Chapitre 18 : Enlèvement
La nuit était tombée quand Kaya et Thélia quittèrent le parc, après avoir pris congé du reste du groupe. Au sortir des transports en commun, l'esthésive annonça qu'elle allait passer la soirée au squat, et laissa sa colocataire rentrer la première. Sa rencontre avec Adamer la laissait méditative. Elle se demandait ce que Raphaëlle savait des activités de l'agent, qui avait été élevé avec elle.
Une perception étrange ramena soudain son attention sur les alentours. C'est alors qu'elle la vit. Sous la clarté brumeuse d'un lampadaire se découpait une silhouette intangible, comme tissée dans l'Ether. Le profil de son petit frère.
— Basile ? balbutia-t-elle, décontenancée.
Kaya s'approcha d'un pas incertain. C'était bien l'énergie de son cadet, son arété le lui confirmait.
— Tu en as mis du temps, lança une voix féminine. J'en avais assez d'attendre.
L'apparition se dissipa avec la légèreté d'un mirage. Sur les marches d'un perron, à quelques pas de là, une figure se redressa. Sa physionomie d'albâtre, aux reliefs découpés par la pénombre, arboraient une joie sournoise. La rage monta d'un trait à la tête de Kaya. Poussée par un sentiment viscéral, elle se rua en avant et gifla la Marcdargent à la volée. La tête de celle-ci pivota sous le choc. Sans temps mort, Kaya la saisit par le col.
— OU IL EST ? rugit-elle. QU'EST-CE QUE T'AS FAIT DE MON FRÈRE ?
Les lèvres pâles de l'aratós s'étirèrent en une moue fourbe.
— On les a, ricana-t-elle. Tous les deux.
Kaya sentit le sang se figer dans ses veines. Élide Marcdargent n'opposait aucune résistance à sa poigne. Soulevée à demi, les talons décollés de terre, elle ne pesait rien. Son regard aveugle dérivait, incapable de se fixer sur un point de son entourage. Pourtant, Kaya sentait du plus profond de son être qu'elle ne se trouvait pas en position de force. Comme si elle avait attendu qu'elle le comprenne, la Marcdargent lui susurra au visage :
— Je compte sur toi pour m'accompagner.
Une bouffée de colère fit palpiter le cœur de Kaya. Tout son corps frémissait de manière incontrôlable. Elle ne parvenait plus à réfléchir, à mettre ses pensées au clair. Terrassée par son impuissance, elle abdiqua en grondant :
— Je te suis.
La Marcdargent émit un son de gorge satisfait, et attendit que Kaya l'eût relâché pour tirer une fiole de son sac. L'esthésive se tendit en reconnaissant la phalène charbonneuse à l'intérieur. Elle restant pourtant immobile, la mâchoire crispée par des impulsions fielleuses, quand la Marcargent la déboucha.
Le passage à travers la nappe vaseuse fut aussi déplaisant que la première fois. Quand elle retrouva la sensation de pesanteur, il lui fallut un instant pour s'orienter. Ses frères la repérèrent avant qu'elle-même les distingue.
— Kaya ! entendit-elle leur voix percée de panique.
Agenouillés et ligotés, Basile et Gale étaient livides, leur bouille congestionnée par l'angoisse. Des fenêtres à guillotines permettaient à l'éclairage bleuâtre de l'extérieur de se couler en flaques rectangulaires sur le sol. Ils se trouvaient dans un vaste hall nu, aux tables repoussées et empilées de côté. Un comptoir en acier trônait encore au fond. Des feuilles mortes et des morceaux de plâtre tombés du plafond jonchaient le parquet. Au-dessus des soubassements en tecks, des tâches d'humidité dégoulinaient des murs.
Kaya s'élança d'instinct vers ses frères.
— Les garçons !
Vautré sur un fauteuil de cuir à roulettes, le diagovien se redressa brusquement et l'agrippa par le bras.
— Doucement, la prévint-il sans aménité.
— Cestes, Aroon, surveillez-les, ordonna la Marcdargent.
L'esprit brouillé par une effervescence paniquée, Kaya prit conscience de la vulnérabilité à laquelle ses frères et elle se retrouvaient réduits. L'avertissement de Cineád résonnait à ses oreilles. Il avait été d'une facilité déconcertante pour Rigel de s'emparer d'eux.
La Marcdargent se dirigea vers les escaliers tandis que l'énopière, camouflée sous sa gangue de fumée, soutirait son sac à Kaya avant de lui lier les poignets au moyen d'une bande de serrage. Elle la poussa ensuite vers ses cadets et la força à s'asseoir d'une pression sur l'épaule. Les jumeaux vinrent immédiatement se blottir contre elle.
— Fahrenheit est pas là, lui chuchota Gale.
L'annonce lui vrilla une nouvelle pointe d'inquiétude dans l'estomac. Restait maintenant à savoir si le pyrocien était au courant des actions de sa Constellation.
Les marches craquèrent bientôt, et les jumeaux Marcdargent redescendirent. Une véritable paire de spectres au visage sec et hautain. Elias riva ses yeux décolorés sur la fratrie. Ils paraissaient à peine plus âgés que Cineád, pourtant ils suscitaient chez Kaya un courant d'effroi qu'elle n'avait jamais éprouvé auprès du pyrocien.
Elle s'écarta de ses cadets et se remit sur pied. Ses jambes furent prises de faiblesse, qu'elle parvint à surmonter afin d'exécuter quelques pas vers eux, mâchoires serrées.
— Je sais ce que vous voulez, s'adressa-t-elle à la bande, d'une voix qui lui parut trop bruyante dans le silence tendu. Vous avez pas besoin de nous trois pour ça. Laissez partir mes frères !
Elias étrécit les yeux, entre les mèches liliales qui les encadraient. Il n'accorda qu'une moue flegmatique à Kaya tandis qu'il la dépassait pour s'approcher des jumeaux. Gale eut un mouvement de recul quand il s'accroupit devant eux, mais fut stoppé par la paume que l'aratós apposa sur son crâne.
— Eh ! s'affola Kaya, son corps se ruant en avant.
Cestes la retint d'une main ferme sur son bras. Le cœur battant à tout rompre, elle pouvait à peine détacher le regard de la main osseuse du Marcdargent.
— Vous êtes des enfants des Constellations, entama-t-il d'une voix traînante. Vous devez savoir comment se déroule une prise d'otage.
Au bord des larmes, Gale n'osait pas remuer.
— Il faut toujours un otage à éliminer pour attester de ses résolutions.
L'annonce plongea Kaya dans une détresse sans nom. Les Marcdargent prévoyaient de tuer l'un d'entre eux, quoi qu'il arrive. Ce n'était plus qu'une question de temps.
Un vibreur de téléphone s'éleva tout à coup de son sac. Elias se releva, et alla en tirer le smartphone, dont il se contenta de consulter l'écran sans décrocher.
C'est Isaac, devina Kaya.
Le meneur des Régulus devait commencer à se demander pourquoi elle ne répondait plus à ses messages et n'était toujours pas arrivée. Elias fourrait le portable dans sa poche, et Cestes la ramena sans ménagement à sa place.
— J'y vais, annonça le diagovien. Je vous avertis quand je suis en place.
Alors qu'il quittait les lieux, la fratrie fut laissée sous la surveillance de Cestes et les Marcdargent regagnèrent l'étage. Le temps se distendit en une attente interminable. De ce que Kaya saisissait de l'arété de l'aster aux phalènes, il devait se trouver à l'emplacement où conduisaient ses passages pour qu'ils puissent être empruntés. Rigel attendait sans doute qu'il soit prêt à les évacuer avant de revendiquer leur enlèvement.
Tandis que la nuit avançait, Kaya peinait à estimer le passage des heures. Ses frères et elle ne remuaient que lorsque leur position devenait inconfortable. Elle finit cependant par ne plus pouvoir soulager ses genoux ankylosés, ni sa colonne endolorie.
La tentation de prononcer le nom de Cineád, de miser sur leur relation, la traversa à plusieurs reprises. Mais elle se ravisa à chaque fois. D'une part, rien ne garantissait qu'elle serait crue. De l'autre, elle ne pouvait être certaine des conséquences que cette révélation engendrerait.
Le retour des Marcdargent au rez-de-chaussée la fit se redresser, les nerfs baignés d'une fébrilité craintive.
— Charlatan a apparemment décidé de se joindre à nous, annonça Élide d'un ton contrarié. Je suppose que c'est toi qui l'as prévenu ?
— Il voulait savoir comment ça se passait, rétorqua Cestes.
Un accent mélodieux roulait ses r. Elle se leva du fauteuil et allongea les bras, doigts entrecroisés, pour s'étirer. Les nielleurs d'or et d'améthyste de son enveloppe fuligineuse dansaient dans l'obscurité. Une silhouette coiffée d'un chapeau se profila un instant plus tard derrière la porte vitrée, et le Charlatan fit son entrée dans un courant d'air qui souleva une poussière crayeuse.
Prise d'un fol espoir, Kaya fixa sur lui un regard attentif. Le masque qui couvrait son faciès l'empêchait de lire son expression, mais elle crut déceler une hésitation dans sa démarche quand il avisa les prisonniers.
— T'étais pas attendu, lui signala Elias.
— Dites-moi, est-ce que Cineád est au courant de l'opération ?
À ces mots, Gale tressaillit. Son aînée l'entendit prendre une inspiration, prêt à s'exclamer, mais elle lui pinça la manche pour l'en empêcher. Elias renifla avec dédain.
— Il faudrait qu'il se pointe plus souvent, pour ça. J'ai pas besoin de lui sur ce coup, de toute façon.
— Il vaudrait mieux le consulter, insista le Charlatan. Ça ne risque pas de lui plaire.
Mains sur les hanches, Cestes intervint :
— On fait ça pour Sahira.
— Et pour faire payer Sadar, jubila Élide.
Mains dans le dos, elle effectua un cercle autour la fratrie avec malignité. Une décharge d'urgence parcourut Kaya. Elle prit sa décision en une fraction de seconde. Profitant que les membres de Rigel étaient occupés à tergiverser, elle abaissa la tête et souffla à l'oreille de Basile :
— Quand je te le dirai, transforme-toi. Et enfuis-toi le plus vite possible.
Elle aurait aimé donner la même consigne à Gale, mais il ne disposait pas de métamorphose adéquate pour une évasion pareille. Son petit frère déglutit, et acquiesça.
Une notification commune activa soudain les téléphones des Marcdargent et de Cestes.
— C'est Aroon, confirma l'énopière.
Elias fit signe à ses subordonnés. Tous convergèrent vers la fratrie. Avant que Kaya n'eût pu réagir, Élide se saisit de Basile et Gale. Elle n'eût pas besoin d'user de force pour les traîner à distance de leur sœur : l'essence délétère qu'elle dégageait constituait une menace sans équivoque de ce qu'ils subiraient s'ils résistaient. Elias s'approcha alors de Kaya, son portable en main.
— Il est l'heure, décréta-t-il en pressant la touche d'appel.
Une seule tonalité s'écoula avant que le micro s'ouvre à l'autre bout de la ligne.
— À qui je m'adresse ? demanda Isaac de but en blanc.
Sa voix figea les garçons. À son ton, maîtrisé, mais sous pression, Kaya sut qu'il avait déjà une idée de la situation. Les lèvres d'Elias s'ourlèrent sur un sourire aussi froid que doucereux.
— Je pense qu'après Belel, vous le savez parfaitement, Sadar. Nous avons votre isádelphe. Et ses frères.
— Je veux la preuve qu'ils sont en vie.
La plus infime trace d'agonie fêlait sa voix, et Kaya ne put retenir une moue douloureuse. Si un isádelphe venait à mourir, son apparié le saurait dans l'instant. Néanmoins, ils se trouvaient trop loin l'un de l'autre pour communiquer à travers son arété. Isaac ne pouvait savoir si elle était déjà mourante, et n'avait pas le moindre accès à ses petits frères. Elias lui présenta le portable. Cestes se plaça derrière elle, sa proximité lui hérissant l'échine.
— Dis-lui.
Les lèvres serrées, elle lui décocha une œillade furieuse, déterminée à garder le silence. Immobile, Elias laissa s'écouler un instant, la toisant sans la moindre commisération. Puis il eut un soupir qui fit jouer ses clavicules sous la laine fine de son pull. Soupir que Élide, près des garçons, poussa au même instant. Avant de pincer l'hélix de Basile, entre ses épis.
— On commence par une oreille ?
Sur le plancher glacé, Kaya cessa de se préoccuper de sa propre survie à l'instant où les doigts de l'aratós entrèrent en contact avec son cadet. Mue par une farouche impulsion protectrice, elle voulut bondir sur ses talons. Elle ne se redressa qu'à demi avant qu'une main s'abatte sur sa nuque. Ses filaments de ténèbres se déroulèrent au coin de son champ de vision, et son appui fut balayé.
La figure projetée en avant, elle heurta le sol en pleine face. Son cartilage nasal craqua. La douleur irradia depuis son nez, engourdissant tout son visage. Sonnée, elle entendit à peine les cris de ses frères. La prise sur sa nuque la ramena en arrière avec brutalité, lui tirant une plainte. Aveuglée par les lancinations qui fulguraient sous sa peau, avalant l'air par la bouche, Kaya chercha désespérément Basile du regard. Il fallait qu'elle arrête la Marcdargent !
— STOP ! s'époumona-t-elle. Stop !
La poigne musclée de Cestes cessa de lui broyer les cervicales, sans qu'elle la relâche pour autant. À travers sa vision embuée, Kaya vit Élide libérer l'oreille de son frère. Elias lui tendit derechef son portable. Elle renifla le sang tiède qui s'épanchait de ses narines, mais ne parvint pas à contenir le flux.
— Isaac, articula-t-elle d'un ton vaincu.
— Kaya, vous êtes là tous les trois ?
— Oui.
— Vous êtes blessés ?
— Non.
Le goût ferrugineux qui s'immisça entre ses lèvres alors que le filet de sang dégoulinait sur son menton démentait néanmoins sa réponse. Avant qu'Isaac ne pût formuler de question supplémentaire, Elias ramena l'appareil à lui.
— Nous voulons Sahira.
— Il fallait vous adresser à l'URIAA, alors.
— Non. Vous allez la récupérer pour nous. Ça ne devrait pas vous poser trop de soucis, avec l'appui de vos nouveaux alliés. Mais dépêchez-vous, Sadar. Si vous n'avez rien mis en place d'ici au lever du soleil, nous en éliminerons un.
Il raccrocha d'une pression du pouce, et Kaya frémit. Au lever du soleil. De combien de temps disposaient-ils ? Moins de quatre heures, estimait-elle. Trois ? Peut-être moins ?
Maintenant. Il faut que je le fasse maintenant.
Avant que Cestes retire la main de sa nuque. Les yeux fixés dans le vide, elle chercha le courage d'agir, respirant par à-coups sous l'anticipation. Elle dut s'astreindre à ne plus réfléchir, et ferma les yeux. Elle avança la langue entre ses dents. Puis claqua violemment des mâchoires.
Son grondement de souffrance se mêla à celui de l'énopière. Elle lui transmit sans le moindre filtre les vrilles perçantes qui déchiraient son muscle. Aussitôt, Cestes porta les mains à sa bouche.
Contrairement à Kaya, cependant, elle cessa de ressentir la douleur dès qu'elle rompit le contact. Sachant qu'elle se ressaisirait dans l'instant, Kaya bondit tant bien que mal hors de sa portée et s'écria :
— Basile !
Les vêtements du garçon s'affalèrent en tas près de son frère. Un éclair de fourrure, pâle dans l'obscurité, en jaillit. Le langur cavala sur le parquet, filant vers les fenêtres alors que Cestes rattrapait Kaya. Déterminée à causer autant de perturbation que possible pour permettre à son cadet de fuir, elle se débattit avec une fureur acharnée. Ses doigts crispés plongeaient dans la fumée, cherchant quoi arracher, les ongles griffant chaque parcelle de peau qu'ils rencontraient.
— Espèce d'hystérique ! siffla l'énopière, avant de propulser un genou contre son abdomen.
La rotule, poussée par toute la force de sa cuisse musculeuse, percuta le flanc de Kaya à l'instant où Basile disparaissait à travers une vitre manquante. Elle se plia sur un hoquet étranglé. Suffocante, les traits tordus en une grimace, elle tituba. Ses jambes tremblaient.
Le rugissement fêlé de sanglots que poussa Gale perça l'air. Il se propulsa loin d'Élide, et se tint prêt à esquiver les membres de Rigel qui tenteraient de l'approcher.
— Ça suffit, gronda Elias.
Il s'avança avec contrariété vers le garçon, la main contractée en serre. Redoutant qu'il ne cherche à apposer son toucher mortel, Kaya fut parcourue d'un courant brut d'adrénaline. Oublieuse de toute prudence, elle poussa son corps endolori à se ruer vers le Marcdargent. Tout son être n'était plus animé que d'un unique but : détourner le danger de son cadet. Quitte à l'attirer sur elle.
Elias pivota dès qu'il perçut son approche, armant déjà son bras. Elle se fendit alors vers le bas, s'affalant presque, et écrasa un coude contre l'extérieur de sa cuisse, enfonçant de tout son poids l'articulation sous la hanche.
La jambe du Marcdargent flancha sous lui. Il s'abattit sur un genou tandis qu'elle perdait également l'équilibre, entraînée par son propre élan. L'éreintement terrassa ses membres au point d'alourdir sa chute. Elle s'étala contre le parquet jonché de feuilles mortes. Son épaule prit le choc, et empêcha sa tête de cogner trop brutalement.
Percluse de douleur, les muscles assaillis de tremblements, Kaya rassembla l'énergie de se relever sur ses genoux et avant-bras liés. Elle pressentit plus qu'elle ne vit Elias fondre sur elle, et ne put que se jeter de côté. La main de l'aratós se referma sur le col de sa veste en même temps que Kaya s'écrasait à nouveau dans une nuée de poussière.
Une exclamation de terreur lui échappa. Dans la pénombre, les iris délavés d'Elias lui apparurent nettement. Elle n'eut ni le temps, ni la force de tenter de se relever. Il agrippa sa gorge. Son rythme cardiaque grimpa en flèche, palpitant contre sa cage thoracique.
Elle pantela pourtant une fois, puis un autre, sans sentir d'essence toxique infecter la sienne. Il n'usait pas de son arété, réalisa-t-elle au milieu de sa panique. Les yeux écarquillés, elle suffoqua. Sa respiration sifflait et la sueur ruisselait à ses tempes. Le goût écœurant de l'hémoglobine lui tapissait le fond de la gorge chaque fois qu'elle déglutissait, alors que le sang continuait de s'écouler de son nez fracturé.
Un rictus satisfait, presque condescendant, fendit le visage d'Elias. Il lui écrasait l'estomac sous son genou. Ses doigts pressèrent plus fort, au point que le croissant de ses ongles lui mordit la peau.
— Tu te débats comme la vermine, souffla-t-il.
— Elias, tenta de l'interpeller le Charlatan, demeuré en retrait jusque-là.
Son meneur parut à peine l'entendre.
— Nous avons besoin de vous en vie, reprit-il. Mais pas forcément entiers.
Une pointe d'effroi glacé la transperça quand il relâcha sa gorge. Il esquissa un mouvement pour saisir son bras... à l'instant où la porte vitrée fut pulvérisée dans un fracas d'éclats de verre. Un rugissement fauve éclata, d'une puissance qui vibra jusque dans les entrailles de Kaya. Au-dessus d'elle, Elias se pétrifia, bloquant un souffle. À l'entente de lourdes pattes félines martelaient le parquet, Kaya se remémora en un éclair une poignée des innombrables caractéristique ayant poussé Basile à choisir le tigre de Sibérie comme métamorphose.
La capacité paralysante de leur rugissement.
Leur densité musculaire, plus importante que celle d'un lion.
Et leur caractère vengeur, qui les dotait d'une persévérance et d'une férocité redoutable.
Dans le coin de son champ de vision, elle vit la bête s'élancer vers Élide, et ne sut dire s'il cherchait à protéger son frère, ou à tuer l'aratós. Alors qu'il se dressait sur ses postérieurs, toutes griffes dehors, un torrent de flammes bleues se propagea en feulant dans le hall.
Le tourbillon igné fusa droit sur Elias, et l'obligea à se propulser de côté pour y échapper. Étendue au sol, Kaya fut rasé par une vague brûlante. L'espace d'un instant, elle n'eut plus au-dessus d'elle qu'une nappe d'oxygène en combustion. Elle ne reprit sa respiration que lorsque le feu se dissipa. Toussant dans l'air asséché, elle se redressa.
Élide s'était également esquivée hors de portée du tigre, lequel se tenait ramassé devant Gale, oreilles pointées vers l'arrière, mufle plissé sur ses grondements rauques, le cercle phosphorescent de ses iris luisant avec fureur.
Le craquement des bris de verre attira l'attention de Kaya vers l'entrée. Mains fumantes, la silhouette de Cineád se découpait contre les éclairages. Ses yeux cérulés, calorifères, accrochèrent les siens. L'expression sinistre qu'il arborait l'incita presque à se tasser sur elle-même. Une résolution impitoyable animait sa figure. Et il souriait.
Comme s'il montrait les crocs.
Kaya rencontre les autres membres de Rigel :D
J'en profite pour montrer un nouveau type d'utilisation de son arété, auquel elle a rarement recours pour des raisons évidentes...
Et Cineád débarque !
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