𝟮.
▌SNEZHNAYA, VOLSK. 13/11. ▌
𝗥𝗘𝗡𝗖𝗢𝗡𝗧𝗥𝗘𝗥
Nyx avait à peine reposé le pied sur le parquet qu'elle sentit ses jambes flancher sous l'effort. Tout tournait autour d'elle, mais elle ne souhaitait pas arrêter. Luttant contre la gravité et l'implacable vérité, elle se hissa jusqu'à la petite fenêtre avant de se mettre à chantonner. Cette fois-ci, elle eut l'honneur d'être accompagnée par le gazouillement des oiseaux perchés plus haut ; il fut alors temps de louer l'utopie.
Le soleil venait à peine de se lever et se dressait haut dans le ciel. Certains de ses chaleureux rayons parvenaient à outrepasser la barrière des nuages, caressant l'épiderme de la jeune femme de la plus tranquille des façons. C'était un moment d'allégresse pur, un ravissement inégalable qu'elle n'aurait échangé contre rien au monde, et le fait qu'elle soit seule à l'intérieur de la maison lui promettait une paisible journée.
Les maux qui lui pourrissaient peu à peu la vie l'empêchaient pourtant d'en profiter. Partir à l'aventure avait été l'un de ses nombreux rêves, mais l'évidence s'était dessinée et imposée sans tarder ; elle était destinée à rester enfermée, loin des douleurs et des passions humaines. Si son frère ne l'accompagnait pas comme il le faisait, la folie l'aurait emportée depuis des lustres.
Alyx avait supporté ses pires crises sans flancher et l'avait chérie dès le premier jour. Sa santé fragile ne l'avait pas découragé, contrairement à ses parents. Prendre soin de sa petite sœur semblait le ravir plus que tout, d'autant plus que ces moments la faisaient toujours sourire de toutes ses dents. Les tourments la possédaient cependant. Tout moment de joie semblait peu à peu se transformer en torture. Faire comme si de rien n'était demeurait alors impossible.
Luttant pour maintenir son équilibre, faisant de son mieux pour rassembler le peu de forces qu'il lui restait, la jeune femme ne put arrêter ses larmes traitres. Ses lèvres se mirent à trembler sous la pression, puis la panique éclata. Il lui fallut tout le maintien du monde pour arrêter les sanglots qui la prirent. L'atroce consternation qui lui compressait les entrailles n'arrangeait pas les choses ; au contraire, cela participait amplement à alimenter la blessure cuisante qui la rongeait.
Une mélodie plaintive franchit la paroi de ses lèvres et vint retentir contre les murs étriqués de sa chambre. Et bien qu'elle redoutait plus que tout le moment où sa mort surviendrait, elle ne se laissa pas faire contre les penchants qui l'assaillirent. Nyx ramena ses bras contre son corps dans une vaine tentative de se protéger, et fredonna de sombres paroles.
Outre les frissons désagréables qui la secouèrent, la jeune femme eut droit à des applaudissements qui la firent japper. Difficile pour elle de nier que quelqu'un l'avait interrompue, puisqu'un homme qu'elle n'avait jamais vu auparavant se tenait sous sa fenêtre. Homme qui lui fit perdre le peu de contenance qu'elle avait accumulée, puisqu'à part son frère, personne ne l'avait jamais entendue roucouler de cette manière.
─ Quel spectacle passionnant !
L'ahurissement était quelque chose de poignant, mais la beauté de ce dernier l'était encore plus. En premier parce que ce teint lactescent, ce regard pétulant et ces mèches flamboyantes avaient de quoi surprendre. Aussi parce que la manière dont cet inconnu la détaillait de loin faisait de lui un tableau frappant, par lequel Nyx ne pouvait s'empêcher d'être épouvantée. Enfin, parce qu'elle ne savait pas comment réagir face aux paroles qui lui étaient adressées. L'envie de disparaitre six pieds sous terre vint alors la posséder.
─ Tu chantes depuis longtemps ? Ta voix est magnifique !
Nyx arrêta de gigoter sur la fenêtre, frappée d'une inquiétude soudaine qui lui indiqua qu'il ne servait à rien de lui répondre. Submergée par l'effroi qu'elle avait ressenti en découvrant cet intrus, elle en avait oublié de respirer ; sans Alyx, savoir comment gérer une conversation était rude. Toutes les idées qui lui trottaient en tête n'étaient pas très claires, et son cœur martelait comme jamais l'intérieur de sa poitrine égratignée.
─ Tu devrais venir chanter au festival du renouveau, après-demain. (Sa voix se fit plus basse, tandis qu'il prenait place dans la neige.) Je suis certain que beaucoup apprécieraient t'entendre chanter.
─ Non.
Sa voix s'éleva dans les airs, tranchante comme un couteau, alors qu'un sentiment peu plaisant fit fondre ses viscères de l'intérieur. L'animosité dans sa réponse fut péniblement camouflée derrière le mouvement de sa longue chemise de nuit, qui dansa au rythme de la brise levante. Faute de pouvoir s'occuper en chantonnant, la jeune femme s'était décidée à alimenter la conversation, qu'importe les angoisses qui surviendraient par la suite.
Ajax inclina la tête. Ses boucles rousses vinrent former un voile autour de son visage délicat, et lui permirent de cacher un froncement de sourcils intrigué. Une bourrasque chargée d'humidité se faufila même jusqu'à lui et ébouriffa encore un peu plus sa chevelure. L'homme comprit qu'il ne servait à rien de quémander plus de détails sur quelque chose d'aussi futile, parce que de toute façon, ce n'était pas pour elle qu'il s'était faufilé jusqu'ici.
─ Comment tu t'appelles ? la sollicita-t-il en trainant un peu plus ses vêtements dans la neige.
Sur le visage frêle de la jeune femme s'inscrit une inquiétude inattendue ; ses joues légèrement rosies par la fraicheur des montagnes la rendirent plus éblouissante que tout, et Ajax dut faire son possible pour ne pas laisser ses pulsions prendre le dessus. Une certitude s'imposa alors à lui : même s'il devait assassiner son frère sans scrupules, il ne laisserait pas ses sentiments s'interposer. Parce que même si c'était la première fois que son instinct lui hurlait de tout abandonner pour quelqu'un, il était certain que faire confiance à la petite voix dans sa tête ne le mènerait à rien.
─ Nyx.
─ Beau prénom. Très certainement à la hauteur de ta prestance !
Une douce torpeur se répandit dans son ventre lorsqu'elle capta le sens de ses paroles, et elle se hâta de la faire disparaitre en reportant son attention sur lui. Sur sa tête reposait un ornement rubicond aux contours scintillants qui se fondait à merveille avec le reste de sa tenue. Et tandis que les alentours s'illuminaient doucement à cause des rayons du soleil, Nyx détailla les délicates teintes rosées qui saupoudrèrent les joues de l'homme face à elle. Quelques taches se trouvaient çà et là, décoraient la pâleur de sa peau, la rendaient encore plus captivante.
─ Et toi ? murmura-t-elle.
Elle sentit sa gorge s'assécher et son cœur rater un battement. Un sourire avait fleuri sur ses lèvres rosées. Et étrangement, elle trouvait cette vue plutôt agréable.
─ Ajax, enchanté. Mais si tu veux, tu peux m'appeler bébé.
Nyx sentit son pouls s'emballer et se hâta de reculer, le dos raide et les muscles contractés. Des scénarios déconcertants se jouèrent à l'intérieur de sa tête. L'irritation, elle, monta d'un coup. Sa masse de cheveux scintillants fut secouée dans tous les sens lorsqu'elle fulmina, alors que son regard céruléen, pétillant de ressentis, le fusilla.
Et la fenêtre fut refermée sans qu'il puisse réagir.
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Cette rencontre marque le début des problèmes, mais aussi d'une belle histoire. Nyx se dessine d'une façon très spéciale dans la vie d'Ajax... bien que rien ne montre que ce soit réciproque. J'espère que ce petit chapitre vous aura plu ! :)
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