𝖕𝖗𝖔𝖑𝖔𝖌𝖚𝖊
______________________________________ L'an 117.
Kai adorait le Marché de Port-Réal.
Certains jours, elle avait l'autorisation de sortir pour aider dame Cerlina à son stand. La femme de cinquante ans —jugée inutile par le tenancier— avait trouvé le moyen de contribuer aux revenus de Chambre Pourpre, en vendant des potions et des poudres —et même sous la table, des objets plus ou moins légaux— de puissance, destiné à l'usage des hommes.
Cela dit, ce n'était pas ce qui faisait sa renommée. Cerlina Stewar était au courant de tous ce qui se passait dans les sept royaumes. Elle détenait beaucoup d'informations et était disposée à les partager en échange de quelques pièces.
Le Marché de Port-Réal ouvrait ses portes à toutes sortes de fantaisies, comme des bijoux soit-disant porteur de chance, mais également à des stands plus traditionnel. Des vendeurs de tissus, des poissonniers, et des forgerons.
Kai —diminutif de Maelakai— savait, quand elle flânait parmi les étals décorés de couleurs vives, qu'elle retournerait dans son monde dénué de beauté, une fois le soleil couché.
Mais tant qu'elle était là, elle en profitait au maximum.
— Veux-tu bien cesser de trépigner ainsi ? S'énerva Cerlina en la poussant pour rendre la monnaie à un client. C'est effroyablement agaçant.
Sous sa longue chevelure —autrefois blonde—, rassemblée en chignon bas, elle avait des traits pincé qui lui donnait un air encore plus âgé.
— Rendez-vous dont utile toutes les deux, ajouta t-elle alors que l'homme repartait, ses sous en poches. Allez me chercher du vin.
Elle ne s'adressait pas seulement à elle, mais également à la seconde enfant, qui se trouvait de l'autre coté de son étal.
Cette jeune personne s'appelait Alenis. Elle était petite, maigrichonne, et son épaisse tignasse roux vénitien couvrait la moitié de son visage. Ses traits fins n'arrivaient pas à compenser —car d'après les bons gens, c'était tout à fait déplaisant— la nuée de tâches de rousseurs qui couvrait sa peau pale.
Cerlina l'appelait "l'avorton". C'était loin d'être sympathique comme sobriquet, mais cela valait mieux que celui dont elle avait affublé Kai, "La corniaud de Culpucier".
Culpucier, c'était le quartier dans lequel elle avait grandit. Celui dont tous s'accordait à dire qu'il était le plus infâme des endroits de Port-Réal. En contre-bas de la colline Rhaenys, c'était là qu'avait élu domicile, Chambre Pourpre.
Fondé par Salomon Naerios, c'était le bordel le plus visité de la Capitale. Non pas pour son luxe, c'était piteux, et mal famé. Ce qui faisait sa notoriété, c'était sa large palette de filles —parfois très jeunes— il y en avait pour tous les goûts.
Salomon était né à Bravoos. Nostalgique de ses années dans les cités libres, il avait nommé son "établissement" en l'honneur du Port Pourpre de sa ville natale.
— Hé, Mae ! S'exclama Alenis, en lui donnant un coup de coude. Tu viens ?
Sans l'attendre, la rouquine s'élança dans les allées. Pestant contre la vivacité de son amie, celle-ci se frayant sans mal un chemin —l'un des avantages de son corps menu— parmi les hordes de passants, Kai accélérait le pas.
La foule était pressée, et nombres d'entre eux manquèrent de la faire tomber. Elle ne s'excusait pas en renversant un homme, qui chutait sur un étal de pommes. À quoi bon ? Le brouhaha était incessant, même si elle avait voulu s'excuser —ce qui n'était absolument pas le cas— rien ne disait qu'il l'aurait entendu.
Apercevant la tignasse flamboyante d'Alenis bifurquer dans une allée, elle se hâta de la rejoindre. Le marchand de vin, Boris quelque chose —elle n'avait jamais pris la peine de lui demander son nom— se trouvait au Nord du Marché, hors son amie se dirigeait vers l'ouest.
Lorsqu'elle atteignit la ruelle, plus étroite que les autres, elle respira enfin. La puanteur des corps dégoulinants de sueurs qui s'affairaient sur la Place était insoutenable.
Alenis s'était arrêtée, et l'attendait, le dos contre un mur de pierre.
— T'es vraiment lente.
— Ou tu es trop rapide, bougonna Kai, blessée dans son égo. Question de point d'vue.
Enfin libérée des citadins, elle prit le temps d'observer la ruelle. Il faisait jour, pourtant la pénombre y régnait. Les bâtisses étaient très proches, et très hautes. Ça sentait l'humidité, il y avait des flaques d'eau, ça et là sur les pavés, alors que la dernière pluie remontait au moins à trois lune.
— Où est-ce qu'on est ?
— Quelqu'part où l'ogresse ne viendra pas nous chercher, ricana t-elle en se décollant du mur.
L'ogresse, c'était le surnom que donnait Alenis à Cerlina. Et oui, la femme empâtée, n'était pas la seule douée pour les petits noms vexant.
— Et pourquoi on est ici ? Demanda Kai en se détendant peu à peu.
— Parce que j'ai envie d'me promener avec toi, avant de fournir cette alcoolique de Cerlina.
Kai rit franchement face à la mine écœurée de la rousse.
Dame Cerlina avait en effet un problème avec la boisson. Depuis qu'elle la connaissait —donc depuis toujours— Maelakai ne l'avait jamais vu sans sa gourde ce cuir, parfois remplie d'hydromel, mais le plus souvent du vin poisseux, et très peu couteux, vendu par le fameux Boris.
— Ça monte jusqu'à la rue Croche, continua Alenis, l'air moqueuse. Ç'te dit de voir Port-Réal d'en haut ?
Kai haussa les épaules.
La rousse prit cela pour un oui. Aussi, elle attrapa la main de la fillette, la tirant à sa suite.
Elle avait toujours été ainsi. Intrépide et audacieuse. Ça lui avait souvent apporté des ennuis, qu'elle partageait avec Kai, l'amenant toujours dans ses aventures.
Alenis avait un an de plus —huit ans donc— et était la plus chère amie de Maelakai. Cela dit, ce n'était pas difficile. À Chambre Pourpre il n'y avait que trois enfants, Kai, Alenis et Victorie. Cette dernière était la plus âgée —onze ans— et trouvait constamment un moyen de prendre les deux autres de haut.
Une fois, alors qu'elle avait à nouveau cherché les noises, Kai s'était rebiffée, la faisant tomber dans un tas de crottins.
Depuis lors, elles se détestaient.
— Salomon est revenu en ville, soupira Alenis.
Elles avaient ralentis la cadence, grimpant une pente raide. Kai tourna le visage vers son amie, elle avait blêmit.
Salomon était partit depuis plusieurs mois dans le Nord, pour des affaires personnelles, elles n'en savaient pas plus. Même un être aussi borné que Kai n'avait pas réussi à tirer les vers du nez de Cerlina.
— Comment l'sais-tu ? Demanda t-elle, les jambes engourdies.
La marche ça n'avait jamais été son fort, ni la course. C'était plus difficile avec un corps aussi chétif —et malnutri— que le sien, même si il restait plus robuste que celui d'Alenis.
— Je l'ai entendu dans son bureau, dit celle-ci, la mine sombre. Y parlait avec un homme de Braavos. Ah ! C'est ici.
Son visage s'illumina, tandis qu'elle tournait à une intersection. Devant elles, un bâtiment s'élevait, plus haut que les autres. Beaucoup de ses pierres crèmes, s'étaient arrachées avec le temps.
— C'est un pigeonnier, lui apprit Alenis. La vue d'en haut est fantastique.
Kai se tordit le cou afin d'apercevoir les toits, en vain.
— On peut y entrer ?
Son amie s'approcha du mur, plaçant son pied dans l'une des crevasses.
— Nous n'entrons pas, on escalade.
Déjà avait-elle commencé son ascension. Elle ondulait sur les pierres sans effort.
Après une brève hésitation, Kai l'imita. C'était dangereux. Chuter depuis le haut de cette tour était mortel. Folie ou inconscience de la jeunesse, appelez cela comme vous le voudrais, en attendant, ni l'une ni l'autre n'évalua les risques.
Pour leurs petits membres, les trous étaient suffisant. Une femme, au pied de l'édifice, eut un hoquet de surprise en les voyants faire, mais traça son chemin sans chercher à les arrêter.
Une fois perchée sur le toit, Alenis tendit sa main à Kai. Elle l'attrapa et se laissa hisser au sommet de la tour.
En se retournant, ses yeux s'agrandirent.
C'était splendide.
Les tuiles aux couleurs chaudes s'étendaient à perte de vue, au fond, juste derrière le Donjon Rouge —la forteresse de la famille royale— le bleu de la baie de la Néra offrait un contraste époustouflant avec le reste de l'architecture de Port-Réal.
— C'est magnifique.
— J'te l'avais dis, pouffa Alenis en s'asseyant.
La rouquine inspira, offrant son visage au soleil. Il aurait bien eu besoin de quelques couleurs.
Kai faisait les cents pas près du vide, les yeux baissés sur le parvis en contrebas. D'ici les hommes, les femmes et les enfants ressemblaient tous à des fourmis.
Fermant un œil, elle tenta d'attraper une silhouette entre son pouce et son index.
Un tel déploiement d'individus lui donnait l'envie de faire tomber quelques tuiles. Elle n'en fit rien. À cet hauteur, une tuile sur le crâne aurait considéré l'objet d'un meurtre.
— J'en ai plein les bottes ! Siffla Alenis derrière elle.
Maelakai se retourna, les pieds en équilibre sur le rebord du toit. Alenis faisait tourner son médaillon entre ses doigts crispés. Le seul objet de valeur qu'elle possédait, cadeau de sa mère.
La mère d'Alenis était morte l'hiver de ses cinq ans, succombant d'une fièvre. Elle travaillait à Chambre Poupre. De fait, Alenis n'avait jamais su qui parmi les clients de sa mère, était son paternel. Les deux fillettes l'avaient longuement pleurée, c'était une femme admirable.
Vaguement soucieuse, Kai remonta la pente du toit, et s'assit à coté de son amie.
— Y'a un problème ?
— Oui, fit Alenis en enfouissant le visage dans ses mains. Plus d'un même.
Kai lui tapota la bras.
— Tu peux m'le dire t'sais, puis d'ici personne n'écoutera. À part p't-être les mouettes. Celle-là, là-bas, a une sale tête de fouine. Déguerpis le piaf !
Alenis émit un rire, tandis que Kai s'agitait pour attirer l'attention du volatile. Face à ses mouvements de bras, l'oiseau s'envola d'un battement d'aile —non sans lui avoir jeté un regard mauvais.
— Voilà, sourit-elle. Là, on est seules.
— Idiote.
Ses yeux pétillaient, preuve que l'insulte n'était pas mauvaise. Mais l'éclat de ses iris verts bouteille, s'éteignit rapidement.
— Je vais être vendue Mae, lâcha t-elle en détournant le regard. C'est d'ça que parlait Salomon à cet homme, ce matin.
Kai se raidit. Le choc était sévère.
Vendre ? Ce mot était exécrable. Il était approprié pour un fruit ou un poisson, mais certainement pas pour une enfant.
Pourtant dans la société sordide des bordels, dans laquelle elles évoluaient, c'était un acte tout à fait commun. Vendre des prostituées n'était pas autorisé, on leur préférait l'échange, d'un bordel à un autre.
En revanche, les enfants nés entre les murs d'une maison close était réduit à la limite de l'esclavagisme. Aussi, les tenanciers pouvaient disposer d'eux à leur guise. Et Salomon n'était pas le dernier à user de ce privilège.
Cet homme respectaient ses "employées", certes, mais leur progénitures était pour lui une gêne. Combien de fois avait-il fouetté les trois filles —même cette langue de vipère de Victorie n'avait su y réchapper—simplement parce qu'elles étaient sur son chemin ?
Et maintenant ça ?
— Quoi ? S'écria Kai. Mais enfin, pourquoi ? Puis, qui est ct'homme ?
Alenis poussa un soupir de martyre.
— Sais'pas, il voulait une enfant de Chambre Poupre, Salomon m'a proposé.
Son amie se redressa, scandalisée.
— Salomon a accepté ça ?
— Bien sûr qu'il l'a fait, dit Alenis la voix lointaine. Ct'homme est une pourriture.
Maelakai ne pouvait qu'approuver. Bien sûr qu'il l'était, de plus il était prêt à tout pour se remplir les poches.
— Mais, marmonna t-elle. Ne pouvait-il pas donner Victorie ?
C'était méchant.
Seulement, elle préférait voir cette peste emmenée loin d'elle, plutôt que sa seule véritable amie.
— Non, répliqua Alenis d'un ton sans appel. Il voulait une enfant, Victorie est sur le point d'avoir ses fleurs, tout le monde l'sait. Quant à toi-
Alenis posa des yeux bienveillant sur elle, un sourire penaud ourlant ses lèvres.
— Toi, poursuivit-elle. Il n'te laissera jamais partir, avec ton visage, tu seras le joyau d'sa collection.
C'était révoltant, mais cruellement vrai.
Salomon adorait la différence, il l'a chérissait. La mixité de son établissement était dû à son obsession pour la rareté. Et pour être rare, Kai l'était. Jamais encore elle n'avait rencontré quelqu'un comme elle.
L'opposition de sa peau pâle, avec sa dense chevelure noir était déjà plaisante. Mais, ce qui lui valait sa particularité était ses deux yeux de chats —typique des filles de Pentos, dont était native sa mère— d'un mauve saisissant.
À sa connaissance —elle l'avait apprit de Cerlina— sa mère Nyrah, qui lui avait donné la vie en faisant offrande de la sienne à l'Étranger —représentation de la mort, selon la foi des Sept— avait les yeux d'un doux brun. Personne n'avait su lui dire d'où elle tirait cette couleur unique, et dès qu'elle abordait le sujet, on l'envoyait paitre.
— Tu n'as qu'huit ans, souffla t-elle en sentant sa gorge se nouer. C'est injuste.
Alenis posa sa petite main sur la sienne, au bord des larmes.
— Notre vie est injuste Mae. La prochaine sera sûrement meilleure.
C'était des paroles dures pour un être aussi jeune. Alenis était forte, et mature. Sa condition l'handicapait mais elle avait toujours trouvé le moyen de garder son honneur, et ses valeurs.
Kai ouvrit la bouche, aucun son ne sortit. Enfin si, un seul. Mais il ne venait pas d'elle, et il n'était certainement pas humain.
Un hurlement bestial s'élevait depuis les airs, juste au dessus d'elles. Une seconde après cela, une bourrasque d'une étonnante violence frappa leur cachette, les faisant glisser jusqu'au bord du toit.
Alenis poussa un cri horrifié.
Kai elle, agrippa les doigts de la rouquine de sa main gauche, et de wa droite se retenu à une tuile. Cela suffit à stopper leur descente mortelle. Heureusement, le vent se calma bientôt, mais un nouveau rugissement surgit.
Tandis qu'Alenis scrutait le bord du toit, stupéfaite qu'elles n'aient pas atterrit tête la première sur les pavés en contrebas, Kai levait le nez vers le ciel dégagé.
Une ombre menaçante planait au dessus de la ville. Imposante, ailée, il ne pouvait s'agir que d'une chose.
Un dragon.
Ces créatures ancestrales étaient les destriers de la famille royale, ainsi que de leur cousins, les seigneurs de Lamarck, tous descendant de l'ancienne Valryia.
La bête survolait les toits, sous les cris de joie des habitants. Ce spectacle sensationnel était rarissime et très prisé du peuple. Kai n'y faisait pas exception. Son visage s'éclaira, alors que son regard scintillait de bonheur.
— Leni, regarde ! S'exclama t-elle folle de joie. Un dragon !
Son amie, beaucoup plus avare de ce genre de mise en scène, râla.
— J'ai vu, merci. C'te sale bête a faillit nous tuer.
Visiblement, son chevaucheur était très jouette. Il fouettait les nuages dans des acrobaties complexes, excitant la foule. Ça, Kai —des peu de fois où elle avait assisté à cela— ne l'avait jamais vu et en restait bouche bée.
— Et bien, admira tout de même Alenis. Il est fougueux, celui-ci.
Les deux filles l'observèrent danser dans les airs, avec une fascination renouvelée.
Alenis frotta ses mains poussiéreuses sur sa robe —si ce bout de tissu taillé pouvait être qualifié de robe. Elle était à cran. Un raclement de bottes sur les tuiles, trahit le fait que Kai s'était relevée, au bord du toit.
Ainsi perchée, elle avait une meilleure vue.
— C'la doit être une sensation divine, fit-elle les yeux grands ouverts.
La rousse se leva à son tour.
— Quoi donc ?
Kai prit une grande inspiration, gonflant ses poumons de l'air frais des hauteurs.
— Voler sur un dragon.
Son amie examina la bête qui se rapprochait du Culpucier —qu'elles distinguaient bien, depuis le toit— avec envie.
— Lui faire cracher du feu, ce ne serait pas mal non plus, affirma t-elle. Il suffirait à c'te chose d'enflammer Chambre Pourpre, et tout serait réglé.
L'idée était très plaisante. Elles en sourirent toutes les deux.
Mue d'une soudaine énergie, Alenis s'inclina sur les tuiles.
— Tu sais quoi ? Je vais essayer.
Le visage de Kai prit une expression hébétée, alors qu'un grand sourire fendait la bouche d'Alenis.
— Essayer quoi ?
— Il y a un mot pour appeler le feu du dragon, je vais l'essayer.
Cette fois, Kai semblait franchement septique.
— Et d'où tu connais ce mot ?
— Cerlina, ricana la rouquine. L'ogresse sait un tas d'choses.
— Et elle te l'a dit ?
Alenis secoua la tête, l'air maline.
— Bien sûr qu'non, mais j'ai un don pour tendre l'oreille au bon moment.
La brune jeta un coup d'œil à la bête, qui survolait la tranche de toit d'un ancien rouge —qui avait tourné au rose avec le temps— au dessus de Chambre Pourpre.
— Tu es certaine ?
Alenis haussa les épaules.
— Je n'ai rien a perdre.
Elle était sérieuse. Elle allait bientôt appartenir à quelqu'un d'autre, sa vie et sa liberté seraient scellées, alors autant tenter le tout pour le tout.
Alenis n'était pas stupide, elle savait que ça ne fonctionnerait pas, il fallait du sang valyrien pour commander à un dragon, seulement elle en avait besoin. Une dose d'espoir, c'est tout ce qui lui fallait.
Plissant le nez, elle ferma les poings et se concentra sur le reptile ailé. Même à cette portée, il devrait l'entendre. À l'instant où il passa sur Chambre Pourpre, elle hurla;
— Dracarys !
Sa voix se fondit entre les battisses. Rien. Rien, du tout.
La créature n'avait même pas fait mine de l'écouter. Elle continuait son vol, dépassant gracieusement le Culpucier, pour refaire le tour de Port-Réal, sous les acclamations de la foule.
Kai effleura le bras de son amie, déçue pour elle.
— Ça fait un bien fou, lança contre toute attente la rouquine.
L'air béate, elle tourna la tête vers Kai. Ses muscles s'étaient détendus. Elle avait mis toute la force de son petit corpsjhh dans ce cri. Frustration, colère et douleur, elle avait tout envoyé se perdre dans le vent.
— C'est très amusant.
Maelakai sourit.
— Ça en avait l'air.
Prise d'une brusque illumination, Alenis prit ses mains dans les siennes, rayonnante.
— Tu dois essayer !
Les yeux écarquillés, Kai secoua la tête.
— J'en ai pas besoin, garantit-elle.
Fronçant ses épais sourcils châtain, Alenis fit la moue.
— Si, déclara t-elle. On en a toutes besoin.
Ce "toutes", Kai savait qu'il s'agissait des filles comme elles. Les progénitures de putains, les êtres qui depuis leur naissance n'avait jamais connu la sérénité.
Alenis détourna la tête, un lueur de malice, s'alluma dans son regard.
— Regarde, y repasse ! C'est un signe.
En effet, le dragon aux écailles rouges, planait de nouveau sur le Culpucier. Son chevaucheur devait être un grand adepte des spectacles aériens, au vu des mouvements défiant la gravité qu'il effectuait.
Alenis poussa son amie, d'un coup d'épaule. Finalement, elle se résigna. La seule personne plus bornée qu'elle, était sa meilleure amie.
De tout manière, rien n'allait se passer. Et elle, qui avait toute sa durant, contenu sa rage, aurait enfin l'occasion de l'exprimer.
— Très bien, j'le fais.
À l'instant précis où la créature, s'aventura près des fondations de Chambre Pourpre, elle clos les paupières.
Elle fit le vide. L'agitation de la ville n'existait plus. Le néant.
Seule sa respiration, lente et maitrisée, perdurait.
Son esprit divagua.
Elle vit ses souvenirs malheureux défiler.
Le jour où elle avait apprit que Mirianna —la mère d'Alenis— n'était pas sa propre génitrice.
Celui où, parce qu'elle avait, affamée, chipé une grappe de raisin, Salomon l'avait enfermé au grenier pendant deux lunes.
Les innombrables rustres du bordel, qui commentaient en permanence son physique, assurant qu'ils seraient les premiers à attendre devant sa porte à l'heure de ses premières fleurs.
Tout cela s'enchainait. Au fur et à mesure, sa mâchoire devint de plus en plus crispée.
Ce. N'était. Pas. Juste.
Une sourde fureur brûlait son œsophage, au moment où elle ouvrit la bouche. D'une voix assurée —bien plus rauque que celle d'Alenis— elle hurla à s'en déchirer les poumons;
— Drakarys !
Son accent était bien meilleur, et l'écho de son cri se répercuta sur chaque murs, de chaque maisons.
Un poids lourd, s'envola alors de son corps.
Alenis avait raison, c'était amusant.
Pendant quelques secondes, elle resta dans l'obscurité apaisante, le temps comme suspendu. Mais, elle finit par rouvrit les paupières, quand une vive et prenante odeur de soufre lui assaillit les narines.
Ses jambes se dérobèrent, et elle faillit chuter du toit.
Du feu. Des flammes. Partout.
Sous evant son regard épouvanté, la Capitale se consumait.
Les ombres denses en contrebas, se poussaient de toutes parts, fuyant les rues.
C'était une vision des plus cauchemardesques.
La bête avait ravagé le Culpucier de son feu destructeur.
Il ne crachait déjà plus, mais le mal était fait.
— Mae ! Mae !
La brune se faisait méchamment secouer, son regard ne pouvait pourtant se décrocher de la scène de catastrophe.
— Mae ! Réitéra la voix.
Cette fois, la parole s'accompagna d'une gifle magistrale.
Ses lèvres tremblaient. Les larmes lui piquaient les yeux. Le visage gravé dans l'effroi, elle dévia avec une lenteur extrême, son corps vers Alenis.
L'air ahurie, la rousse l'examina d'un œil inquiet.
— Ça va ?
Le cœur au bord des lèvres, Kai tressaillit. Son regard était posé sur son amie, mais elle ne l'a voyait pas, en fait, elle ne voyait plus rien.
Des hurlements terrifiés lui parvenaient, tout comme l'agitation de la foule, et le bruit singulier du brasier qui dévore le bois.
Sa bouche s'entrouvrit, très légèrement, avant qu'elle ne perde connaissance.
— Oh non, qu'est-ce que j'ai fais ?
- Gigi
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