l'ont eu ? S'enquit Oliver, tout penaud.

— Non, affirma Pope. Ils patrouilleraient pas si ils l'avaient eu.

Kiara, aux côtés de Blake, haussa les épaules;

— On était dans la même voiture. Ils doivent nous chercher aussi.

Fort possible. Du moins, ils devaient les chercher, pour pouvoir les interroger sur l'endroit où John B se trouvait. Si seulement ils le savaient. Blake avait eu des sueurs froides toute la nuit, simplement à l'imaginer terrifié, recroquevillé quelque part sur l'île.

Pope renifla;

— Quitte à être hors-la-loi, autant aider John B.

Le garçon fonça vers un sac troué, étalé sur la table près de lui, chopant des clefs.

Il dégageait une énergie intrépide, que Blake ne lui avait jamais soupçonné. De tous, il avait eu le plus à perdre, mais, désormais qu'il avait fichu sa bourse en l'air, il se fichait pas mal des conséquences. Cette facette de lui de déplut pas à la blonde.

— Comment ? Demanda JJ, qui s'était éloigné de la vitre. En le trouvant avant les flics ? Pope ?

Le brun le contourna, le dos raide, tendu. Sans répondre à sa question, il lâcha;

— Je vais chercher de l'essence pour le bateau.

Pendant qu'il posait la main la porte arrière, Kie s'avança un peu, l'air vraiment soucieuse;

— Sois prudent. Okay ?

Pope se stoppa net. L'œillade qu'il lança à la métisse, de haut en bas, méprisant, fit ouvrir de grands yeux à Blake. Woah. Peut-importe ce qu'il s'était passé entre eux durant les quelques heures où elle les avait laissés, ça n'avait pas été joli.

Ignorant superbement son amie, Pope tourna la tête vers Oliver;

— Rendez-vous au quai à quinze-heure pétantes.

La bouche serrée par la colère, en une ligne dure, il fonça vers l'extérieur. Blake fronça les sourcils, et croisa le regard de JJ, qui semblait tout aussi paumé qu'elle. Seule Kie avait l'air de connaître l'origine de la crise du petit génie.

En s'humectant les lèvres, elle bondit à sa suite, poussa la porte d'un geste agacé. Dégringolant les marches de bois, alors que Pope rejoignait la moto de JJ, elle se mit à crier;

— Sérieux, c'est quoi ton problème ?

Poussés par la curiosité, les trois autres emboitèrent son pas, s'arrêtant sur le palier pour guetter la dispute.

— Y'a pas de problème, riposta Pope en enfourchant la bécane. Je fais ce que j'ai à faire.

Ça ne convenait pas à Kie, qui le rejoignit, la mine contrite.

— Je suis désolée de t'avoir blessée.

Oh. C'était donc ça. Pope avait sûrement dû trouver le courage de lui parler de ses sentiments la veille, encore sous l'influence de la weed, et elle l'avait rejeté. C'était rude, mais prévisible.

Remonté, Pope fit rugir le moteur d'un moulinet du poignet, se moquant amèrement de la jeune femme;

— Pardon ? T'as dis quoi ?

Elle ne se laissa pas abattre.

— Je ne voulais pas.

Mais lui non plus.

— Pardon ? Répéta t-il. Je t'entends pas.

— Pope, je suis sérieuse. J'essaie de te parler !

Avec un air mauvais, Pope démarra en trombe, la laissant seule. Kie était atterrée par son attitude, mais il était blessé, nerveux, et fatigué.

Tandis que tous les autres, les coudes sur le bois de la balustrade, grimaçaient de leur brève interaction, et qu'elle faisait demi-tour pour les rejoindre, un bruissement s'éleva, depuis les cieux.

D'un même mouvement, la bande releva le nez vers les nuages, pile au moment où un monstre de ferrailles à hélices, passait au-dessus d'eux. Un hélicoptère. Blake sentit son pouls s'accélérer.

— C'est qui ça ? L'interrogea JJ.

— Des problèmes.

❃❃❃❃

Fouillant dans les placards remplis à ras-bord du Wreck, Blake se sentait nauséeuse. Depuis qu'elle avait aperçu l'hélico, son estomac refusait d'obéir, et se tordait continuellement d'angoisse. Ce n'était pas des petits joueurs. Shoupe avait fait appel à des pros, et ils étaient aux fesses de John B. Ça craignait grave.

Oliver était du même avis. Il n'avait pas ouvert la bouche depuis la semi-rébellion de Pope, et il sortait des sachets de nourriture —future provision de Blake et John B— les envoyant valser, presque mécaniquement, sur le comptoir.

Derrière celui-ci, JJ rassemblaient la bouffe dans un carton, tout en discutant avec Kie, du sujet "Pope";

— Il était plus bizarre que d'habitude ?

— Ça laissait peu de place à l'interprétation, grommela-t-elle.

Tirant un énorme sachet de pain de mie, elle l'apporta au garçon, tout en lorgnant sur Blake.

— Vous aurez assez à manger ?

La blonde opina, se relevant, ajoutant une conserve dans le carton;

— Ouais, ça devrait suffire.

Il était plein, presque débordant. Assez pour elle, John B, et potentiellement Sarah, qui était censée partir avec eux. En tout cas, c'était le plan.

Toute cette bouffe ne faisait qu'augmenter sa nausée. Ce qu'ils allaient faire aller au-delà de l'imprudence, c'était carrément inconscient. Et s'ils manquaient de nourriture ? D'eau ? De n'importe quoi, en fait, ils seraient livrés à eux-mêmes.

Chassant ses mauvaises pensées, elle secoua vigoureusement la tête. Non. Ils s'en sortiraient.

A sa droite, Kiara poussa un long soupir, qui avait l'air de lui décoller les poumons;

— Je crois que je l'ai vraiment blessé.

La tête basse, elle fit le tour du comptoir, ouvrant la porte dans un crissement. Après avoir rajouté un pot dans la charge déjà bien lourde, Blake talonna la métisse, les garçons aussi.

JJ essayait, vaille que vaille, d'alléger le fardeau de sa meilleure amie;

— Ne t'en veux pas trop, il sait même pas ce qu'il veut. On dirait docteur Jekyll et Mister Hyde.

Dégringolant les marches, Kie passa une mèche derrière son oreille.

— L'ancien Pope me manque, avoua-t-elle, fatiguée. Au moins on savait à quoi s'attendre avec lui.

— Moi j'aime bien le nouveau.

Stupéfaits, tous lorgnèrent vers Oliver. Il haussa une épaule, se détournant habilement, prit le carton des mains de JJ, pour le fourrer dans le coffre ouvert du quatre-quatre.

Kie le dévisagea, ouvrit la bouche pour répliquer, mais fut brusquement coupée dans son élan;

— Où étais-tu passée ?

Flûte. Une grande femme, aux boucles châtain, s'approchait d'eux, déterminée. Blake l'a reconnu immédiatement, pour l'avoir croisée plusieurs fois, lors de ses dîners de famille au Wreck. Anna Carrera, la mère de Kiara.

— Je vais bien, soupira Kie. J'ai dormi ici.

— On a passé la nuit à te chercher. Tu comptais nous prévenir ?

Avec une grimace, JJ se mit à aider Oliver dans le coffre. C'était une tactique de fuite, le métisse n'avait absolument pas besoin d'aide.

Kie haussa un sourcil, un peu déconcertée face à l'agressivité de sa mère.

— Bah je te le dis, là.

— A quoi vous jouez, tous les quatre ?

La voix d'Anna devenait de plus en plus grave. Le ton "spécial daronne", comme Oliver l'appelait. Celui-ci prit d'ailleurs en pitié Kiara, et referma le coffre dans un claquement;

— Désolé Madame Carrera, sourit-il. Faut vraiment qu'on y aille.

Pour une fois —alors qu'ils en auraient vraiment eu besoin— le charme du garçon ne sembla pas opérer. Anna mit les mains sur les hanches;

— Il n'en est pas question. Vous êtes au courant de ce qu'il se passe ?

Déjà la bande d'ados faisait le tour du véhicule, Kiara devant, ouvrit la portière conducteur en tentant de s'expliquer;

— Écoute maman, je suis désolée, mais-

— Il y a une tempête qui approche, c'est dangereux !

— Désolée, reprit Kie en montant. Je dois y aller !

Les autres s'étaient installés, dès lors que mère et fille s'étaient échauffés. Oliver et JJ gardaient la tête basse, quant à Blake elle observait Kie, qui faisait vrombir le moteur, avec une pointe de compassion.

Anna, elle, ne démordait pas;

— La police est armée, plaida-t-elle, vraiment inquiète. Vous allez être blessés. Je te laisserais pas faire ça !

S'en était trop pour Kie, dont les yeux s'étaient embués, et qui se tourna vers sa mère, suppliante;

— Maman, John B a besoin de moi !

— Tu n'iras nulle part.

— Je comprends, sanglota Kie en claquant la porte. Je ferais attention.

— Kiara, ouvre cette porte !

— Je suis désolée, je suis vraiment désolée.

Les cris de détresse ne se stoppèrent que lorsque Kie écrasa la pédale et s'élança sur la route sablée, dans un nuage de poussière, poursuivit jusqu'au portail par Anna. L'habitacle plongea alors dans un silence pesant, entrecoupé uniquement par les reniflements de l'adolescente.

Bordel, ce trajet allait être long.

❃❃❃❃

Le quatre-quatre vert buta contre un talus, tout en pénétrant sur le sol, à moitié asséché, de la propriété des Maybank. Cet endroit était toujours aussi lugubre, et croupissant. Par les vitres entrouvertes on discernait une légère effluve d'alcool. Ça piquait les narines.

Quand Kie se gara finalement, non loin d'un grand arbre —seule plante restante dans le jardin— ils retenaient tous leur souffle. Pas le choix, il allait falloir entrer.

— Que de bon souvenirs, souffla doucement JJ.

Malgré sa pointe d'humour, Blake perçu sans mal l'étendu de sa nervosité, de sa peur. C'était comme si elle la ressentait dans son corps, crispant tous ses muscles, et lui laissant un goût acide dans la gorge. Elle détestait ça, et elle détestait Luke.

— Tu veux qu'on vienne ? Proposa Kie, d'une voix douce.

Elle avait cessé de pleurer depuis peu, son nez et ses yeux étaient encore rouges. JJ attrapa ses cheveux dans son poing, secouant la tête;

— J'en ai pour une seconde.

Et il descendit, sous le regard anxieux de la petite troupe. Sans attendre, Blake sortit à son tour. Oliver ne chercha pas à l'arrêter, pas là.

JJ semblait complètement ailleurs, il n'étendit même pas sa porte claquer, c'est quand elle empoigna son bras, d'une main impérieuse, qu'il se rendit compte de sa présence. Et ça ne lui plaisait pas;

— Qu'est-ce que tu fous Bex ? Gronda t-il sur un ton mesuré. Retourne dans la voiture.

— Non.

Il était têtu, mais moins qu'elle. Farouche, elle planta son regard dans le sien. JJ sonda ses prunelles avec insistance, un brin menaçant, et bien entendu, elle ne lui céda rien. Elle viendrait avec lui, point barre.

Ils restèrent ainsi quelques secondes, puis Blake allégea son emprise, glissant sa main le long de son bras, entrelaçant leur doigts. Ce contact le fit tressaillir, c'était plus fort que lui.

— Je reste avec toi, déclara-t-elle. C'est pas négociable.

JJ inclina la tête en arrière, prenant une grande inspiration;

— T'es vraiment chiante.

— Ouais. Faut que tu t'y fasses.

Haussant les épaules, elle le contourna, et l'entraîna par la main vers ce lieu qui le terrifiait. En vérité, Blake n'était pas aussi sereine qu'elle le prétendait. La dernière fois qu'elle avait mis les pieds dans cette baraque, elle s'était ouvert la tempe. Et si, aujourd'hui, il ne lui restait physiquement qu'une fine trace de cette agression, mentalement, la blessure était encore là.

En entrant, Blake dû contenir la répulsion qui l'assaillit. Ça puait la décomposition. Luke avait tué quelqu'un, ou il était mort, étouffé dans une bière, c'était la seule explication censée pour ces relents nauséabonds.

Tremblant contre elle, JJ l'a fit passer dans son dos, sans lâcher sa main;

— Papa ?

Les traits de son visage soudainement tendu, il poussa du bout de sa botte, le dégât qui trainait sur son chemin. Si Blake trouvait déjà que c'était le bordel à l'époque, là, on atteignait des sommets. Il y avait des déchets partout, absolument partout. Maintenant que JJ n'était plus présent pour ranger, c'était un véritable dépotoir.

Blake suivit lentement le garçon, jusqu'à tomber sur Luke, dans le salon. Comme la dernière fois, il dormait, ronflant et bavant, avachi sur le canapé. Une bouteille de whisky traînait près de lui.

Putain d'ivrogne.

Alors que JJ s'approchait de la carcasse de son paternel, elle resserra ses doigts autour des siens. Il n'était pas seul, elle était là.

— Papa, réitéra-t-il devant le canapé. Il m'faut les clés du Phantom. Papa ?

Aucune réponse. Luke semblait presque anesthésié, presque. Du coin de l'œil, Blake repéra une boîte orange sur la table, elle s'en saisit, reconnaissant sans mal le produit. De l'ambien. Sa mère en prenait souvent, c'était un somnifère, capable d'assommer une vache.

— Hé, regarde.

Fébrilement, elle tendit la boîte à JJ, qui serra les dents. Il reposa les yeux sur son père, chevrotant, et l'observa un moment. Blake n'intervint pas, se contentant d'exercer des petit roulement de son pouce, sur la peau du garçon.

Quelque chose le fit tiquer, et il se pencha sur son père, saisissant avec une précaution nerveuse, le collier qui disparaissait sous la chemise crasseuse de Luke. Merde. Au bout de celui-ci pendait les clés du bateau.

JJ se tourna vers la table, lâchant doucement la main de la blonde, pour s'emparer d'un crayon et d'une pince.

— C'est une idée de merde, grinça t-elle, comprenant ses intentions.

— Je sais, mais j'en vois pas d'autres.

Face aux tremblements du surfeur, qui ne cessait d'augmenter, alors qu'il considérait son père, Blake eut un élan fiévreux, elle ne pouvait pas voir ça. Repoussant JJ, elle lui vola ses accessoires, et s'inclina vers Luke.

— Qu'est-ce que tu-

— Chut, ordonna-t-elle. Laisse moi me concentrer.

Plissant les yeux, elle fit passer le crayon sous la chaîne, sans respirer. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, avec plus d'ardeur qu'un musicien au carnaval de Rio. La pince se rapprocha dangereusement des clés, elle ne voyait plus que cela, le reste était flou. Elle était prêt du but.

Brusquement, les paupières de Luke se soulevèrent, et ses yeux gris rencontrèrent ceux, rond comme des billes, de la jeune femme. Oh non.

Avant même qu'elle n'ait pu réagir, JJ l'écarta de son père, la tirant par le biceps derrière lui. En bougonnant, Luke se redressa, assis, le regard rivé sur son fils. Il était sacrément dans le coaltar.

— Je m'attendais pas à te voir, bafouilla-t-il. Te revoilà.

Bizarrement, il ne dégageait aucune animosité. Les médocs lui avaient très certainement filé un sacré coup. Ça, JJ ne pouvait pas le voir. Tout ce qu'il voyait, c'était la peur que cet homme lui inspirait.

— Ouais, euh, enfin je fais que passer.

D'instinct, il avait récupéré la main de Blake, qu'il broyait avec une force herculéenne, tout en la protégeant de son corps. Luke, lui, ne prêtant aucune attention à la jeune femme, avala une grande gorgée de bière. Comment son foie pouvait-il assimiler autant d'alcool ? Ça relevait du miracle.

— Tu n'as pas école ? S'étonna t-il en reposant sa bouteille.

— Quoi ? Déglutit JJ.

— Ou tu sèches ? C'est bon, tu peux me le dire.

JJ acquiesce, le crâne lourd;

— Ouais. Je fais une pause, tu vois.

Sa voix vibrante d'émotion percuta Blake. Elle referma sa seconde main, sur leurs doigts enlacés, tirant inconsciemment le blond en arrière. Il fallait qu'elle le protège.

— Je détestais aussi les cours, ricana Luke, un peu haletant. T'es bien mon fils.

Cette phrase roulait d'une manière affreuse sur sa langue. Blake voulait lui crier qu'ils n'avaient rien en commun. JJ était une l'incarnation de la lumière, c'était un soleil. Son père n'était qu'une coquille vide, vide de toute clarté, beauté, un trou sans fond.

Les lèvres du garçon se retroussèrent légèrement. Cette moue était douloureuse. Et sa douleur, Blake l'aspirait comme si elle était sienne.

— Approche.

Luke se leva gauchement, étourdi par les médicaments. La main libre de JJ se referma en un poing tremblant, prêt à l'envoyer sur son paternel, tandis que Blake reculait d'un pas.

Mais Luke ne frappa pas. Les yeux dans les yeux, il posa la main sur l'épaule de son fils, qui tressauta au geste, serrant la poitrine de Blake.

— Je sais que je suis un peu dur avec toi, admit Luke, enroué. Par moments.

Pinçant ses lèvres jusqu'à ce qu'elles deviennent blanches, baissant le regard, JJ hocha vigoureusement la tête. Il avait mal, tellement mal, c'était insupportable.

— Mais parfois, continua Luke. Je vois ta mère en toi, ça me fait un peu...Vriller, tu vois ?

Il souriait à pleine dents, comme si c'était la blague du siècle. Rien de tout cela n'était marrant, à part lui, personne ne s'amusait. Une pensée traversa fugacement l'esprit de Blake, et elle sentit un courant de tristesse l'envahir. Lorsqu'il souriait, JJ avait les mêmes fossettes que son père.

Cela dit, son sourire était nettement plus plaisant que le rictus tordu que leur décrochait Luke.

— T'es un bon p'tit gars. J't'aime fiston.

Non. Une larme, solitaire, ruissela sur la joue de JJ. Ses doigts s'enfoncèrent dans la peau de Blake, écrasant ses phalanges. Elle ressentit sa douleur, très fort, et éprouva seulement le désir de le serrer dans ses bras.

Mais elle ne put pas, c'est Luke qui s'en chargea. Un peu brute, il comprima le corps de JJ dans une étreinte crispée.

— Viens là, j't'aime.

Blake ne lâcha pas la main du blond. Doucement, JJ desserra ses doigts des siens, pour enlacer son père. Le bras de la jeune femme retomba contre elle, ballant. Cette scène était si triste, qu'elle faillit en tomber.

— Je t'aime aussi, papa.

JJ s'étrangla, brisant le cœur de Blake, qui s'assura que les morceaux de ce dernier ne s'étaient pas réellement échappés. Le regard de Luke s'attarda sur le corps de l'adolescente, à quelques centimètres d'eux.

Et tout un glissant, trop fragile, des bras de son fils jusqu'au canapé, il lâcha;

— C'est ta copine ? Elle est mignonne. Bravo fisto-

Sa phrase s'éteignit, dès qu'il toucha le moelleux des coussins. Il s'était rendormi. JJ renifla, les larmes abondés sur ses joues. D'un mouvement sec, il s'empara des clefs.

En faisant volte-face, il faillit rentrer dans le corps de Blake. Il l'a fixa. Ses grands yeux bleus, d'ordinaires pétillants, étaient ravagés par le chagrin.

Sans un mot, elle glissa ses doigts le long ses flancs, sous son t-shirt, se collant à lui. Elle resserra le plus possible, la pression de ses bras autour de lui, et elle l'entendit reprendre sa respiration. Il plongea le nez dans son cou.

— Kie nous attend, souffla t-il en s'écartant.

— Hé.

Prenant son visage en coupe, elle le força à l'affronter. Son regard était si profond qu'il la chamboula, la couvrant de chair de poule. Force était de constater, qu'elle était si éprise de lui, que toute sa douleur lui faisait mal.

Elle ouvrit la bouche. Elle avait furieusement envie de lui dire, là, tout de suite, les sentiments qui s'imposaient à elle, seulement rien ne vint. Aucun son. Sa gorge était nouée. Alors à défaut de mot, elle agit.

Agrippant son t-shirt, elle l'entraîna vers elle, et sa bouche s'empara de la sienne. JJ répondit immédiatement à son baiser, il ne pouvait pas faire autrement. Il l'embrassa fort, désespérément. Mais pas longtemps.

L'horloge tournait, et le temps était compté, pour John B, comme pour elle. Alors, à contrecœur, dans un gémissement plaintif qui lui retourna l'estomac, JJ la relâcha, le front contre le sien;

— Faut y aller.

— Je sais.

Avec difficulté, ils s'éloignèrent, gardant tout de même leur main entrelacés, avant de partir de cet endroit, pour, ils espéraient, ne plus jamais y revenir.

❃❃❃❃

La lourde porte du hangar s'ouvrit dans un brouhaha agaçant, qui fit grincer des dents la blonde. L'endroit était spacieux, haut, et bourré d'étagères pleines d'outils, dont Blake avait beaucoup de mal à saisir l'utilité.

Au centre trônait, conquérant, un large bateau blanc, perché sur des roues. Il n'était pas de première jeunesse, mais du peu de connaissance qu'elle avait sur les engins nautiques, il ferait l'affaire.

— Le voilà, sourit JJ en effleurant la coque. Salut, beauté.

— Il en jette, s'exclama Oliver.

Ses yeux pétillaient, son visage, fermé depuis le départ de Pope, se fendit d'un immense sourire. JJ sembla ravi de l'intérêt du métisse pour son joujou;

— Mon cher Oli, tu as sous les yeux un Formula quatre-cent-deux, de mille-neuf-cent-quatre-vingt-trois.

Il prit une pause dramatique, en retirant d'un geste théâtrale, le large tissu censé protéger la peinture;

— Le Phantom.

Oliver contempla le bateau, ébahi. JJ, tout sourire, pivota vers les filles, attendant une réaction. Kiara haussa les épaules, et Blake ne regardait même pas, elle pestait sur ses lacets défaits. Avec une moue déçue, le blond fit de nouveau face à Oliver, le seul qui semblait l'écouter.

— C'est le premier bateau à rejoindre les Bermudes en moins de seize heures, les gars. Il a quarante ans ! Vous imaginez ? C'est toujours le plus rapide de Kildare.

— Ça tue, s'exclama Oliver en le frôlant du bout des doigts. Pas vrai les filles ?

Elles échangèrent un regard dubitatif;

— Ouais, acquiesça Blake en se penchant pour refaire son lacet. En gros, c'est une relique.

Un halètement outré lui répondit. Les deux mâles semblaient profondément choqués de sa remarque, et secouaient vigoureusement la tête, scandalisés. Elle arqua un sourcil, en finissant sa boucle;

— Quoi ? Me regardez pas comme ça. Je constate.

— Sérieux Bex, s'offensa JJ. Il est juste là, il entend tout.

— L'écoute pas, fit Oliver en s'adressant au Phantom, avec un air désolé. Elle est aigrie depuis la naissance.

Il jeta un méchant coup d'œil à sa meilleure amie, qui leva les bras en l'air.

— C'est bon ! J'ai compris. Les bateaux c'est comme vos teubes, faut pas parler de leur taille, ni de leur état, sinon vous vous vexez.

Kiara émit un éclat de rire, une main devant la bouche. JJ eut du mal à retenir un sourire goguenard;

— T'as saisi le concept.

Blake lui rendit son sourire, amusée.

— De toute façon, conclut Kie. Le plus important c'est qu'il avance.

— Oh, il avance, affirma JJ en s'activant. Il est plus rapide que la police.

Un vrombissement se fit soudain entendre à l'extérieur du hangar. Un moteur. Avec une espèce de soulagement, Kiara fit le tour du bateau, tandis qu'Oliver rejoignait JJ, pour lui prêter main forte;

— Pope, sourit Kie. Enfin.

Elle trottina un peu pour rejoindre son ami. Blake lorgna sur son dos, alors que la métisse pilait net. Une silhouette se découpa lentement devant elle.

— Salut. Ça se passe ?

Ça, ce n'était pas Pope. Les traits du visage tendus, passant une main nerveuse dans ses mèches grasses, Rafe fit son entrée. Sa seule présence, déclencha chez Blake un tourbillon d'angoisse, qui s'infiltra dans ses pores, la clouant sur place.

Kiara, elle, ne resta pas immobile. Elle reculait, au fur et à mesure qu'il avançait. Les garçons s'étaient raidis instantanément.

— JJ, fit le brun, couvert de sueur. Comment ça va ?

D'un mouvement habile, il grimpa sur le bateau. Quelque chose dans son attitude, elle n'aurait su dire quoi, fit tiquer Blake. Putain. Rafe était sous substances. Comme s'ils n'avaient pas assez de galères.

Un sifflement aigu, près de son oreille, lui fit reprendre ses esprits. Elle sursauta, et fit une brusque volte-face, pour se retrouver nez à nez avec Barry. Le dealer du dimanche, qui l'avait déjà menacé avec un fusil à pompe. Il lui sourit, dévoilant ses dents cassés;

— Eh bien qui voilà.

Croisant ses bras sur sa poitrine, Blake ne se laissa pas impressionner. Offrant son air le plus méprisant, elle le toisa, un fin rictus aux lèvres;

— Inspecteur Gadget ?

JJ dû se mordre l'intérieur de la joue, pour ne pas pouffer. Le stress rendait Blake beaucoup trop jouette. Enfin, ça dura, jusqu'à ce que le garçon —qui soit n'avait pas la ref, soit n'avait pas d'humour— ne pointe un flingue sur sa poitrine.

— Vous croyez que j'allais oublier notre rencontre sur la route ?

— C'est un peu ce que j'espérais, avoua Blake, en faisant un pas en arrière. Vu que t'as dû oublier tes rendez-vous chez le dentiste depuis le CE2, j'me suis dis que t'avais pas une bonne mémoire.

Il ricana amèrement, avant de se fermer complètement, chargeant le pistolet dans un cliquetis inquiétant. Blake se maudit, elle, et ses ancêtres. L'insolence à ce point, ça devait être génétique.

Barry coula un petit regard derrière l'épaule de la blonde, et s'assombrit. A sa plus grande surprise, il dévia la trajectoire du canon, le pointant à sa droite. Ça aurait pu être une bonne nouvelle, si JJ ne se tenait pas, pile à cet emplacement.

D'instinct, le surfeur mit les mains en l'air. Barry avança vers lui, crachant à quelques maigres centimètres de son visage;

— Je suis là, parce que je veux mon putain de fric !

Blake s'écarquilla, son pouls s'accéléra, et une pulsion brute d'adrénaline éclata dans ses veines, à l'instant où le brun fondit sur JJ, l'entrainant au sol. Tout se passa très vite.

— JJ ! Scanda t-elle.

Elle tenta de foncer vers lui, pour stopper Barry mais deux bras puissants s'emparèrent d'elle, la soulevant de terre. Griffant, frappant, mordant, Blake était déchaînée. Surtout qu'elle savait parfaitement qui lui entravait le corps. Rafe. Le picotement dans sa nuque pouvait en attester.

— Lâche moi sale con ! JJ !

Ses iris noisettes étaient rivés au blond, qui se faisait toujours hurler dessus, maintenu à terre. Mais, c'est lorsque dans un coup de sang, Barry lui asséna un coup de pied dans l'estomac, qu'elle devint folle. Se tortillant dans tous les sens, elle finit par se dégager de l'emprise de Rafe.

— J'vais te défoncer Cameron !

Esquivant la gifle qu'elle envoya sur lui, il maintint son poignet dans sa paume, fermement et délicatement à la fois. Étrangement, une fois posé sur elle, son regard n'avait plus l'air aussi fou.

— Bex, geignit-il C'est pas vous qu'on cherche. Où est John B ?

— Loin de toi, espèce de taré !

De l'autre main, elle lui décocha une nouvelle gifle, celle-ci atteignit sa cible dans un clac magistral. Rafe vacilla sur ses appuis. Un gémissement de douleur chemina jusqu'à ses oreilles, immédiatement, elle se tourna vers JJ.

Une main sur le ventre, la poitrine lourde, il suffoquait un peu. Il l'avait pas loupé. Kiara, qui avait tenté de le rejoindre, était maintenu en joue par le flingue de Barry. Elle n'eut pas le temps de voir Oliver;

— T'aurais pas dû faire ça, chuchota une voix grave.

Elle se détourna. Rafe avait de nouveau ses yeux, un peu délirant, et secouait vigoureusement le crâne. Blake n'aurait su comment expliquer cette sensation, mais elle le sentait tourmenté, en proie à un combat intérieur. Et l'objet de ce duel ? Elle.

Malheureusement, elle s'en fichait bien. JJ gémissait, à quelques pas d'elle, c'était lui, sa priorité.

— Et tu vas faire quoi Rafe ? Demanda t-elle, froide, le regard teinté de répulsion. Me buter ? Comme t'as buté Peterkin ?

Rafe eut un mouvement de recul. Il ne s'attendait visiblement pas à ce qu'elle le dise tout haut. Mais, c'était vrai. C'était lui. Il avait sortit son flingue, et transpercé l'épaule du shérif, et toute cette merde, dans laquelle les pogues se trouvaient, c'était sa faute.

Sans qu'elle ne le voit venir, la main rugueuse du brun lui enserra la gorge, l'étouffant. Sa chevalière lui rentrait dans la peau, malgré tout, elle s'efforça de ne pas ciller. Il l'approcha de lui, près, trop près;

— Ne dis plus jamais ça.

Derrière eux, de méchant bruit de coups éclataient. JJ. La seule chose à laquelle elle pensait, c'était JJ. Alors que Rafe n'était plus qu'à quelques centimètres de ses lèvres, et qu'elle sentait son souffle balayer sa joue, elle lui cracha, littéralement, dessus. Il s'écarta immédiatement, écœuré.

— Va te faire foutre.

Essuyant son visage, Rafe partit d'un rire sans joie. Ça y est, elle avait poussé trop loin. Il fit un pas dans sa direction, menaçant, et alors qu'elle s'apprêtait à riposter en cas d'attaque, une masse lui chargea dessus, dans un rugissement qui n'avait rien d'humain.

— La touche pas !

Putain.

— Oli, murmura Blake, tremblante.

Mais sa voix se perdit dans le vent. Ce n'était plus Oliver, elle le savait, du moins pas complètement lui.

Les narines dilatés, les yeux injectés de sang, il enchaînait les coups, à califourchon sur Rafe. Ses phalanges écrasaient les gencives du brun avec puissance. Il n'avait même pas le temps de se défendre, et Oliver ne lui en laisserait pas. Il ne s'arrêterait pas.

Comme Rafe essayait, poussé par la terreur, de se débattre, Oliver planta son poing dans son nez. Un craquement gerbant tonna dans le hangar. Bon, son nez était cassé.

— Hé !

Barry, qui s'était figé face à la violence de la scène, se reprit, fébrile, et voulu sortir son flingue. C'était sans compter sur l'arrivée inespérée de Pope, qui le plaqua au sol, avec la force d'un taureau. L'arme finit au sol, glissant jusqu'aux converses de Blake, qui s'en empara lentement.

JJ, lui, s'était relevé, et aidait Pope, rendant la monnaie de sa pièce au dealer. Qui s'écroula sous les coups.

Ça fusait de partout. Impact, cri. Impact, cri. Encore et encore. Mais certains étaient plus inquiétants que d'autres...

— Oli ! Gémit Kie, suppliante. Oli, arrête !

Avec une intensité effroyable, Oliver détruisait le visage de Rafe, les muscles bandaient à l'extrême. Il poussa un grognement. C'était une bête.

— Oli ! S'écria JJ. Ça suffit.

Mais non. Rien ne suffisait. Rien ne suffirait jamais. Les voix de ses amis lui parvenaient, des cri, lointains. Sa vision était trouble, un masque rouge la couvrait. C'était comme un viseur, il ne voyait rien d'autre que Rafe.

Rafe qui avait tué Peterkin. Rafe sans qui Adam ne serait pas mort. Il. Voulait. Le. Bousiller.

Enroulant ses paumes autour de la gorge de sa victime, pesant de tout son poids sur sa prise, il le sentait s'étouffer, les yeux embués, juste là sous ses doigts. Mais ce ne serait jamais assez. On le poussa, mais rien. Il ne lâchera pas, jamais, tant que ce ne sera pas fini.

Le sang de Rafe lui poissait les mains, mais il refusait d'en finir. Les yeux du garçon roulèrent, tandis qu'il essayait, du mieux qu'il pouvait, de respirer. Il avait peur, et c'était une émotion avec laquelle Oliver voulait le voir succomber. La peur. Celle du shérif, celle d'Adam, celle de Blake. Celle de tous ses gens, à qui il avait fait du mal.

— Oliver !

Sa bulle explosa, lorsque son visage fut pris en coupe, et détourné de son objectif. Il rencontra le regard charbonneux de Pope, qui se tenait juste à côté de lui, accroupi.

— Lâche-le, demanda-t-il de la voix la plus douce. Il n'en vaut pas la peine.

Et il le fit. Lentement, il écarta ses paumes de Rafe, qui prit une grande inspiration, en toussant du sang. Oliver battit des cils.

Tout revint petit à petit. Les bruits, la vue, le monde autour de lui semblait de nouveau accessible. Le rideau vermeil se tira, et il put se détacher du corps de Rafe. Tremblant de tout son corps, il se releva, avec l'aide de Pope, qui lui pressait l'épaule.

Médusé, il observa Rafe, qui se tordait de douleur sur le sol. Oliver haleta, parcouru de spasmes, en s'éloignant le plus possible du garçon. Les pupilles accrochées à sa victime, il ne s'arrêta que lorsqu'il buta dans un corps.

Avec un sursaut tremblant, il se retourna. Blake était là. Le flingue de Barry pendait au bout de ses doigts. Elle le lâcha, et amena d'autorité le garçon contre elle. Il plongea le nez dans son cou, des larmes chaudes ravagèrent son visage, tombant, goutte par goutte, contre la poitrine de Blake.

— Tout va bien Oli, c'est fini.

— Je suis désolé.

— Je sais.

— Les gars, s'exclama Kie, paniquée. Faut qu'on bouge !

Elle était affolée, et empressée. A raison, le temps s'écoulait, et même s'ils n'étaient pas en mesure de faire le moindre mouvement, Barry et Rafe étaient toujours là.

A regret, Blake se détacha d'Oliver, nouant sa main autour de son biceps. Elle l'entraîna derrière elle, tandis que Pope se penchait sur Rafe, bouillonnant de colère;

— T'approches pas du Cut.

Il le savait, cet avertissement serait le dernier.

❃❃❃❃

Le soleil se couchait. C'était une bonne nouvelle, excepté qu'il n'y avait toujours aucun signe de John B. Les pogues s'impatientaient, en chargeant le bateau, quand un gyrophare les fit tous s'alarmer.

— JJ ! Piailla Kie.

— Montez sur le bateau. Détachez-le.

Une voiture de police, d'un bleu tapant, se parka juste devant eux. Pas le temps de grimper. La porte s'ouvrait déjà.

Mais, à l'étonnement général, ce n'est pas Shoupe —ou un autre adjoint bancal— qui en sortit, mais John B. Transpirant, la mine défaite, mais en vie.

— C'est pas possible, souffla JJ en souriant. Sérieux, c'est une blague ?

— Elle défonce ta nouvelle caisse cowboy, rit Blake en le rejoignant.

Dès qu'il l'aperçut, le brun eut un large sourire. Tous deux éprouvaient un profond soulagement.

— Shoupe me l'a prêté, s'expliqua t-il narquois, en arrivant à sa hauteur.

— C'est ça. Viens là abruti.

Le câlin qui s'ensuivit, fut rejoint par tout le groupe, beaucoup trop heureux que leur leader ne soit pas mort. Ce qui aurait été terriblement fâcheux. La chaleur qu'ils dégageaient se répandit jusqu'aux entrailles de John B. Ses amis lui avaient vraiment manqué.

— Bon ça a pas été facile, se rengorgea JJ. Mais j'ai le Phantom, il bombarde comme au premier jour.

Il jeta les clefs sur son meilleur ami, qui les réceptionna aisément.

— Prêt à partir ?

Le garçon se craqua la nuque dans tous les sens, perturbé par un détail;

— Où est Sarah ?

— Je croyais qu'elle était avec toi, s'agita Blake.

— On a été séparées. Elle devait me retrouver ici.

— On l'a pas vue, se justifia Pope face à l'inquiétude de son ami.

John B, l'ai revêche, haussa les épaules;

— C'est mort je pars pas sans elle.

— Hé ! Regarde moi.

JJ s'inclina vers lui, l'œil déterminé, lui attrapant les épaules;

— Je sais que c'est dur, mais on a pas le temps mec. T'as de l'essence, et à manger. Tu fais le tour de la pointe, puis tout droit jusqu'au grand marais. Une fois là-bas-

Il se stoppa, pour inonder Blake d'un regard insondable;

— Vous vous faites oublier.

Il revint sur John B, qui lui s'attardait sur Blake, un sourcil haussé.

— Attendez quelques semaines puis passez par la terre ferme, et traversez la frontière à Brownsville. Brownsville !

JJ plaqua une main sur la joue de son ami, pour le reconcentrer sur lui;

— Hé ! C'est compris ?

— Oui, Brownsville.

— Ok, fit le blond en leur montrant le chemin vers le bateau. En selle, les cowboys des mers.

Mécaniquement, John B monta sur le bateau. Blake eut un vertige. C'était le moment. Elle l'avait repoussé, dans son esprit, jusqu'à la fin, mais elle ne pouvait plus faire machine arrière.

Et ça devint davantage sa réalité, quand Oliver la prit dans ses bras, les larmes aux yeux, encore déboussolé par sa rage d'antan;

— Tu fais gaffe à toi, pas de coup foireux.

— Tu t'occuperas de Sien' et Bodhi, hein ?

— Ouais, bien sûr. Surtout t'écoutes pas l'autre crétin, t'as raison, ses plans sont merdique.

Elle ricana dans son cou, reniflant un peu. Merde, elle pleurait. Il resserra son étreinte, en lui embrassant la tempe.

— A plus clocharde.

— A plus tocard.

Péniblement, il la laissa rejoindre le ponton. C'était un véritable déchirement. Depuis dix ans —mise à part les fois où elle se rendait chez son père— ils ne s'étaient pas quittés d'une semelle. Encore moins pour une durée indéterminée.

Les pogues attendaient devant le bateau, faisant leurs adieux à John B. La scène était émouvante, chacun contenait ses larmes, du mieux qu'ils le pouvaient. Kiara sauta sur le ponton, après une accolade avec son meilleur ami, et s'arrêta juste sous le nez de Blake.

— Je-

Elle hésita un peu avant de sourire à la blonde;

— Prend soin de toi Bex.

— Toi aussi Kie.

C'était amplement suffisant. Se détournant de la métisse, Blake reçu un long câlin, un poil crispé, de Pope;

— Tu reviens, hein ?

— On se débarrasse pas des mauvaises herbes aussi facilement Popi.

Il pouffa, en hochant la tête, puis tourna les talons, et Blake fit face au plus dur. JJ. Les mains dans les poches de son short, il se pinçait les lèvres, ce qui n'empêcha pas la jeune femme de voir le filme transparent qui couvrait ses yeux.

Prise d'une pulsion, Blake se jeta sur lui. Il la réceptionna sans problème, l'enserra avec une force capable de lui briser les os. Il aurait voulu que leurs peaux se mêlent, pour qu'elle reste avec lui, pour toujours. Mais c'était impossible.

— T'as un mot à dire, murmura-t-elle à son oreille. Et je reste.

Il prit un moment pour répondre, le nez dans son cou.

— Non, faut que tu partes.

C'était les mots les plus durs qu'il n'avait pas eu à prononcer. Ils lui tranchaient la gorge, comme les lames d'un rasoir. Ils pouvaient laisser tous les autres, mais pas eux. C'était un sentiment effroyable qui leur lacérait les tripes.

L'un sans l'autre, ce n'était plus possible. C'était à la fois un don, et une malédiction, de ressentir si intensément. Et Blake connaissait maintenant l'ampleur de ses sentiments. Elle l'avait nié, rejeté, moqué, mais Oliver avait raison. "Si tu te poses la question, c'est que tu l'aimes pas".

Elle ne se posait pas la question. Là, dans ses bras, c'était l'évidence même. Elle était tombée, au sens propre comme littéral, amoureuse de ce putain de surfeur. Pour ce qu'il était à l'intérieur. L'amour rend aveugle, pourtant elle l'avait toujours vu, lui.

Il en était le parfait exemple. Aimer l'âme de quelqu'un avant son corps. Il était beau bien sûr, mais elle n'était réellement tombée amoureuse de lui que lorsqu'elle s'était retrouvée à mémoriser le tintement de son rire cassé, à connaître la profondeur de son regard, chacun de ses tics lors des moments de stress. Leurs âmes étaient éméchées, mais les bouts cassés s'emboitaient, comme un puzzle.

Seulement, elle n'arrivait pas à le dire. Alors elle lui glissa, tout bas, la seule chose sincère qui lui vint à l'esprit;

— Tu me fais sentir plus chez moi, que n'importe quel endroit où j'ai pu aller.

JJ la pressa fort contre lui. Il retenait ses larmes.

— Toi et moi, c'est pour toujours.

Cette phrase envoya des décharges, dans tout le corps de Blake, repliant ses orteils dans ses converses.

— Ce truc entre nous, ce sera encore là, la prochaine fois.

— Ouais ?

Faisait glisser son nez, de sa nuque à son visage, il posa son front contre le sien;

— Ouais.

Ils scellèrent cette promesse, avec leurs lèvres. Trop d'émotions passèrent dans ce baiser. Passion, tendresse, désespoir. Il la serra fort contre lui, et ils se séparèrent. Ça faisait physiquement mal.

Sans un regard en arrière, de peur de craquer, Blake grimpa sur le bateau, rejoignant John B qui passa un bras sur ses épaules, les yeux embués.

— Filez, et on se voit dans deux mois au Mexique, affirma Pope.

— Allez tirez-vous, sanglota Kie.

— On vous aime.

Les mots des pogues serrèrent le cœur de Blake, qui s'efforça de ne pas se laisser aller. Il y avait eu assez d'eau comme ça.

Lorsque le bateau s'élança dans le marais, elle se laissa tomber dans la cabine, près de John B. Celui-ci, une larme roulant sur sa joue, la couva d'un regard intrigué;

— Pourquoi t'es venu Bex ?

Elle n'avait vraiment pas envie de parler de ça. Elle tripota ses bracelets.

— Entre autres, j'ai promis à un crétin de pogue, que je serais toujours là pour lui.

Il sourit. Cette promesse, elle l'avait aussi faite à JJ, et l'idée de ne pas pouvoir tenir son serment lui foutait la gerbe.

Alors qu'ils avalaient les vagues, le tonnerre grondait au-dessus d'eux. C'était assez poétique. Elle était arrivée avec une tempête, elle repartait avec la tempête. C'est comme si elles se déclenchaient, spécialement pour elle.

— John B !

Blake, qui s'était avachi sur son sac à dos, se redressa. Elle n'avait pas parlé, et elle connaissait ce timbre aux accents de Caroline du Nord. Sarah.

Tandis que la météo déblatérait les dernières infos depuis la radio —Blake s'était étonnée un moment qu'elle fonctionne— les deux amis, échangèrent un coup d'œil troublé et rassuré, en même temps.

Sur le ponton, droit devant eux, la silhouette de Sarah faisait le sprint de son existence;

— Attendez moi !

— Vas-y, ordonna Blake, debout. Fonce !

Ils ralentirent près du ponton, et Blake aida son amie à monter, soulagée;

— T'étais où espèce de mongole ?

— Désolée, j'ai eu un contre-temps.

Elle alla embrasser son copain, et ils se chuchotaient deux, trois mots, sous l'œil réprobateur de Blake. Alors ça allait être ça, sa vie ? Tenir la chandelle pour des ados en chaleur ? Dès que John B remit les voiles, elle s'étala au sol, en maudissant l'univers, qui lui répondit par un violent éclair.

❃❃❃❃

L'orage s'intensifiait, et le vent mordait la peau des trois amis. Ils attendaient le bon moment, arrêtés pas loin du poste de surveillance de la police. Ils ne les avaient pas repérés, et avaient envoyé une unité à l'opposé de leur emplacement.

Blake aurait dû être stressé, mais non. Elle avait épuisé les batteries. Confortablement installée, la nuque sur son sac, elle écoutait du rap, assez fort pour couvrir le tonnerre, et les niaiseries du couple.

Ça dura, jusqu'à qu'une vive lumière ne lui éblouisse la rétine. Le phare venait de s'allumer. Elle arracha ses écouteurs, et rencontra les visages paniqués de John b et Sarah, qui tentait de lancer le Phantom;

— Je croyais que l'électricité était coupée !

— Ouais, bah plus maintenant. Blake, va au moteur, il démarre pas !

— Okay.

Sur la plaine, l'agitation était à son maximum. S'ils avaient fait tout ça pour rien, elle allait tuer quelqu'un. Appuyant de toute ses forces sur la petite boule —elle n'arrivait pas à remettre la main sur le nom— elle lança derrière son épaule;

— C'est bon, vas-y !

Le moteur démarra dans un brouhaha. Blake poussa un soupir. Il allait falloir qu'elle remercie Oliver pour ses cours de mécanique bancal. Ils n'étaient pas si inutiles finalement.

John B fonça sur l'eau. Derrière eux, deux bateaux de police leur flanquaient le train. Pour ne rien arranger, une pluie dense commençait à s'abattre. D'autres bateaux arrivaient d'en face. Ils étaient cernés.

— Accrochez-vous ! Cria John B.

D'une brusque manœuvre du volant, il opéra un virage monstrueux, qui fit chuter Blake qui s'écrasa contre la poupe. Au moins, ça avait fonctionné. Ils fonçaient toujours sur eux, mais ils avaient une voie libre.

— Faut aller au sud !

— Dans la tempête ? S'époumona Sarah.

— Oui, en plein dedans !

Laborieusement, à cause de la vitesse et de la pluie, Blake se remit sur ses pieds, et s'accrocha aux épaules de son ami;

— Si on meurt, je vais passer le reste de notre vie dans l'au-delà à te rappeler que tout ça, c'était ta faute !

— C'est cool, répondit-il avec un petit sourire. Ça me dérangerait pas d'avoir de la compagnie quand je serais un fantôme.

Ils mangeaient les vagues, à chaque secousse, l'estomac de Blake devenait de moins en moins son ami. Elle n'allait pas vomir, elle n'avait rien avalé. Mais ça, son corps semblait s'en foutre complètement.

Ils se faisaient sacrément remués dans le Phantom. Ce tacot n'était pas fait pour ce genre d'atmosphère. Peu importe les discours de JJ sur ce bolide, il était vieux. A chaque vague, la moitié de celle-ci entrait dans le bateau, trempant les amis jusqu'à l'os.

A l'instant même où Blake se disait que ça pourrait difficilement être pire, la radio grésilla;

— John B ?

— Oh putain, grimaça t-elle.

L'univers aimait juste lui prouver qu'elle avait tort, n'est-ce pas ? La voix de Ward poursuivit;

— John B, je sais que tu m'entends gamin.

Éclaboussée par une nouvelle vague, Sarah se raccrocha à Blake, qui ne desserra pas les dents.

— Si tu aimes ma fille, et je pense que c'est le cas, fais demi-tour et reviens au port. Vous ne survivrez pas à cette tempête.

Comme pour appuyer ses propos, une secousse plus violente, obligea Blake à se tenir aux barres du cockpit.

— John B, je vais tout arranger. Je te le promets. Reviens.

Arranger ? Blake poussa un râle. Il comptait faire quoi ? Ramener leurs pères à la vie ? Impossible. Il ne pourrait rien arranger, jamais.

— Non, s'exclama Sarah, agrippée au t-shirt de Blake. L'écoute pas, c'est un menteur.

Une houle se rabattit sur le bateau. Il tangua dangereusement. De plus, cette fois, les gouttes s'envoyaient avec tant de vitesse, qu'elle faisait mal. Le Phantom avait de plus en plus de mal à tenir le choc.

— Pense à elle, continua miraculeusement le grésillement. Fais demi-tour.

John B jeta un long regard aux filles, qui s'ébrouaient en grelottant, avant de récupérer sa radio, la portant à ses lèvres trempées;

— Ward Cameron, vous m'entendez ?

Déboussolée, Blake et Sarah le jaugèrent anxieusement. Qu'est-ce qu'il fichait ?

— Oui fiston, je suis là. Ramène-la, okay ? On arrangera tout à votre retour.

Fiston. Blake lui aurait arraché les tripes s'il était face à elle. John B était du même avis;

— Vous avez tué mon père !

Sa voix vibrait sous le coup de l'émotion.

— Et vous m'avez accusé de meurtres que je n'ai pas commis.

C'était affreux, et injuste. Tellement injuste. Il tremblait, et ce n'était pas à cause de la pluie, ni du vent.

— Vous m'avez tout pris !

Sarah se colla à lui, dans une tentative de réconfort. Blake était ravagée par la haine. A elle aussi, les Cameron avait tout pris. Son frère, son père, et même sa liberté.

— Même si vous m'avez tout pris, je suis toujours là.

Il se calmait peu à peu. Sa voix devenait plus rauque, plus sûre;

— Et je jure devant Dieu Ward, que je reviendrai, et je reprendrai ce qui m'appartient.C'est vous qui m'écoutez, d'accord ?

Il prit une grande inspiration, et lâcha, plus froid qu'un iceberg;

— Je vous laisserai pas, vous en tirer.

Sur ce, il reposa la radio d'un geste énervé. Face aux yeux inquisiteurs des filles, il haussa une épaule;

— Plutôt mourir que d'aller en prison.

— Moi, répliqua Sarah. Je préfère mourir que de te perdre.

Ils se dévisagèrent, quelques secondes, avant de s'embrasser amoureusement. John B lâcha un instant le volant, et le Phantom fit une embardée. Heureusement, Blake récupéra le contrôle.

— Vous pouvez pas attendre pour faire ça ? Pesta-t-elle en redressant. J'ai la gerbe. Et cette fois, c'est pas a cause du bateau. Bande d'obséd-

Sa phrase fut coupée, par une immense vague, qui projeta la proue en arrière, et le Phantom avec.

— Accrochez-vous ! Scanda John B.

— Non, jure ? Ont n'y aurait pas pensé seules, merci !

— Blake !

— Désolée, j'ai peur.

Et elle avait des raisons. Une nouvelle vague s'approcha, plus violente que les autres. Blake s'agrippa à ce qu'elle pouvait, alors que Sarah s'entortillait sur John B comme une anguille. Ils allaient bientôt les rejoindre, d'ailleurs, les anguilles.

Cette vague ne passerait pas. Ils le sentaient tous.

Lorsqu'elle arriva, Blake boucha son nez, entre son pouce et son index, fermant les paupières pour se préparer à l'impact.

Mais rien ne préparait à ça. Le bateau se redressa brutalement, complètement droit. Blake avait les jambes dans le vide, uniquement retenu par sa prise sur les barreaux du cockpit, qui se faisait difficile, avec ses doigts mouillés. Elle n'eut pas le temps de se dire que sa main allait glisser.

Le Phantom partit en arrière. Il s'écrasa sur les vagues. Blake fut forcée de lâcher sa prise. Elle fut balayée par la vague, prit violemment le toit du cockpit sur le crâne, et se fit engloutir par l'eau salée.

Elle eut tout juste l'énergie, pour un dernier cri;

— John B !

- Gigi

C'EST LA FIN DE LA PARTIE 1, NE VOUS INQUIÉTEZ PAS, GOLDEN REVIENT BIENTÔT...

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