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✒ 𝙻𝚊 𝚙𝚎𝚞𝚛 𝚎𝚜𝚝 𝚞𝚗 𝚏𝚕𝚎́𝚊𝚞 𝚚𝚞𝚎 𝚜𝚎𝚞𝚕𝚎𝚜 𝚕𝚎𝚜 𝚊̂𝚖𝚎𝚜 𝚎́𝚐𝚊𝚛𝚎́𝚎𝚜 𝚙𝚎𝚞𝚟𝚎𝚗𝚝 𝚌𝚘𝚗𝚝𝚘𝚞𝚛𝚗𝚎𝚛.

   Le temps avait coulé comme si de rien n'était, et les problèmes s'étaient atténués peu à peu ces quatre dernières années. Alors pourquoi devrait-elle paniquer ? Edward Rose croyait dur comme le fer qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur à cause de ce qui lui était arrivé la nuit dernière. Mais en fait, elle se trompait. 

   En chantonnant et en serrant fermement son sac à main, Rose traversa les rues bondées de Logue Town. Au bout de quelques minutes, ses petits pieds s'arrêtèrent brusquement face à la devanture d'un restaurant qu'elle avait l'habitude de fréquenter toutes les semaines. Elle contempla avec des étoiles dans les yeux la viande en vitrine, avant de pénétrer dans le bâtiment coloré. Aussitôt, un serveur vint la voir afin de lui demander de le suivre, et Rose se retrouva assise près d'une grande fenêtre teintée de noir. 

   La jeune fille remercia l'employé, qui ne put que rougir devant son énorme sourire, avant de se diriger immédiatement vers les cuisines. Il était inutile de lui demander ce qu'elle désirait ; la Zoan venait manger ici trois fois par semaine et était la meilleure de leurs clients. 

─ Coucou, Rose ! Tu as passé une bonne journée ? demanda une serveuse rousse en passant à côté d'elle avec un énorme plat de ragoût en main.

─ Bonjour, Rosanna (Rose sortit une cigarette de son sac et alluma cette dernière sans tarder.) On va dire que tout va bien. Je n'ai pas trouvé de proies notables pour l'instant, et j'ai même perdu mon travail.

─ Gin s'est barré ? s'étonna la prénommée Rosanna en croisant les bras, les joues gonflées par la contrariété. Je pensais qu'il ne se déciderait jamais ! Il ne m'a même pas prévenu, ce petit enfoiré.

   Les joues dodues de la jeune serveuse rougirent d'un coup, et elle vint s'asseoir à la table de Rose sans prendre la peine de lui demander la permission. C'était une habitude notable qui avait été prise depuis leur rencontre. Pas une seule visite au restaurant ne passait sans que Rosanna la rejoigne à table. 

─ Tu voulais partir avec lui, hein ? Je m'en doute. J'aurais bien voulu m'enfuir également. Mais comme tu le sais, mes parents m'ont à l'œil. Si jamais j'ose quitter Logue Town, mon cadavre leur sera livré le jour suivant, pouffa-t-elle en remettant ses cheveux rutilants derrière son oreille.

─ Tu n'as plus qu'une année avant d'être majeure, Rosanna. Après cela, tu n'auras aucun prétexte pour ne pas partir, soupira Rose en posant une main sous son menton.

   La serveuse soupira, les yeux vers le ciel, alors qu'un sourire éclatant fleurissait sur ses lèvres. Après cela, sans attendre, elle se gratta le nez, se leva, puis dit à Rose d'un ton énergique que sa commande arrivait. Quelques secondes plus tard, la rousse revenait effectivement avec un énorme plat rempli d'hamburgers.

─ Bon appétit ma grosse, déclara-t-elle en lui faisait un clin d'œil et en repartant dans la cuisine.

   Rose se jeta immédiatement sur la nourriture qu'elle venait de recevoir et engloutit avec plaisir cette dernière. Bon sang, c'était délicieux. Le père de Rosanna faisait les meilleurs hamburgers du monde ! La sauce qu'ils contenaient égalait la douceur des cieux. La viande, elle, était la meilleure que Rose avait goûtée. Tout était parfait.

─ Tu aimes toujours autant les hamburgers, d'après ce que je vois.

   La jeune fille faillit recracher tout ce qu'elle avait en bouche, lorsqu'elle remarqua que Spark se tenait assis sur la chaise devant elle. Il ne portait pas son masque. Les balafres sur son visage avaient cicatrisé, mais de légères traces rosâtres étaient toujours visibles sur ce dernier. Ses petits yeux rose pâle, eux, brillaient d'un étrange et riche éclat, tandis qu'il souriait de façon louche. Malgré tout, il ne changerait jamais, peu importe les obstacles et les problèmes.

─  Ch'est-che chu chais là ? essaya-t-elle d'articuler en fronçant les sourcils, méfiante.

   Rose avala tout ce qu'elle avait en bouche, tandis que les cheveux rouges du jeune homme ondulaient à cause du vent qui passait par la fenêtre.

─ Je me baladais. Je t'ai entendue parler avec cette fille. Elle ressemble étrangement à la rousse qui est arrivée sur Logue Town quand je suis parti. (Spark prit quelques secondes pour détailler la rousse de haut en bas, alors qu'elle débarrassait une table.) Rosanna, c'est ça ? (Il ricana de sa voix profonde tout en se balançant sur sa chaise, l'air moqueur.) Dans tous les cas, je ne savais pas que tu voulais encore t'en aller. Tu veux partir ? Viens avec moi. Tu seras libre, Rose. Je te le promets.

   La jeune fille écarquilla légèrement les yeux et arrêta de manger l'hamburger qu'elle tenait de ses deux mains. Etait-elle en train de rêver? Spark lui proposait de le suivre dans sa quête alors qu'il avait disparu pendant plusieurs années. Elle n'en revenait pas. Était-elle réellement prête à quitter Smoker et ses quelques amis de cette façon ? Elle ne savait pas vraiment.

   Rose lui avait fait confiance, avant. Il comptait pour elle plus que tout au monde. Pourtant, à présent, quelque chose lui soufflait que ce n'était pas normal. 

   La Zoan hésita longtemps avant de lui répondre, les lèvres serrées. Spark et elle avaient été amis auparavant, mais il l'avait abandonnée alors qu'elle n'allait pas bien. Il était parti au pire moment, tout comme Gin l'avait fait. Devait-elle lui faire confiance comme il y a quatre ans ?  Quelque chose au fond de ses entrailles lui soufflait qu'elle n'avait plus envie de se faire trahir à nouveau. Elle ne voulait plus souffrir. C'était trop douloureux. 

─ Je sais que ça peut paraître fou. Mais je suis sérieux, Rose. Peux-tu me laisser une seconde chance ? Je regrette d'être parti, mais c'était pour ton bien. Je ne voulais pas qu'il t'arrive quelque chose. J'espère que tu comprends mon point de vue.

─ Je ne sais pas, Spark, répondit sincèrement Rose en contemplant la sauce brune qui coulait le long de ses doigts. C'est soudain. Je pourrais partir seule, mais j'ai très peur de sombrer dans la folie si je n'ai personne pour m'aider sur les océans. (Elle dévisagea pendant de longues secondes son regard vide avant de reprendre.) Je dois y réfléchir.

─ Très bien, ma rose, sourit-il en se levant et en ouvrant son manteau. Tu sais très bien où me trouver, si jamais tu changes d'avis.

   Elle n'était pas sa rose. Elle ne l'avait jamais été. Seul Gin avait le droit de la surnommer ainsi, et encore. Rose allait réagir, mais n'eut pas le temps de le faire. Ses yeux s'écarquillèrent sous la surprise en découvrant les énormes traces noires que l'ouverture de sa veste avait laissées apercevoir. Elles n'étaient plus les fines lignes d'il y a quatre ans. Ces dernières étaient beaucoup plus présentes qu'auparavant, et en se concentrant sur l'aura du jeune homme, Rose put découvrir que les ténèbres avaient pris plus d'ampleur à l'intérieur de son cœur. 

   En réalité, l'aura autour de lui avait changé. Sa tristesse avait doublé, voire triplé, mais il semblait beaucoup plus sûr de lui qu'auparavant. Elle se souviendrait toujours de ses pleurs, de sa rancoeur et des mots qu'il avait prononcés, aveuglé par la vengeance. 

   Quand la porte se referma derrière lui et que sa silhouette disparut dans la foule, Rose réalisa que Spark restait tout de même Spark.

   Malgré tout ce qu'il lui avait fait, il avait activement participé à sa construction.

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   Rose se leva difficilement le jour suivant. La pression faisait battre ses tempes comme jamais, et elle dut s'appuyer contre le mur afin de ne pas tomber lorsqu'elle posa un pied sur le sol. Son abdomen lui tiraillait les entrailles, et elle se demanda soudainement si elle n'était pas en train de faire un arrêt cardiaque. Le souffle de la Zoan s'accéléra d'un coup, et son cœur battit avec acharnement dans sa poitrine lorsque ses cheveux vinrent encadrer son visage humecté. En passant une main sur son front, Rose remarqua qu'elle était trempée. Pas de sueur, évidemment. C'était du sang, et elle souffrait le martyr pour la première fois depuis longtemps.

   Un pitoyable gémissement montra sa désolation, et elle dut serrer les dents afin de se contenir pleinement. Rose réussit à se mettre debout malgré les vertiges qui lui agressaient la tête, et décida de se rendre dans sa salle de bains. Elle entendit les miaulements plaintifs et apeurés des chats de rue qui se trouvaient devant sa fenêtre, et leur sourit à travers cette dernière pour les rassurer. Pauvres petits bébés, pensa-t-elle en serrant les poings. Le plus vieux de tous ceux-ci lui lança un regard intrigué, tout en ronronnant contre le mur, et prévint ses amis de la laisser tranquille.

─ Merci, souffla Rose alors qu'une larme coulait le long de sa joue droite.

   La jeune fille se posa sur le coin de sa baignoire et tenta de reprendre une respiration normale. Allez, Rose, tu peux le faire. En voulant retirer son pyjama, elle retint un frisson d'horreur. Elle comprenait à présent pourquoi sa poitrine lui faisait aussi mal. Sur cette dernière, une longue plaie infectée était apparue et saignait abondamment. La Zoan se retint de hurler de terreur face à ce spectacle, et pensa d'abord à se rendre à l'hôpital. Oui, mais qu'allait-elle dire aux médecins ? Rose ne pouvait tout simplement pas leur avouer que cette blessure était apparue comme par magie sur son corps alors qu'elle dormait.

   Peut-être que Smoker savait quoi faire ? se dit-elle en attrapant difficilement des bandages dans son armoire. Elle noua ces derniers grossièrement autour de son abdomen, et sortit de sa salle de bains, le visage serré. La douleur et la sensation d'être poignardé par des milliers d'esprits étaient intenables. Elle ne comprenait pas ce qui était arrivé. Quelqu'un avait-il essayé de l'assassiner durant la nuit ? Cela l'étonnerait, puisque personne ne lui en voulait. Enfin, normalement.

   La respiration sifflante, Rose franchit la porte de sa maison en serrant contre elle son pyjama qu'elle n'avait pas lâché, et traversa les rues de Logue Town sous les yeux éberlués des rares habitants éveillés. A son corps défendant, Rose s'écroula devant les portes du QG de la Marine, puis s'évanouit en poussant un ultime juron. 

   Et merde.