𝟎𝟓┃𝐥𝐞 𝐣𝐞𝐮 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞𝐧𝐜𝐞
▌ 𝟳-𝗘𝗟𝗘𝗩𝗘𝗡, 𝗞𝗔𝗡𝗨𝗞𝗜. 01/11. 16:20.▌
─ Vous connaissez Red, le malheureux ? J'ai entendu dire qu'il avait intégré l'Alliance des super-vilains.
Le vendeur du 7-Eleven fronça les sourcils après avoir tendu une conserve de petits pois à sa cliente. Ce sujet de conversation était fréquent dans le magasin, et les gens n'hésitaient pas à lui parler du méchant avec véhémence, chaque fois que ce dernier faisait parler de lui et de ses prouesses.
Long manteau noir en cuir, grosses bottines de la même couleur, cheveux blonds ébouriffés dans tous les sens et remplis de paillettes, lèvres écarlates parsemées de miettes du pain saucisse qu'elle mangeait ; elle était de loin la cliente la plus extravagante qu'il lui avait été donné de voir depuis le début de sa carrière.
─ Ah ? souffla l'homme en épongeant la sueur sur son front. Je ne savais pas.
─ Les enquêteurs pensent qu'il est sur le point d'être arrêté, précisa-t-elle en ajustant ses manchettes. L'Alliance va tomber, ce n'est qu'une question de temps.
Le silence après ces paroles fut long, très long. Le vendeur l'observa avec attention saisir deux paquets de pâtes et détailla son visage pâle avec un petit sourire. Après avoir passé une main dans ses cheveux roses, il rangea un lot de carottes puis chantonna avec entrain sous les yeux des autres rares personnes présentes dans le magasin.
─ Qu'est-ce que vous pensez de lui ? demanda d'un coup la femme en se figeant en plein milieu de l'allée où il était placé.
À ce moment-là, il comprit qu'elle savait. Mais il ne fit rien pour lui faire remarquer.
─ Qu'est-ce que je pense de qui ?
─ De Red, bien sûr.
L'homme se figea. Sa langue passa sur ses lèvres gercées, et sa bouche vint se tordre d'une drôle de manière alors qu'il plissait les sourcils, pas sûr de bien comprendre la question qu'elle lui posait.
Il décida tout de même de lui laisser une chance. Au pire, il la tuerait.
─ C'est un génie, finit-il par lancer en baissant la tête, le sourire aux lèvres. Il ne faut même pas douter de ce qu'il fait.
─ Je pense la même chose. C'est Giran qui m'a envoyée ici.
Il n'y eut pas un regard de plus entre les deux. Le rictus sur la bouche de l'homme s'aggrava, et devint presque fou, tandis que la femme lui jetait le bout de papier qu'elle tenait comme s'il n'était qu'un vulgaire chien. Un rapide coup d'œil au numéro de téléphone inscrit sur la feuille le fit éclater de rire, mais il dut se contenir quand plusieurs héros en patrouille passèrent les portes automatiques du magasin.
─ Bienvenue, Yellow. Nous sommes bientôt complets.
La partie allait bientôt commencer.
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▌ 𝗥𝗨𝗘𝗦 𝗦𝗔𝗖𝗥𝗘́𝗘𝗦, 𝗞𝗔𝗡𝗨𝗞𝗜. 01/11. 21:34.▌
Le froid s'était montré en une nuit seulement, alors que les feuilles orangées tapissaient encore les dalles du sol comme une peinture sortant tout droit de l'arrière-saison. Le vent soufflait fort sur la ville de Kanuki, transportant les abondants et odorants détritus présents un peu partout sans lésiner. La plupart des passants traçaient leur route en ne faisant pas attention au désordre, trop habitués au gâchis équivoque qu'étaient les rues Sacrées en plein mois de novembre. Les méprisables et nauséabonds amas de boue sur les trottoirs ne faisaient que renforcer la haine contre la cité-poubelle. Haine qui prenait, peu à peu, de l'ampleur à l'intérieur des cœurs.
Appuyée contre la paroi poisseuse d'une ruelle mal éclairée, Hina laissa échapper un éternuement, rendu quasi inaudible à cause du claquement incessant de ses canines entre elles. L'atmosphère tendue autour d'elle transmettait plusieurs mélodies : celles des affres de la mort, de la douleur et de l'appréhension. Cachée derrière les sacs poubelles déchiquetés et remplis d'asticots, la jeune femme osa enfin bouger. La légère brise du vent vint également faire virevolter la jupe plissée qu'elle portait. Pendant quelques instants, son cœur battit de manière virulente dans sa poitrine, mais le bruit fut voilé avec force par les grésillements parasites des fils électriques suspendus au mur comme des toiles d'araignées.
D'ordinaire, le fait d'être encore en rue à une heure pareille aurait dû l'effrayer, mais protéger son fils était plus important que tout, et rien ne pouvait la détourner de sa façon de penser. Défier les autorités et leurs principes fondés sur l'égoïsme ne semblait plus aussi grave que cela aurait pu l'être il y a à peine deux semaines. Ses idéologies et croyances avaient été bouleversées en même temps que sa vie quotidienne par des envoyés de l'enfer plus explosifs que jamais.
La matinée où son destin avait été scellé demeurait floue et dénuée de toute logique. C'était accepter ou endurer, et le choix s'était avéré instantané et irréfléchi. Aurait-elle dû demander de l'aide, avant d'accepter ? Oui, c'était certain. De toute façon, il était à présent tard pour y penser. Les règles du jeu étaient déjà fixées, et la partie avait déjà commencé.
✉ Fais-le.
Le message qui s'afficha en grandes lettres penchées sur l'écran de son téléphone fit que ses tremblements s'arrêtèrent en un instant. Après avoir serré les poings, Hina n'eut pas la moindre idée de ce qu'elle comptait faire, mais passa quand même à l'action. Ses deux petites mains veinées saisirent les câbles multicolores près d'elle au moment même où une explosion retentit à l'autre bout de la ville. La puissance du souffle la fit presque trébucher, et elle dut ancrer ses bottes dans la terre pour ne pas être emportée par les puissantes bourrasques.
Toute sensation cessa lorsque la réparatrice ferma enfin les yeux. Les battements sauvages de son cœur devinrent presque imperceptibles, tandis que les klaxons aigus et affolés des voitures se turent. Même les passants pressés d'échapper au chaos ne semblaient être que des fourmis fuyant pour être épargnées par le démiurge.
L'électricité produite s'infiltra dans les airs à une vitesse folle. À toute allure, les grésillements devinrent plus assourdissants, résonnant dans la ruelle comme si rien d'autre n'existait aux alentours. C'était la première fois depuis longtemps qu' Hina se sentait bien. Même la sensation désagréable qui lui démangeait les mains en temps normal était partie, bien que les câbles soient coincés à l'intérieur de ces dernières. Son pouvoir était libre, libre de grandir et de prospérer pour tout détruire. Toutes ses peurs et ses tracas s'étaient envolés, et l'impression de pouvoir tout réaliser la faisait paraître hors pair.
D'un coup, le jeu d'arcade enivrant s'arrêta. Les crépitements dans ses membres reprirent, et montèrent jusqu'à sa tête. Le mouvement de pantin désarticulé qui la fit tomber sur le côté lui rappelle pourquoi elle était ici. Ses dents mordirent de façon furieuse sa lèvre inférieure et la firent saigner, encore et encore.
Fini. C'était fini.
Lorsque les yeux d'Hina s'ouvrirent enfin, seule la noirceur de la nuit l'accueillit comme une vieille et bonne amie. Une petite grimace déforma le sourire malveillant qui était apparu sur ses lèvres usées par les assauts incessants des gommages inefficaces. Rien n'était visible depuis l'endroit où elle se trouvait, et les pâles reflets des rayons de la lune, solitaires, illuminaient les rares habitants qui s'enfuyaient encore en pleurant et en espérant que quelqu'un viendrait les sauver.
La lumière était mère de l'espoir, des héros, et sans elle, c'était perdu d'avance. La panique devait, d'ailleurs, être encore plus forte qu'auparavant. Hina se rendit compte qu'elle avait provoqué tout cela, et se remit à trembler. Être autorisé à user de son Alter nécessitait, de base, un permis qu'elle ne possédait que quand elle travaillait à la boutique. En dehors de cette dernière, toute utilisation était prohibée et pouvait causer de graves problèmes.
Dans ce cas-ci, elle serait tout simplement arrêtée si quelqu'un la prenait près des lieux du crime.
La réparatrice, tout à coup gelée par une étrange sensation qui lui broya les entrailles, se mit à avancer jusqu'à la sortie de la ruelle jonchée d'insectes, en jetant de temps en temps des regards à ce qui se trouvait autour d'elle. Elle écrasa plusieurs de ces derniers à cause de ses bottes, mais ne daigna pas leur adresser un regard de pitié, car elle était occupée à fuir ce qu'elle avait fait, en espérant ne pas croiser quelqu'un qui pourrait la dénoncer aux autorités supérieures.
Le froid faisait que l'air était embrumé, et se déplacer sans claquer des dents était une rude épreuve. Même les gants en plastique qu'elle avait remis en finissant sa mission ne suffisaient pas à réduire les soubresauts immodérés de ses deux mains froides. La légère odeur de poubelle qui lui effleura le nez lui donna envie de vomir, et elle dut, à contrecœur, commencer à respirer par la bouche.
Le calme était horrible et oppressant.
La jeune femme tressaillit en levant une nouvelle fois la tête. Mais elle n'eut même pas le loisir de comprendre ce qui lui arrivait, puisqu'elle fut brusquement poussée contre le mur derrière elle. Son corps maigre heurta avec violence les briques abimées, et sa tête claqua contre ces dernières avec un bruit déplaisant. La douleur qui irradia sur le haut de celle-ci lui donna envie de pleurer, et elle ne put se retenir de fondre en larmes comme une enfant. C'était beaucoup trop. Cette journée était horrible.
Soudain, quelque chose, ou plutôt quelqu'un - parce que oui, c'était visiblement un homme - l'agrippa par le cou et la suspendit comme un vulgaire objet sur l'architecture la plus proche. Il baissa ensuite les yeux sur elle, l'air las, puis soupira comme s'il n'avait pas l'envie d'être ici. Hina dut faire un effort pour rester consciente, car sa vision était floue et voilée par le coup.
─ Vous me faites mal, murmura-t-elle en reniflant de manière disgracieuse.
L'homme n'eut aucune réaction et resserra même la prise qu'il avait sur elle. La jeune mère fixa de ses grands yeux écarquillés la plume qui apparut de nulle part pour épingler son pull contre le mur, alors que la respiration chaude et profonde de l'homme tapait contre sa joue. Le sang de la blessure qu'elle venait de recevoir dévala le long de sa nuque et glissa jusqu'à son haut pour venir s'infiltrer dans ce dernier, le rendant plus lourd, plus désagréable à porter, comme un poids inutile sur ses épaules déjà bondées.
Le souffle de son assaillant était lourd et turbulent. Sa poitrine grossissait chaque fois que l'air pollué s'infiltrait dans ses poumons, et effleurait un peu plus la sienne au fil des secondes qui passaient. En osant enfin lever la tête, Hina se roidit et tout en elle se brisa. Prise d'une horripilation torrentueuse quand elle reconnut le visage de l'homme qui flottait au-dessus d'elle, la jeune femme ne put s'empêcher de hurler.
Ses ailes carminées l'entouraient comme une auréole et brillaient sous l'éclat délicat de la lune, tandis que ses cheveux rendus humides par le crachin du brouillard retombaient comme un voile autour de son visage fin. Dans l'ombre, ses yeux mordorés paraissaient encore plus perçants que dans les publicités.
Hawks, le héros ailé.
C'était plus fort qu'Hina. Elle tremblait, terrorisée, alors que le héros numéro trois se tenait face à elle comme un ange tombé du ciel. Elle n'avait rien fait de mal. Ou du moins, de son plein gré. Elle n'était qu'une victime. Une malheureuse qui n'avait eu que le choix d'obéir aux mauvaises personnes, qui n'avait transgressé les règles que pour sauver son fils.
Mais ça, il ne pouvait pas le savoir.
Hawks essayerait de l'arrêter, car c'était son travail, et l'emmènerait jusqu'en prison, où elle siégerait durant de longues années sans avoir la chance de voir son enfant grandir. Les justiciers étaient comme ça, et ne cherchaient pas à savoir pourquoi. Il n'existait pas de monde où les vilains siégeaient seuls, de même que pour les héros. Chacun avait un rôle important dans l'équilibre d'une nation.
La grande paroi de plumes rouges et flamboyantes qui l'entoura d'un coup la rendit encore plus oppressée qu'elle ne l'était à l'ordinaire. Sous sa capuche, Hina ne put qu'être fascinée par leur couleur si semblable à celle du sang poisseux qui envahissait peu à peu l'entièreté des vêtements qu'elle portait.
─ Quelqu'un t'a obligé à saboter les lumières, n'est-ce pas ?
La réponse lui brûla les lèvres. Bien sûr qu'on l'avait forcée, bordel. Elle ne s'était jamais sentie capable de faire quelque chose du genre, elle n'aurait même jamais osé le faire si la ligue ne l'y avait pas obligée.
─ J'attendais un héros. J'attendais depuis si longtemps. Finalement, il n'est jamais venu. (La voix d'Hina devint tremblante et presque imperceptible.) Je suis fichue, et je n'ai pas besoin de votre pitié, maintenant qu'il est trop tard. (Soudain, la rage l'envahit.) Cassez-vous !
Les épais sourcils de l'homme se plissèrent sous ses lunettes, et il eut soudain l'air plus vieux qu'il ne l'était. Ses lèvres minces s'entrouvrirent quand il voulut lui répondre, mais seulement, il n'eut jamais l'occasion de le faire.
Brisant le silence mordant, une gerbe de flammes bleues jaillit d'un coin de la ruelle et illumina la noirceur de la nuit d'un rugissement funeste. La réparatrice fut propulsée d'un seul coup hors de la trajectoire de l'attaque. Pour qu'elle ne soit pas touchée par cette dernière, le héros numéro trois l'avait poussée. Et ce fut en se relevant qu'elle le réalisa.
La jeune femme eut l'impression de revenir quelques jours en arrière quand le feu sacré et cérulescent parvint jusqu'à son gilet. Elle enleva celui-ci avec hâte, dans la peur de finir comme les trois hommes qui avaient tenté de la sauver. La lèvre inférieure en sang, elle ne jeta pas un œil de plus à la barrière de plumes qui la protégeait et fonça dans le sens inverse après avoir croisé le regard mordant de Dabi.
Avec toutes ses dernières volontés, elle courut. Elle courut si vite qu'elle manqua de trébucher plusieurs fois. L'odeur insupportable et nauséabonde du brasier de son pire cauchemar lui colla à la peau et s'infiltra dans ses narines. Jamais. Elle ne pourrait jamais l'oublier, car il ne la laisserait jamais tranquille.
Par chance, Hina parvint à s'enfuir, maintenue debout par la détresse et la souffrance. Néanmoins, elle arpenta les rues sinueuses de Kanuki si longtemps à la recherche d'aide, qu'elle finit par s'écrouler de fatigue au milieu d'un parc jonché de cadavres d'oiseaux et de fleurs brûlées.
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── Si tu as apprécié ce chapitre et que tu veux la suite, laisse un 𝗩𝗢𝗧𝗘 ou un 𝗖𝗢𝗠𝗠𝗘𝗡𝗧𝗔𝗜𝗥𝗘. Cela ne prend que quelques secondes !
Coucou tout le monde. J'espère que vous allez bien et que vous avez apprécié ce cinquième chapitre ! Première apparition d'Hawks, et le retour de Dabi ! La scène dans la ruelle a été difficile à écrire, alors je prie pour que vous l'aimiez.
Je n'ai pas vraiment le temps d'écrire en ce moment, alors les chapitres seront de plus en plus espacés. Comme le chapitre six a été écrit, j'ai décidé de poster le chapitre cinq à l'avance !
Je prépare également une nouvelle histoire Pokémon intitulée L'enfant du Cré et qui est déjà disponible sur mon profil. N'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil si vous êtes fans de la huitième génération !
À la prochaine et prenez soin de vous !
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