Le blond a du mal à garder les yeux ouverts. Il somnole à moitié, la tête calée contre l'accoudoir du canapé. Son corps est plié contre lui-même, et ses mains sont plaquées sur son torse. Il ne fait pas attention à la main de son petit-ami qui caresse sa chevelure.

Maintenant deux jours qu'il a décidé de reprendre une vie normale, sous la honte et la peur qu'on découvre son secret. Il a repris l'habitude de dormir chez lui, à partager ses repas avec Wooyoung, et à accepter les sorties de ses amis.

Depuis son rapport avec Hyunjin dans son bureau, les choses commencent à se structurer. Après tout, si le mannequin a la liberté d'aller voir ailleurs, lui aussi. Et puis, Wooyoung est son petit-ami depuis plus longtemps. Il n'est pas infidèle envers Hyunjin.

Felix ne souhaite sa position à personne, coincé entre son compagnon et son amant. Mais il arrive à se consoler : tant qu'il ne se fait pas prendre, tout ira pour le mieux.

Il a la fâcheuse tendance à mettre ses ennuis de côté. Il les règlera plus tard, ou alors, quelqu'un d'autre le fera pour lui. Tant que ça ne piétine pas sa vie professionnelle, tout va bien. Wooyoung n'a pas l'air de se douter de quoique ce soit, il est tout à fait banal. Banal, sans compter ses sorties mystérieuses, le fait qu'il ne quémende plus à faire l'amour, ni à partir en rendez-vous amoureux. Oui, si Felix a changé, Wooyoung est devenu beaucoup plus absent.

– Ton téléphone sonne, Lix, le prévient le brun en secouant légèrement son corps.

L'interpelé papillone des paupières, s'habituant à la luminosité de la télévision. Et effectivement, son smartphone vibre sur la table basse, l'écran contre le bois. Felix prend quelques secondes pour bâiller. Il colle l'appareil à son oreille, alors qu'il voit son compagnon quitter le canapé pour aller dans la cuisine.

– Allô ?

C'est Hyunjin.

– Il est onze heure, qu'est-ce qu'il y a ? Demande l'agent, faussement contrarié.

– Felix ?

Ce n'est pas Hyunjin.

– Euh... oui ? Minho ?

C'est la catastrophe. Et encore plus alors que le blond sent les mains de son petit-ami s'appuyer sur ses épaules. Il se tient juste derrière lui, le bassin collé au sofa. Felix prie pour que son idiot d'ami ne dise pas de bêtises.

– Ha ! Je le savais ! Entend Felix, une voix assez éloignée du combiné. Bin, tu me dois deux mille cinq cents yen.

– Allô ? Désolé, Lix, les gars ont été super chiants, s'excuse doucement la voix du mannequin, qui vient sûrement de récupérer son téléphone.

– Qu'est-ce que tu leur as dis ? Panique Felix, sentant une pression sur ses épaules.

– Rien ! On a fait la fête chez moi, et puis on a un peu bu, c'est tout. Viens voir de tes propres yeux, je te ferai une place dans mo-

Felix sent ses joues rougir subitement, alors qu'il vient baisser le volume de son téléphone, soudainement honteux. Il donne un coup d'œil vers son petit-ami qui ne dit pas un mot, puis il soupire.

–    J'arrive, mais juste pour dire bonjour aux autres.

Hyunjin lâche une petite remarque de satisfaction avant de souhaiter une bon trajet au blond. Ce dernier pose son téléphone sur la table basse, se levant en s'étirant. Wooyoung lui tend un verre d'eau alors que Felix s'excuse de son absence.

–    Je sais qu'il est tard, mais c'est pour voir tout le monde. Il y a même Yuna, ment-il, je veux voir son bébé.

–    Je peux te déposer ?

–    Pas la peine, Woo. Je rentre pour dormir, pas d'inquiétude.

Felix enfile un jean, et un blouson, avant de se chausser et d'attraper les clés de la voiture. Il embrasse furtivement les lèvres de son petit-ami avant de prendre la route.

La route est sombre, seulement éclairée par la lumière des lampadaires et des feux tricolores. Il n'y a pas beaucoup de circulation à cette heure-ci, mais assez pour bloquer le quartier de Gangnam qui déborde de piétons pour un jeudi soir. Il tourne rapidement dans le lotissement où habite le mannequin, il se gare sans avoir de mal, et se dirige vers l'appartement. Il connait le chemin et le code. Il est étonné de ne pas voir la voiture de Changbin, ni celle de Chan.

Arrivé à la porte, il sonne, par politesse. Il est habitué à taper le code, mais il est dans le rôle l'ami, pas du manager. Alors il attend derrière le judas, en silence. Et lorsqu'on lui ouvre, il est surpris de voir l'écarlate, la mine renfrognée. Il porte un sweat à capuche noir, et un jogging gris. Il a les sourcils froncés, et les lèvres gercées. Felix lui présente de brèves salutations, puisqu'ils se sont vus rapidement dans la journée. Le blond fait un pas dans l'appartement, soudainement arrêté par la prise du mannequin sur son avant-bras.

– Les autres sont déjà partis, lâche le propriétaire des lieux. Rentre chez toi.

Felix lui lance un regard rempli de questions, avant de dégager de son emprise.

– Je peux rester quelques minutes, on a pas pu parler aujourd'hui.

Hyunjin répond par un long soupir, pinçant l'arrête de son nez.

– Ce serait mieux si tu partais. J'attends quelqu'un, là, souffle t-il.

Et le voilà, ce sentiment assassin qui revient lui brûler l'estomac. Il a la gorge sèche, et il reste quelques instants à le regarder dans les yeux, sans pouvoir rétorquer quoique ce soit. Il n'y voit que de la déception, des remords, et du dégoût.

Hyunjin l'attrape par le bras, le forçant à reculer de quelques pas. Il se retrouve sur le palier, les genoux tremblants et les yeux qui papillonnent d'incompréhension. Jamais Hyunjin n'a agi de la sorte avec lui, jamais il ne lui a parlé de cette façon. Comme si il n'était rien, ni personne.

Alors il s'en rend compte. Felix se rend compte de la brûlure dans sa poitrine, ce sentiment qui le rend impuissant et, par la même occasion, qui lui donne envie de pleurer. C'est la peur d'être abandonné, celle qu'il a tant essayé d'éviter en préférant Wooyoung à Hyunjin. Celle qui le rend faible, celle qu'il aurait aimé ne jamais connaître. C'est la peur qu'on ne l'oublie, qu'il s'efface, et qu'on le haïsse.

– Parlons, Hyunjin, tente Felix, les doigts dans l'entrebâillement de la porte.

– Parler de quoi ? De ta relation avec Wooyoung ? S'emporte le mannequin. Allons-y ! Depuis quand t'es avec ? Quatre ans ? Cinq ans peut-être ?

Felix est pris au piège. Il ouvre la bouche, sans qu'un seul son ne puisse sortir de sa gorge. Il se sent honteux, terriblement honteux. Ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Il avait imaginé la scène des centaines de fois, le genre de tableau qui finit bien, avec des sourires et de la compréhension. Mais ce n'est pas la réalité. Felix, il a trompé tout le monde.

–    Et tu comptais m'en parler quand ? Jamais ? S'écrie l'écarlate dans le couloir. Ou tu pensais que j'allais bien le prendre puisque je suis à tes pieds comme un vulgaire chien ? C'est quoi le plan, Felix ? Que j'apprenne que t'es en couple, que t'es maqué avec ton ex, et que je continue à te baiser ? C'est ça le plan ?

–    Hyunjin, écoute...

–    Non, j'écoute pas ! On a dit, plus de mensonges.

Hyunjin a les yeux qui brillent. Ce n'est pas de la fierté, ni de l'amour, mais de la tristesse pure et dure. Le genre qui brise des cœurs, et des âmes. Parce qu'au fond, ils y ont cru, tous les deux.

–    Alors je veux que tu dégages de chez moi. Je veux que tu disparaisses de ma vue, crache Hyunjin.

Felix tend le bras, derrière sa vue floue. Mais l'écarlate claque la porte, et il se retrouve seul avec ses larmes et sa honte. Il a mal comme lors d'une rupture. Il repense à son visage, et à son expression de bonheur qu'il ne verra plus qu'au travail.

Felix, il a joué avec le feu. Il s'est brûlé avec ses propres envies. Il a envie de vomir, et d'oublier. C'est douloureux, comme une flèche en plein cœur. Il se revoit plus jeune, il y a cinq ans, assis dans sa salle de bain, à hurler ses poumons et à détruire ses cordes vocales. Et il est pris dans son propre jeu, celui de la tromperie. Il savait qu'il allait souffrir, et pourtant, il a voulu continuer. La situation n'est pas plaisante, au contraire. Mais il n'a pas voulu choisir. Et le voilà prisonnier de ses mensonges.

Et lorsqu'il arrive à sa voiture, il n'aurait jamais cru tomber encore plus bas. Mais il a fallu qu'il voit Kae Sunja, sortant d'un taxi. La douleur dans sa poitrine n'a jamais été aussi forte.

Mais il ne peut s'empêcher de se remettre la faute dessus.

—

Hellooooo!

J'en reviens pas qu'on soit déjà là dans l'histoire lol.