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Le lendemain, Jisung était retourné travailler. Comme tous les jours, il avait déposé Sunghan chez Félix et avait pris le bus, se rendant au petit restaurant de campagne. Il avait effectué toutes ses tâches avec le même soin. Il avait souri aux clients exactement comme d'habitude. Rien ne semblait avoir changé. Seulement ce jour-là, ses actions avaient semblé un peu moins sincères. Son regard était plus terne. Il était ailleurs.

- Et voilà, c'était les derniers. Sourit la vieille patronne en plaçant ses mains sur ses hanches alors qu'un petit groupe de clients quittaient le restaurant. Tu peux nettoyer la salle Jisung, s'il te plaît ?

Le noiraud hocha la tête, partant dans la cuisine pour aller chercher le balais.

- Tu manges avec nous, gamin ? Lui lança le vieux cuisinier, un torchon nonchalamment balancé sur l'épaule.

- Non ça va. Sourit vaguement Jisung, les lèvres pincées entre elles. J'ai pas trop faim...

- Pourtant y'a eu du monde aujourd'hui... C'était sportif ! T'es sûr que tu veux pas que je te fasse au moins une petite omelette ?

- Non ça ira. Merci beaucoup.

- Comme tu veux !

Jisung sourit vaguement avant de filer dans la salle principale pour commencer tout de suite son ménage. Il nettoya avec application les carreaux vieillis sans même voir le temps passer, les yeux dans le vague. Il avait l'esprit vide. De longs soupirs soulevaient sa cage thoracique à son insu. À vrai dire, il avait l'air un peu perdu.

Lorsqu'il eut fini de tout nettoyer, le noiraud rangea tout son matériel de ménage et retira son tablier à carreaux safrans qu'il plia avec soin. D'habitude, il avait plus tendance à le rouler en boule sans grande préoccupation. C'était un peu étrange. La vieille femme le fixait en plissant les yeux alors qu'il alignait la pile de tabliers colorés pour qu'il soient tous rangés à la perfection. Il ne l'avait même pas vu.

- T'as tout fini ? Demanda-t-elle, faisant presque sursauter le jeune père qui se retourna vivement vers elle.

- Oui, j'ai tout fait.

- Tu restes manger ?

- Non, je vais aller chercher mon fils.

- Pas de soucis. Sourit la vieille femme en enlevant son propre tablier qu'elle plia vaguement pour l'ajouter à la pile. Fais attention à toi sur la route.

Jisung hocha la tête, les mains fourrées dans la poche de son sweat sombre. Il salua le vieux couples en souriant de manière légèrement crispé, avant de tourner les talons. Le regard inquiet de la vieille femme n'avait pas quitté son dos, mais elle n'avait rien dit. Et Jisung était parti, sa veste en jean sur les épaules et son regard vide fixé loin devant lui.

Comme par automatisme, il avait longé la petite route bordée de champs pour se rendre à l'arrêt de bus un peu plus bas. Là, il avait attendu. Il regardait les nuages se faire la course dans le ciel bleu d'un air distant. Le soleil réchauffait ses pommettes. Tout était silencieux. Le froid qui s'installait engourdissait peu à peu la nature.

C'est plongé dans une profonde léthargie que Jisung était monté dans le vieil autobus. Il était allé chercher son fils avant de rentrer chez lui le plus naturellement du monde. Ses gestes était lents, son regard fuyait incessamment. Il semblait comme disparaître. Toute la fin d'après midi durant, il était resté allongé sur le parquet de son salon, le regard rivé vers le plafond. Les lycéens n'étaient pas passés, ce jour-là. De toute manière, il n'avait pas l'énergie pour. Il n'avait envie de rien faire. Son esprit était totalement vide.

Après avoir donné son bain et son repas du soir à Sunghan, Jisung s'était assis au milieu du salon. Dans ses bras, son fils babillait joyeusement en manipulant son doudou lapin entre ses petites mains. La porte d'entée étant fermée, une légère pénombre régnait dans la pièce. Le soleil commençait à se coucher. Jisung poussa un long soupir. Il pinça distraitement ses lèvres entre elles. Il était resté immobile pendant près d'un quart d'heure, quand soudain il s'était levé.

L'air décidé, le noiraud avant enfilé ses chaussures et passé une petite veste sur les épaules de son fils. Il avait pris ce dernier dans ses bras sans son porte-bébé, et il était sorti. Le ciel se parait d'une douce couleur orangée. Mais Jisung n'avait pas levé la tête. Il avait simplement marché, mettant un pied devant l'autre. Contre lui, Sunghan mâchouillait silencieusement ses doigts. Il commençait à fatiguer. Après tout, la journée était presque finie.

Jisung passa devant la maison de Seungmin sans détourner le regard. Il tourna juste après, pénétrant dans la cour des Masuyama. Il s'avança jusqu'à la porte d'entrée contre laquelle il abattit son poing trois fois. Il ramena immédiatement sa main sous les fesses de Sunghan, s'aidant à soutenir son poids alors qu'il entendait du bruit provenir de l'intérieur de la maison. Au bout d'à peine quelques secondes la porte s'ouvrit, découvrant la fine silhouette d'Atsuko.

- Oh, bonsoir Jisung. Sourit-elle en coinçant ses courts cheveux bruns derrière son oreille. Tu es venu voir Minho ?

Le noiraud hocha doucement la tête, et la jeune femme se décala pour le laisser passer.

- Viens, entre.

- Merci... Souffla Jisung à mi-voix en enlevant ses chaussures qu'il laissa dans un coin.

Il suivit Atsuko dans le couloir, et cette dernière se pencha en direction des chambres sur la droite.

- Minho ! Cria-t-elle d'une voix douce mais puissante. Jisung est là !

Aussitôt, une série de cris et de bruits incompréhensibles retentirent avant que le père de famille ne déboule au milieu du salon, son fils dans les bras.

- Salut Jisung ! Sourit Minho, visiblement heureux de voir son ami malgré les cernes sous ses yeux. Ça va ?

En voyant l'air déprimé et les yeux vides de son cadet, le brun fronça soudainement les sourcils.

- Oulaaa... Lâcha-t-il avec une petite moue. Toi t'as des choses à me dire, hein ?

Le coréen détourna le regard, ses joues rosissant légèrement.

- Qu'est ce qu'y a monsieur Jisung ? Questionna soudainement Minoru en ouvrant de grands yeux. T'es malade ?

Atsuko sourit en tendant les bras vers son mari, récupérant son fils qui commença à se débattre en grognant.

- Nan je veux rester avec monsieur Jisung ! Maman laisse-moiiiii ! Je veux jouer avec monsieur Jisuuuuung !

Minho les regarda rapidement disparaître au bout du couloir, avant de rediriger son attention vers son ami. Il lui lança un petit sourire, lui faisant signe de le suivre jusqu'à la cuisine.

- Tiens assis-toi, je vais faire un thé. Lâcha-t-il en remplissant la bouilloire en aluminium.

Jisung s'exécuta, installant son fils sur ses genoux en calant sa tête lourde de fatigue contre lui. Il le berça doucement en caressant ses cheveux fins, un petit sourire étirant ses lèvres. Minho les regardait du coin de l'œil, attendri. Il se dépêcha de faire couler son infusion dans leurs tasses, avant de s'installer en face de son ami.

- Alors, je t'écoute. Lâcha-t-il en déposant leurs deux boissons devant eux. Qu'est ce qu'il s'est passé ?

Jisung inspira longuement, avant de pousser un long soupire. Il entoura sa tasse chaude de ses mains, le regard fuyant.

- Minho je... Commença le noiraud en se mordillant inconsciemment les lèvres. J'ai tout gâché...

- Comment ça ? Qu'est ce que t'as gâché ?

- Avec Seungmin...

- Oh...

Minho se redressa sur son assise, comprenant un peu mieux l'enjeu de la situation. Jisung remonta légèrement son fils qui s'était déjà endormi contre lui, avant de soupirer une énième fois.

- Il... Je... Je lui ai dis...

- Tu lui as dit quoi ? Questionna le brun en soufflant sur son thé, faisant s'agiter la fumée translucide devant son visage.

- Je lui ai dis... qu'il me plaît...

- ... Et il a mal réagi, c'est ça ?

Jisung hocha doucement la tête, l'air dépité.

- C'est tout fichu maintenant...

- Mais nan, c'est-

Minho s'interrompit soudainement, et les deux amis dirigèrent leurs regards vers Atsuko qui venait d'entrer dans la pièce. Cette dernière afficha une petite moue, un air joueur sur le visage.

- Conversation privée, c'est ça ? Sourit-elle doucement. J'ai compris, j'ai compris, je vous laisse tranquille.

Elle contourna la table pour passer derrière Minho, se penchant en avant pour déposer un petit bisou sur sa joue.

- Je vais me coucher.

- Mmh, bonne nuit. Sourit le brun en penchant la tête en arrière pour voler un discret baiser à sa femme.

- Oublie pas d'aller faire un bisou aux enfants. Lâcha malicieusement Atsuko en tournant les talons, faisant grogner Minho qui lança un regard désolé à son ami.

Jisung lui fit signe d'y aller, et c'est en traînant les pieds que le père de famille prit la direction du couloir pour aller voir Aya et Minoru. Le coréen en profita pour prendre quelques gorgées de son infusion. Il soupira doucement en berçant son fils endormi contre lui. Mais malgré tout, il était apaisé. Il ignorait pourquoi, mais à chaque fois qu'il se rendait chez les Masuyama, il se sentait plus détendu. Leur foyer était chaleureux. Il s'y sentait bien.

Minho revint quelques minutes plus tard, un petit sourire sur le visage. À présent que les deux petits monstres étaient couchés le silence régnait dans la maison. On entendait même le léger tic-tac de l'horloge. C'était reposant.

- Voilà, on devrait être tranquille maintenant. Sourit le japonais en se rasseyant sur sa chaise, un genoux replié contre le bord de la table.

Jisung hocha doucement la tête alors que Minho prenait une gorgée de son infusion.

- Bon alors. Commença soudainement le brun d'un ton sérieux. Concrètement, Seungmin il a réagit comment ?

- Mal...

- Non mais il a dit quoi ?

- Rien...

- Il a rien dit du tout ?!

- Il a dit qu'il devait partir. Répondit Jisung avec une petite moue, le regard rivé vers la fumée claire qui voltigeait au dessus de sa tasse.

- Et il est parti ?

- Oui.

- Il a rien dit d'autre ?

- Non... Je te dis, il m'aime pas...

- Il a pas dit ça ! Le contredit Minho en fronçant les sourcils.

- C'est pareil...

- Bien sûr que non ! Lui fait pas dire ce qu'il a pas dit.

Jisung afficha une petite grimace, l'air peu convaincu.

- S'il a pas affirmé qu'il t'aime pas, alors y'a encore un espoir que tout ne soit pas fichu. Moi je pense vraiment que tu le laisses pas indifférent. Il doit avoir besoin de temps pour réfléchir. Mais bon, il aurait pu être un peu plus délicat, quand même, cet idiot...

Le noiraud soupira, les yeux perdu dans le vague.

- Ça serait mieux qu'on soit restés amis...

- Mais non... Et puis c'est quand que tu lui as dit, d'abord ?

- ... Hier...

- Voilà ! Il faut lui laisser du temps, aussi. Attends, Seungmin ça fait depuis qu'il a douze ans que tout le monde lui parle de mariage. En plus il reprend la ferme de ses parents, donc c'est difficile s'il est tout seul. Ça fait dix ans qu'il essaye de s'imaginer marié avec une femme. Et là toi en trois minutes tu lui dis qu'il se mariera peut-être jamais, qu'il vivra potentiellement avec un garçon, et qu'en plus il va s'occuper d'un gosse. Comprends-le, ça fait beaucoup ! Je pense qu'il a besoin de temps pour digérer tout ça et faire le point sur ce qu'il veut et ressent vraiment.

- Il est pas obligé de s'occuper de Sunghan... Grommela Jisung avec une petite moue en baissant la tête vers son fils.

- C'était une image, Jisung... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut lui laisser du temps. Tu verras. Quand il aura trouvé les réponses à ses questions, il reviendra vers toi.

- ...

- Tu veux que j'aille lui casser la gueule ?

- Quoi ?! Non !

Minho éclata de rire devant l'air ahuri de son ami, étirant un petit sourire sur les lèvres de Jisung.

- Voilà, je préfère ça. Sourit le brun en portant sa tasse à ses lèvres. Fais moi confiance, Jisung. Le temps, c'est la meilleur chose pour résoudre les problèmes. Faut pas être pressé, dans la vie. Tout viendra en temps et en heure.

- C'était quoi, ça ? Maître Shifu ? Pouffa le noiraud, faisant sourire son ami.

- Mais oui. Tu le sais pas encore, mais je suis plein de sagesse.

- Ça semble pas t'aider beaucoup avec tes enfants...

- Aaah m'en parle pas... Souffla Minho en laissant tomber sa tête en arrière.

- Quoi, il s'est passé encore des choses ?

Cette fois, ce fut au japonais de soupirer.

- Minoru fait des cauchemars, en ce moment. Il nous réveille toutes les nuits...

- ... Il en faisait pas avant ?

- Non. Ça a commencé récemment. Heureusement, il se rendort rapidement et il a tout oublié le lendemain matin. Mais il cri tellement fort... ça me fait de la peine...

Jisung pinça ses lèvres d'un air attristé. Toute l'inquiétude du monde se lisait dans les yeux de Minho. C'était compréhensible. Il voyait son fils souffrir mais ne pouvait rien faire. En tant que père, ça lui brisait le cœur. Jisung le comprenait mieux que personne.

- Ça va peut-être lui passer. Fit le coréen d'une voix qui se voulait rassurante.

- J'espère.

- Je me souviens que mon frère en faisait beaucoup, quand il était petit. Mes parents l'ont emmené voir un vieux médecin, et puis ça s'est arrêté tout d'un coup. Si ça continue encore, peut-être qu'il faudrait aller en voir un...

- C'est vrai que ça pourrait être une bonne idée. Approuva Minho en prenant une petite gorgée de son infusion. Faudra que j'en parle à Atsuko. Si jamais ça s'arrête pas, on l'emmènera là bas.

Jisung sourit doucement en remontant son fils qui commençait à glisser dans son sommeil.

- Heureusement que tout va bien avec Aya. Fit-il en relevant la tête vers son ami qui ouvrit de grands yeux.

- Tu parles ! S'exclama Minho d'un air dépassé. Elle refuse catégoriquement de faire ses devoirs, et l'autre jour elle a même envoyé son cartable à la figure d'un gamin de sa classe !

- Nan sérieux ?! S'exclama Jisung en ouvrant de grands yeux. Aya ?!

- Mais oui ! Bon, le gamin avait tiré les couettes de sa copine, mais quand même...

- Au moins elle sait qui est méchant...

- Ah bah ça c'est sûr... Mais si elle pouvait éviter de leur balancer son cartable à la figure, ça m'arrangerait...

Jisung gloussa, entraînant le sourire de Minho. Tous deux avaient continué à discuter un petit moment en savourant leurs tisanes plus très chaudes. Le lustre qui pendait au dessus de la table éclairait leurs visages souriants d'une douce lumière orangée. C'était agréable. Ils s'étaient vraiment bien trouvés, tous les deux.

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