Chapitre 4 : Planifications
Thélia passa avec un frisson la robe de dentelle au crochet, appréciant le contact ajouré sur sa peau. Blanche, comme neuve, elle embaumait un reste de parfum. La thaumaturge l'avait trouvé parmi les anciennes affaires de sa mère, qu'elle avait tiré des cartons avant que son père ne les revende.
Elle la lissa délicatement pour en ajuster les plis, puis brossa ses cheveux, dont les ondulations prirent un volume soyeux sous le passage des poils. S'adonner à un brin de coquetterie la mettait toujours de bonne humeur.
Après avoir enfilé ses spartiates, elle se mit en route pour retrouver Adamer, qui avait demandé à ce qu'ils se rencontrent pour lui communiquer les derniers éléments au sujet de la disparition de Mystès. Comme elle ne travaillait pas au Lucent ce jour-là, elle se rendit au café Aurore, situé dans les quartiers chic de Bételneuve, où il lui avait donné rendez-vous. Thélia n'eut qu'à donner son nom au serveur qui vint l'accueillir sitôt qu'elle eut franchi les portes coulissantes, et fut conduite sur la terrasse montée au bord d'un canal. Les parasols et la proximité des eaux paresseuses apportaient une fraîcheur agréable par cette journée d'ensoleillement.
Elle n'eut pas besoin d'être guidée par l'employé entre les tables dressées et les plantes en pots pour repérer l'agent de l'URIAA, déjà installé. Celui-ci se leva à son arrivée, et le serveur les laissa après une courbette.
— Qu'est-ce que tu en penses ? s'enquit-il en ouvrant les bras pour désigner l'endroit. C'est le genre d'établissement que les hôtes du Lucent peuvent fréquenter avec leurs clients, donc ça étonnera pas trop si on est reconnu. Puis, je me suis dit que ça serait sympa que tu puisses commander à boire, pour une fois, et être près de l'eau, étant donné ton arété.
Thélia plissa une mine soucieuse. Le café présentait une élégance confortable, et la présence d'un cours d'eau contribuait en effet à l'apaiser. Ce qui l'amenait à s'interroger sur les raisons pour lesquelles il se souciait autant de la mettre à l'aise. Ses mains enserrèrent compulsivement la bandoulière de son sac.
— Oh non, s'affola-t-elle. Tes infos, ce sont des mauvaises nouvelles ?
L'expression satisfaite d'Adamer se décomposa. Il contourna la table pour s'avancer vers elle.
— Non ! Enfin, ce sont pas les plus réjouissantes, mais c'est rien de... d'irréversible.
Thélia lui jeta un regard confus alors qu'il la prenait par les épaules dans élan de réconfort.
— Comment ça ?
L'agent la guida vers sa place avec sollicitude.
— Ça va prendre un moment de tout t'expliquer. C'est pour ça que je préférais un endroit un minimum serein.
Elle s'assit donc sur le fauteuil en osier garni de coussins, et il s'installa en face d'elle. Adamer avait placé un dossier sur la table, mais il n'y toucha pas avant que leurs commandes ne leur fussent servies. Quand Thélia eut pris la première gorgée de son thé glacé à la pêche, il s'enquit :
— Tu vois un peu comment fonctionne le système économique des Constellations ?
— Dans les grandes lignes.
Tout aster un tant soit peu investi dans le réseau savait que les bénéfices générés par les activités illicites des Constellations étaient réinvestis dans des structures légales. Leur assise sur Bryvas provenait de cette infiltration multiple et étendue des secteurs lucratifs.
Adamer écarta son verre de smoothie aux fruits rouge et sortit de l'enveloppe une liasse de documents qu'il étala devant elle. Factures, fiches de profils, rapports d'enquête et photographies couvrirent la surface de la table.
— Ce qui nous intéresse, c'est une cellule de Cebalraï. Tu as déjà dû entendre parler de leur ligne de produits pharmaceutiques ?
— Oui, ils ont beaucoup de boutiques à Mortraze.
La pharmacologie asterienne se passait de prescription médicale. Cebalraï, la savante aux poisons, produisait localement ses remèdes et cosmétiques, qu'elle distribuait dans ses apothicaireries de Mortraze. Ses remèdes et cosmétiques se vendaient à prix d'or.
— La plupart de ces boutiques se fournissent au même laboratoire : ici, expliqua Adamer en tapotant les photos du bâtiment.
Thélia consulta les images de l'édifice tout en briques rouges percés de fenêtres en acier. Laboratoire Iatrion, lut-elle en grosses lettres sur le fronton.
— En surface, tout est parfaitement réglementaire, indiqua l'agent. Leurs composants proviennent de leurs propres serres, et la plupart des asters qui y travaillent ne s'occupent que des produits homologués.
Il marqua une pause et releva les yeux vers elle. Le sérieux qu'il arborait fit pressentir à Thélia qu'elle n'allait pas apprécier ce qu'il s'apprêtait à lui exposer.
— Ce qui nous amène aux activités souterraines – dans tous les sens du terme – de Iatrion. Cebalraï produit aussi son lot de produits strictement interdits, que l'on ne trouve pas en boutique parce qu'ils sont vendus directement chez le particulier. Des produits fabriqués à partir de matière animale... et humaine.
La thaumaturge blêmit, ses iris et ses mèches virant au jade. Bien qu'elle ne prît pas encore la pleine mesure de ce qu'il lui révélait, son appréhension se focalisa sur Mystès, et sur ce que ces informations impliquaient pour lui. La gravité qui figeait le faciès d'Adamer fondit sous une pointe de sollicitude. Son ton factuel s'adoucit alors qu'il cherchait à atténuer l'horreur des éléments qu'il énonçait :
— Kerdaphy, tu sais que nos arétés peuvent modifier notre organisme et notre physiologie ? C'est ce qui intéresse Iatrion. Ce qu'ils incorporent dans leurs produits.
— Ils vont utiliser Mystès ? articula-t-elle d'une voix étranglée. Mais pourquoi lui ? C'est un Achernar !
— Je pense pas que ce soit dans leurs habitudes de s'en prendre aux asters affiliés. C'est un coup à déclencher des règlements de comptes. Mais, au vu du climat actuel, un hôte de bar peut disparaître discrètement. D'autant que c'est Becrux qui s'en est chargé et le leur a vendu.
— En représailles pour avoir interféré avec Meesha et Bélonias, comprit-elle.
Interdite, Thélia fixa les photos du laboratoire. En fin de compte, peu importait ce qu'il se tramait dans ces sous-sols. Ce n'était pas de son ressort. Tout ce qui l'animait, tout ce qui lui embrasait les tripes et faisait frémir sa peau de décharges de volonté, c'était l'intention farouche, indéfectible, d'arracher Mystès aux Cebalraï. Sur ses épaules, ses mèches chatoyaient d'une sombre teinte rubiconde lorsqu'elle releva la tête vers Adamer.
— Alors, comment on le tire de là ?
L'agent se rencogna contre son dossier et inclina la tête avec une grimace embêtée.
— Pas de « on », corrigea-t-il. Je suis désolée, Kerdaphy, mais ça va être un « je ». Tu n'es pas spécialisée dans ce genre d'opération. Moi si. Et je vais mettre Cineád sur le coup.
Thélia eut un mouvement déconcerté.
— Cineád ?
— Si on veut intervenir vite, il faut agir officieusement. Iatrion est trop solide et trop important pour permettre d'envoyer un ou deux ASTAT avec une unité de l'URIAA. Pas sans des mois de paperasse et de missions de renseignement au préalable.
— C'est pas que je sois contre, mais ça revient à procéder comme les Constellations, non ? En tant qu'ASTAT, tu peux faire ça ?
— Non, répliqua Adamer avec un rire. Et oui. Disons que je peux l'inclure dans l'exécution d'une autre mission pour laquelle j'ai une plus grande marge de manœuvre.
— La mission Rigel, comprit-elle.
Adamer conserva son sourire plaqué aux lèvres, mais des ombres distantes ternirent l'ambre de son regard. Il répéta à mi-voix :
— La mission Rigel. Cineád crachera probablement pas sur une cible toute donnée.
La thaumaturge se remémora le rugissement des flammes et la pression de la chaleur furieuse.
— Rigel a peut-être ses raisons de s'attaquer à Cebalraï, mais ils en ont aucune de pas s'en prendre à un Achernar dans la foulée, souleva-t-elle alors qu'Adamer rassemblait les dossiers éparpillés entre eux.
Il s'immobilisa, feuilles en main, pour river ses prunelles aux siennes.
— Non, mais c'est pas ce que j'attends d'eux. Je m'occupe de Mystès. Il sera mon unique priorité, d'accord ?
Thélia avait beau vouer désormais une entière confiance en les capacités de l'agent, déléguer le sort de son collègue à un tiers ne lui était pas plus aisé. La teneur opportuniste du raisonnement d'Adamer la frappa. Il était parvenu à tourner la faveur qu'il lui devait en moyen de parvenir à ses fins avec une aisance stupéfiante. Tout en s'arrangeant pour lui retirer toute marge de contestation, puisque le plan servait suffisamment ses intérêts.
— C'est pas comme si j'avais le choix, de toute façon, abdiqua-t-elle.
— Ah oui, donc j'ai toujours si peu de crédit de ton côté ! feignit de s'offusquer Adamer.
— Non ! Pardon, c'est pas ce que je voulais dire ! C'est juste...
— T'en fais pas. Je sais.
Elle hocha la tête sans chercher à s'expliquer davantage, et se rafraîchit d'une nouvelle gorgée de smoothie. En bordure de l'ombre du parasol, le soleil lui cuisait le bras. La mention du pyrocien l'amena à déclarer précautionneusement :
— Si tu continues à traiter avec Cineád, il y a un truc auquel il faudra que tu fasses attention.
Intrigué, Adamer la laissa poursuivre. Elle lui dévoila la menace que le pyrocien faisait planer sur la fratrie Terebros, doublée de la protection qu'il leur accordait en parallèle. Adamer massa pensivement sa mâchoire ornée d'un fin collier de barbe, alors qu'il traitait ses révélations.
— Exercer un contrôle tout en accordant des bénéfices. C'est typique des Constellations, observa-t-il.
— Je suis pas sûre que ce soit seulement ça. Il est très... impliqué dans ce qui leur arrive. Ça a pas l'air d'être par pur intérêt.
Elle n'eut pas besoin d'entre dans les détails pour qu'il saisisse ce qu'elle sous-entendait. Exposer ainsi la situation de Kaya ne lui plaisait pas, or le risque existait toujours que Cineád se retourne contre l'esthésive en réaction aux agissements d'Adamer. L'agent ne pouvait donc pas ignorer ce paramètre.
— Ah. Je vois. Je verrai ça, alors.
Il prit son propre verre à peine entamé, et le sirota avant que l'entrain ne revienne s'épanouir sur sa physionomie.
— Il paraît que tu as rencontré Setsu ?
— Oh, mais oui ! s'enjoua Thélia. Elle est incroyable !
Les traits d'Adamer s'imprégnèrent de fierté à l'égard de la concernée. Il s'accouda à la table pour reposer sa mâchoire dans sa paume.
— Pas vrai ? Je savais qu'elle te plairait.
Les doigts autour de son verre humide de condensation, Thélia se prit à sourire face au ton et à l'expression qu'il adoptait en évoquant l'ailée. Elle s'autorisa à aborder le point qui la surprenait :
— Mais, c'est une Becrux ? Si c'est pas indiscret.
— C'est une Becrux, confirma-t-il. Et également une étudiante en master de psychocriminologie. Elle appartient pas à l'URIAA, mais elle a plus un profil d'ASTAT que d'aster criminelle.
Thélia abonda avec un sourire amusé :
— Je l'ai prise pour une ASTAT, quand elle est apparue en plein milieu de la manif.
— T'es pas la seule à faire la confusion. Je te fais confiance pour pas trop ébruiter tout ça. Setsu est présente sur les réseaux, mais elle a rien d'une influenceuse.
— Bien sûr.
Le regard pénétrant d'Adamer filtra entre ses cils blonds pour la détailler, alors qu'une fossette appréciatrice se creusait au coin de sa lèvre.
— Ça me change de pouvoir en parler ouvertement à quelqu'un, avoua-t-il.
Une once de sollicitude gagna Thélia. En tant que vedette de l'URIAA, il devait mener un numéro d'équilibriste particulièrement précaire pour articuler sa vie privée avec son domaine professionnel. Adamer ne sembla cependant pas tenir à s'attarder sur le sujet, car il se redressa en faisant jouer ses épaules, demeurées trop longtemps immobiles, et reprit :
— Ça me fait penser, tu as déjà entendu parler du festival zoïen ?
— Je suis de loin, mais j'y ai jamais participé.
— Ça te plairait d'y aller ? lui proposa-t-il presque comme si elle lui ferait une faveur en acceptant. Tu peux emmener les deux zouaves, s'ils veulent. Tout sera à mes frais ! Vous méritez de vous amuser un peu.
Prise de court, Thélia resta indécise devant sa mine expectante. À Bryvas, les festivals s'enchaînaient durant la saison estivale. Les zoïens se déroulait à Hamalex, et mettait à l'honneur les asters aux arétés fauniques. Les rues se transformaient en parade d'attributs bestiaux, organisée autour de défilés et de danses, que venaient bien sûr égayer une profusion de stands concurrençant spécialités culinaires et attractions. Toujours consacrée à des activités plus impératives, Thélia ne songeait même pas à y prendre part. Puis, aussi tentante fût l'offre, elle rechignait à en profiter sur le compte d'Adamer.
— J'en parlerai à Meesha et Bélonias.
✧ ✧ ✧
L'hôtel particulier se devinait à peine derrière l'imposant portail cocher. Oswald et Sahira sonnèrent à l'interphone, et n'eurent pas besoin de s'annoncer pour que l'ouverture électronique de la porte soit enclenchée. Ils s'avancèrent dans la cour plantée de marronnier, sous les branchages brunissants desquels étaient garées deux splendides voitures sportives.
Véritable monument, la demeure en briques roses et pierre blanche s'élevait sur deux étages. Son toit d'ardoise bleuissait sous la lumière. Des mascarons à l'effigie d'Asters métamorphes ornaient les élégantes fenêtres à croisillons. Deux vigiles plantés sur le perron surveillaient les vigiteurs. L'un deux releva légèrement le menton, comme s'il humait l'air.
— Des limiers ? souffla Oswald à l'esthésive.
— Sans aucun doute.
Le malaise tangua dans l'estomac d'Oswald. Il dévisagea les deux Becrux impassibles. Ce n'était plus des humains. Bairavi contrôlait leurs âmes aussi sûrement qu'elle tenait ses chiens en laisse. Autrefois des hétairies, ils avaient poussé la dévotion jusqu'à laisser la codirigeante de la Constellation s'emparer de leur part animale. Oswald n'avait jamais osé y croire, mais à présent qu'il se trouvait face à eux, l'horreur de leur condition lui apparaissait, nauséabonde et poisseuse. Il ne lisait dans les yeux des limiers qu'une défiance de bête protégeant son territoire, prêt à mordre à l'instant où serait donné l'ordre.
Une troisième sortit les accueillir et les fit traverser le vaste hall, sur la mosaïque duquel s'amoncelaient les pots d'imposants cactus. Ils dépassèrent une véranda envahie de roses, puis débouchèrent sur la terrasse. Oswald aurait presque pu douter de se trouver encore à Bryvas, tant l'atmosphère vibrait d'une vie verte et séculaire. Un profond jardin s'étendait au pied de l'hôtel. L'ardeur des canicules semblait avoir épargné les lieux. La pelouse offrait un tapis d'aspect moelleux, les abeilles bourdonnaient dans les bosquets de lavande et les fleurs des champs proliféraient au milieu des fougères. Des statues de marbres jaillissaient d'une profusion d'hortensias.
Tout au fond, les pommiers et les noisetiers faisaient une haie d'honneur à une fontaine murale. Sculpté dans la niche de pierre, un poisson crachait un filet d'eau dans une conque, qui ruisselait dans la vasque semi-circulaire. Oswald prit place à la table en fer forgé ombragée par une robuste glycine, sans parvenir à détacher son regard des rutilements de l'eau vive. Le chant liquide claironnait dans le jardin, comme s'il insufflait sa vigueur à l'ensemble décor luxuriant. Ce qui n'aurait pas surpris le Rigel. Même sans être esthésif, il percevait la richesse de l'éther qui s'épanchait de la fontaine.
Bairavi Earl et Teagan Covaliov disposaient de leur nexus à leur domicile même. Oswald songea soudain que les rumeurs du train de vie dispendieux des deux dirigeantes, de leurs fêtes démesurées et de leur cruauté extravagante s'expliquaient par ce bassin. Comment ne pas être enivré par tant de pouvoir à portée de main ? Lorsque l'on pouvait s'approvisionner à loisir, que la source ne tarissait jamais, comment ne pas finir par s'intoxiquer ? Rien d'étonnant à ce qu'Earl puisse étendre son contrôle à autant de bêtes.
La silhouette mouchetée de dalmatiens et les ombres polies de doberman s'apercevaient entre les massifs. Oswald se demanda avec un frémissement d'effroi s'ils n'étaient rien de plus que des canidés.
— Vous n'aimez pas les chiens, Monsieur Faye ?
Dès que Covaliov et Earl firent leur apparition, le parfum des iris et du chèvrefeuille parut se faire plus entêtant. Les deux Rigel se levèrent pour les saluer. Oswald étira un sourire suave en serrant la main de la damatrice.
— Pas ceux des autres, en tout cas.
Le maquillage d'Earl soulignait à la perfection la grâce souveraine de ses traits. Ses bijoux scintillaient au soleil, assortis à l'argent qui filait sa chevelure, et une robe fluide drapait sa silhouette sculpturale.
— Tant que vous ne vous montrez pas nerveux, ils n'approcheront pas, assura Covaliav en flattant le crâne de l'immense cane corso qui les flanquait.
Si Earl présentait un aplomb raffiné, sa compagne respirait la beauté vénéneuse et la menace abyssale. Son crâne rasé arborait des tatouages voluptueux, affichant son statut de démiurge. Il se disait à Bryvas qu'on ne survivait pas à la rencontre des daimõns qu'elle pouvait invoquer. Tout chez Teagan Covaliov laissait deviner la dangerosité de ses créatures de sel et d'écailles. De l'arête effilée de ses pommettes au vert d'eau léthifère de ses yeux. Avec l'âge, le coin de ses yeux et de sa bouche avaient pris le pli de ses sourires empoisonnés. La douceur indolente de son visage était démentie par la courbe malveillante de ses lèvres. Ses clavicules saillaient sous son la tulle de sa robe, l'étoffe transparente révélant le bikini qu'elle portrait en dessous.
Elle donnait à Oswald l'image de ces espèces des profondeurs, qui fascinaient leur proie pour mieux les piéger et laissaient leurs restes sombrer.
— Vous savez que les chambres du Chapteuil restent à la disposition des Marcdargent, leur rappela-t-elle en s'asseyant.
Les Rigel l'imitèrent.
— Et ils vous en remercient encore une fois, les assura Sahira. Mais leurs solutions de logement actuelles leur conviennent.
— À leur guise, répondit Earl d'un ton chargé d'insinuation perfide.
N'ignorant pas qu'après des décennies hors de la société, les Marcdargent ne bénéficiaient plus ni de point d'ancrage ni du moindre statut, les dirigeantes de Becrux avaient offert de les héberger dans l'un des établissements hôtelier sous leur contrôle. Ce que les jumeaux, méfiants, avaient refusé. Ils préféraient occuper les caravanes du hangar de Sahira que d'être redevables à Earl et Covaliov.
— Alors, reprit Covaliov tandis qu'un limier leur servait le thé. Vous venez solliciter notre aide pour faire tomber les Régulus ?
Oswald rajusta sa posture, croisant les mains sur son genou. La démiurge venait délibérément de les placer en requérants plutôt qu'en alliés.
— Nous venons vous demander de prendre position, de montrer à tout Bryvas que les Becrux se sont rangé au côté de Rigel. En joignant vos forces aux nôtres lorsque nous lancerons l'attaque.
Covaliov versa une dose de miel dans sa tasse fumante, sans lâcher leurs invités des yeux.
— Et comment vous voyez les choses ? Régulus est un colosse, pour la faire tomber, il ne suffit pas d'éliminer son dirigeant. Il faut saper ses fondations.
La coriacité de Régulus, symbolisée et incarnée par le squat Alphecas, véritable fort de la Constellation, lui valait sa place de seconde dans la hiérarchie de Bryvas. Si le lion était vaincu, un autre ne tarderait pas à prendre sa place.
Sahira se chargea de rétorquer :
— Nous sommes bien d'accord. Et quoi de mieux pour fragiliser une Constellation... que de lui retirer son nexus ?
Elle désigna la fontaine du bout de sa petite cuillère. Dans le jardin, quelques museaux pivotèrent vers elle à ce geste, l'œil attentif, les oreilles fixes. Earl émit un rire rauque.
— Vous savez bien...
— Que Régulus n'a pas de nexus ? la coupa Oswald. Ce n'est pas tout à fait exact, n'est-ce pas ?
Les nexus constituaient de véritables trésors dans la communauté astérienne. Gisements d'éther les plus purs, ils se formaient au fil du temps, en des points continuellement alimentés en énergie. Seuls les asters les plus influents disposaient du pouvoir nécessaire pour s'octroyer et conserver un nexus. Les Vessarias possédaient ainsi leurs cryptes dans les catacombes, tandis qu'Earl et Covaliov avaient leur fontaine. Seuls une poignée d'élus se voyaient autorisés à y accéder.
Les membres des constellations, eux, se rechargeaient aux varennes, bassins d'éther bien plus étendus que les nexus, et bien moins chargés. Oswald profitait pour sa part des serres et des parcs de Mortraze. Quant aux garennes, trop aléatoires pour être monopolisées, elles profitaient aux asters tout venant. Il se disait que les asters d'antan puisaient leurs pouvoirs des intempéries, des pleines lunes ou des éclipses.
De tous les territoires de Bryvas, celui des Régulus était l'unique à ne comporter aucune source du calibre d'un nexus. Ils avaient donc entrepris d'en fabriquer un. Le dirigeant des Régulus ne tirait son éther ni de l'ancien, ni du naturel, mais des vivants.
Oswald vit à l'expression des deux dirigeantes qu'elles savaient exactement de quel nexus il parlait. Covaliov sirota une gorgée, puis reposa sa tasse.
— Quand bien même nous endommagions leur nexus, nous ne pouvons que suspendre l'apport d'éther, mais Sadar conservera une réserve considérable, et n'aura qu'à le remettre en place. Tant qu'il peut s'approvisionner, il reste une menace.
— Allons, ricana Oswald. Vous savez de quoi les Marcdargent sont capables, non ?
— Les seuls asters de Bryvas capables de corrompre l'éther, susurra Sahira.
— Si vous nous aidez à atteindre le nexus de Régulus, Elide et Elias se chargeront de le détruire.
Earl rejeta la tête en arrière pour émettre un râle excédé, avant de se pencher brusquement en avant, dans un cliquetis de bijoux.
— Ah, Rigel. Appelez-vous comme vous voulez, mais vous n'êtes pas une Constellation. Détruire un nexus ? Tout aster qui se respecte sait qu'ils valent bien plus intacts ! Un nexus qui ne produit plus diminue la valeur du territoire.
Sahira appuya son menton contre ses doigts, et jaugea la Becrux d'un regard fin.
— Vous parlez comme si vous aviez des vues sur Varmanteuil.
— Une Constellation qui tombe, c'est un territoire à saisir, répliqua Covaliov.
— C'est très ambitieux, souleva Oswald. De la part de celles qui n'ont même pas encore accepté de prendre part à l'assaut.
Sous ses paupières pailletées, Earl roula des yeux.
— Bien sûr que vous pouvez compter sur notre appui. Pourvu que Rigel dispose réellement de forces à joindre aux nôtres, plutôt que de laisser Becrux ouvrir la voie aux Marcdargent.
— Et à condition de laisser le nexus en état de fonctionner. Nous nous chargerons de le tenir, si vous ne voulez pas que Sadar puisse s'y ravitailler.
C'est-à-dire que nous vous offririons un second nexus sur un plateau, traduisit mentalement Oswald. Néanmoins, si la perspective pouvait motiver Becrux à servir leurs intérêts, il était prêt à la leur faire miroiter. Comme si elle pouvait suivre ses réflexions, Sahira déclara :
— Si vous pensez être en mesure de le récupérer, nous en discuterons avec les Marcdargent.
Oswald acquiesça, puis laissa un air crâne flotter sur sa figure :
— Quant à notre capacité d'offensive, le nexus de Varmanteuil n'est pas notre première cible. Vous aurez l'occasion de juger de la puissance de Rigel.
Le mystère se lève sur la disparition de Mystès ! (Dont le prénom veut dire mystère ahah)
Le festival sera un chapitre important, j'ai hâte de le poster !
Et puis je développe Becrux et ses dirigeantes !
Avec un petit récap des Nexus, Garenne et Varenne, j'espère que c'était plus clair ^^
Rigel commence à bouger hehe ~
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