Chapitre 8
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Jisung soupira, le regard rivé vers la pluie qui tombait à torrent derrière le perron. Il avait laissé sa double-porte ouverte pour profiter du doux bruit des goûtes d'eau qui rencontraient le sol et de l'odeur d'humus qui habitait l'air humide. Chez lui, la pluie avait un goût de bitume. Ici, elle sentait bon la nature. C'était agréable. La brume nuageuse flottait entre les vertes feuilles des arbres, revigorant les couleurs de la nature et embellissant ce paysage d'ordinaire déjà si tranquille.
À cause des averses qui avaient commencé tôt ce matin-là, Jisung n'avait pas pu aller travailler. Il s'était tout de même rendu chez son propriétaire, mais ce dernier l'avait envoyé bouler en beauté, lui cirant qu'il était fou de vouloir aller aux champs sous la pluie et qu'il voulait le tuer. Le noiraud n'avait donc pas insisté plus que ça, se contentant de resserrer un peu plus son manteau autour de son fils avant de filer se mettre à l'abri chez lui.
C'est ainsi qu'il avait passé la majeur partie de sa matinée allongé contre le parquet, tantôt jouant avec Sunghan tantôt le regardant dormir d'un air attendri. Avec cette pluie qui tombait dehors, il avait un peu l'impression d'être dans un cocon douillet. Ça rendait le monde silencieux, comme si le temps avait été mis sur pause. Plus rien ne bougeait, plus personne ne parlait. C'était comme si la terre entière s'était arrêté de tourner, rien que pour faire honneur à ces goûtes d'eau qui tombaient du ciel.
Un peu après midi, la pluie s'était tout de même arrêtée, laissant derrière elle de jolies flaques d'eau et des nuages de brume aussi blancs que du lait. Jisung s'était dit qu'une petite promenade ne lui ferait pas de mal et que Sunghan apprécierait aussi l'air frais et humide qui revigorerait son organisme. Une fois que son fils s'était réveillé de sa sieste, le jeune père l'avait donc habillé chaudement avant de le placer dans son porte-bébé, prêt à sortir.
Comme toujours, Jisung ne prit même pas la peine de fermer la porte de chez lui, se contentant de pousser un peu les battants de bois. Personne ne viendrait le cambrioler ici et de toute manière, il n'avait rien à perdre. Alors à vrai dire, il n'en avait pas grand-chose à faire.
C'est d'un pas lent que Jisung avait alors commencé à marcher sur la route humide, inspirant l'air chargé de brume à plein poumons. Seulement, à peine avait-il tourné au virage sous ses propriétaires que Sunghan s'était soudainement mis à pleurer. Jisung s'était arrêté immédiatement en caressant les cheveux de son fils pour comprendre ce qui n'allait pas. Mais lorsqu'il vit ses joues rouges et ses petits sourcils froncés, le noiraud pinça doucement ses lèvres entre elles.
- Encore tes dents ? Sourit-il légèrement en portant son indexe à sa bouche.
Jisung lécha son doigt pour s'assurer qu'il était propre, avant de le tendre à son fils. Ce dernier prit sa main entre ses petites paumes avant de gober le doigt de son père qu'il compressa entre ses gencives pour atténuer sa douleur.
Le noiraud caressa doucement les joues de Sunghan avant de se remettre à marcher, continuant sa route entre les vieilles maisons de Manzaka. Jisung frissonna en sentant le vent frais à travers le tissus de ses vêtements, et il serra un peu plus sa veste en jean autour de son fils, espérant de tout cœur que ce dernier n'attrape pas froid.
Le jeune père déambula ainsi pendant un petit moment, à pas lents. Il ne croisa personne. En ce jour de pluie, tout le monde était resté chez soi, préférant se mettre au sec sous leurs couettes. Jisung avait trouvé cela plutôt étrange. D'habitude, il croisait toujours du monde. Seulement ce jour-là, tout était calme. La pluie avait tout emporté avec elle.
Jisung poussa un long soupir en traversant la place principale pour s'engager sur l'étroite route qui descendait jusqu'à la voie rapide. Tandis que Sunghan mâchouillait toujours silencieusement son doigt, il s'était soudainement arrêté. À sa droite se tenait une petite maison, juste à côté d'une grande ferme. Avant il ne l'avait jamais remarqué, mais un petit écriteau de bois était cloué au dessus de la double-porte de cette petite maison.
- Papeterie. Lut-il difficilement, les yeux plissés.
C'est légèrement intrigué que Jisung avait fait quelques pas vers le commerce déguisé en simple habitation, les yeux brillants de curiosité. Après avoir pris une longue inspiration, il avait finalement cogné quelques coups contre l'un des panneaux de bois en voyant la lumière filer à travers le papier de riz. Un ''Entrez'' à moitié étouffé lui parvint et il fit coulisser le vieux battant, pénétrant dans la grande pièce mal éclairée.
L'intérieur était fait de bois du parquet jusqu'au plafond, en passant par les étagères irrégulières. Contre les murs étaient rangés des dizaines de carnets aux couvertures colorées, des pinceaux de toutes les tailles, et plein de petites choses encore. Tout était si petit et avait l'air si précieux que Jisung n'osait même pas avancer plus, de peur d'abîmer ces papiers si fin et ces ancres si fragiles.
- Bienvenu. Lança une voix douce qui fit presque sursauter le jeune père.
Jisung leva les yeux, ceux-ci tombant sur la silhouette élancée d'un jeune homme au fond de la pièce bien remplie. Ce dernier avait des cheveux presque aussi sombres que les siens qui lui tombaient sur les épaules par mèches inégales. Ses yeux étaient fins et délicats, presque comme ceux d'un chat. Avec le fin collier de perle qui cerclait la base de son cou et sa chemise clair soigneusement rentrée dans son pantalon droit, il avait l'air presque irréel.
- Je peux vous aider ? Sourit le jeune homme en s'approchant félinement de Jisung, une petite pile de carnets entre les mains.
- N-non merci. Fit poliment le noiraud en mordillant distraitement ses lèvres. Je vois juste...
Le jeune père se dépêcha de reprendre son doigt de la bouche de son fils en lui essuyant le menton tandis que le gérant du petit commerce hochait lentement la tête, un sourire amusé étirant ses lèvres pulpeuses. Jisung essuya la salive de Sunghan sur ses vêtements un peu comme il put, avant de se retourner pour observer les rayon d'un œil distrait.
Depuis qu'il avait posé le regard sur ce mystérieux jeune homme, quelque chose avait semblé se voiler, à l'intérieur de Jisung. Imperceptiblement, ses mains tremblaient. Contre lui, Sunghan poussa un petit cris avant de partir dans un monologue que lui seul semblait comprendre, agitant ses bras dans tout les sens dans l'espoir d'attraper quelques chose d'intéressant.
Jisung s'arrêta soudainement devant un étalage de petits carnets à la reliure typiquement japonaise. Son regard brilla de nostalgie alors qu'il effleurait du doigt un fin livret à la couverture rose pastel. Dessus, quelques gros chats bien ronds se baladaient au milieu des fleurs et des petites traces de pattes, le tout dans des couleurs très claires, presque translucides.
Le noiraud saisit le carnet au papier doux entre ses doigts d'un air absent. Après l'avoir regardé pendant de longues secondes encore, il avait finalement levé les yeux pour se diriger vers le comptoir pas vraiment rangé derrière lequel se tenait le jeune homme. Ce dernier lui fit un petit sourire et Jisung saisit un crayon à papier des plus simple à côté de la caisse, avant de tendre le tout au commerçant.
- Vous êtes nouveau dans la région ? Sourit le jeune homme en prenant les articles entre ses fins doigts.
- Oui. Je suis arrivé la semaine dernière.
- Oh, c'est toi Han, c'est ça ? Fit le jeune garçon avec des yeux brillants, visiblement ravi.
- Euh oui. Souffla Jisung en hochant lentement la tête. C'est ça.
- J'ai entendu parler de toi. C'est que les nouvelles vont vite, ici... Jisung hocha la tête, et son interlocuteur poursuivit. Moi c'est Hayashi Hyunjin. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite surtout pas.
Le noiraud lui adressa un sourire poli en sortant quelques billets de sa poche, Sunghan manquant de peu de lui faire tout tomber par terre.
- Ça te fera 1 000yens*, s'il te plaît. Annonça ledit Hyunjin en portant sur le bébé un regard amusé.
Jisung déposa un billet sur le comptoir en récupérant le petit sac en papier que lui tendait le jeune homme. Chacun des geste de Hyunjin semblait maîtrisé à la perfection. Tout ce qu'il tenait entre ses longs doigts si fin devenait aussi précieux que mille diamants. C'était comme si toute la délicatesse du monde lui avait été donnée.
- Et sinon... Lança le jeune homme aux cheveux mi-longs en appuyant ses coudes contre le meuble en bois devant lui, faisant plonger un peu plus le décolleté de sa chemise. J'ai entendu dire que tu venais de Corée. Jisung hocha la tête, légèrement troublé, et Hyunjin continua, les yeux brillants. Tu viens bien de Séoul, c'est ça ?
- Euh... Oui ?
- Ouaaaaah ! S'exclama le jeune homme en tournant rapidement sur lui-même, l'air surexcité. Mais c'est géniale ! Séoul genre... genre Séoul quoi ! Ça c'est vraiment la grande ville ! Qu'est ce que j'aimerai habiter là bas... Jisung hocha poliment la tête, et Hyunjin poursuivit. Mais pourquoi t'es venu ici ? Y'a rien à faire, là ! Partout ça pue le fumier et y'a que des vieux... Y'a pas photo, Séoul c'est mille fois mieux !
Le noiraud haussa les épaules, un demi sourire étirant les coins de ses lèvres.
- J'aime bien ici. Laissa-t-il filer, son fils serré entre ses bras.
Hyunjin ouvrit la bouche, mais à ce moment, la porte coulissa, faisant entrer une petite bourrasque d'air frais et humide. Les deux jeunes hommes se tournèrent vers l'entrée pour voir une vieille femme pénétrer dans la petite papeterie, une grande tasse entre les mains.
- Mamie, qu'est ce que tu fais là ?! S'exclama Hyunjin en se précipitant vers la femme qui lui renvoya un immense sourire.
- Je suis venu t'apporter une infusion à la cannelle. Fit-elle en lui tendant la tasse bleue ciel décorée de quelques nuages. Il faudrait pas que tu attrapes froid, tout de même.
- C'est toi qui va attraper froid à faire des allers-retours ! S'indigna Hyunjin en récupérant tout de même le récipient. C'est humide aujourd'hui, c'est pas bon pour tes genoux. C'est pas pour rien que c'est moi qui m'occupe de la boutique...
- Mais je tourne en rond à la maison... Se lamenta la vieille femme alors que Jisung ne savait plus vraiment où se mettre.
- Mais repose-toi, mamie ! T'arrêtes pas depuis des semaines ! Allez, va vite te mettre au chaud et ne vient plus me voir ! Je me débrouille tout seul, t'inquiète pas. Allez allez, rentre vite.
La grand-mère allait répliquer, mais sous le regard suppliant que lui lança son petit fils, elle se résolu finalement à tourner les talons, clopinant à nouveau vers la porte qu'elle prit soin de refermer derrière elle.
- Moi aussi je vais y aller. Fit Jisung en s'inclinant rapidement vers Hyunjin.
- Oui, je te retiens pas. Sourit le jeune homme, sa tasse serrée entre ses doigts délicats. N'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit, hein. À bientôt.
Jisung lui sourit poliment avant de se retourner, son petit sac dans une main et l'autre l'aidant à supporter le poids de son fils. Lorsqu'il ressortit, une légère brise humide fit voler ses cheveux sombres. Sunghan gloussa en remuant les bras, avant d'entamer un long monologue assez dynamique.
Ce jour-là, tout était doux. Mais en même temps, c'était un peu flou. C'était étrange, comme sensation. Mais bizarrement, Jisung aimait bien ce temps. Il avait comme l'impression de renaître. Alors, tandis qu'autour de lui les fines goûtes de pluie coulaient encore le long des feuilles détrempés, c'est le cœur léger qu'il était rentré chez lui.
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- Aaah, Sunghan-ah ! S'exclama Jisung alors que son fils lui envoyait une grosse éclaboussure à la figure.
Le bébé éclata de rire en tapant la paume de sa main dans l'eau clair qui remplissait la baignoire de bois ronde. Le jeune père s'essuya le visage avec dépit alors que son autre main maintenait son fils correctement dans le liquide tiède.
- T'aimes ça le bain, hein ? Sourit Jisung en envoyant de toutes petites vagues vers son fils qui n'arrêtait pas de rire, son sourire édenté illuminant son visage humide.
Sunghan rassembla toute sa concentration pour saisir entre ses petits doigts un petit cube coloré qui flottait dans l'eau translucide. Il le porta jusqu'à ses yeux avant de tenter de mordre dedans. Seulement, voyant que ça ne fonctionnait pas vraiment, il le laissa simplement retomber dans l'eau et se pencha pour en saisir un autre.
Jisung le regardait faire en souriant, s'assurant qu'il restait assis stablement et qu'il ne risquait pas de mettre la tête dans l'eau. Mais alors que le noiraud déposait un bisou sur les quelques cheveux de son fils, il entendit soudainement toquer contre le bois de la porte d'entrée.
Légèrement paniqué, Jisung se dépêcha de saisir la petite couverture toute douce de Sunghan avant de l'enrouler dans celle-ci sous les gémissements mécontents du petit bébé. Le noiraud se dépêcha alors de traverser les toilettes pour se retrouver dans la cuisine d'où il aperçu Seungmin qui attendait dans l'entrée, son chien bien sagement assis à ses pieds.
- Oh Shoda... Souffla Jisung, surpris.
- Ah, Han ! Sourit le brun, ses yeux ambrés brillants dans la lumière de fin d'après-midi. Tu vas bien ?
- Oui. On prenait le bain... Lâcha le jeune père en désignant du menton son fils toujours emballé dans sa serviette mauve. ... Tu veux entrer ?
- Oh non, t'inquiète pas. Je voudrais pas déranger.
Jisung hocha lentement la tête, ses longs cheveux devant ses yeux.
- Tiens. Sourit Seungmin en lui tendant une petite barquette de carton dans laquelle étaient empilés une dizaine de fraises bien rouges. En rentrant des champs, je suis passé devant la ferme des Nakahata. Ils ont plein de fraises en ce moment, je me suis dit que ce ferait plaisir au p'tit bonhomme.
- Merci... Sourit timidement Jisung en saisissant d'une main la petite boite, réellement touché qu'il ait pensé à eux.
- Oh mais de rien. Comme ça j'en ai aussi ramené pour ma famille. Ma sœur était contente, cette crapule. J'en ai aussi pris une barquette entière pour Odo. Hein mon chien ?!
Le joli golden jappa à l'attention que lui donna son maître, et Seungmin lui caressa affectueusement le haut de la tête, un immense sourire étirant ses lèvres. Jisung les regarda, l'air attendri. Ils s'entendaient vraiment bien. À cet instant, il avait trouvé ça incroyable.
- Il est beau, ton chien. Lâcha-t-il en récupérant le cordon de son sweat de la bouche de son fils.
- Oui, hein ? Sourit Seungmin en tournant la tête vers lui, un genoux à terre pour pouvoir caresser sa chienne. C'est mes parents qui me l'ont offerte pour mes dix-huit ans. Elle a trois ans, maintenant. C'est une grande fi-fille ! Hein Odo ? Bah oui, t'es grande maintenant !
La chienne glissa son museau dans le cou du brun et ce dernier gloussa d'un rire léger, manquant de tomber à la renverse. Il se releva tant bien que mal en faisant rasseoir sa chienne, une main toujours logée dans le cou de cette dernière.
- Et sinon, Reprit Seungmin en redirigeant son attention vers Jisung qui berçait distraitement Sunghan, On organise une fête au village le quatre mai, pour le jour de la nature. Si t'es pas occupé ce soir-là, passe-y donc. Ça nous ferait plaisir de te voir.
- Mais c'est dans deux jours...
- Oui. T'as déjà quelque chose ?
- ... Non.
- Alors viens ! Tu verras, ça sera sympa. Je te présenterai à mes potes, comme ça.
- On verra. Fit Jisung en mordillant distraitement ses lèvres fines.
- Je t'attendrai, hein ! Lança Seungmin en mettant un pied dehors, les mains enfoncés dans les poches de son vieux jean plein de terre.
- Mmh. Fit Jisung en s'approchant légèrement de son cadet pour le raccompagner au moins jusqu'au perron. À bientôt, Shoda.
- Ouais, à la prochaine ! Sourit le brun qui s'éloignait déjà dans le jardin fleuri, sa chienne sur les talons. T'as intérêt à venir, Han !
Et sur ces mots, Seungmin disparut, rapidement suivi de son golden retriever. Jisung soupira, mais un imperceptible sourire soulevait les coins de ses lèvres. Il rentra chez lui en berçant vaguement son fils, l'air ailleurs. Mais pour une fois, ses yeux n'étaient pas vides. Ils brillaient.
Et alors que son regard se posait à nouveau sur les fraises qu'il tenait entre ses mains, c'est un sourire franc qui illumina son visage. Il ne dura que quelques secondes, mais c'était déjà beaucoup. Ce soir là, c'est avec un peu plus de facilité que le cœur de Jisung avait battu. Alors lorsqu'il s'était endormi, sa respiration était légère. C'était doux. Irréellement doux.
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