𝟎𝟒. friendly bastards
Blake Kaden Knight planifiait la mort de quelqu'un.
Ce n'était pas nouveau, elle avait toujours plus ou moins su que cela finirait pas arriver. C'était prévisible. À force de regarder des émissions sur les tueurs en série à la télé —accompagné d'un Oliver qui pâlissait à chaque détail morbide—elle avait acquis une certaine froideur face à la mort, osant même, parfois, critiquer les stratégies des meurtriers, à coup de "j'aurais pas fais comme ça", "il aurait dû cacher le corps ici", "moi, les flics m'aurait pas retrouvé". Seulement, jamais elle n'aurait cru que la personne contre qui son courroux létal s'abattrait, serait l'un de ses meilleurs amis.
Pourtant, prostrée contre le canapé en cuir blanc des Cameron, assaillit par les faisceaux bleu des agents de sécurité de la maison, elle eut soudain un million d'idées, plus macabres les unes que les autres, sur la façon d'en finir avec John Booker Routledge, et ses putains de plans foireux.
Après avoir été libérés par le capitaine —Terrance était son véritable nom— ils avaient suivit le deal. Comme convenu, ils s'étaient rendus à Paradise Island, la villa de la famille Cameron, de nuit, afin de récupérer l'or. La sécurité —si les deux brêles à l'avant-poste pouvait être qualifié ainsi— les avaient fait entrer sans trop rechigner. Un mensonge de Blake, un sourire de Sarah, et hop ! Ils avaient ouvert le portail.
Une fois à l'intérieur, et, malgré les grommellements de Blake, ils avaient trouvés le coffre. Immense, noir, en acier, il trônait en plein milieu du salon. Comme si il avait été posé là, juste pour eux, en offrande. Sarah l'avait ouvert, un peu difficilement, après quelques essais infructueux.
L'or était bien là. Blake avait capté les regards de convoitise de leurs "collaborateurs", et s'était renfermée sur elle-même, hargneuse. Le butin des pogues, leur trésor, si durement obtenu, au prix de la sueur, et du sang —littéralement— allait finir dans la poche de ses malfrats. Cette idée la révulsait.
Mais, avant que Ronnie, plus cupide que les autres, n'ai eu le temps de mettre la main sur un seul lingot, la sécurité avait débarqué en trombe dans la ruelle. Alarmés, tous s'étaient précipités vers la sortie. Malheureusement, car il ne fallait jamais se fier à un voyou, Terrance avait refermé la porte vitrée au nez des trois amis, certifiant qu'ils serviraient d'appât, afin que, son équipage et lui, puisse s'en sortir indemne.
C'était pour ça que Blake, maudissant les Routledge —sans qui, il fallait le reconnaitre, ce pétrin ne serait jamais arrivé—sur plusieurs générations, était accroupie derrière le canapé, à peine cachée, une main sur la bouche, le cœur battant la chamade.
— Fouillez tout, gronda une voix rauque. Ils sont quelque part.
Elle se ratatina sur elle-même, essayant de se faire la plus petite possible, tandis que les lampes de poches ratissait l'endroit.
— Séparez-vous, en ordonna une autre. Et fouillez.
Ils allaient les repérer, elle entendait le frottement crispant de leurs semelles sur le parquet, quatre hommes, peut-être plus. Ils étaient trop nombreux pour espérer s'en tirer par la force. Il fallait se montrer rusé. Ça, s'était son domaine, pas celui de John B, mais c'est tout de même lui qui ouvrit la bouche;
— Je monte pour les distraire, murmura t-il.
Sarah secoua vigoureusement la tête.
— Non. Ils vont te prendre.
— On a pas le choix.
Et il fallait reconnaitre que, pour une fois, il avait raison. Des pas lourds se rapprochaient de leur planque. Parce que oui, benêt comme ils étaient, aucun d'eux n'avaient pensé à se séparer. Résultat ? Ils étaient tout trois entassé derrière le meuble, prêt à se faire cueillir, en brochette.
— Fais le, trancha Blake. Fais diversion.
Son amie devint grise.
— Non, faut pas-
Une raie de lumière frôla son crâne, elle s'abaissa dans un halètement, et Blake jura entre ses dents;
— On a pas le temps pour ça. John B, fonce.
Il se redressa, mais Sarah plaqua sa main sur son poignet pour le retenir. Blake jeta un regard circulaire par dessus la housse du canapé. Un, deux, trois, elle voyait trois agents. Pas bon, elle était sûre d'en avoir entendu plus.
— D'accord, concéda Sarah. On a un bateau dans la crique, c'est derrière. Je prends les clés.
— Okay.
Décidant en une fraction de secondes, alors que les gardes montaient à l'étage, et que couple se relevait avec appréhension, qui elle voulait suivre, Blake emboita finalement la marche à Sarah, qui sprintait vers l'arrière de sa propriété.
Plus question de suivre John B.
C'était exactement de cette manière qu'elle s'était retrouvée dans cette situation; d'abord elle l'avait suivit chez les Cameron, ce qui l'avait conduite à rencontrer les pogues, mais aussi à se faire tirer dessus. Puis, elle l'avait suivit dans sa quête d'un trésor enfouie, ce qui avait mené à bien trop d'ennuis pour qu'elle ne puisse ne serai-ce qu'imaginer les compter. Et enfin, elle l'avait même suivit jusqu'ici, dans les Bahamas, où son espérance de vie était drastiquement remise en question, à chacune de ses respirations.
C'était terminé. Si ce garçon avait l'intelligence d'un oisillon de buse, ce n'était pas son problème. S'il souhaitait galoper vers la mort, grand bien lui fasse, elle ne s'en mêlerait plus. Après tout, elle n'était pas son auxiliaire de vie.
Ça, c'est le discours qu'elle répéta en boucle dans esprit, afin d'imposer à son corps, ce vieux traitre, de poursuivre le chemin pris par son amie, et ne surtout pas ravaler ses pas, pour sauver les fesses de son incompétent de cousin.
Quand il se mit à bramer depuis l'étage, pour attirer l'attention sur lui, elle dût se mordre la joue pour ne pas faire demi-tour;
— Suivez-moi, je monte !
Glissant dans la pergola de la maison, talonnant une Sarah tremblante, Blake accéléra la cadence, bien qu'elle n'ai aucune idée d'où se rendre. Elle devait sortir d'ici. Les sortir d'ici.
Deux gardes passèrent devant elle, à la recherche du fameux intrus, qui ne cessait de les provoquer, et, instinctivement, elle plaqua Sarah contre l'une des larges colonnes de pierre de la pièce. Posant un doigt sur ses lèvres, elle lui intima le silence. Elle lui obéit sans mal.
C'est à peu près à cet instant que Blake se rendit compte de l'état de détresse dans lequel se trouvait son amie. Son front suait, ses longs cheveux dorés étaient plaqués à ses joues luisante de transpiration, sa gorge palpitait à une vitesse anormale.
Blake était presque certaine, qu'en tendant bien l'oreille, elle pourrait percevoir les battements de son cœur, aussi distinctement qu'elle entendait les siens. Sarah frémissait à chaque bruissement, claquement de porte, ou, tout simplement, dès que la voix de John B tonnait.
Un élan de compassion gagna la jeune femme face à cette vision. Elle pouvait aisément imaginer la réaction qu'elle aurait à la place de son amie, si c'était JJ là-haut, qui se mettait en danger pour elles; elle paniquerait, et soit, ferait une crise d'angoisse —tout comme Sarah— soit, serait prise d'une rage sans nom, menant, en définitive, à de grands excès de violence;
— S', murmura t-elle. Regarde moi.
Pendant une seconde, les yeux bruns de Sarah vagabondèrent à droite, puis à gauche, hagard, avant de s'arrimer au corps de Blake, ensuite à son visage, et enfin, à ses pupilles sombres.
— Faut que tu respires, on va s'en sortir, comme toujours, mais j'ai besoin que tu m'aides à choper ces clés, okay ? Tu crois que tu peux faire ça ?
Fébrilement, après une courte hésitation, durant laquelle elle inhala un bon coup, Sarah acquiesça. Blake s'éloigna d'un pas, et lui servit le sourire le plus encourageant dont elle était capable —et c'était difficile, au vu de son propre niveau d'anxiété, qui frôlait l'attaque cardiaque.
— Génial.
Les gardes parti aux trousses de John B, elles avaient le champ libre. Rassérénée, Sarah fut la première à courir, bientôt suivit par Blake, qui, en constatant qu'elle avait un lacet défait, s'était penchée une seconde pour le refaire. Il ne manquerait plus qu'elle se fasse une entorse.
Alors que, à l'étage, les voix s'échauffaient, elles atteignirent l'extérieur, ahane. Blake tâcha de ne penser à rien d'autres qu'au corps de Sarah, sprintant devant elle. C'était le plus sage. Elle fit abstraction du fait que le volume des cris augmentaient, et avala les escaliers en moins de cinq foulées.
En bas, tout derrière, se trouvait un accès direct à l'océan. Une plage privée en somme, excepté qu'il n'y avait ni transat, ni parasol, c'était une sorte de crique. Le sable sous ses converses collaient, comme si quelqu'un avait étalé de la glu, et Blake grimaça. C'était sale et répugnant.
— C'est là.
Sarah se précipita vers un arbre, plié vers l'eau, et se mit à tâtonner son écorce.
— Qui est le connard qui a pensé à foutre les clés d'un bateau là ? Grommela Blake en inspectant sa semelle avec dégout.
Ce n'était pas réellement une question, c'était plutôt un jugement haineux, qu'elle avait besoin de cracher. Sarah lui répondit tout de même, chopant la clé;
— Rafe.
Cette information l'a prit de court. Elle n'avait pas repensé à lui depuis des jours, et là, d'un coup, tel une vague glacée, elle se le mangea en pleine figure.
Son visage ciselé, ses yeux sarcelle, ses cheveux bruns, soigneusement plaqué au gel, et son sourire, qui, lorsqu'il était sincèrement heureux ou amusé, se déployait sur la moitié de son visage. On ne voyait d'ailleurs plus que ça, et c'était la première chose qui l'avait séduite chez lui.
Cette image innocente fit frémir ses lèvres.
Puis, lentement, la vague reflua. Les yeux devinrent vitreux, perdant leurs couleurs, la sclère rongée par le sang, son sourire se transforma en rictus tordu, n'habitant plus que monstres et démons. C'est la dernière expression qu'elle lui connaissait, celle du jour où, dans sa folie meurtrière, il avait ruiné sa vie.
— Blake !
Elle battit des cils, pivota vers Sarah, le corps encore engourdi, et se pétrifia. Le regard écarquillé, Blake découvrit une scène ahurissante. Comment avait-elle pu ne s'apercevoir de rien ?
Son amie était là, sur le qui-vive, tenue en joug par le flingue d'Adam, brandit de la main de Terrance. Blake ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois;
— Qu'es-ce que-
— Filez-nous les clés, répéta visiblement le Capitaine.
Blake fouilla le sable des yeux, cherchant une arme, n'importe quoi en fait —même un gros coquillage ferait l'affaire—afin de le balancer à la tête de l'homme.
Captant son manège, la grosse brute de l'équipage vint se placer près d'elle, assez près du moins, pour qu'elle se rende compte qu'il avait vraiment besoin de l'or, ne serait-ce que pour s'acheter du déodorant.
Terrance agita le pistolet devant Sarah;
— Ne teste pas ma patience. Donne moi ses putains de clés.
Mais la blonde ne démordait pas. Elle avait peur, elle était même terrifiée, mais elle ne lâcherait pas, parce que John B était encore là-dedans, et qu'elle le sauverait, coûte que coûte.
Perdant le peu de patience qu'il lui restait, Terrance se mit à aboyer;
— Stubbs, prends lui les clés !
Le gros balourd —ou Stubbs— s'écarta de Blake pour se diriger vers son amie. Elle recula d'un pas, et chouina quand il lui attrapa le bras;
— Non !
À l'instant où les clés furent dans sa grande paluche, il reçut un objet lourd dans la tempe. Il vacilla, grogna, et lâcha son gain. Blake amorça un mouvement, prête à se jeter au sol, mais Terrance fut plus vif. L'arme pointée vers elle, il s'accroupit, et fourra les clés dans sa poche.
— Bien tenté.
Elle serra les dents, mais se fendit quand même d'une moue, en apercevant la lichette de sang, qui dégoulinait le long du visage de Stubbs. Elle avait utilisé un galet —le plus pointu qu'elle ait trouvé— et ne l'avait pas loupé.
— Montez ! Ordonna le Capitaine.
Ils obéirent tous. Sauf Cléo.
Elle resta plantée devant les deux amies, dansant d'un pied à l'autre, hésitante.
— Clé', gueula Ronnie. Grouille-toi !
Finalement elle les rejoignit, la nuque baisée, non s'en avoir lancé;
— Je suis vraiment désolée.
C'est quand elle fut sur le bateau, que Blake et Sarah réalisèrent réellement l'ampleur de ce qui venait de se produire. L'une plus vite que l'autre.
— Oh putain, John B !
Sans attendre Sarah, d'une parce qu'elle l'a connaissais assez pour savoir qu'elle l'a suivrait. Et de deux, car, en toute honnêteté, elle n'en avait strictement rien à faire, Blake s'élança vers les escaliers, faisant ce qu'elle s'était promis de ne pas faire: rebrousser chemin.
Des bruits de luttes éclatèrent dans la nuit. Elle accéléra, le cœur palpitant dans la gorge. Le hoquet de panique derrière elle lui confirma que Sarah était bel et bien là.
La première chose qu'elle vit, en atteignant la terrasse fut une silhouette, écrasée par deux autres, et se faisant salement malmener. Les gémissements qui sortirent du corps au sol lui apportèrent l'information qu'elle redoutait, c'était bien John B.
Trainé sur la dalle, il se faisait emmener de l'autre côté de la villa.
Par réflexe, Sarah voulut fondre sur lui, mais Blake la chopa par le biceps;
— Reste planquée. Si on veut l'aider, on peut pas y aller maintenant.
La blonde prit le temps d'assimiler les paroles de son amie. En effet, c'était trop risqué. Cela revenait à se jeter dans la gueule du loup. Ils étaient trois, chose qu'ignorait les agents, si ils se débrouillaient correctement, ils pourraient tirer parti de leur nombre.
Le cerveau de Blake fuma, et elle regretta de tout son être qu'Oliver ne soit pas là. Elle n'était pas la futée, elle, elle se laissait guider par son instinct la moitié du temps. Mais, ici, bloquée avec Sarah et John B, aussi nuls qu'elle en défense et stratégie, il fallait quelqu'un pour prendre les commandes.
Pense comme Oli, s'intima t-elle. Qu'est-ce que lui, il ferait ?
Et, comme si il était là, près d'elle, elle distingua sa voix, aux accents de la Louisiane;
— Ne te montre pas. Trouve une arme. Observe le terrain et adapte-toi. Et fais vite, t'as la capacité physique d'un éléphant de mer, je te jure c'est affligeant, t'es pire qu-
Quand son subconscient ajouta une tonnes d'insultes à ce discours — qu'Oliver aurait, sans aucun doute, prononcer— elle lui ferma le clapet.
Longeant le flanc droit de la maison, elle se repéra à l'aide des voix. Sarah, collée à elle, se chargea de repérer de potentiels ennemis. Heureusement, rien.
John B était à genoux dans la pelouse quand elles réussirent à l'atteindre, quatres hommes l'entouraient, armés. L'un d'entre eux avait un téléphone à la main, et se mit à parler;
— On a arrêté un suspect chez vous (un grésillement répondit) C'est un homme blanc. Peut-être dix-sept, dix-huit ans.
Un bloc de plomb tomba au creux du ventre de Blake. Sa gorge ne fit plus son travail, refusant la bile, qui remonta. Non, non, pas ça.
— Monsieur Cameron veut voir ta tête.
John B garda obstinément les yeux sur le gazon.
— Relève lui la tête.
Un agent approcha, rangeant son flingue, et tira sur sa tignasse pour lui redresser la tête. Il grimaça de douleur, Blake ferma le poing. Les mâchoires contractées, elle dévisagea l'homme de son regard le plus flambant.
L'étau se refermait sur eux. Alors, écoutant sa voix intérieure —aussi nommée Oliver— Blake chercha des yeux une échappatoire. Sarah, qu'elle avait presque oublié, fit de même. Et, bien plus efficace que son amie, qui ne connaissait pas la maison, s'approcha d'un boitier. Elle l'enclencha sans hésiter, et les arroseurs se déclenchèrent, aspergeant les gardes.
Un chapelet de jurons s'éleva dans le jardin, et quand Blake se tourna pour comprendre ce qui se passait, Sarah l'entraina dans une cabane de jardin, dans laquelle il y avait à peine la place pour deux enfants, raison pour laquelle, à peine installée, Blake se prit le genoux de Sarah dans le nez.
— Aie !
— Oh désolée.
— Eteins-moi ces trucs ! S'agaça l'un des hommes.
— T'as allumé les arroseurs ? Compris Blake, deux doigts sur la narine.
Sarah acquiesça, un peu paumée, et la blonde se mit à ricaner, plus de nerfs que par véritablement amusement;
— Okay, c'était pas con, je le reconnais.
Elle guetta les alentours, les yeux plissés —on y voyait presque rien dans cette cahute. Des étagères étaient disposées, emplie d'affaires en tout genre. Corde, pelle, tourne-vis, et...Oh !
Blake s'empara de la bombe à insectes tropicaux avec un brin de satisfaction, il y en avait deux, elle en tendit donc une à Sarah. Son amie n'inspecta l'objet qu'un court instant, avant de comprendre ses intentions, et d'hocher la tête.
Sarah, qui ne rêvait plus que d'être en sécurité avec son copain, sortit la première. Blake ne l'en empêcha pas, mais fouilla un peu plus avant de la rejoindre. Elle trouva ce qui lui manquait, le glissa dans son maillot, et s'extirpa à son tour.
Elle n'avait pas de plan, mais Sarah était déterminée, et quand elle se força à parler, en arrivant près des hommes, elle ne doutait pas que Blake la soutiendrait;
— Mais qu'est-ce qui se passe ici ?
Aux aguets, celui qui discutait avec le père Cameron, braqua son flingue sur elle.
— Qui êtes-vous ?
C'est là que Blake débarqua, l'air un peu moins piteuse que son amie, mais le visage déformé dans une surprise des plus spontanée;
— On s'occupe de la maison des Cameron. C'est quoi ce merdier ? Rajouta t-elle en pointant John B du doigt.
Les épaules des gardes se détendirent.
— Vos noms ?
— Je m'appelle Val, répondit Sarah en approchant un peu. Et ça c'est Kiara.
Oh la garce. Blake resta impassible, mais se jura de lui faire regretter ce coup en traître plus tard.
— Vous vivez ici ?
— Non, on garde la maison.
— On a commencée la semaine dernière, compléta Blake. Et du coup, c'est quoi ce merdier ?
Elles avaient empruntés le ton le plus détaché possible, et ça avait marché. Le garde baissa son arme, jetant son menton vers John B;
— Ce type essayait d'entrer.
— Quoi ? S'écria Blake.
Elle se posta devant le corps de son cousin, et lui coula un regard narquois. Il était au sol, les vêtements pleins de terre, et faisait peine à voir.
Quand leurs yeux se croisèrent, ils s'accrochèrent deux secondes, avant de se détourner, les lèvres pincées. Ce n'était absolument pas le moment de rire.
S'évertuant à recouvrer le sérieux digne de ce genre de situation, Blake laissa Sarah poursuivre;
— Je le connais un peu, sourit-elle aimable. Il lave les bateaux pour les voisins.
— Quels voisins ?
— Genre les Stanley. Au bout de la rue.
Ça sentait le roussie. Plus elle parlait, moins il semblait la croire. Blake ne pouvait intervenir, ne connaissant absolument pas les lieux, en revanche sa main libre —l'autre tenant la bonbonne—se porta à son maillot de bain, feignant de remettre la bretelle en place. Son doigt toucha le métal. Gagné.
— Et son nom ? Poursuivit le type, de moins en moins convaincu.
Sarah décocha un coup d'œil anxieux à Blake, puis à John B, et ce qu'elle lut sur leurs traits la rassura. Farouche, elle haussa les épaules;
— Vlad.
C'était le signal.
Sarah aspergea l'agent devant elle, qui, la rétine brûlante, s'écarta. Un autre brandit son flingue vers elle. Blake le prit à revers, d'un roulement du pouce elle alluma le briquet, avant de projeter le produit dessus. Résultat attendu. La substance s'enflamma, et la manche du type avec. Courant et hurlant, il se précipita vers la piscine, entrainant l'un de ses camarades dans sa chute.
Profitant du remue-ménage, John B s'occupa du dernier agent. À la façon d'un taureau —adoptant la même tactique qu'il avait utilisé sur Topper, au début de l'été— il renversa l'homme, chargeant de toute sa haine, et de tout son poids, le plaquant à terre.
— Dans la voiture ! Apostropha t-il les filles. Allez !
— Bex ! Scanda Sarah. Dépêche !
Blake ouvrit le feu deux autres fois, et mit un coup de pied à l'un des gars au sol, pour la forme, avant de flanquer le train au couple.
John B sauta par dessus une caisse, afin d'atteindre le vieux pick-up de Terrance, le temps leur manquant, les deux amies se contentèrent de se jeter, littéralement, à l'arrière. Un tour de clé, et le moteur vrombit.
Malheureusement, l'un des types se releva, et plus tenace que ses collègues, sprinta vers eux.
— Plus vite ! Hurla Sarah.
Il était rapide comme l'éclair, et les rattrapa. Ses mains calleuses agrippèrent la cheville de Blake, il avait l'air passablement grognon, et elle comprit, avec une grimace, qu'il s'agissait de l'homme qu'elle avait cogné.
— Enlève tes sales pattes !
D'une impulsion de l'autre jambe, elle lui envoya son pied au visage. Il couina, rageur, et s'étala en arrière, sur le bitume, la trace de sa semelle imprimée sur la joue.
— La vache, siffla Sarah.
— Il l'a pas volé celle-ci.
John B les fit sortir de la résidence, avant de lancer, depuis son siège;
— Ça va ?
— Oui, souffla sa copine, la respiration hachée.
— Impec', fit Blake.
Elle s'avachit sur le métal frais, un peu humide, le cœur battant la chamade.
— John B ?
— Ouais ?
— J'te déshérite.
❃❃❃❃
Assise à l'arrière, les fesses sur le rebord et un bras agrippant le toit, Blake traversa la moitié de la ville, contemplant les alentours. Difficile de le reconnaitre, mais Nassau était un très bel endroit. Bien plus à l'aise là où ils se trouvaient, c'est à dire, dans les quartiers moyens —voir pauvre— Blake s'ourla même d'un petit sourire en entrapercevant une bande d'ados, deux ou trois ans plus jeunes qu'elle, qui jouaient aux cartes sous un porche.
Ici, les maisons étaient peintes de couleurs vives, du jaune, du vert, du bleu, c'était un véritable régale pour les yeux. Le son calme et apaisant des vagues se mêlait à l'agitation de la ville. La moiteur de l'air était compensé par un vent frais, qui venait balayer les mèches blondes, truempés de la jeune femme, les écartant de son visage. C'était le genre de lieu où ont se sentaient bien, comme à la maison.
Excepté que ce n'était pas sa maison.
Après une quinzaine de minutes, dans une conduite à l'allure douce —la dernière chose dont ils avaient besoin c'était d'être arrêté pour excès de vitesse— John B se gara sur le parking d'un bar-restaurant.
À peine arrêté, il ouvrit sa portière, et se mit à déblatérer;
— Okay, alors là je dois vous dire, je vous aient jamais autant aimé.
Blake bondit au sol avec une grimace. Une décharge l'élança de la plante des pieds, jusqu'à sa mâchoire, crispant tous ses muscles au passage. Son envie de vivre s'amoindrissait à mesure qu'elle sentait la raideur de ses membres. Si elle avait catégoriquement refusé de faire partie de l'équipe d'athlétisme de son lycée — dans laquelle Oliver avait tenté de l'embarquer depuis la quatrième— ce n'était pas pour se retrouver pleine de bleus et de courbatures.
Shootant dans un caillou, elle rumina. Elle détestait le sport, les chasses aux trésors, les aventures, et plus que tout, elle détestait John Booker Routledge.
— C'était dingue, souffla celui-ci, extatique. Bex, t'as démonté ce type et S-
Sarah le repoussa des deux mains.
— Tu m'as menti !
Elle n'était pas de meilleure humeur que son amie.
— De quoi tu parles ? S'étonna John B, les bras ballants. Tout va bien.
— Ah !
Blake renifla, dédaigneuse, et un rire jaune s'échappa de sa gorge.
— Tout va bien, répéta t-elle en secouant la tête. Et bah oui, bien sûr.
Elle rit à nouveau, plus fort cette fois, et des têtes —celles des clients du restaurant, mangeant paisiblement leurs frites— se tournèrent vers elle. Ses nerfs étaient en bouillie, et le sang dans ses veines, en ébullition.
— On a plus de maison, plus d'argent, plus de vie, mais si John B Routledge dit que tout va bien, tout va bien.
— Mais-
— Non ! La ferme ! Tu ne me parles pas, tu ne me regardes pas, je t'interdis même de respirer le même oxygène que moi, pigé ?
Il tenta de rétorquer, sauf qu'elle continuait sa tirade, tournant comme un lion en cage;
— Si j'avais un dollar à chaque fois qu'un de tes plans à fonctionner, je serais encore plus pauvre que maintenant. Ce qui est un comble, vu que j'ai même pas cinquante centimes !
Sa voix baisa d'une octave, et elle se mit à se parler toute seule, sous les yeux perplexe du couple, débitant une flopée d'injures, sur l'univers, les hommes, l'or, les Routledge, et aussi sur le fait qu'elle avait faim de loup, en plus !
La laissant à sa folie, Sarah pivota sur ses talons, vers son petit-ami, et il fut secoué par l'amertume et le ressentiment qu'il lisait dans son regard café;
— Regardes ce que t'as fais ! Cria t-elle en pointant son amie. T'as perdu notre fric, t'as failli nous faire prendre, même tuer, et t'as rendu Bex tarée. Ce n'est pas bon du tout !
Précautionneusement, parce que, à juste titre, il avait peur de se prendre une droite, il avança vers elle;
— Okay, je veux bien avoué que j'ai foiré. Mais je te promet qu-
— C'est pas avoué que t'as foiré qui va arranger les choses ! L'interrompit-elle, chevrotante. J'ai perdu mon père. J'ai perdu mon frère. J'ai perdu ma petite sœur.
Ses mots l'atteignirent plus violemment qu'un coup. Finalement, il aurait préféré une droite.
— Je peux pas te perdre aussi, conclut-elle, la voix brisée.
— Ça arrivera plus.
Il était sincère, elle le savait, et Blake, qui s'était arrêtée de vociférer pour écouter la blonde, aussi.
— Maintenant, je décide, proclama t-elle. Et pour commencer, je conduis.
— Normal.
D'un pas décidé, elle se planta devant la portière, avant de pousser un lourd soupir;
— Je sais conduire que les automatiques.
Elle fit le tour du véhicule, s'installa coté passager, et passa la tête par la fenêtre;
— Bex, tu conduis. Toi, derrière.
— Oui m'dame.
Blake reshoota dans le même caillou, qui s'envola dans les airs, loucha quelques secondes sur les frites graisseuses qu'engloutissaient un groupe de touristes, et, la bouche salivante, grimpa;
— Si on trouve pas à manger d'ici demain, lâcha t-elle, les mains sur le volant. Je jure sur tout ce que je possède que j'te tue Routledge.
Il déglutit.
— Pour me bouffer ?
Elle activa la clé, et posa les pieds sur les pédales;
— Non, pour vendre tes organes, et après nous payer un putain de restau, à Sarah et moi.
— Je suis d'accord, approuva son amie.
Terrassé —et un peu effrayé— par les deux femmes de sa vie, il se dandina, priant des dieux auxquelles il ne croyait pas, de bien vouloir leur trouver de la nourriture. Il en allait de sa survie.
❃❃❃❃
Les cloches de l'église sonnait minuit quand ils se stoppèrent, près d'un hangar de pêche, accoler au port. Blake tira le frein à main, sans couper le moteur.
— Prête ? Demanda t-elle à Sarah.
Elle garda les bras croisés, le nez un peu froncé, mais le regard féroce;
— Prête.
— C'est la pire idée qu'on ait jamais eue, pesta John B en descendant, son sac sur l'épaule.
Tournicotant sa tignasse en un chignon approximatif, Blake coupa enfin le moteur, avant de s'extraire du pick-up. Le port n'était pas sombre, des lumières à la lueur orange, s'étendait sur tout le long. De fait, John B eut tout le loisir de saisir son expression menaçante quand elle s'adressa à lui;
— Ose redire ça, j'te défie.
Elle arqua un sourcil, et il eut l'intelligence de garder les lèvres scellées.
— Voilà, maugréa t-elle, en claquant sa portière. Du con.
La tête basse, trainant des pieds, il se contenta de les suivre, Sarah et elle, tandis qu'elles s'engageaient sur le ponton. Le bateau était là, rutilant, et l'équipage —ou les voleurs— étaient aussi présents. Stubbs se la coulait douce sur un hamac, Ronnie et Cléo étaient perchées sur le toit, les jambes dans le vide, quant au capitaine, il était debout sur le pont, un verre de rhum à la main.
Il les vit le premier;
— Regardez qui voilà.
À sa façon de se mouvoir, lente et titubante, Blake comprit qu'il s'était déjà bien arrosé le nez, descendant très certainement l'entièreté de la bouteille. Sarah, toujours agitée par les derniers événements, lança les hostilités;
— J'ai une proposition.
— Si c'est pour qu'on te rende ta pépite, oublie. Vous avez de la chance que j'appelle pas les flics.
— Ah ouais ? Sourit Blake, en s'asseyant sur l'un des sièges. Pour leur dire quoi Terrance ? Que vous vous êtes introduit s dans la villa des Cameron ?
Il tordit la nuque vers elle;
— Méfie toi gamine.
— Bouh j'ai peur, frissonna t-elle en chipant un bol de cacahuètes qui trainait. Tout ce que vous avez c'est ça, sauf que, vous l'avez peut-être oublié, mais moi j'suis pas recherchée. Et qu'on soit clair, j'aurai aucun scrupule à vous balancer aux flics, ça me ferait même plaisir.
Elle le vit perdre en assurance, et son cœur se gonfla de satisfaction.
— Alors maintenant, vous la fermez, et vous écoutez.
Bourrant ses joues de cacahuètes, elle ressemblait à un hamster. Cléo, que ça sembla distraire, lui tendit le paquet avec un petit sourire. Blake lui chipa des mains, sans signe de reconnaissance.
Sarah, les bras croisés, profita de brèche qu'avait ouvert la blonde;
— Vous avez vu ce qu'il y a dans le coffre.
— C'est vrai.
— Et c'est exactement ce qu'on vous avait dit. Pas vrai ?
Terrance émit un bruit de gorge approbateur. Sarah était rudement bonne dans ce rôle.
— Ouais Candie, intervint Ronnie. Sauf que tu zappes que ton précieux coffre va être plus difficile d'accès que la chambre du président.
Blake la transperça du regard. Elle ne risquait pas de lui pardonner sa traitrise à la villa. En plus, c'était la seule à pouvoir donner des surnoms vexants à ses amis.
— Sans déconner, soutint Sarah. Mais l'or ne va pas y rester. Mon père va venir le chercher. Il a plus le choix.
— Ouais, grogna Blake, le regard ombrageux.
Rageuse, elle fourra une nouvelle poignée d'arachides dans sa bouche, mâchant furieusement. Ça c'était la partie du plan qu'elle haissait.
Revoir cet homme, l'avoir à portée de main, c'était un scénario qu'elle avait déroulé un millier de fois dans la pièce la plus secrète de son esprit. Cette pièce rouge, imbibé dans le sang de son père. Elle se voyait avec son arme. Il suppliait, implorait, à genoux, le visage baignant dans les larmes;
— Pitié.
Son cœur s'endurcissait, et un rictus cruel fleurissait sur ses lèvres.
— Non.
Et elle tirait, la balle fusait, et il s'éteignait, un trou dans le front.
Tel c'était le chemin qu'elle devait suivre, au fond d'elle, elle en avait pleine conscience. Seulement, là, elle serait contrainte de le laisser vivre, refusant d'abattre son père devant Sarah, et elle n'était pas sûre d'avoir la force de se refuser à la tentation.
— Vous proposez quoi ? S'intéressa le capitaine. Un casse ?
Sarah garda les bras croisés sur sa poitrine, mais rejeta ses cheveux en arrière;
— Vous avez un bateau qui peut nous emmener. Vous connaissez des gens et l'île, et je peux savoir quand l'or sera déplacé. Vous aurez deux millions.
Stubbs sembla appâté, levant le nez. Blake lorgna vers lui, il lui faisait penser à Bodhi.
— Si je comprends bien, on prend le risque d'aller en prison, de se faire flinguer, pour une infime partie du contenu du coffre.
— Après nous avoir doublés ? Avoir volé mon bateau ? Je vous dois rien.
Les yeux de Blake passait de Terrance à Sarah, comme une balle, en plein match de tennis.
— Je vous en propose dix, ajouta Sarah du ton de chef d'entreprise qu'elle avait entendu son père adopter, avant chaque gros contrat.
Le capitaine hésita, John B fixa ses pompes, et c'est Cléo qui prit la parole;
— Dix millions par tête.
Terrance émit un rire embué d'alcool.
— Ah, ça j'aime. Dix chacun.
C'est le moment que choisi John B pour se rebeller,
— Chacun ? C'est ça, écoutez, on va..
— Oh ta gueule.
Il fixa un regard ahuri sur Blake, qui roula des yeux au ciel. Une bataille silencieuse se déroula en fond, durant laquelle ils s'insultèrent visuellement, laissant à Sarah l'opportunité de continuer son marchandage.
— Dix millions par tête.
Blake se détourna de son cousin pour planter ses yeux, comme deux revolvers, dans ceux, avides, de Terrance.
— C'est ça ou rien.
Il consulta brièvement les filles, toujours perchées, et un large sourire édenté vint éclairé sa face bouffie. De sa main libre —l'autre agrippée à son verre— il tendit les doigts vers Sarah.
— Marché conclu, princesse.
Sarah lui serra la main.
— Hé !
Blake agita le paquet de cacahuètes vide avec dédain.
— Vous avez encore de ça ? Je crève la dalle.
Cléo pouffa, et plongea jusqu'à elle, atterrissant au plancher avec un certain style.
— Ramène-toi, sourit-elle franchement. Y'a des sandwiches dans le frigo.
— Et du rhum ! Ajouta Terrance en finissant son verre.
Ronnie descendit à son tour, et lui chipa des mains;
— Arrête de boire, t'es trop vieux pour ces conneries. Va au lit grand-père.
— Rends-moi ça espèce de merdeuse, Veronica !
Mais elle s'était déjà enfuie dans le cockpit, vidant le contenu en deux gorgées. Stupéfaite, Sarah décocha une œillade à John B, qui haussa une épaule, avec un petit sourire.
Ils étaient associés désormais, mais la priorité, dans l'immédiat, pour le trio, c'était de s'écrouler contre un matelas, et de ne jamais se relever.
Et quand Blake ferma les yeux, plusieurs heures plus tard, reput de sandwiches, chips, et soda —en gros, tout ce que Sienna exécrait— dans la baraque de Terrance, avachi sur le bras de John B, elle rêva de deux iris couleurs océan, le seul endroit où elle se sentait en sécurité. Sa maison. JJ...
- Gigi
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