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𝐞𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

Le magasin de fleurs préféré de Jimin était situé de l'autre côté de la ville.

C'était pour le moins gênant, mais lorsque Jungkook essaya pour la première fois de convaincre Jimin de tomber amoureux du fleuriste à un pâté de maisons de chez eux, il insista sur le fait que ce n'était pas la même chose. Avec le temps, cependant, c'était devenu leur endroit, leur rituel hebdomadaire. Arrivés à neuf heures et demie, ils se promenaient dans le parc en bas de la rue, s'arrêtaient pour prendre une tasse de thé dans une petite boutique du coin, puis finissaient inévitablement dans la boutique de fleurs pour y cueillir un bouquet pour la semaine.

Jungkook pouvait raconter l'histoire de leur relation simplement en nommant les fleurs de leurs bouquets.

Tout commença avec son bouquet de marguerites. Une simple fleur, mais le commerçant lui avait dit qu'elles représentaient un nouveau départ et il avait désespérément besoin du pardon de Jimin.

« Jimin », chuchota Jungkook, en poussant le bouquet de marguerites dans la poitrine de son Jimin, la tête penchée en avant, les yeux fermés. Il ne voulait pas regarder, il ne pouvait pas regarder. Lorsque les fleurs furent doucement retirées de ses mains, il laissa tomber ses deux bras sur le côté.

« Jungkook », dit doucement Jimin sur un ton légèrement interrogateur. Il avait rêvé de la voix de Jimin, ce doux et mélodieux bourdonnement le hantant jusqu'à ce que les rêves se transforment en réalité et il pensait avoir entendu Jimin partout. « Les fleurs sont magnifiques », il entendit Jimin prendre une longue et profonde respiration suivie du bruit de pas.

« Le fleuriste a dit qu'elles représentaient un nouveau départ »

« C'est vrai ? »

Jungkook hocha la tête, les yeux encore fermés, tandis qu'il mettait ses mains dans ses poches de pantalon.

« Jungkook - regarde-moi », dit Jimin. Mais Jungkook ne bougea pas, il ne respira même pas, et il tressaillit quand Jimin appuya sa main douce et chaude contre sa joue.

« Je suis - je suis désolé, Jimin », commença-t-il. Les mots étaient trop petits, les excuses trop courtes. « Je sais que tu dois me détester, putain je me déteste, mais je voulais juste te dire que j'ai l'intention de passer le reste de ma vie à prouver que je suis digne de ton amour », avant de pouvoir entendre la réponse de Jimin, il se mit en retrait, en laissant échapper un sanglot étouffé tandis que la main chaude tombait de son visage. Il se retourna, en marchant les quelques pas vers l'escalier, en n'ouvrant les yeux que lorsqu'il sentit la rampe dans sa main droite. Mais avant de pouvoir descendre, Jimin attrapa sa main, en tirant fermement dessus, le forçant ainsi à se retourner.

« Où est-ce que tu vas ? », demanda Jimin, en serrant son poignet.

« Je - Je ne sais pas. Je pensais rester à l'hôtel, c'est comme ça qu'ils appellent ça, non ? »

« Oui, Jungkook. C'est comme ça qu'ils appellent ça. Mais pourquoi tu vas à l'hôtel ? »

« Parce que – »

« Regarde-moi, Jungkook. Regarde-moi. Je pense que je mérite au moins ça »

En prenant une profonde inspiration, Jungkook la retint jusqu'à ce que ses poumons commencent à brûler, et il la relâcha lentement entre ses dents. En ignorant la douleur dans sa poitrine, la façon dont son cœur lui semblait trop grand, trop lourd, il leva la tête et rencontra les yeux de Jimin. Ils étaient chauds et réconfortants, son expression était douce alors qu'il continuait à serrer le bras de Jungkook comme s'il avait peur qu'il essaie de courir dans la direction opposée.

« Je te pardonne, Jungkook », dit Jimin, sa voix n'étant qu'un faible murmure alors qu'il s'avançait jusqu'à ce que leurs hanches soient pressées l'une contre l'autre. « Je te pardonne »

« Ne dis pas ça »

« Ce n'est pas à toi de choisir. C'est mon choix. Et je te pardonne. Maintenant, s'il te plaît, rentre à l'intérieur. S'il te plaît rentre à la maison »




Les marguerites ont été remplacées par des pensées.



« Que veux-tu que je dise ? », cria Jungkook, en détestant la force de sa voix. « Qu'est-ce que je peux dire ? Qu'est-ce que je peux faire ? »

« Je ne sais pas. Je ne sais pas. Laisse-moi tranquille », s'écria Jimin.

C'était mal, se dit Jungkook, comme Jimin était beau quand il pleurait. Les yeux gonflés, les joues rougies, les lèvres enflées et rouges à l'endroit où il les avait mordillées - Jimin était enivrant. Mais il avait mal, il s'agrippait à son ventre en se penchant, la tête entre les genoux.

« Bébé », dit doucement Jungkook, en faisant un pas prudent en avant et en plaçant une main hésitante sur le bas du dos de Jimin. « Je suis désolé »

« Je sais, je sais ça. Ce n'est même pas de ta faute »

« Nous les reverrons un jour »

« Je veux les voir maintenant. Ils me manquent tellement, Jungkook »

« Moi aussi »

La culpabilité était le meilleur ami de Jungkook, après Jimin, bien sûr. C'était une constante pour lui, toujours en train de tourbillonner dans son ventre, de se tordre et de se nouer péniblement. Mais ces moments étaient les pires ; quand il voyait les répercussions de ses choix, la douleur qu'il avait causée. Rien ne pouvait y remédier. Pas de mots, pas de gestes, rien. Il avait forcé la main à Jimin, l'avait éloigné de ses amis, de sa famille, de sa maison.

« Je t'aime », chuchota Jungkook, car c'était la seule chose qu'il pouvait dire.

« Je t'aime aussi », Jimin avait réussi à le dire à travers de petits hoquets.

« Même si on ne peut pas les voir, tu sais qu'ils sont là. Tu sais qu'ils vont nous rendre visite. N'oublie pas ça »

« Je veux juste donner un dernier câlin à Taehyung, juste un de plus. Il m'a toujours fait les meilleurs câlins »

Jungkook ne répondit pas, il n'y avait rien à dire.

Quand ils allèrent chez le fleuriste le week-end suivant, ils sortirent avec un bouquet plein de pensées, violettes et jaune vifs, des couleurs qui réchauffaient le cœur. Le souvenir, leur dit le fleuriste, c'est ce que les pensées représentaient.


Après les pensées, les pivoines sont arrivées, des bulbes fleuris de toutes les nuances de rose.




« Tu sais quel jour on est ? », demanda Jungkook, avec les bras cachés derrière son dos, en serrant le bouquet de fleurs avec force alors que Jimin le regardait avec curiosité.

« Non – »

« Ça fait cinq ans que tu m'as donné une seconde chance »

« Jungkook, ce n'est pas – »

« Pour toi », dit Jungkook, en retirant le bouquet de derrière son dos et en l'offrant à Jimin avec un large sourire qui lui faisait mal à la mâchoire.

« Elles sont magnifiques », Jimin s'avança en hésitant, en prenant les fleurs et en les éloignant de Jungkook. En fermant les yeux, il les reposa sous son nez et prit une longue respiration. En les relâchant, ses yeux s'ouvrirent à nouveau, en retrouvant immédiatement le regard de Jungkook. Pendant un moment, ils se regardèrent simplement l'un l'autre, sans cligner des yeux, jusqu'à ce que Jungkook voie les coins des yeux de Jimin se plisser en un sourire.

« Apparemment, c'est la fleur la plus romantique. Encore plus que les roses. Et elles portent chance »

« Je les aime », dit Jimin, en passant doucement un doigt sur les pétales. « Je t'aime », ajouta-t-il, à moitié pensif en réduisant la distance qui les séparait pour enrouler ses bras autour de la taille de Jungkook, en enterrant son visage contre sa poitrine, les fleurs étant alors pressées contre le dos de Jungkook.

« Je t'aime aussi », dit Jungkook en glissant ses bras autour de Jimin, en plaçant son visage dans le creux de son cou et en fermant les yeux. En pressant un baiser presque platonique contre son épaule, Jungkook rapprocha Jimin, de telle sorte à ce que leurs hanches soient alignées l'une contre l'autre. Il embrassa à nouveau son épaule puis déplaça ses lèvres vers sa clavicule, où il effleura la peau de Jimin avec ses dents, en savourant la façon dont le souffle de Jimin s'accélérait.

Cette danse entre eux était désormais familière, voire réconfortante. Peu importe combien de temps ils resteraient ensemble, Jungkook aimerait toujours le moment où Jimin rapprocherait ses hanches, les écrasant contre Jungkook dans une invitation silencieuse à aller plus loin, à aller plus vite.

Aujourd'hui, il ne fallut pas longtemps, pas même une seconde d'hésitation, avant que Jimin ne se déplace contre lui, ses mains s'agrippant à la taille de Jungkook. Penché en avant, Jungkook baissa ses mains et les plaça sous Jimin, le soulevant ainsi et enroulant ses jambes autour de sa taille. Il fit à peine un pas que les mains de Jimin lui prenaient les joues en coupe, avec son visage incliné vers la droite pendant qu'il l'embrassait. Malgré le désespoir dans leurs mouvements, le baiser était tout sauf ça. Il était empreint d'amour.


C'était ses souvenirs préférés, se dit Jungkook en descendant le trottoir vers le magasin de fleurs.

Il pleuvait - juste une légère bruine - mais le météorologue prévoyait un orage qui allait se déclencher plus tard dans la nuit. Bien qu'il portait une veste, la pluie commençait déjà à s'infiltrer dans le tissu. Il pouvait entendre Jimin le réprimander d'avoir oublié son parapluie ; il marmonnerait quelque chose comme 'espèce d'idiot' tout en attrapant une serviette chaude pour le sécher.

Les fleurs qui étaient normalement exposées à l'extérieur de la boutique se trouvaient aujourd'hui à l'intérieur, créant une sensation presque claustrophobe à l'entrée. La boutique était plus une serre qu'autre chose, mais Jungkook supposa que c'était pour cela que leurs fleurs étaient toujours les plus brillantes.

« Jungkook ? Je suis surpris de te voir aujourd'hui », dit M. Kim, le propriétaire en sortant de derrière le comptoir C'était un homme d'âge moyen, qui commençait tout juste à grisonner autour de ses tempes, avec un sourire aimable qui semblait toujours accueillant.

« Un peu de pluie ne peut pas me faire de mal »

« C'est – bien sûr que non. Qu'est-ce que tu cherches aujourd'hui ? »

« En fait, je n'ai pas encore décidé. Je pense que je vais juste regarder un peu »

« Bien sûr, fais-moi savoir quand tu seras prêt. Et on pourra toujours te faire un nouveau bouquet »

Jungkook fit un signe de tête, en s'inclinant légèrement, avant de tourner à gauche vers les fleurs du devant.

Après les pivoines, vinrent les iris, de magnifiques fleurs violettes qui semblaient durer éternellement, jusqu'au jour où Jungkook fut finalement obligé de les mettre à la poubelle.

« Bébé, je suis à la maison », appela Jungkook depuis la porte d'entrée, en tirant sur sa veste et en l'accrochant dans le placard de devant. « Tu ne croiras pas à quel point c'était bondé aujourd'hui. Je crois que c'était la fin des cours, c'est la seule raison qui me vient à l'esprit », alors que Jimin n'avait toujours pas répondu, il enleva ses chaussures et traversa le salon, qui était vide, et alla dans la cuisine - également vide. De la cuisine, il descendit le couloir et vérifia leur chambre - vide elle aussi. Ce n'est que sur un coup de tête qu'il se rendit dans la chambre inutilisée, celle destinée aux invités.

Jimin était assis sur le lit, en serrant un petit oreiller qui avait à peine la taille de sa main. Sur le devant se trouvait un dessin fait à l'aiguille qui ressemblait à un petit ours tenant un ballon rouge. Jungkook n'avait jamais vu cet oreiller auparavant.

« Bébé ? », demanda Jungkook avec hésitation, en entrant et en regardant les yeux de Jimin s'écarquiller. Ils étaient rouges, mais il souriait, bien que la commissure de ses lèvres se mit à trembler à mesure qu'ils se regardaient. « Qu'est-ce qui ne va pas ? », il s'approcha du bord du lit et se tourna, en s'asseyant sur le bord et en enroulant un bras autour des épaules de Jimin, ce qu'il semblait apprécier, alors qu'il pressait son visage contre la poitrine de Jungkook presque immédiatement.

« J'ai besoin de te demander quelque chose », marmonna Jimin.

« Cela n'explique pas les larmes », répondit Jungkook.

« J'ai peur »

« De me demander quelque chose ? Jimin – tu ne devrais jamais avoir peur de me demander quelque chose »

« J'ai peur que tu me dises non »

« Bon, c'est quelque chose de mal ? », Jungkook sentit son cœur se serrer, son esprit se précipiter dans une douzaine de scénarios très invraisemblables qui s'aggravaient rapidement dans leur gravité.

« Je ne sais pas. Non, je ne pense pas. Pas pour moi »

« Alors pourquoi je dirais non ? »

« Parce que tu pourrais le faire »

« Demande-moi, bébé »

Jimin s'éloigna de sa poitrine et se recroquevilla sur lui-même, avec ses bras enroulés sur son ventre, comme s'il avait mal. Jungkook détestait cela, détestait voir Jimin souffrir, mais il savait qu'il devait s'en sortir tout seul. En frottant lentement son dos, Jungkook restait assis à attendre, en écoutant la respiration de Jimin s'égaliser lentement jusqu'à ce qu'il ne renifle plus ou ne pleure plus.

« Je suis allé en ville aujourd'hui, après mon service. Et bien - j'avais un rendez-vous pour apprendre – », Jimin parlait vite, trébuchait sur ses mots comme si la rapidité signifiait que Jungkook était moins susceptible de dire non à ce qui se passait. « Pour en savoir plus sur – », répéta-t-il en humidifiant ses lèvres. « Jungkook », Jimin pencha sa tête vers le haut et regarda directement Jungkook. « Je veux adopter un bébé »

Le cœur de Jungkook se serra.

« Tu veux adopter un bébé ? »

Jimin fit un signe de tête et lorsque Jungkook ne répondit pas immédiatement, il se recourba encore une fois, comme s'il se cachait d'une certaine manière de la réponse de Jungkook.

« Jimin, regarde-moi, s'il te plaît », cela prit un moment, mais Jimin se retourna finalement vers lui, avec les yeux pleins de larmes à nouveau. « Je ne vais pas dire non. Je veux en parler, mais je ne dis pas non. Alors s'il te plaît, arrête de pleurer. Je déteste te voir pleurer »

« Tu ne dis pas non ? »

« Je veux en parler, et je suis sûr que toi aussi. Et ensuite nous pourrons prendre une décision ensemble »

« Tu vas y réfléchir ? »

« J'envisagerais n'importe quoi pour toi »

Lorsqu'ils signèrent la demande d'adoption une semaine plus tard, Jungkook revint du magasin de fleurs avec un bouquet rempli d'iris, en se réjouissant de la façon dont les yeux de Jimin s'élargissaient à leur vue.


Ça avait été une bonne journée.

Mais il y avait aussi des mauvaises journées.

Et les iris furent remplacés par des jacinthes.

« Je ne comprends pas », déclara Jungkook, en pressant le téléphone près de son oreille tandis qu'il faisait les cent pas devant la cheminée. Jimin était sur le canapé, bien enveloppé dans une couverture, seuls ses yeux étaient visibles. Ils l'observaient. « C'est une réponse inacceptable. Vous allez devoir faire beaucoup mieux que ça, je vous le dis »

Quand il était arrivé sur Terre, c'était le téléphone qui avait vraiment fait tourner Jungkook en bourrique. Il supposait que ce qui manquait aux humains en termes de longévité, ils le compensaient avec de l'ingéniosité. Mais aujourd'hui, il ne voulait rien d'autre que jeter le téléphone par terre et l'écraser avec le talon de sa botte. Aucun étranger à l'autre bout du téléphone n'avait le droit de faire pleurer son Jimin.

« Monsieur Jeon, lorsque vous avez signé les papiers, on vous a également informé que ce processus est très sélectif »

« Je suis bien conscient de ce que j'ai signé, imbécile. Ce que j'attends, c'est une explication correcte de la raison pour laquelle nous n'avons pas été sélectionnés »

« Monsieur Jeon, je ne suis malheureusement pas en mesure de partager ces détails avec vous. Si vous me laissez vous mettre en attente, je peux vous passer notre directeur »

« Ne vous avisez pas de me mettre en attente. Vous vous dirigez vers l'endroit où il est assis et vous lui passez directement ce téléphone »

« Monsieur Jeon – »

« Vous m'avez entendu. J'attends »

Jimin reniflait et le bruit distrayait Jungkook. Il ne s'était pas senti démoniaque depuis des années, mais aujourd'hui, c'était différent.

« Monsieur Jeon ? C'est Monsieur Lee. Je suis le directeur de l'agence »

« Oui, c'est Jeon Jungkook »

« J'ai entendu dire que vous cherchiez à mieux comprendre pourquoi vous et votre partenaire n'avez pas été sélectionnés pour l'adoption ? »

Jungkook sut à la minute où cet homme, cet humain répugnant, avait dit partenaire, pourquoi ils n'avaient pas été sélectionnés. S'il avait été honnête avec lui-même, il l'aurait su dès que le réceptionniste avait décroché le téléphone et était tombé sur leurs noms en lisant le formulaire. Ils n'allaient pas les autoriser à adopter parce qu'ils étaient deux hommes.

« Malheureusement, c'est un processus très sélectif »

« Oui, on nous l'a dit et vous voyez, c'est là que vous me perdez », Jungkook arrêta de faire les cent pas, en s'appuyant contre la cheminée avec les yeux au plafond pour éviter de regarder Jimin. « Mon partenaire », siffla-t-il, « Et moi avons un emploi, avec un foyer stable, un bon revenu, et surtout, on veut cet enfant, putain. Alors, où est-ce que vous prenez votre pied exactement en me disant que nous ne sommes pas dignes d'adopter ? »

« Je suis vraiment désolé, Monsieur Jeon. Je réalise que cette conversation peut être difficile et nous nous excusons pour toute déception – »

« Va te faire foutre, connard. Un jour, tu vas pourrir en enfer et j'ai hâte d'entendre parler de ton séjour là-bas », il raccrocha le téléphone et le jeta à travers la pièce, en ignorant la façon dont il s'était écrasé contre le mur. Jungkook était en ébullition, sa poitrine se soulevait et s'abaissait rapidement tandis qu'il serrait ses mains sur le côté. Il voulait enfoncer son poing dans le mur, voulait se rendre à l'agence d'adoption et leur montrer exactement à qui ils avaient affaire.

Mais il entendit un sanglot doux et étouffé sur le canapé et tout fondit.

« Bébé – », commença Jungkook, en marchant rapidement vers le canapé, en se glissant à côté de Jimin. « Je suis vraiment désolé », Jimin sauta pratiquement sur lui, en enroulant ses bras, et la couverture, autour du corps de Jungkook. « Je t'aime, je t'aime tellement », il embrassait ses joues, son front, son cou, pour essayer de distraire Jimin de la douleur. « On va trouver une solution. Je vais trouver une solution »


Trois agences d'adoption plus tard, trois appels téléphoniques décevants plus tard, Jungkook rentra chez lui avec un bouquet de jacinthes, qui resta sur le rebord de leur fenêtre pendant une semaine jusqu'à ce que Jimin les jette, avec le vase et tout le reste.

Mais les mauvais jours étaient toujours temporaires.

Mais aujourd'hui, ce n'était pas un jour à jacinthes, s'était dit Jungkook, en s'éloignant de la fenêtre pour aller vers un des murs du magasin de fleurs.

Les tournesols avaient toujours été l'une de ses fleurs préférées.


« Jimin », appela Jungkook en ouvrant très légèrement la porte d'entrée. « Bébé ? »

« Je suis dans la cuisine »

« Tu peux rester là une seconde ? J'ai une surprise pour toi »

« Une surprise ? Qu'est-ce que tu as fait ? », Jungkook fit un sourire, en secouant la tête avec tendresse.

« Rien, reste là une seconde »

« Bien. Mais dépêche-toi »

« Tu es si impatient. Je pensais que tu ne voulais pas de surprise », en utilisant son pied pour ouvrir la porte d'entrée, il entra et plaça une petite boîte en carton par terre, suivie d'un bouquet de tournesols. Après avoir fermé la porte, il retira sa veste et la jeta sur une chaise près du placard.

« Eh bien, est-ce que c'est une bonne surprise ? », appela Jimin.

« La meilleure »

« Bon, dépêche-toi »

« J'arrive, j'arrive », dit Jungkook en riant et en traversant le salon pour entrer dans la cuisine.

« Tu as les mains vides », dit Jimin en fronçant les sourcils, en croisant les bras sur sa poitrine.

« Pour l'instant, oui. La surprise est à la porte d'entrée », en réduisant la distance entre eux, il se pencha et l'embrassa rapidement avant de le faire tourner sur lui-même et de lui mettre les mains sur les yeux.

« C'est nécessaire ? », demanda Jimin, mais Jungkook ne fit que sourire. Il pouvait dire qu'il aimait ça.

« Chut », avec précaution, il les ramena vers la porte d'entrée, en s'arrêtant à quelques mètres de la boîte. « Surprise », chuchota Jungkook, en embrassant le cou de Jimin avant de retirer ses mains.

« Qu'est-ce que c'est ? », demanda Jimin en jetant un coup d'œil à Jungkook par-dessus son épaule.

« Va voir »

Les premiers pas furent prudents, mais ensuite l'excitation de Jimin sembla prendre le dessus sur lui tandis qu'il se dépêchait d'avancer pour s'arrêter en trébuchant à côté de la boîte.

« Oh mon Dieu », chuchota Jimin, en lui jetant un nouveau regard avant de s'agenouiller sur le sol et d'insérer ses mains dans la boîte en carton. Lorsqu'il se retourna vers Jungkook, il souriait et tenait un petit chaton calicot. « Oh mon Dieu », répéta Jimin, en berçant affectueusement le chaton. « Elle est si douce. Mais pourquoi ? Je ne comprends pas »

« Pourquoi ai-je besoin d'une raison pour te surprendre ? »

« Je – je suppose que tu n'en as pas besoin », le visage de Jimin se transformait en un sourire tandis qu'il l'enfouissait dans la douce fourrure. Le chaton se réveilla de son sommeil, en posant ses pattes sur le visage de Jimin de façon intriguée avant d'étendre son dos suivit d'un petit miaulement.

« Je suppose que tu ferais mieux de commencer à penser à un nom »

« Tournesol »

« Tournesol ? »

Jimin fit un sourire, en faisant un mouvement de tête vers les fleurs avec un haussement d'épaules. Jungkook secoua simplement la tête et fit un hochement de tête.

« Bienvenue à la maison, Tournesol », chuchota Jimin, en embrassant la tête du chaton et en la rapprochant de sa poitrine, son sourire était large, contagieux.

Le cœur de Jungkook battait, lourdement et remplit de contentement.


Mais les tournesols n'étaient pas faits pour aujourd'hui, et Jungkook les dépassa avec un sourire affectueux.

« Tu as décidé de ce que tu veux ? », lui demanda M. Kim de derrière le comptoir.

« Pas encore. Bientôt »

M. Kim semblait perplexe devant sa réponse, son sourcil gauche se levant curieusement, mais il hocha la tête, en se tournant vers la porte d'entrée où un autre client était entré.

Les tulipes étaient un ajout plus récent à leur histoire, brillantes, presque rouge cerise.


Jungkook préférait les nuits tranquilles à la maison. Juste lui, Jimin et Tournesol recroquevillés sur le canapé, enveloppés ensemble dans une couverture chaude comme un cocon sûr. Jimin lisait normalement, tandis que Jungkook jouait en silence sur sa console de jeu vidéo - peut-être sa découverte préférée sur Terre. À vrai dire, ce qu'ils faisaient n'avait pas beaucoup d'importance pour lui, tant qu'ils étaient ensemble.

C'est durant un samedi après-midi qu'ils achetèrent un bouquet de tulipes. Après avoir erré chez le fleuriste pendant près d'une demi-heure, Jimin sortit avec un bouquet d'au moins trente tiges, les offrant fièrement à Jungkook qui les prit en secouant la tête.

« Je pense que tu as réussi à te débrouiller tout seul pour maintenir ce magasin en activité. Personne d'autre ne semble jamais y entrer ou en sortir »

« Ils ont les meilleures fleurs »

« Je sais », dit Jungkook, en enroulant son bras autour de l'épaule de Jimin tandis qu'ils descendaient le trottoir vers leur voiture - encore une autre invention qu'il avait trouvée époustouflante. « Que veux-tu faire ce soir ? »

« Rester à la maison ? Commander à manger ? », Jimin le regarda avec une expression presque suppliante.

« Arrête de me regarder comme si j'allais dire non. Je te dis toujours oui »

« Ça, ça ne me dérange pas »

« J'aurais douté du contraire », gloussa Jungkook, en embrassant sa tempe avant de déverrouiller la voiture et d'ouvrir la porte pour Jimin. Après s'être assis, Jungkook lui rendit le bouquet, en regardant Jimin poser les tulipes sur ses genoux et fermer la porte en douceur. En sautant côté du conducteur, il mit la voiture en marche et se mit en route avant de tendre sa main à Jimin et de l'enlacer. Ils étaient tous les deux silencieux en rentrant chez eux, perdus dans leurs propres pensées.

Jungkook pensait à l'homme assis à côté de lui, à la vie qu'ils avaient construite ensemble. Ce n'était pas normal selon les normes démoniaques ou angéliques, et honnêtement, il ne savait même pas ce que les humains trouvaient normal, mais cela leur appartenait. Ils avaient pris les tessons de leur vie et les avaient recousus, morceau par morceau, créant ainsi quelque chose de magique.

Plus tard dans la soirée, une fois le dîner terminé, la vaisselle nettoyée et séchée, et la couverture bien enroulée autour d'eux, Jungkook se blottit finalement contre l'accoudoir du canapé, en plaçant Jimin entre ses jambes pour qu'il soit obligé d'utiliser sa poitrine comme coussin. Jungkook préférait cela, en savourant le poids familier de Jimin reposant contre lui, une pression constante qui lui donnait l'impression d'être chez lui.

« Où est ton jeu ? », demanda Jimin en bâillant légèrement, en inclinant la tête en arrière pour le regarder.

« Mm, je ne veux pas jouer ce soir »

« Qu'est-ce que tu vas faire alors ? Juste me regarder lire ? »

« Pourquoi tu ne me fais pas la lecture ? »

« Jungkook », dit Jimin en riant, en lui donnant un coup de coude sur le côté.

« Je suis sérieux, fais-moi la lecture »

« Tu ne vas pas aimer ce livre, tu vas penser qu'il est ennuyeux »

« Pas quand tu me le liras »

Bien qu'il soupira, de façon assez dramatique, Jimin se racla la gorge et, un instant plus tard, commença à lire à haute voix. Niché plus profondément dans le canapé, Jungkook glissa une main sur la hanche de Jimin tandis que l'autre se leva pour jouer avec les pointes de ses cheveux, en faisant tournoyer les mèches doucement autour de ses doigts. Il ne remarqua même pas quand Jimin cessa de lire.

« Est-ce que tu m'écoutes ? »

« Hm ? »

« Jungkook, honnêtement. Tu es terrible »

« Mais tu m'aimes »

« On dirait que tu réfléchis profondément. Tu es dans la lune ? »

« Dans la lune ? »

« C'est une chose humaine. Je l'ai appris au travail l'autre jour »

« C'est mignon »

« C'est leur façon de te demander à quoi tu penses »

« Je pense à toi »

« Moi ? », Jimin se retourna à sa réponse, et le fit basculer pour être allonger  ventre contre ventre avec Jungkook, son menton reposant sur sa clavicule. « Pourquoi ? »

« Tu es juste dans mes pensées, je suppose »

« Pour de bonnes choses ? »

« Bien sûr », ils restèrent silencieux pendant un moment, respirant à l'unisson, jusqu'à ce que Jungkook cambre son dos et soulève ses hanches, en utilisant ce nouvel angle pour tirer doucement Jimin plus haut afin qu'ils soient face à face. « On s'est fait une belle vie, n'est-ce pas ? », Jimin hocha lentement la tête. « C'est ça, c'est vraiment tout ce à quoi je pense. Que j'aime notre vie. Que je suis reconnaissant de t'avoir »

« Pourquoi cette soudaine pénitence ? »

« Je pense que c'est quelque chose que le fleuriste a dit, en fait »

« Monsieur Kim ? Qu'est-ce qu'il a dit ? »

« À propos des tulipes. Il a dit que les tulipes rouges représentaient le véritable amour. Et tu m'as juste souri et tu les as achetées »

« Et ça t'a surpris ? »

« Non. Ce n'est pas le mot que j'utiliserais. C'est autre chose », Jimin ne répondit rien, il laissa le silence s'installer entre eux pendant que Jungkook essayait de trouver les bons mots. « Je suppose que c'est la satisfaction. Je me suis senti satisfait »

« Tu penses que je suis ton seul véritable amour ? »

Jungkook fit un sourire et haussa un sourcil. « On dirait un de ces films Disney que tu aimes tant. Vas-tu t'endormir et avoir besoin d'un baiser du Prince Charmant pour te réveiller ? »

« Es-tu le Prince Charmant ? »

« Est-ce que tu flirtes avec moi ? »

« Peut-être »

Jungkook leva à nouveau ses hanches, en les écrasant contre celles de Jimin, en appréciant la façon dont ses yeux s'assombrissaient et se rétrécissaient, comment sa langue s'évanouissait et léchait ses lèvres. Ce soir serait une bonne nuit, une très bonne nuit.

« Je suis ton véritable amour ? », demanda Jungkook avec un sourire taquin, en glissant sa main entre eux et sous le haut de Jimin, pour faire frôler ses ongles contre son abdomen.

« Oui », répondit Jimin sans hésiter, en embrassant le cou de Jungkook avant de traîner ses dents le long de sa mâchoire. « Ne suis-je pas le tient ? »

« Si »

Lorsque Jimin s'endormit plus tard dans la nuit, recroquevillé contre la poitrine de Jungkook, tous deux nus, en sueur et endoloris, la peau couverte de bleus et de marques de morsures, Jungkook ne pouvait s'empêcher de se demander à quel point ce serait terrible s'il reconnaissait à voix haute que s'il avait le choix, il reprendrait cette vie terrestre.


Lorsque les tulipes fanèrent, l'amour des fleurs de Jungkook partit avec elles.


« Jimin, tu travailles dans un hôpital, tu dois prendre un rendez-vous »

« Mais je ne veux pas être vu par un médecin avec qui je travaille »

« Alors on ira dans un autre hôpital, mais tu as de la fièvre depuis plus d'une semaine et tu n'as presque rien mangé »

« C'est juste un rhume », quand Jungkook croisa ses bras et fronça les sourcils, Jimin modifia sa déclaration. « C'est peut-être la grippe. Mais c'est bon, j'ai un bon système immunitaire, je vais la combattre »

« Bébé, s'il te plaît, je veux que tu prennes un rendez-vous. Je ne pense pas que ce soit trop te demander »

« D'accord, d'accord, d'accord », Jimin n'avait pas l'air content lorsqu'il leva les bras et commença à se précipiter vers leur chambre. « Je n'apprécie pas la culpabilité »

« Tu sais que ce n'est pas ce que j'essayais de faire », il entendit la porte claquer et grimaça. « Bébé », dit Jungkook, en le suivant dans le couloir, en s'arrêtant à la porte. En levant la main, il frappa ses articulations sur le bois une, deux, trois fois, avant d'entendre un soupir aggravé de l'autre côté. « Jimin, je suis désolé. Je sais que tu ne veux pas y aller, mais je m'inquiète pour toi »

« Je t'ai dit que je vais bien », dit Jimin derrière la porte.

« Et si tu ne te sens pas mieux dans les 48 heures qui suivent, tu y vas ? C'est un bon compromis ? »

« Bien »

« Tu peux me laisser entrer ? », il y eut un moment où il se demanda si Jimin allait vraiment le garder enfermé dehors, mais la porte s'ouvrit, révélant un Jimin plutôt boudeur. « Tu veux que je te fasse une tasse de thé ? », Jimin fit un signe de tête silencieux, sa moue s'approfondissant. « Viens, allons te mettre à l'aise sur le canapé »

Jungkook n'eut jamais l'occasion de faire la tasse de thé. Ils étaient à l'hôpital deux heures plus tard.


En se tournant vers le comptoir, Jungkook fit un signe de la main à M. Kim, le faisant ainsi se diriger vers l'endroit où il se tenait.

« Tu sais ce que tu aimerais aujourd'hui ? »

« En fait, je veux deux bouquets »

« D'accord, je vais chercher du papier et un stylo », Quand M. Kim revint, il fit un bref signe de tête à Jungkook avant de commencer à noter les fleurs pour le premier, puis le second. « Ce premier bouquet est un peu bizarre », dit-il lentement, en revoyant la liste avec lui par la suite. « Je ne suis pas sûr de le recommander »

« Non, je sais que ce n'est pas traditionnel. Mais c'est ce que je veux »

« Tout ça ? »

« Oui. C'est faisable ? »

« Je veux dire, bien sûr »

« Merci, combien de temps penses-tu que ça va prendre ? »

« Environ trente minutes ? »

« Parfait, je vais faire un tour au parc »

Ils se séparèrent en souriant, Jungkook sortit par la porte d'entrée et entra à nouveau dans la tempête. La pluie était maintenant plus forte, plus froide, en glissant au dos de sa veste et s'infiltrant dans sa chemise. Mais c'était presque rafraîchissant et il ignorait les regards étranges qu'il recevait de quelques piétons qui se précipitaient vers un abri.

Jungkook ne se dépêchait pas, son rythme était lent et méthodique lorsqu'il entra dans le parc. Il n'était pas plus grand que trois blocs carrés situés dans le centre de la ville, avec un belvédère au milieu et un petit étang sur le côté. En temps normal, le parc était très fréquenté - pique-niques, enfants jouant au tag, le club de fitness local faisant du yoga sur l'herbe - mais aujourd'hui, il était vide. Même les canards l'avaient abandonné.

Jungkook prit son temps pour se rendre à l'étang, en glissant sur l'un des bancs avec un gémissement. Il n'avait jamais connu le vieillissement en tant que Démon. Des siècles de vie en Enfer et il s'était senti aussi jeune et vif qu'un jeune homme de vingt ans, mais les humains étaient faibles, leur corps n'était pas fait pour durer.

Il l'avait appris à la dure.


« Je ne comprends pas », dit doucement Jungkook, en fronçant les sourcils dans le couloir blanc de l'hôpital. « C'était censé être un rhume ou une grippe »

« Je suis vraiment désolé », dit le médecin, en posant une main sur l'avant-bras de Jungkook avec un petit froncement de sourcils. « Je sais que c'est beaucoup à digérer, mais j'ai besoin que vous commenciez tous les deux à prendre des décisions très importantes »

« J'ai juste, je ne peux pas – », marmonna Jungkook, en arrachant son bras et en faisant un pas en arrière.

« Vous voulez un peu de temps seul pour y réfléchir ? »

« Je veux me réveiller », c'était un cauchemar, se dit Jungkook, rien de plus qu'un cauchemar.

« Monsieur Jeon, je suis vraiment désolé que cela arrive. Je sais combien la situation est difficile. Mon travail consiste à m'assurer que Monsieur Park reçoive les meilleurs soins possibles. Voici les points que nous avons passés en revue. Je vais vous laisser tous les deux les examiner »

« Je ne peux pas faire ça », dit Jungkook, sa voix s'étouffait, sa gorge se serrait.

« Monsieur Jeon, vous devez le faire. Vous devez être la voix de la raison ici. Vous devez être fort pour lui », Jungkook hochait la tête, mais il ne savait pas pourquoi il le faisait. Il pleurait, il s'en rendit compte un instant plus tard, des larmes coulaient sur son visage, trempant le col de sa chemise, qui lui semblait serrée et douloureuse. Tout son corps se sentait mal - serré, inconfortable - comme s'il s'était accidentellement mis dans la peau de quelqu'un d'autre ce matin-là.

Après avoir tapoté l'épaule de Jungkook une dernière fois, le médecin se retourna et marcha dans le couloir, le laissant là, en serrant dans ses mains la brochure en haut de laquelle était écrit 'Fournir des soins et du confort en fin de vie'


Il n'y avait pas de canards dans le parc cet après-midi, ils s'étaient tous blottis ailleurs pour échapper à l'air froid et à la pluie verglaçante. Jungkook pouvait cependant voir les restes de quelques morceaux de pain, clairement éparpillés par un enfant qui avait tenté d'attirer les canards plus près.

Il ne devrait pas être dehors sous la pluie, il le savait. Mais il ne lui faudrait que quelques minutes de plus pour que les bouquets soient prêts.


« Jungkook », dans un sursaut, Jungkook se redressa, l'esprit allant dans tous les sens, le cœur battant la chamade dans sa poitrine. « Prends une grande respiration, tout va bien », c'était la voix de Jimin, il s'en rendit compte, bien qu'elle ait été rapidement noyée par les machines qui les entouraient. « Si tu dors comme ça, tu vas te faire mal »

« Je ne dormais pas », marmonna Jungkook en se frottant les yeux. Il était assis sur une chaise qui était tirée à côté du lit de Jimin. La douleur qui lui coupait la nuque lui fit savoir qu'il s'était endormi penché sur le matelas - il semblait que c'était le seul endroit où il dormait ces jours-ci.

« Tu ronflais »

« Mensonges », dit Jungkook avec un soupir et un sourire hésitant. « Comment te sens-tu, bébé ? »

« Je vais bien », dit Jimin, ce qui devenait sa réponse par défaut récemment, nota Jungkook. Il ne parlait pas des douleurs de corps, ni de la façon dont ses muscles le brûlait, ni du fait que sa gorge semblait enrouée et râpeuse à chaque fois qu'il parlait. Il disait simplement qu'il allait bien et souriait à Jungkook, comme si toute sa mission était de le faire se sentir mieux d'une manière ou d'une autre.

Enterré dans les profondeurs de l'esprit de Jungkook, il se demandait si c'était sa punition. Le Ciel voulait que leur Ange revienne. Jimin n'était pas destiné à être sur Terre. Il était trop brillant, trop beau, et c'était leur monde qui l'appelait à rentrer chez lui.

Mais ils le rappelaient sans Jungkook.

« Tu veux que je t'apporte quelque chose ? », demanda Jungkook, en se redressant debout et en se penchant sur le lit. En se levant, il caressa les cheveux de Jimin et se pencha en avant pour appuyer un doux baiser sur son front.

« De l'eau ? »

« Ça arrive tout de suite », dans le coin de la pièce se trouvait un petit refroidisseur d'eau, du genre de celui qui embrouillait toujours Jungkook, où il fallait que quelqu'un incline une cruche entière à l'envers pour la remplir. Il ne savait pas pourquoi les humains exigeaient cela lorsqu'il y avait des robinets qui coulaient. En prenant un petit gobelet en plastique, il le plaça sous le bec et le remplit jusqu'au bord, en retournant vers Jimin avec précaution.

« Merci », dit Jimin, en prenant le gobelet offert et en le sirotant lentement. Il termina après que la moitié seulement de l'eau ait disparu, en remettant le gobelet à Jungkook qui le posa sur la table de chevet. « Tu veux bien t'allonger avec moi ? »

« Tu ne penses pas que ça va déplaire aux médecins ? »

« Je m'en fiche. S'il te plaît ? J'ai froid »

Jungkook n'avait jamais appris à dire non à Jimin.

En retirant les couvertures, Jungkook enleva ses chaussures et se retourna pour s'asseoir sur le bord du matelas. Il fallut un moment à Jimin pour se dégager et lui faire de la place, mais une fois qu'il l'avait fait, Jungkook leva les jambes et s'appuya sur l'oreiller. Une seconde plus tard, Jimin était blotti contre lui, sa joue reposant sur sa poitrine.

Jimin se sentait petit, frêle et mince. Il se sentait comme un fil, usé en un seul brin, prêt à se rompre. Jungkook détestait cela. Il détestait le fait que Jimin ne mangeait plus, qu'il frissonnait constamment, qu'il y avait des cernes sous ses yeux qui ressemblaient à des bleus, que son corps était en souffrance, qu'il ne quittait jamais le lit, que les machines émettaient des bips incessants, qu'il ne semblait plus sourire.

Mais surtout, il détestait quand Jimin le serrait fort - avec amour - comme ça, comme si leur vie ne s'effondrait pas autour d'eux, comme s'ils avaient tout le temps du monde. Parce que ce n'était pas le cas.

« Jungkook – », dit Jimin, avec ses yeux fermés, sa voix essoufflée, ses doigts jouant avec le tissu de la chemise de Jungkook.

« Oui, bébé ? »

Jimin ne répondit pas pendant un certain temps, au point que Jungkook pensa qu'il s'était rendormi. Mais il sentit qu'il s'était ajusté, en faisant glisser sa main vers le haut pour se reposer juste au-dessus du cœur de Jungkook. « Si je devais refaire tout ça, je te choisirais quand même »

« Je t'aime, Jimin », chuchota Jungkook, en posant sa joue sur sa tête. « Pour toujours »

Il n'entendit jamais les machines s'arrêter de biper.


Le temps que Jungkook retourne au magasin de fleurs, il ne faisait que bruiner à nouveau. Il était pourtant trempé et M. Kim le regarda avec beaucoup d'inquiétude tandis qu'il traînait de petites flaques d'eau dans le magasin.

« Tes bouquets », dit-il, en les remettant tous les deux à Jungkook qui fouillait dans sa poche pour son portefeuille. « Non, non. C'est mon cadeau pour toi »

« C'est – ce n'est pas nécessaire »

« S'il te plaît, j'insiste », dit M. Kim, son expression était si sincère que Jungkook ne pouvait pas refuser. Il inclina simplement sa tête en signe de remerciement avant de se retourner pour sortir du magasin.

Le trajet jusqu'au cimetière fut rapide. Lui et Jimin avaient choisi l'emplacement une semaine avant son décès uniquement parce qu'il restait deux places en haut de la colline surplombant un verger de pommiers en contrebas. Jimin avait dit que cela lui rappelait leur premier rendez-vous, lorsqu'ils s'étaient assis ensemble dans le parc pendant des heures. En garant la voiture en bas, Jungkook sortit avec un petit gémissement et commença la lente marche vers le sommet.

La parcelle était encore fraîche, l'herbe n'avait pas encore poussé. Une pierre tombale avait été placée au début de la semaine, sur laquelle on pouvait lire 'Park Jimin' avec une simple image d'un ange en dessous. L'autre moitié était vide, mais le nom de Jungkook y serait finalement inscrit - bien qu'il soit assez certain que le funérarium n'apprécierait pas un dessin de cornes démoniaques. Il devrait trouver autre chose à y placer.

« Hé bébé », dit Jungkook avec un doux sourire. « Je t'ai apporté des fleurs », il déposa le premier bouquet, une belle sélection de lys blancs qui lui semblait traditionnelle, presque obligatoire. Le second, par contre, était un fouillis de couleurs et de parfums, d'apparence presque criarde. Pour les autres, ce serait moche, mais pour Jungkook, c'était comme eux. Marguerites, pensées, pivoines, iris, jacinthes, tournesols, tulipes - toutes les fleurs qui avaient construit leur relation. Cela ressemblait à leur amour, parfois désordonné, mais parfait dans ses imperfections.

Jungkook s'agenouilla, en ignorant que son genou s'enfonçait dans le sol boueux, et posa sa main contre la pierre tombale, en serrant fermement le bord. De l'autre main, il tâtonna dans sa poche de pantalon pendant une seconde avant d'en sortir une petite plume fine, de couleur gris-colombe. Il la tenait fermement, en faisant courir son pouce le long du bord pendant que son cœur palpitait dans sa poitrine. En fermant les yeux, il se pencha en avant, en appuyant sa tête contre la pierre, et doucement, il plaça la plume à côté des bouquets.

« Tu me manques, Jimin. Tu me manques tous les jours. Parfois, j'ai mal rien qu'en respirant. Je sais que tu me dirais de continuer, mais je ne sais pas quoi faire sans toi », en avalant, il ferma les yeux, en sentant la chaude piqûre des larmes fraîches sur ses joues froides. « Je sais que le Ciel voulait que tu reviennes, mais j'aurais aimé qu'il nous donne un peu plus de temps. Juste quelques années de plus », il pleurait à nouveau, de lentes larmes coulant sur son visage, se mêlant à la pluie froide. « J'espère que tu as pu faire un câlin à Tae. Et Hobi aussi », sa voix craquait et tout son corps tremblait. « Ne m'oublie pas, d'accord ? S'il te plaît, ne m'oublie pas »

Il serra la pierre tombale, puis se remit sur ses pieds, en essuyant ses larmes avec le dos de sa main. Une partie de lui voulait s'allonger à côté de Jimin, s'y reposer jusqu'à ce que le Ciel ou l'Enfer décide qu'il était digne de rejoindre son amour. Mais cela ne fonctionnait comme ça.

Avec un dernier regard par-dessus son épaule, il commença à redescendre la colline, en laissant son cœur allongé à côté de son Ange.

Tout était sombre, mais pas de manière inconfortable. L'obscurité semblait familière, presque accueillante, comme si Jungkook l'avait cherchée. En s'étirant, il tâtait ses pieds, ses jambes, son torse, sa poitrine, ses bras, ses doigts, jusqu'à ce qu'il se sente assez fort pour lever sa main et brosser ses cheveux. Il se sentait à nouveau jeune, ses muscles ne lui faisaient plus mal, sa hanche ne palpitait plus, sa vue était claire, même sans lunettes.

Il lui fallut un moment pour se sentir suffisamment stable pour s'éloigner du sol et s'asseoir. Quand il le fit, l'obscurité commença à s'estomper. Une lumière vive se déplaçait vers lui, d'un blanc aveuglant, mais il ne fit que sourire lorsqu'elle s'enroula autour de lui comme une couverture. Il cligna des yeux une, deux, trois fois, et la lumière commença à s'affaiblir, la luminosité se stabilisant jusqu'à ce qu'elle semble normale.

Puis il l'entendit, une voix au loin, l'appelant par son nom. « Jungkook. Jungkook ! », en se retournant, à genoux, il se redressa, en étant surpris de voir que la peau de ses mains était lisse et jeune, qu'elle n'était plus ridée et parsemée de taches solaires.

« Jungkook », cria de nouveau la voix, aiguë, presque dans un cri. Quelqu'un courait vers lui, en sprintant, avec les bras tendus.

Il connaissait ce visage, ce sourire, cette lueur d'affection. « Jimin – », chuchota Jungkook, ses mains commençant à trembler sur le côté.

« Jungkook », cria encore Jimin, en se précipitant pratiquement vers lui. Jungkook fit un pas hésitant vers lui, en trébuchant à moitié, comme si ses jambes lui étaient étrangères, mais il essayait, en se poussant de plus en plus vite, en essayant de l'atteindre. Au fond de son esprit, il se demandait si c'était un autre rêve, un autre matin où il se réveillerait avec les joues tachées de larmes en serrant l'oreiller de Jimin. Mais alors, Jimin se trouvait devant lui, le heurtait, enroulait ses bras autour de la taille de Jungkook et le serrait fort.

« Bébé », chuchota Jungkook, en sanglotant dans le cou de Jimin, son corps se convulsant d'émotion. Jimin pleurait aussi, en attrapant la veste de Jungkook comme s'ils pouvaient d'une manière ou d'une autre presser leurs corps l'un contre l'autre si fort qu'ils se fondraient l'un dans l'autre.

« Tu m'as tellement manqué », s'étouffa Jimin, avec sa tête enfouie contre la poitrine de Jungkook. « Pourquoi as-tu mis autant de temps. J'ai attendu et attendu »

« Je suis désolé, bébé, je suis désolé. Je suis là maintenant », il caressait les cheveux de Jimin et embrassait son cou, ses mains glissant sur son corps comme s'il essayait de se convaincre que c'était réel. Les mains de Jimin étaient maintenant sous sa chemise, son toucher était comme du feu tandis qu'il traînait ses doigts sur le dos et les côtes de Jungkook. Lorsque Jungkook se retira, Jimin fit de même, avec le regard brillant et plein de larmes, et un large sourire qui fit palpiter le cœur de Jungkook. Avec une courte inspiration, Jungkook se pencha en avant et l'embrassa, ses doigts glissant dans ses cheveux pour incliner sa tête vers l'arrière. Jimin poussa un petit gémissement en pressant leurs hanches les unes contre les autres. Jungkook aurait été tout à fait satisfait de passer le reste de l'éternité sur place, à embrasser l'homme qu'il aimait, mais Jimin se retira finalement, avec les lèvres gonflées et magnifiques, et les yeux fixés sur Jungkook.

« Bienvenue à la maison, mon amour. Tout le monde t'attend », dit Jimin, en repoussant quelques mèches de cheveux de Jungkook.

« Tout le monde ? »

« Yoongi et Tae et Hobi, même Namjoon et Seokjin sont là. Ils t'ont tous attendu »

« Tu promets que ce n'est pas un rêve ? »

Le sourire de Jimin s'approfondit et il hocha la tête. « Nous allons enfin avoir notre éternité »

« Pour l'éternité », se dit Jungkook, en souriant malgré les larmes qui coulaient sur son visage. « Enfin », en levant ses mains, il prit le visage de Jimin en coupe de chaque côté et inclina sa tête vers la droite avant de s'appuyer et de presser ses lèvres contre celles de Jimin.

Il était chez lui.

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