𝟑𝟖. fuck the cameron's
— COMMENT CA SE PASSE ? Demandait Pope, un peu anxieux.
Kiara, perchée sur le bidon de fer, accrochée à une branche solide, testait l'élévateur en tirant un peu sur le fil rigide.
— Ça a l'air bien.
Pope acquiesçait, concentré.
— Je te descends.
De l'autre côté du grand arbre, jouant d'une main avec un flamant rose gonflable, les jambes croisées, les pieds nus dans le jacuzzi, Oliver les jugeaient.
— Imagine qu'elle tombe, d'un coup, bam !
Lançant le pauvre flamant au loin, il jeta un coup d'œil railleur à sa meilleure amie, qui buvait distraitement sa bière, assise sur une branche —qu'elle avait à contre cœur fait l'effort de monter, car il n'arrêtait pas de lui envoyer de l'eau à la figure.
— Tu penses qu'elle aura plus, continuait-il, son rictus s'élargissant. Ou moins mal au cul que toi Bex ?
Elle s'en étouffait. Les bulles de l'alcool coincées dans sa gorge, elle toussait bruyamment, manquant de tomber. JJ, à la droite du métisse, pataugeant également dans son jacuzzi, lui administra une calotte.
La ganache souriante, Oliver leva les bras devant lui, pour parer les coups de son ami.
— Quoi ? Ricanait-il. C'est une question comme une autre.
— T'es un gros crétin ! S'écriait Kie, une fois au sol.
Le garçon lui envoyait un sourire, tout dent dehors, très fier de lui. Cependant, il perdit son air jouette lorsqu'il esquivait de peu, une bouteille volante, qui alla s'écraser sur l'herbe sèche, juste sous ses fesses.
Ahuri, son regard bifurquait du missile —dont il avait suivi la trajectoire— à sa meilleure amie, qui, ayant sauté de son perchoir, se frottait les mains, les iris assombris.
— Oliver Flynn Abrams ! Scandait-elle, avec le ton grave d'une mère.
Déglutissant péniblement, il se rapprochait de JJ, secouant son bras des deux mains.
— Aide-moi, suppliait-il. T'es un peu mon frère maintenant, tu dois me sauver, code de bro.
Le blond hésitait, entre la détresse de son ami, et la furie de sa "copine". Finalement, il pinçait les lèvres, et secouant la tête, il décrochait la main d'Oliver —aussi fermement empêtré qu'une liane— de son biceps, doigts par doigts.
— Désolé Oli, dit-il pas du tout sincère. Mais je couche avec.
Le métisse fit la moue, Pope qui épiait discrètement leur conversation, éclatait de rire, baissant la tête. Tout en battant exagérément des cils, Oliver se mit à minauder.
— Et alors ? S'exclamait-il outragé. Si tu me protèges, tu peux aussi coucher avec moi, j'peux même devenir ta pu-
Sa voix s'éteignit, sa phrase mourant dans sa gorge. Tous, surpris, suivirent son regard écarquillé qui fixait quelque chose, derrière Blake. En faisant volte-face, celle-ci comprit le problème.
Débarquant comme une fleur, avec plusieurs heures de retard, John B marchait d'un pas déterminé vers sa maison, la mine sombre. Blake fronçait les sourcils, créant une méchante barre au-dessus de son nez. Quelque chose n'allait pas. Dans sa posture, son expression, et sa démarche. Elle s'approchait, sentant la tension dans les muscles de son "cousin".
— Mec ! L'appelait JJ, enthousiaste, trop loin pour remarquer quoi que ce soit. J'ai monté le treuil pour récupérer l'or et tout.
— Non, s'empressait de riposter Pope. C'est moi.
John B les ignoraient, grimpant les marches de son perron, quatre par quatre, les poings fermés. Interloqué, JJ cherchait les yeux de Blake, mais elle emboitait déjà le pas au brun, préoccupée par son attitude.
A l'intérieur, dans le salon, John B s'acharnait sur une commode. Ses gestes étaient agités, presque paniqués.
— Hé, l'interpellait-elle. Il se passe quoi ?
Sans lui répondre, il continuait son manège. Dans son dos, Blake entendit ses amis la rejoindre, tout aussi paumés qu'elle. Pope, dans sa grande bonté, s'avançait vers John B, sans le toucher, de peur qu'il ne se rebiffe.
— Ça va ? Qu'est-ce qui a ?
— Tu cherches quoi ? Demanda Kie, dans le but de l'aider.
Claquant les portes des placards comme un aliéné, le brun ne les percevait même pas. Sa chemise était à moitié débraillé, et en plissant les yeux, Blake remarquait des marques foncées qui s'étendaient sur la partie visible de son torse. Putain. Elle avait eu son compte de bleus la vieille avec JJ.
Et elle n'avait plus de patience à accorder.
Donc, lorsque John B, dans ses mouvements pressés, la frôlait pour atteindre le canapé, elle lui chopait l'avant-bras. Mais, avec une brutalité qui ne lui ressemblait pas, il la repoussait au loin, dégageant son membre, continuant ses fouilles.
Blake chancelait un peu, trébuchant à moitié sur ses pieds. Heureusement, une main sur son épaule lui rendit son équilibre. Elle offrit un petit rictus à sa sauveuse.
— Merci Kie.
La jeune femme frottait une seconde sa peau de son pouce, puis la relâchait.
Furibondes, autant l'une que l'autre, elles s'apprêtaient à engueuler le garçon, quand elles le virent sortir un pistolet de sous un coussin rayé.
Le cœur de Blake fit un bond, et cette fois, plus rapide qu'elle, c'est JJ qui stoppait son meilleur ami. Avançant vers le brun, qui semblait définitivement en transe, il essayait, vaille que vaille, de le raisonner.
— Pourquoi tu veux le flingue ?
N'écoutant que sa colère, John B tentait de passer le barrage du corps de JJ, le flingue à la main, pointé vers le ciel. Tout aussi borné que lui, le blond l'attrapant par les épaules, enfonçait ses pieds dans le parquet pour maintenir le garçon en place.
— Parle-nous ! Plaidait-il.
Dans un élan de haine, John se défit de son ami en le repoussant violemment contre le canapé. Celui-ci avait été par miracle laissé en mode lit —Kiara et Oliver ayant la flemme—autrement, JJ se serait étalé sur le bois.
— John B ! S'exaspérait Kiara. Calme toi !
Les contournant, elle et Blake, il fonçait vers la porte, des idées meurtrières plein la tête. Avec un signe de tête, Pope et Oliver, bloquaient l'entrée de leurs corps, défiant le garçon de les faire bouger.
— Tu te prends pour JJ ? Fit Pope, sous le choc.
L'attrapant par le col de sa chemise, John B le balançait sur la table du salon, avec une force herculéenne. Pope atterrit sur les fesses, ses reins rencontrant le meuble, Kiara et Oliver se précipitèrent vers lui.
— Ça va ? S'inquiétait le métisse.
Dans un petit tintement, la porte se refermait sur John B.
Là, elle en avait marre.
Blake décrochait ses yeux de Pope, pour poursuivre son ami, rageuse. Peut-importe le problème, il y avait forcément d'autres manières de faire. Et sii elle devait lui coller un pain, pour l'empêcher de disjoncter, elle n'hésiterait pas.
En la voyant détaler, l'air prête à tout, les autres s'empressèrent de la talonner, de peur qu'elle ne devienne violente —ce qui était, en effet, très probable.
Dehors, John B était assis sur la moto de JJ, tentant de la démarrer du plat de sa basket. A son grand désarroi, une poigne ferme lui saisit la nuque, le faisant grincer des dents, les épaules voûtées par la friction des doigts de son assaillant sur ses nerfs. Tournant la tête, il fit face à l'air menaçant de Blake.
Déclic. Comme si d'un seul coup, il revenait à lui, reprenant possession de son corps, le jeune homme clignait des yeux. Blake le lâchait, reculant d'un pas, troublée.
John B pleurait. De grosses larmes mêlée de rage, et de tristesse, roulaient le long de ses joues.
— Putain ! Explosait-elle tandis que les pogues débarquaient, un par un. Tu vas me dire ce qui se passe ?
— Ward est au courant, lâchait le garçon dans un souffle vibrant. Il sait pour l'or, Bex.
Il avait l'air sincèrement bouleversé, et sa détresse était si grande, qu'elle la ressentait comme si elle était sienne. Mais rien, non rien, n'aurait pu la préparer à la phrase qui allait suivre, lancée dans l'air, aussi affutée qu'un coup de couteau;
— Il a tué mon père.
Une impulsion de jambe, le moteur vrombissant, la poussière s'envolant dans un amas gris autour de l'engin. En quelques instants, il avait disparu. Et Blake se tenait toujours là, droite comme un piqué, les poils hérissés, une sueur froide dégoulinant le long de son échine.
Ward Cameron était un assassin.
— John B ! S'époumonait Kie dans un dernier espoir de le voir revenir.
Ça suffit à réveiller Blake.
Seulement, ses jambes se ramollirent et elle serait tomber, si ce n'était pour JJ —qui s'était rapproché d'elle à la seconde où il avait perçu son changement de comportement—et qui la maintenait contre lui, ses bras autour d'elle formant un bouclier. Cherchant son oxygène, de peur de faire une crise, elle nichait son nez dans son débardeur, respirant son odeur. Petit à petit, son cœur s'apaisait à son contact.
— Princesse ? Soufflait-il en lui caressant les cheveux du bout des doigts. Ça va ?
Le souffle court, elle ne savait quoi répondre. Non, ça n'allait pas, vraiment pas.
Le père des Cameron était un tueur, celui du père de John B, du beau-frère de Sienna. Cela expliquait pas mal de choses, et peut-être même que le fait d'être complètement fêlé était un truc de famille, il n'y avait qu'à regarder le fils. Pauvre gosses. Rafe n'était pas aidé, et ses sœurs...
Prise d'une illumination, elle se ressaisit, et jetait un regard affolé au blond, puis au groupe;
— Sarah !
❃❃❃❃
LA NUIT était tombée sur l'île. Côte à côte, deux bateaux se balançaient légèrement sur les flots. L'un, énorme, cachant volontairement le plus petit.
Assise sur le banc, dans le HMS Pogue, Blake se mordait les lèvres, les jambes tremblantes. Ce n'était pas le froid, il faisait une chaleur étouffante, c'était simplement la fatigue, le stress, et la peur.
Entre ses doigts grelottant, son téléphone. Elle avait envoyé un nombre indécent de message à John B, sans obtenir aucune réponse. Ça lui filait le cafard.
Les pogues, eux, tournaient en rond sur le rafiot. Pope s'impatientait, prêt à rentrer se coucher. Kiara faisait les cents pas, névrosée, louchant compulsivement sur la maison des Cameron, devant laquelle ils étaient postés. Oliver fixait la chambre de Sarah, dans les jumelles, essayant de discerner un signe de vie. Et JJ ? Et bien, tout aussi anxieux que Blake, il commentait toutes les cinq minutes.
— On fait quoi ? On sonne et on demande: "Hé, vous avez vu John B ?".
— Il vit à Tannyhill, répondit —l'écoutant à moitié— Kiara. C'est plausible.
— Non, grognait Blake le pouce dans la bouche. Si Ward à tué son père, pas moyen qu'il est remis les pieds ici, à part pour...
Crispée par l'angoisse, elle s'arrachait l'ongle. Elle refusait de finir sa phrase. Soit, il était venu pour Sarah, ce qui était peu probable vu que, elle, elle répondait à ses messages. Soit, il était venu pour venger son père, et elle n'aurait pas pu l'en blâmer.
— Jouons les idiots, proposait Kie.
Oliver lorgnait sur elle, un regard dubitatif.
— Les idiots ? Bah oui, super plan. Surtout si c'est la baraque d'un tueur. T'as jamais regardé de film d'horreurs ? Tu sais comment finissent les débiles ?! Spoiler alerte, il passe pas dans le générique de fin !
— Arrête de gueuler ! S'agaçait Blake en le tirant sur le banc par le t-shirt.
Son torse montait et descendait à une allure anormale, il n'était plus qu'une boule de nerfs. La blonde lui frottait doucement le dos.
— Il est tard, soupirait Pope, les mains sur le volant.
Kiara fit la moue, l'inquiétude perceptible dans tout son être.
— Je n'ai jamais vu John B comme ça, insistait-elle. On devrait peut-être aller voir la police.
— Pour leur dire quoi, Kie ?
Assis à l'opposé des miaméens , JJ retirait sa casquette, la balançant sur le pont pour se détendre, ça ne marchait pas vraiment.
— "On s'inquiète pour notre ami qui a pété les plombs parce que Ward Cameron à tué Big John ?" Ils ne nous croiront pas !
C'était un bon résumé, mais il ne pouvait clairement pas dire ça à la police. Blake imaginait déjà la mine déconfite de Peterkin, s'ils débarquaient dans son bureau, en lui servant ce récit.
Ne pouvant rester immobile, Oliver se relevait, reprenant sa place de guet, les yeux dans les jumelles. Étirant ses jambes, qui tremblaient un peu moins, Blake lui lança un petit coup de pied.
— Tu vois quelque chose ?
Il acquiesçait.
— Je vois Ward.
Toute les têtes se tournèrent vers lui. Kiara se jetait presque sur le métisse, pour lui tirer son gadget. Avec une agilité remarquable —de sa part— Blake bondit sur ses pieds, se contorsionnant pour apercevoir le père de son amie.
Le bonhomme, en chemise clair, fermait la porte de sa maison. Quelque chose dans son attitude était louche, mais elle n'aurait su pointer le doigts dessus.
— Il n'a pas l'air mort, conclut Pope, pragmatique. Rentrons.
Cette phrase interpellait ses amis. Il se tenait de nouveau les mains sur le volant, prêt à démarrer.
— Attends, exhalait JJ, qui s'était levé également.
— Quoi ? S'indignait Kie.
Pope haussait les épaules, tandis que Blake jetait un énième coup d'œil à son portable. Toujours rien. Elle roulait des yeux, soufflant du nez.
— De toute évidence, se justifiait le brun. Monsieur Cameron va bien, et même si John B était là, il n'y est plus. Je vais vivre le moment le plus important de ma vie, dans six heures.
Ces arguments étaient valables. De plus, Blake n'avait qu'une envie, rentrer au Chateau, parce qu'elle était presque certaine d'y trouver le garçon, et que l'idée qu'il soit tout seul après avoir appris une telle nouvelle, la rendait malade.
Malheureusement, ils ne semblaient pas valables pour Kiara, elle croisait les bras sur sa poitrine, visiblement agacée.
— Notre ami a des ennuis.
— Moi aussi, se défendit-il, l'air maussade. Les gars, je suis pas rentré depuis trois jours. Mon père a sûrement jeté toutes mes affaires.
Sur ces mots, il fit tourner la clé, mais Kie l'arrêtait une nouvelle fois.
— Alors, c'est tout ?
Blake se fit la réflexion que ça ne fournirait pas beaucoup d'efforts pour la pousser à l'eau. Mais, comme si il connaissait ses pensés les plus enfouies, JJ s'était imperceptiblement rapproché, fichant sa main dans la poche arrière du short de la jeune femme, l'attirant contre sa hanche. Elle était bloquée.
— Il a besoin de toi, continuait Kie sans en démordre. Et tu vas l'abandonner ?
— Abuse pas Kie, fit Oliver en se calant sur le banc. On est quatre, il peut aller se coucher.
Elle bifurquait vers lui.
— Quoi, tu vas le défendre ?
Il levait les bras au ciel.
— Bah oui, et alors ?
— Merci Oli, murmurait Pope.
Le métisse répondit par un clin d'œil alors que Kiara fulminait de plus en plus, Blake apercevait presque la vapeur s'envoler de ses oreilles.
— Écoute Kie, tentait Pope. J'ai un entretien pour ma bourse demain, je ne peux pas-
L'adolescente surprit ses amis par sa virulence, criant presque sur lui;
— Et John B, alors ?
— Pourquoi est-ce que ça tourne toujours autour de John B !
Apparemment, Pope avait aussi des limites, et elle les avait dépassés.
Kiara était prise de court, Oliver grommelait dans sa barbe sur son envie d'une bonne couette, et JJ avait posé son front sur l'épaule de Blake —ses mèches dorées lui chatouillant la peau— fatigué par toutes ces histoires.
— Tout ne tourne pas autour de lui, soutenait Kie en s'emportant. Abruti ! Ce serait pareil pour vous tous.
— Bien sûr, sifflait Pope. Tu parles.
Les boucles de la jeune femme fouettaient l'air alors qu'elle beuglait sur son ami.
— C'est une question d'amitié !
— Moins fort, grognait JJ dans la clavicule de Blake.
Kie s'en fichait pas mal.
— On est tous des pogues, pour toujours !
Même si son discours était niais à souhait, provoquant chez Blake une violente envie de gerber, elle, et Oliver, relevèrent tout de même que pour la première fois, elle les avait inclus dans le lot des "pogues".
Ça ne convenait pas à Pope, cela dit.
— Et ma carrière dans la médecine légale, t'en fais quoi ?
— Ta carrière ? S'énervait-elle en s'approchant dangereusement de lui.
— C'est mon rêve, assurait le garçon avec une véhémence peu coutumière. C'est mon but, j'ai travaillé comme un fou.
— C'est ça ta priorité ?
— Arrête avec tes leçons de morale à la con.
Ils se gueulaient dessus, à quelques centimètres à peine l'un de l'autre. Blake aurait pu intervenir, mais elle s'en foutait bien. Pas JJ. A contrecœur, il se détachait un peu d'elle pour essayer de calmer le jeu.
— Pope, arrête.
Pointant son index, le brun le fit taire.
— Non. Sur ce coup là elle n'a pas le droit de parler.
Se résignant —très, très vite—JJ replongeait la tête dans le creux de l'épaule de Blake.
— Génial, rouméguait-il, assez bas pour qu'elle sois la seule à l'entendre. Ça va pas être joli.
Effectivement, Pope était sacrément remonté. Tout près de son visage, Kie lui tenait tête.
— T'étais où quand Big John a disparu ?
Bam. Coup dur.
Oliver lançait un regard interloqué à Blake, qui remuait la tête. Non, elle non plus ne savait pas de quoi il retournait, mais elle n'allait pas tarder à le savoir.
— T'étais pas là, crachait Pope. T'étais pas là pour John B, t'étais là pour aucun de nous.
Le visage de Kie se décomposait, et à la crispation de ses traits, Blake pouvait assurément dire qu'elle se retenait de pleurer.
— Tu étais une Kook.
— Mec...pestait JJ, relevant définitivement la tête.
— Ouais, tu nous avais oubliés. Et tu t'en veux.
Pinçant les lèvres, les narines dilataient, Kie le repoussait alors qu'il continuait d'avancer.
— Arrête ! Grondait-elle, en le poussant de plus en plus fort. C'est ça que tu veux ?
Pope ne se laissait pas faire, attrapant ses poignets pour l'empêcher de le griffer.
— J'en ai marre de toi, hurlait-elle la voix vibrante. Dégage !
La situation leur échappait totalement.
— Vas-y, commandait Blake à JJ.
Aussitôt, il fonçait sur ses amis, les écartant d'un geste impérieux.
— Hé, arrêtez, okay ? Si c'est moi qui dois calmer le jeu, ça veut dire qu'on est mal.
— Ça, c'est clair, ricanait une petite voix.
JJ fit volte-face.
— Bex ! Tu m'aides pas là.
— Désolée, grimaçait-elle.
Le teint pâle —il détestait faire ça— JJ ordonnait à Pope d'aller se maîtriser ailleurs, tandis que Kie s'asseyait sur le banc, les bras autour des genoux. Seulement, le garçon ne fit pas mine de bouger.
En carrant les épaules, Oliver qui n'était pas intervenu jusqu'alors, attrapait le biceps de Pope, le tirant vers l'avant du bateau.
— Pope, prévint JJ en allumant le moteur. Je te dépose.
Pas ravi, le garçon acceptait. Il s'en voulait, Kie aussi, bref, l'ambiance était bizarre.
❃❃❃❃
En pénétrant dans le Chateau, la première chose qui frappait Blake, c'était l'odeur d'alcool bon marché. Ça lui piquait le nez, la gorge, et la rétine. Si bien, qu'elle se tâtait, la main sur la porte entrouverte, à repartir.
Elle était toute seule. Oliver était resté avec Pope, après maintes supplications de ce dernier, pour dompter la colère de la bête furieuse qu'était son père. Et JJ reviendrait plus tard, après avoir déposé Kie chez elle. Blake n'avait pas tenu à rester, elle appréciait la métisse, mais de là à passer du temps "bonus" avec elle, non, merci.
Combattant sa boule au ventre, elle s'enfonçait un peu plus dans la maison, attrapant tout de même la batte —que John B avait achetée après son cambriolage— qui traînait près de l'entrée.
— John B ? T'es là ?
Sa voix était moins assurée qu'elle l'aurait voulu. Elle flippait un peu. Pas de John B, mais qu'il y ai quelqu'un d'autre ici, comme Ward. Après tout ils l'avaient vu quitter Tannyhill, il aurait très bien pu venir ici.
Mais, à son plus grand soulagement, elle trouvait la maison vide, à l'exception d'une pièce dont la lumière filtrait à travers l'entrebâillement. Le bureau de Big John. Avant d'entrer, Blake prit une grande inspiration. C'était comme faire un plongeon dans l'eau.
C'est là qu'elle le vit. Étalé sur des papiers griffonnés, et des vieilles photos, a même le sol, le cadavre d'une bouteille de vodka près de la tête, son bras plâtré en travers du torse, John B dormait. Enfin, soit il dormait, soit il était en plein coma éthylique.
Blake repoussait la bouteille du bout de sa converse, et avec la batte, elle creusait la joue de son ami, qui grognait sous le bâton.
— Hé trouduc, chuchotait-elle, en le poussant cette fois du pied. Lève-toi crétin.
— Hmm.
— Faut aller dormir.
— Mais...j'dors.
En s'humectant les lèvres, il roulait d'un coup, coinçant le pied de Blake sous la masse de son corps. Il enroulait ses bras autour de sa cheville comme si elle était une peluche d'enfant. Cette sensation n'était pas des plus agréables.
— Dans un lit, précisait-elle en essayant de dégager son pied. Du con.
— Blaaaaake.
— Quoi ?
Il reniflait, n'arrivant pas à ouvrir les paupières, il s'humectait à nouveau les lèvres.
— J'ai soif.
— Si t'avais les yeux ouverts, tu verrais que j'en ai rien à foutre. Lâche mon pied !
Il secouait méchamment la tête, si bien qu'il se cognait contre le sol plusieurs fois.
— Donne-moi de l'eau.
Les poings sur les hanches, Blake le contemplait d'en haut. Il était trop lourd pour le porter, elle en avait déjà fait les frais lors de leur première rencontre.
En poussant un long soupir, elle se laissait choir à côté de lui, lui tirant sur le gras de sa joue.
— Lève toi.
En marmonnant des choses incompréhensibles, il refusait.
— Très bien. Tu l'auras voulu.
Pinçant son nez entre son pouce et son index, Blake ne lui laissait plus passer l'air, bientôt son cœur lancerait l'alerte à son système. Elle n'attendit que quelques secondes avant qu'il rouvre les yeux, en panique, se redressant d'un saut.
Prenant appuie sur ses genoux, elle l'imitait, alors qu'il baillait, embaumant la pièce de son souffle, goût vodka, ou plutôt gel hydroalcoolique, vu la qualité de la bouteille.
— Va te coucher, insistait-elle.
— Ouais.
Il fit un pas, la dépassait, basculait, se prit le coin d'un mur.
Une grimace tordit le visage de la blonde. Quelle galère. Autant le laisser là, à son sort d'ivrogne. C'était tentant, très tentant, mais non.
Cédant à sa sympathie envers le garçon, elle fit passer son bras gauche par-dessus sa nuque, et entreprit de le guider jusqu'à son lit. Fort heureusement, sa chambre était près du bureau.
Sans ménagement, Blake jetait la carcasse de son ami sur le matelas, et se détournait, prête à aller pieuter dans le salon, en attendant le retour de JJ.
— Bex, ronchonnait John B, la tête dans son coussin.
Merde. Elle était presque arrivée à la porte.
— Oui ?
— Tu peux rester ?
Confuse, elle se retournait. Il était exactement dans la position dans laquelle elle l'avait laissée, face contre le coton, en étoile de mer.
— Non, répondit-elle sans tact. J'ai la flemme.
— S'il te plaît, jusqu'à ce que je m'endorme.
Vu son état, cela ne prendrait qu'une petite dizaine de minutes.
En ayant plein la barbe de toutes ses aventures, Blake cédait, s'étalant sur le matelas à côté de son cousin, appréciant le confort d'un bon lit.
Le silence régnait, et l'atmosphère était paisible dans l'obscurité.
— Je suis désolé, murmurait John B.
Un peu étonnée, Blake ne fit aucun mouvement, les yeux rivés au plafond, comptant les moutons.
— Pour ?
— Pour tout à l'heure.
Oh, oui.
— T'inquiètes, le rassurait-elle. T'as la force d'un écureuil, même les moustiques font plus mal, tu devrais plutôt t'en faire pour ta propre sécurité.
Il ricanait légèrement, puis, en s'endormant, noyé sous ses coussins, il prit un ton plus sérieux.
— Merci d'être là ce soir.
Blake sentit son cœur se serrer, elle sourit doucement.
— Je serai toujours là.
La seule réponse qu'elle obtint, fut le bruit régulier d'une respiration tranquillisée par sa présence. Et ça lui convenait.
- Gigi
N'HÉSITEZ PAS, VOTEZ ET COMMENTEZ <3
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