Chapitre II - Le Prince des Ténèbres
Le vent froid soufflait sur les terres de Noctern, emportant avec lui la poussière des champs de bataille passés. Kaelan de Noctern se tenait sur les remparts de son château, observant l'horizon d'un regard vide. Le royaume de Valtéra était encore à des milliers de pas de là, mais déjà, son avenir semblait inéluctablement lié à celui de la princesse de ce royaume. Un mariage forcé. Une alliance de papier qui allait, dit-on, sceller la fin de cette guerre sans fin.
Kaelan soupira et passa une main sur ses cheveux noirs, longs et indisciplinés. Depuis son plus jeune âge, on lui avait appris à obéir, à être le bras armé du royaume, à repousser toute faiblesse. Son père, le roi Valon, lui avait transmis l'art de la guerre, et Kaelan avait été façonné dans l'acier, la haine et la discipline. La guerre n'était pas une option, c'était une vocation.
Les soldats qu'il commandait respectaient sa bravoure sur le champ de bataille, mais aujourd'hui, alors qu'il se retrouvait face à un mariage avec la princesse de son ennemi, il ne pouvait s'empêcher de se demander : Et si tout ce qu'il avait appris n'était qu'une illusion ?
Le mariage avec Lanaëlle de Valtéra était censé renforcer son autorité. Une fois la paix obtenue, il pourrait être couronné comme héritier de son père, peut-être même régner sur les deux royaumes. Un plan simple, une solution évidente. Mais depuis que la proposition de ce mariage avait été mise sur la table, quelque chose bouillonnait en lui. Il n'arrivait plus à croire à la justesse de la guerre.
Pourquoi cette guerre ? Pourquoi sacrifier tant de vies pour des territoires, pour des ambitions ? La question se répétait sans cesse dans son esprit. Quand il fermait les yeux, il revivait les scènes des batailles, des villages en flammes, des cris des innocents. Et parfois, juste au bord de l'extinction de la pensée, un autre souvenir surgissait... Lanaëlle. Elle n'était qu'une silhouette lointaine pour lui, une figure dressée contre lui par la volonté de son père. Mais derrière la froideur de cette alliance, il y avait une tension qu'il n'arrivait pas à ignorer. Son regard, lorsqu'il l'avait vu en portrait, avait trahi une force de caractère. Elle ne voulait pas de ce mariage.
Kaelan se détourna des remparts et marcha d'un pas lourd dans les couloirs sombres du château. Les murs, noirs de suie et de sang séché, semblaient lui rappeler chaque erreur, chaque combat mené dans l'ombre des secrets. Lui aussi était prisonnier. Prisonnier de son nom, de son héritage, de la guerre. Et comme Lanaëlle, il se sentait obligé de jouer le rôle que l'on attendait de lui, même s'il n'en voulait pas.
Pourquoi Lanaëlle résisterait-elle à ce mariage ? se demanda-t-il en se dirigeant vers ses appartements. Est-ce qu'elle partageait ses doutes, ses peurs ? Il n'y avait que l'inconnu entre eux, un voile de méfiance et de haine, et encore plus de non-dits. Mais à l'idée de la rencontrer, une étrange anticipation se mêlait à son ressentiment.
La paix ne viendra pas avec des chaînes, pensa Kaelan, en s'asseyant sur le fauteuil en bois dans ses appartements. Il y a quelque chose de plus grand. Quelque chose que je ne peux encore comprendre.
Il ferma les yeux, imaginant le jour où il croiserait Lanaëlle de Valtéra, sa princesse ennemie. Leur mariage allait les lier à jamais, mais quel genre de lien serait-ce ? Celui des chaînes ou celui de la liberté retrouvée ?
Kaelan se leva brusquement de son fauteuil, l'esprit en ébullition. Il n'arrivait plus à supporter cette impression persistante de chaos, comme si une tempête silencieuse faisait rage en lui. Les échos des batailles passées, la voix autoritaire de son père, les visages des soldats morts... tout cela se mélangeait en un tourbillon qu'il ne parvenait plus à calmer. Son regard se posa sur l'épée, posée sur la table en bois sombre. L'arme de son héritage. L'arme avec laquelle il avait été forgé.
Il la saisit d'un geste précis, l'épée froide et lourde dans sa main. Le métal luisait sous la lueur de la chandelle, presque comme une promesse de victoire. Mais cette promesse, aujourd'hui, semblait dénuée de sens. Il savait que son père attendait de lui qu'il prenne les commandes du royaume, qu'il fasse la guerre contre Valtéra et qu'il scelle ce mariage comme une victoire sur l'ennemi. Et pourtant... une partie de lui commençait à se demander si ce n'était pas la guerre qui devait cesser.
La guerre n'est pas la solution, songea-t-il en serrant l'épée dans ses mains. Mais le fardeau du pouvoir et de l'honneur de Noctern pesait lourd sur ses épaules. Il avait appris à ne jamais remettre en question ses ordres, à toujours avancer, toujours frapper, toujours gagner. Et pourtant, ce mariage... avec Lanaëlle. Il n'arrivait pas à y voir la victoire. Il n'y avait pas de gloire dans ce mariage. Seulement des concessions, des sacrifices. Et si je me trompais ? Et si la paix n'était pas ce que l'on m'avait dit ?
Le prince posa son épée sur la table, la pression de ses doigts tremblants sur le métal froid. Il se tourna vers la fenêtre, d'où il pouvait voir les silhouettes des sentinelles qui gardaient les remparts, les yeux fixés sur l'horizon. Là-bas, à l'est, le royaume de Valtéra attendait. Il était censé le conquérir, mais ce qu'il ressentait à cet instant-là, c'était autre chose : une envie de comprendre, de chercher une autre voie, une route différente.
Il ferma les yeux un instant, imaginant Lanaëlle, cette princesse qu'il n'avait jamais rencontrée mais dont il connaissait déjà le nom. Elle était fière, déterminée, une guerrière dans l'âme, pas une simple épouse. Il l'imaginait, debout dans son royaume, prête à refuser un destin qu'elle n'avait pas choisi. Peut-être qu'ils se ressemblaient plus qu'il ne le pensait.
Une rencontre inévitable, mais quel genre de rencontre ?
Tout en restant face à la fenêtre, il laissa ses pensées s'égarer. Une guerre de plus pourrait-elle être évitée ? Ou serait-ce une autre bataille, une autre série de mensonges et de compromissions ? Il s'était juré de ne jamais poser de question, de toujours répondre à l'appel de la guerre. Mais ce mariage, cet affrontement... Cela changeait tout. Une question persistait : Avait-il un choix ?
Ses pensées furent interrompues par un coup frappé à la porte. Il se tourna brusquement, son regard se durcissant.
— Entrez.
La porte s'ouvrit lentement et son conseiller personnel, Alaric, entra dans la pièce, une expression grave sur le visage.
— Mon Prince, commença-t-il d'une voix calme, mais marquée par la tension, la princesse Lanaëlle a refusé l'alliance.
Kaelan serra les poings, mais ne laissa rien transparaître.
— Je le savais.
Alaric s'approcha et s'arrêta à quelques pas de lui.
— Elle refuse de se plier aux exigences de son père, semble-t-il. Il marqua une pause, les yeux fixés sur Kaelan. Il semblerait qu'elle cherche une autre solution à cette guerre.
Alors, elle aussi commence à douter, pensa Kaelan. Comme moi.
Il ne répondit pas immédiatement, réfléchissant à cette information. La princesse de Valtéra... Elle aussi rejetait cette paix imposée. La colère et la confusion se mêlaient dans ses veines, mais au fond de lui, il ressentait aussi une étrange sensation : un élan de curiosité, comme si une nouvelle possibilité venait d'apparaître devant lui.
Il tourna lentement la tête vers Alaric.
— Préparez mon départ. Nous irons à Valtéra. Je la rencontrerai en personne.
Alaric sembla surpris, mais il s'inclina rapidement.
— À vos ordres, mon Prince.
Kaelan se tourna de nouveau vers la fenêtre, un lourd poids sur ses épaules, mais aussi une lueur d'espoir qui commençait à naître en lui. Une rencontre. Une confrontation. Peut-être qu'après tout, ce mariage pourrait ne pas être ce qu'on lui avait promis.
Le matin suivant, les préparatifs s'intensifièrent dans le château de Noctern. Kaelan se tenait une dernière fois devant le miroir, revêtu de son armure noire, aussi imposante qu'une silhouette de fer, ses griffes gravées sur le métal luisant. Il regarda un instant l'épée à sa ceinture, symbolisant son héritage et la violence qu'il portait en lui, puis ferma les yeux. Cette rencontre allait tout changer.
Il se souvenait encore des premiers jours de sa formation, lorsque son père l'avait pris sous son aile. À l'époque, la guerre était simple. Un terrain, une armée, un ennemi à éliminer. Mais au fur et à mesure que les années passaient, ce tableau avait perdu de sa clarté. Les batailles devenaient floues, les raisons de tuer, de conquérir, de détruire, se fanaient. À présent, il s'apprêtait à rencontrer la seule personne capable de remettre en question tout ce qu'il avait appris.
La salle du trône résonnait des ordres de son père, mais Kaelan n'était plus en mesure de se concentrer sur les détails de la logistique. Il n'avait qu'une pensée : Lanaëlle.
Alors qu'il s'éloignait de la salle, il aperçut son conseiller, Alaric, qui l'attendait dans un coin du couloir. Il s'inclina, mais Kaelan n'eut qu'un regard distrait pour lui.
— Tout est prêt, mon Prince, dit Alaric avec une tranquillité évidente. Le voyage vers Valtéra débutera dès que vous serez prêt.
Kaelan hocha la tête, sans répondre. Il ne voulait plus entendre parler de préparatifs, de stratégie, de guerre. Ce qu'il cherchait, ce n'était pas une victoire. Ce qu'il voulait, c'était comprendre.
Ils se mirent en route, traversant les terres froides de Noctern. Le vent mordait la peau et les ombres s'allongeaient à mesure que la journée déclinait. À chaque étape du voyage, Kaelan sentait l'étau de ses doutes se resserrer. Lanaëlle, il n'arrivait toujours pas à imaginer à quoi elle ressemblait. Une princesse héritière, une future reine, probablement aussi fière que son royaume l'était, mais cela ne suffirait pas. Elle n'était pas juste une femme à conquérir, elle était une porte vers un autre monde. Un monde où les batailles étaient peut-être un moyen de manipuler le destin, mais pas une fin en soi.
Au bout de plusieurs jours de voyage, le château de Valtéra se dessina à l'horizon, une silhouette imposante contre le ciel brumeux. Le décor, tout aussi majestueux que celui de Noctern, semblait dissimuler des secrets millénaires, des promesses de gloire et de trahison. Kaelan sentit son cœur se serrer. Il n'était pas sûr de ce qu'il espérait en arrivant là-bas, mais une chose était certaine : il devait rencontrer Lanaëlle. Il devait la comprendre.
Les portes du château de Valtéra s'ouvrirent devant lui, et une lourde brume s'éleva autour de son groupe. La tension palpable l'envahit immédiatement. Il n'était plus juste un prince de Noctern, il était un homme face à une inconnue. L'inconnue incarnée par Lanaëlle.
Ils furent conduits dans une grande salle où les échos de voix se mêlaient aux bruits de pas, mais Kaelan n'entendait rien d'autre que le battement de son propre cœur. Le trône de Valtéra était imposant, tout comme la figure assise sur celui-ci : le roi, qui le fixait avec un regard d'acier. Mais Kaelan ne s'arrêta pas là. Ses yeux cherchèrent la silhouette de la princesse.
Et c'est là, sur le côté du trône, qu'il la vit pour la première fois. Lanaëlle de Valtéra. Elle se tenait droite, une posture à la fois noble et guerrière. Ses cheveux dorées tombaient en cascade sur ses épaules, et ses yeux perçaient l'air de leur éclat intense. Elle n'était pas comme les autres princesses qu'il avait vues au fil des années, timides et soumises. Non, Lanaëlle dégageait une force palpable. Son regard ne trahissait aucune crainte, aucune hésitation. Elle était là, prête à faire face.
Leurs yeux se croisèrent, et un frisson étrange parcourut Kaelan. Ce n'était pas de l'hostilité qu'il y voyait, mais quelque chose de bien plus complexe. Quelque chose qu'il ne pouvait encore nommer.
Lanaëlle prit la parole, sa voix ferme et pleine de détermination.
— Prince Kaelan, je suppose que nous avons enfin l'honneur de vous accueillir à Valtéra.
Ces mots étaient simples, mais leur ton ne laissait aucune place à la flatterie. Kaelan s'avança, mais avant de répondre, il sentit un poids dans l'air. La rencontre était sur le point de commencer. Non plus une guerre, mais une confrontation. Un face-à-face où leurs vérités respectives allaient se heurter.
Il s'inclina légèrement, non pas en signe de soumission, mais de reconnaissance, comme s'il comprenait enfin que ce moment n'était pas celui d'un conquérant, mais celui d'un homme en quête de réponses.
— Princesse Lanaëlle, dit-il d'une voix calme, mais empreinte d'une gravité nouvelle. Je ne suis pas ici pour la guerre. Je suis ici pour comprendre.
Lanaëlle ne bougea pas, son regard perçant soutenant celui de Kaelan. Elle avait entendu les rumeurs sur le prince des ténèbres, celui qui commandait les armées de Noctern et qui n'avait jamais montré de faiblesse. Mais en cet instant, quelque chose dans son attitude la surprenait. Ce n'était pas l'arrogance d'un conquérant, ni la fierté d'un homme sûr de sa victoire. Non, il y avait une question, un doute qu'elle percevait derrière ses yeux sombres.
— Comprendre ? répéta-t-elle, ses mots froids comme la brume qui enveloppait les murs de Valtéra. C'est bien la dernière chose que l'on pourrait attendre d'un prince comme vous.
Elle croisa les bras, mais une lueur d'incertitude passa brièvement dans ses yeux. Si Kaelan venait ici pour une véritable discussion, alors elle allait l'entendre, mais elle ne comptait pas l'accueillir en tant qu'ami. Son peuple souffrait, son père conspirait pour une alliance contre nature, et elle n'avait pas l'intention de se plier à la volonté de cet homme, peu importe ses intentions.
Kaelan s'avança d'un pas, un léger sourire en coin, comme si il se préparait à une danse complexe où chaque geste comptait.
— Je comprends que vous me méprisiez, Princesse. Il haussait légèrement les épaules, mais ses yeux restaient fixes, sérieux. Je ne suis pas venu ici pour vous convaincre de m'aimer. Mais si vous tenez vraiment à la paix, il est peut-être temps de comprendre que ce que l'on nous impose n'est pas le seul chemin possible.
Lanaëlle resta silencieuse pendant un moment. Le prince en face d'elle ne semblait pas être celui qu'elle avait imaginé : un homme tout-puissant, prêt à écraser tout sur son passage. Elle avait vu les images du prince de Noctern dans les histoires de son enfance, un tyran sans pitié, mais l'homme devant elle n'avait rien du monstre qu'on lui avait dépeint. Ses paroles résonnaient d'une sincérité qu'elle n'avait pas anticipée.
— La paix, dit-elle doucement, presque à voix basse. La paix ne se construit pas sur des promesses de mariage. Pas sur des concessions. Elle se construit sur des actes, des sacrifices réels, pas des compromis politiques destinés à nous rendre plus forts aux yeux des autres.
Kaelan inclina légèrement la tête, respectant ses mots, mais son regard restait un peu trop distant pour montrer une réelle compréhension. Il savait que cette guerre était plus complexe qu'il ne l'avait cru au départ, mais il n'était pas encore prêt à lâcher son rôle.
— Et vous pensez que refuser ce mariage, refuser la paix, est un acte juste ? Kaelan s'approcha un peu plus près d'elle, ses yeux brillant d'une lueur nouvelle. Nous avons tous nos obligations. Vous ne pouvez pas les ignorer. Nous avons tous un rôle à jouer dans cette guerre, et ce mariage... il est notre seul moyen de sortir du cycle de violence.
Lanaëlle le fixa, un éclat de défi dans son regard.
— Et si ce rôle était celui de la soumission ? Elle ne cilla pas. Je refuse de devenir un pion dans cette guerre. Si la paix doit passer par la perte de ma liberté, alors je préférerai la guerre.
Un silence pesant s'installa dans la pièce. Le seul bruit audible était celui de leurs respirations, mais Kaelan perçut une certaine frustration dans le ton de Lanaëlle. Ce n'était pas de l'arrogance, mais de la douleur. Elle n'était pas simplement une princesse tentant de préserver son pouvoir, elle était une femme, une personne prête à sacrifier ses rêves pour son royaume. Et peut-être que, comme lui, elle se sentait piégée.
— Vous croyez que je suis libre ? murmura Kaelan, plus pour lui-même que pour elle. Il n'avait pas l'intention de lui révéler ses tourments, mais la vérité glissa entre ses lèvres sans qu'il ne puisse l'arrêter. Je n'ai jamais eu de choix, Princesse. Pas plus que vous.
Lanaëlle le scruta, analysant chaque mot qu'il prononçait. Elle s'approcha alors légèrement, brisant la distance qui les séparait, mais sans jamais le toucher.
— Vous êtes prisonnier de votre propre royaume, comme je suis prisonnière du mien. Mais à quoi cela sert-il de se soumettre sans même savoir pourquoi ? dit-elle, son regard se durcissant. Avez-vous déjà imaginé qu'il pourrait y avoir une autre voie que celle de la guerre ?
Kaelan se figea, étonné par la question. C'était la première fois que quelqu'un lui parlait ainsi. Il avait toujours cru que la guerre était inévitable, qu'il n'y avait pas d'autre option. Mais là, face à cette princesse, il ressentait un élan, une étincelle de possibilité qu'il n'avait jamais envisagée.
Avant qu'il ne puisse répondre, le bruit d'une porte qui s'ouvre brisa l'atmosphère tendue. Le roi de Valtéra entra dans la salle, suivi de quelques conseillers. La discussion semblait soudainement plus officielle, plus contraignante.
— Prince Kaelan, dit le roi d'un ton glacial, j'espère que vous trouvez cette conversation intéressante. Mais nous n'avons pas tout le temps du monde. La paix doit être conclue. Il est temps d'agir.
Kaelan se tourna vers lui, le roi de Valtéra, et un soupçon de frustration se mêla à ses pensées. Ce n'était pas la paix qu'il cherchait. C'était une vérité. Peut-être que ce mariage n'était qu'un compromis politique, mais derrière tout cela, une question plus grande se posait : pouvait-il vraiment changer le cours des choses ?
Lanaëlle le regarda une dernière fois, ses yeux brillants d'une détermination sans faille. Elle n'avait pas l'intention de céder, mais une part de Kaelan ne pouvait s'empêcher de se demander si elle avait raison.
Le roi de Valtéra s'avança, son regard glacial fixant Kaelan avec une insistance glacée. Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit de plus, un bruit sec résonna dans la salle. Un bruit métallique, un choc net, comme l'éclat d'une promesse murmurée dans le silence de la tension.
Lanaëlle s'était saisie de la dague attachée à sa ceinture, son mouvement rapide et précis, comme si elle avait anticipé le danger. La lame argentée brilla sous la lumière tamisée de la pièce, sa surface réfléchissant une lueur menaçante.
Kaelan s'arrêta, son regard rivé sur la princesse qui se tenait droite, ses yeux emplis de détermination. Il n'eut pas le temps de réagir, ses instincts en alerte alors qu'il perçut la menace dans l'air. Il était prêt à tout, à la guerre, à la politique, mais pas à cela.
— Si c'est ce que vous attendez, Prince Kaelan, dit Lanaëlle d'une voix basse et tranchante, si vous croyez que tout se résume à un mariage arrangé, à des manipulations de part et d'autre... alors sachez ceci : je suis prête à mourir avant de me soumettre. Si le prix de la liberté est ma vie, alors je la prendrai avec une telle fierté que vous ne me pourrez jamais me forcer à céder.
La dague, brillante et aiguisée, était maintenant pointée vers lui. La menace était claire, nette. La princesse héritière de Valtéra n'était pas une simple figure politique, pas une noble fragile attendant la paix. Elle était une guerrière, une âme prête à tout pour défendre sa liberté et ses principes.
Kaelan, lui, resta immobile, déstabilisé par cette réaction. Il avait entendu parler de la bravoure de Lanaëlle, mais la voir si proche, prête à le tuer de ses propres mains si nécessaire, le laissait sans voix. Les autres membres de la cour dans la pièce se reculèrent, certains regardant la scène avec une surprise palpable, d'autres échappant des murmures nerveux.
— Vous me tueriez, Princesse ? Kaelan la regarda droit dans les yeux, ses mots empreints d'une froideur qui n'était pas due à l'agression, mais à l'incertitude. Cela ne vous apporterait rien. La guerre continuerait. Vous mourriez, et le royaume de Valtéra serait englouti dans la haine et le sang, comme Noctern l'est.
Lanaëlle, les lèvres serrées, ne bougea pas d'un pouce. Sa main ne tremblait pas, sa prise sur la dague ne faiblissait pas. Ses yeux brillaient de cette flamme intérieure qu'il ne pouvait ignorer. Elle était prête à mourir, mais elle n'était pas prête à se soumettre à un mariage qui scellerait l'avenir d'un monde qu'elle ne voulait pas.
— Je préfère mourir libre que vivre sous vos chaînes, répondit-elle froidement, sans détour. C'est cela, la vraie différence entre nous. Vous êtes prisonnier de vos devoirs, de votre héritage. Et moi, je refuse de l'être.
Kaelan la fixa, la compréhension se frayant lentement un chemin dans son esprit. Ce qu'il ressentait n'était pas de la peur, mais une forme de respect, mêlée à un sentiment de frustration. Lanaëlle ne céderait pas, elle ne se plierait pas. Elle ne laisserait pas son peuple être sacrifié sur l'autel de la politique.
— Vous avez du courage, Princesse. Il s'avança d'un pas, l'adrénaline de la situation faisant battre son cœur plus fort. Mais il existe d'autres manières de se battre.
Lanaëlle hésita, les yeux fixés sur lui. Sa dague était toujours levée, prête à abattre sa sentence si elle le jugeait nécessaire. Mais en cet instant, un silence lourd s'installa entre eux, et la pièce semblait suspendue dans une bulle, où chaque parole, chaque geste avait son importance.
— Alors montrez-moi cette autre manière, Kaelan. Montrez-moi que vous n'êtes pas qu'un bourreau déguisé en prince.
Elle baissa lentement sa dague, mais son regard, lui, ne se radoucit pas. Elle le défi. Et Kaelan le comprit. Il était confronté à bien plus que la fille d'un roi, il faisait face à une adversaire qui pourrait bien changer le cours des choses. Ce mariage n'était pas qu'une question de pouvoir. C'était une question de principes, d'âme, de liberté.
Le silence s'étira encore un instant, pesant, comme si le temps lui-même hésitait à avancer. Kaelan et Lanaëlle se tenaient là, à quelques pas l'un de l'autre, leurs regards fixés dans une tension palpable. La princesse, l'air impassible mais toujours prête à réagir, la dague toujours en main, et lui, le prince de Noctern, qui sentait pour la première fois la lourde responsabilité de ses actions, de ses choix.
Mais alors, dans un geste qui surprit même Lanaëlle, Kaelan se détourna légèrement, fixant le sol pendant un moment comme si un poids invisible pesait sur ses épaules. Il ne pouvait plus ignorer ce qu'il ressentait. Ce n'était plus qu'une question de guerre ou de mariage. C'était une question de conscience.
— Je n'ai pas l'intention de vous tuer, Princesse, dit-il finalement, sa voix moins tranchante, moins figée que tout à l'heure. Je ne suis pas cet homme-là. Pas encore.
Lanaëlle déglutit difficilement, la tension de l'instant s'allégeant légèrement, mais pas assez pour qu'elle relâche sa garde. Elle savait que les mots étaient aussi puissants que les épées, mais ils ne changeaient pas toujours le cours de l'histoire. Et Kaelan, aussi sincère qu'il semblait, n'était pas encore l'allié dont elle avait besoin.
— Et pourtant, vous êtes celui qui mène cette guerre, celui qui a tué des milliers de vies, répondit-elle avec calme, mais sa voix trahissait une fêlure qu'elle ne pouvait totalement dissimuler. Je ne vous pardonne pas pour cela. Pas encore.
Le prince de Noctern baissa la tête, le poids de ses actes le rendant muet un instant. Il comprenait. Il savait. Il n'était pas ici pour se justifier. Il était ici pour une guerre qu'il n'avait pas choisie, et maintenant, il semblait aussi perdu que Lanaëlle dans cette danse dangereuse de pouvoir et de devoir.
— Alors nous nous retrouvons ici, à nous défier sans fin, murmura-t-il, levant les yeux vers elle. Et le monde, comme les royaumes, se brise en morceaux.
Lanaëlle baissa finalement sa dague, mais elle ne la rangea pas. Elle la garda dans sa main, un rappel que rien ne serait simple. Ce n'était pas la fin de leur affrontement, mais un simple répit.
— Si ce mariage est votre solution, Prince Kaelan, sachez que je n'ai pas l'intention de m'y soumettre. Pas de cette manière.
Il la regarda, un mélange de compréhension et de frustration dans ses yeux. Il savait que cette rencontre n'était qu'un début, et que les vérités qu'ils allaient devoir affronter ne viendraient pas facilement. La guerre, les mensonges, la politique... tout se tissait autour d'eux, et dans ce vaste jeu d'échecs, ils n'étaient que des pièces mouvantes.
Le roi de Valtéra, silencieux tout ce temps, fit un geste impérieux pour marquer la fin de la discussion. D'un regard rapide vers Kaelan, puis vers sa fille, il sut que la route vers la paix ne serait ni rapide ni simple. Mais il avait son rôle à jouer, tout comme eux. Ils avaient tous un destin tracé, un chemin à suivre... ou à briser.
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