Chapitre 82
Les six personnes présentes dans la salle d'attente se levèrent, répondant silencieusement à la question du médecin, puis Hee-sun s'approcha de lui.
— Je suis sa mère, comment va-t-il ? demanda-t-elle en prenant la main de Min-ji qui était à ses côtés.
Cette dernière avait besoin d'un soutien que seule une autre mère pouvait lui donner.
— L'opération a été compliquée, votre fils a perdu beaucoup de sang, mais fort heureusement, la lame n'a touché aucun organe vital.
De longs soupirs et des sanglots de soulagement se firent entendre autour du chirurgien.
— Est-ce que je peux le voir ?
— Pour le moment, il est dans le coma.
— S'il vous plaît docteur, ça fait des heures qu'elle attend. Il s'agit de son fils, intervint Minkyun.
Le médecin sonda la mère de famille un long moment avant de soupirer, résigné.
— Très bien, mais une seule personne. Vous devez le laisser se reposer. Il est au troisième étage, chambre trois cent onze.
— Merci beaucoup docteur, sanglota Hee-sun en s'inclinant profondément.
Le chirurgien lui répondit d'un sourire bienveillant puis s'en alla. Lorsqu'ils furent seuls, Taehyung respira enfin, incapable de retenir ses larmes de joies et de soulagement. Il se tourna vers Lilith qui le regardait déjà puis elle vint l'enlacer.
— Je vais te ramener à la maison, tu as besoin de repos, fit-il en déposant un baiser sur sa tempe.
— Toi aussi, répondit la jeune femme.
Le policier hocha la tête et se recula pour faire face à madame Park.
— Est-ce que vous pouvez m'appeler si Jimin se réveille ?
— Oui, bien-sûr.
Taehyung la remercia d'un sourire puis se tourna vers ses parents.
— Je vais ramener Lilith à la maison et prendre une douche. Je dois passer au poste ensuite voir comment avance l'enquête, mais dis à Kook que je viendrai le voir.
— D'accord mon ange. Fais attention à toi, répondit Min-ji en embrassant son fils sur la joue.
Cette dernière enlaça sa belle-fille puis le couple partit en direction de la sortie. Pressée de revoir son enfant, Hee-sun remercia rapidement madame Kim ainsi que son époux pour leur soutien et prit la direction de l'ascenseur, suivie de son ami qui ne la quittait pas.
La première rencontre entre les deux femmes s'était faite dans le pire moment, mais le lien qui unissait leurs fils les avait rapprochées, bien plus qu'elles ne le pensaient.
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
Le bip régulier du moniteur résonnait dans la chambre d'hôpital, brisant le silence qui s'y était installé depuis plusieurs heures. Allongé sur le dos, les bras le long du corps, Jungkook se réveillait doucement après qu'un bruit sourd et lointain ne trouble son repos.
Battant plusieurs fois des paupières pour s'habituer à la lumière qui l'entourait, le commandant parvint enfin à retrouver une vue nette. Déboussolé, il regarda autour de lui et son visage se posa sur un faciès qu'il connaissait bien.
— Bonjour mon chéri, fit Min-ji en se levant pour venir s'asseoir sur le rebord du lit.
— M-maman...
Jungkook s'interrompit. Sa gorge était sèche, ce qui le poussa à se demander combien de temps, il avait été inconscient. Qu'est-ce qu'il avait loupé ? Jimin était-il réveillé ? S'en était-il sorti ?
Avalant le peu de salive qu'il avait, le brun tenta de se redresser dans son lit. Étrangement, il ne ressentit aucune douleur, mais il savait pourquoi, les anti-douleurs que les médecins avaient dû lui administrer faisaient encore effet, enfin presque. Malheureusement pour lui, la migraine qui tapait sur le côté gauche de son crâne, elle, n'avait pas été éradiquée par les médicaments.
Quand il fut installé contre la tête du lit, il ferma les yeux quelques secondes, laissant le temps à son cerveau de s'habituer à cette position et surtout tentant de calmer les légers vertiges qui l'avaient traversé.
— Doucement mon chéri. Comment te sens-tu ? demanda Min-ji.
— Ça va, mentit le brun. Où... où est Jimin ? Est-ce qu'il...
Sa voix mourut dans sa gorge sèche et les larmes inondèrent ses yeux, imaginant que ses craintes puissent être vraies.
— Il est vivant, le rassura sa mère en prenant sa main dans la sienne. L'opération a été compliquée, mais ils ont réussi à le stabiliser.
— J-je veux le voir, imposa le commandant en repoussant difficilement sa couette.
— Il est inconscient. Sa mère est avec lui, alors pour le moment, tu dois penser à toi. Tu as une commotion et des côtes cassées. Le médecin a dit qu'il te faudrait beaucoup de repos pour que tu récupères, le stoppa sa mère en posant ses deux mains sur les épaules de son fils.
D'ordinaire si sûr de lui, Jungkook se sentit soudainement comme un petit garçon sous le regard autoritaire de la femme qui l'avait élevé.
— Maman, j'ai... j'ai besoin de le voir. Tout ça, c'est ma faute, implora presque le tatoué, les yeux larmoyants.
Face au chagrin et à l'inquiétude de son fils, Min-ji se sentit impuissante et désarmée. Son devoir de mère était de le consoler, de le rassurer, alors elle prit son visage en coupe et essuya ses larmes avec ses pouces.
— Rien de tout ça n'est ta faute mon ange. Tu lui as sauvé la vie, alors cesse de penser ainsi. Tu pourras le voir, je te le promets, mais pour le moment, tu dois penser à toi.
Le policier s'apprêtait à répliquer lorsque la porte s'ouvrit sur un homme qu'il connaissait bien. Deux cafés à la main, Nam-kyun posa son regard sur son fils adoptif, et lui offrit un grand sourire.
— Tu es réveillé, fit-il avec douceur. Nous étions morts d'inquiétude.
Le père de famille donna une des boissons chaudes à son épouse et prit place sur le fauteuil.
— Comment vous l'avez su ? demanda Jungkook.
— Ton frère nous a appelé, répondit Nam-kyun en prenant une gorgée de sa boisson.
— Il n'aurait pas dû, soupira le tatoué en baissant les yeux.
— Tu plaisantes ? Mon fils est à l'hôpital alors heureusement qu'il m'a prévenue ! Ce n'est pas parce que vous êtes adultes et que ton père et moi vivons loin, que nous ne devons plus être mis au courant lorsque quelque chose vous arrive, le réprimanda Min-ji.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais il vous a inquiétés inutilement.
— Ton frère avait besoin de soutien, intervint monsieur Kim. Tu étais inconscient et personne ne savait si Jimin allait s'en sortir ou non. C'est normal qu'il nous ait appelé, nous sommes vos parents.
Le brun soupira de nouveau, gardant le regard baissé. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait à l'hôpital. Dû à son passé militaire, mais aussi à son métier, il avait déjà été blessé par le passé, mais jusqu'à présent, cela n'avait jamais été assez grave pour que ses parents soient mis au courant.
— Maintenant que tu es réveillé, je vais aller chercher le médecin, annonça Min-ji en se levant.
Elle déposa un baiser sur le front de son fils et quitta la pièce, laissant les deux hommes seuls. Jungkook n'avait pas envie de parler et son père le connaissait assez bien pour le savoir. Il resta simplement à ses côtés, le rassurant par sa présence, puis de longues minutes plus tard, il se leva et ouvrit sa vieille sacoche en cuir qui ne le quittait pas depuis plusieurs décennies. Il en sortit un livre et s'approcha du lit sur lequel le policier fixait le plafond.
— Tiens, je t'ai amené ça, fit-il.
Le brun baissa les yeux sur les mains du cinquantenaire et prit ce qu'il lui tendait. Il s'agissait du dernier roman qu'il avait écrit et cette attention fit sourire Jungkook.
— Merci. Je crois que je vais avoir le temps de le lire.
— De rien, j'espère qu'il te plaira.
— Tu sais bien que oui.
Nam-kyun le couva d'un regard tendre puis se racla la gorge.
— Est-ce que... est-ce que tu veux qu'on discute de ce qui s'est passé ?
Comprenant où son père voulait en venir, le tatoué bougea négativement la tête. Monsieur Kim avait toujours été un excellent père, il l'avait toujours aimé comme son propre fils. Il lui avait donné tout ce dont il avait besoin, mais Jungkook n'avait jamais réussi à se confier à lui, comme il le faisait avec Min-ji. Il ne l'aimait pas moins que sa mère, mais sa pudeur l'empêchait de se livrer.
— Ça va, ne t'en fais pas, assura le commandant avec un sourire sans joie. C'est... c'est juste une mauvaise passe, mais ça ira.
— D'accord, mais tu sais que tu peux compter sur ta mère et sur moi. Si tu as besoin de prendre quelques jours, tu peux venir à la maison. On serait très heureux de t'avoir avec nous.
— Je sais, sourit Jungkook. Je vais y réfléchir.
À cet instant, la porte de la chambre s'ouvrit sur Min-ji, suivie d'une femme que le brun ne connaissait pas. Cette dernière devait avoir la trentaine. Elle portait une longue blouse blanche et autour de son cou pendait un stéthoscope.
— Bonjour monsieur Jeon, je suis le docteur Ahn, c'est moi qui suis en charge de votre dossier, se présenta cette dernière.
— Bonjour, répondit le patient. Est-ce que c'est vous qui vous occupez de Park Jimin ? Il a été admis en même temps que moi pour une blessure par arme blanche à l'abdomen.
— Non, votre ami est dans autre service.
— Oh, souffla Jungkook, déçu.
— Comment vous sentez-vous ? demanda le docteur Ahn en sortant une petite lampe de la poche de sa blouse.
Attendant la réponse de son patient, elle passa le flux lumineux devant les yeux du brun puis se recula.
— Ça va, répondit-il.
— Vraiment ?
— Oui.
— D'accord, alors levez les bras s'il vous plaît.
Le commandant s'exécuta, mais avant même de pouvoir lever totalement ses membres, il ne put retenir un gémissement et une grimace de douleur.
— C'est bien ce qui me semblait. Maintenant, je vous repose la question, comment vous sentez-vous ?
Fidèle à lui-même, Jungkook soupira et leva les yeux au ciel.
— J'ai la tête qui va exploser, les acouphènes sont encore présents et j'ai aussi mal en respirant. Satisfaite ?
— Presque, répondit la brune en notant la réponse de son patient sur la fiche. Sur une échelle de un à dix, combien avez-vous mal ?
— Je ne sais pas, quatre, c'est supportable, répondit le patient d'une voix blanche.
— D'accord, si jamais la douleur augmente, surtout, prévenez-moi ou l'un des soignants.
— À vos ordres, soupira le tatoué.
— Avez-vous des nausées ? Des vertiges ? Vision trouble ? Pertes de mémoire ? Des picotements ou des sensations de brûlure dans les membres ?
— Ça dépend de quel membre vous parlez, répliqua Jungkook avec sarcasme.
— Jungkook ! le réprimanda Min-ji.
Le brun posa rapidement son regard sur sa mère qui le fixait d'un air sévère.
— Ok, soupira-t-il. Quelques vertiges, mais sinon ça va. Quand est-ce que je pourrai partir d'ici ?
— On va vous garder en observation jusqu'à demain. Votre blessure à la tête était assez profonde, alors je veux m'assurer que votre état n'empire pas. Si vous ressentez l'un des symptômes que je vous ai cités plus tôt surtout, prévenez l'une de l'infirmière.
Résigné, le policier hocha simplement la tête avant qu'un détail n'attire son attention.
— Où sont mes affaires et mes vêtements ? J'en ai marre de porter cette horreur, en plus j'ai le cul à l'air.
— Jeon Jungkook, surveille ton langage ou le docteur devra te garder plus longtemps après que je me sois occupé de ton cas ! intervint de nouveau madame Kim.
Le docteur Ahn ne put retenir un petit rire qu'elle dissimula derrière sa main.
— Ne vous en faites pas madame, j'ai l'habitude, fit la brune avant de se tourner vers son patient. Vos affaires personnelles ainsi que vos vêtements sont dans l'armoire, mais vos habits sont dans un sale état.
— Oui, je m'en suis douté, souffla le brun.
— En ce qui concerne vos armes, elles vous seront remises le jour de votre départ.
— Ok, merci. Est-ce que je peux au moins quitter ma chambre ? J'ai envie d'aller fumer.
— Je préfèrerais que vous restiez allongé. Il vous faut du repos.
Agacé par toutes ses interdictions, Jungkook soupira, mais acquiesça. De toute façon, il n'en ferait qu'à sa tête et personne ne pourrait l'empêcher de faire ce que bon lui semblait, et ça, Min-ji le savait.
— Très bien monsieur Jeon, je reviendrai vous voir dans la journée.
— Ok doc, répondit le concerné d'un ton nonchalant.
Lorsque le médecin quitta la pièce, madame Kim lança un regard noir à son fils qui hocha les épaules, un air innocent sur le visage.
— Quoi ? Je n'ai rien dit.
— Cesse de te comporter comme un sauvage !
— Tu as de drôle de méthodes de drague, fit Nam-kyun, voulant alléger l'atmosphère.
Jungkook, qui fut surpris par son intervention, se tourna vers lui, les sourcils froncés tandis que son épouse lui lança un regard noir.
— Sérieusement ? Je sors avec Jimin, cette femme ne m'intéresse pas.
— Bon, je crois qu'il est temps pour nous d'aller nous reposer, la nuit a été courte, intervint Min-ji. Nous reviendrons te voir dans la journée, reste au lit et dors. Ne t'avise pas de quitter cette chambre, c'est compris ?
Sans grande conviction, le brun hocha la tête, ce qui fit soupirer sa mère.
— Je vais appeler ton frère pour le rassurer et lui dire de venir te ramener tes affaires.
— Non laisse, je m'en occupe. Je dois discuter de quelques trucs avec lui.
Madame Kim hocha la tête et s'approcha du lit. Avec prudence, elle vint embrasser son fils puis se recula, laissant la place à son mari qui fit de même avant de quitter la chambre. Quand il fut enfin seul, Jungkook sentit une émotion étrange l'envahir. La solitude qu'il ressentait en ce moment était la pire sensation qui puisse exister. Même si le médecin lui avait donné des instructions bien précises, son cerveau ne pouvait pas s'empêcher de penser à son petit ami qui était quelque part dans ce bâtiment.
D'un geste lent et prudent pour ne pas réveiller la douleur, il repoussa la couette, retira les fils qui le reliaient au moniteur et se mit debout. Sifflant de douleur à chaque pas, le policier s'approcha de l'armoire et l'ouvrit pour y prendre son portable.
S'asseyant doucement sur le rebord de son matelas, il soupira longuement en voyant l'état de son téléphone et le déverrouilla. Il ouvrit la conversation de groupe qu'il avait avec son unité et commença à pianoter rapidement un message.
🟢 Jungkook 08:09 – Je suis réveillé et je vais bien. Tae, tu peux passer à l'appartement et me ramener des fringues ? Un jogging et deux t-shirts s'il te plaît. Prends-moi deux boxers aussi et ma brosse à dent.
🟢 Jungkook 08:09 – Lian, va voir Lim et demande-lui de placer deux hommes armés devant la chambre de Jimin. Qu'il ne laisse entrer personne à part nous et sa mère.
🟢 Rose 08:10 – Dieu merci, tu vas bien 😭.
🟢 Taehyung 08:10 – Ok, je suis au labo. Ils ont trouvé plusieurs traces d'ADN sur la scène de crime et sur le manche du couteau, mais pour le moment aucun résultats.
🟢 Lian 08:10 – Je m'en occupe. Rétablis-toi bien.
Satisfait de la réponse de son équipe, il laissa son téléphone tomber près de lui, puis son regard se posa sur son fond d'écran. Il s'agissait d'une photo de Jimin et lui, et en voyant le sourire du blond, son cœur se comprima dans sa poitrine. Il avait besoin de le voir, ne serait-ce qu'à travers une vitre.
Avant de se lever, il prit de nouveau son portable et cette fois, il ouvrit la conversation privée avec Taehyung.
💬 À Taehyung – 08:13
Récupère les affaires de Jimin, s'il te plaît. Il y avait la veste de Yoongi et il y tient beaucoup.
La réponse du lieutenant fut immédiate.
💬 De Taehyung – 08:13
Elles sont déjà avec moi. Ne t'en fais pas, sa veste est intacte.
💬 À Taehyung – 08:13
Merci.
Rassuré, Jungkook décida enfin de se mettre sur pied, et ce, même si son corps tout entier était douloureux. En plus de ses côtes fêlées, les acouphènes provoqués par l'explosion étaient encore présents, nourrissant cette migraine qui refusait de le quitter. Cependant, malgré tout ça, l'objectif du commandant ne changeait pas. Il devait le voir, il en avait besoin.
En se tenant les côtes, le tatoué quitta enfin sa chambre. Il regarda rapidement si la voie était libre et si ce docteur de malheur n'était pas dans les parages, puis partit en direction de l'ascenseur pour rejoindre l'accueil qui se trouvait au rez-de-chaussée.
Une fois arrivé, il marcha jusqu'à la réceptionniste qui le regarda quelques secondes avant d'écarquiller les yeux en voyant sa tenue. Effectivement, les blouses d'hôpital étaient légèrement ouvertes à l'arrière, dévoilant ainsi le fessier du policier à chaque pas qu'il faisait. N'ayant aucun problème de pudeur, Jungkook se fichait royalement de ce détail, au contraire du personnel qu'il avait croisé.
— Monsieur, que faites-vous hors de votre chambre ? demanda la jeune femme de l'accueil.
— Je cherche mon ami. Pouvez-vous me dire dans quelle chambre il est ? Son nom est Park Jimin, il a été admis cette nuit avec une blessure à l'arme blanche.
La femme de l'accueil sonda son vis-à-vis de longues secondes et en voyant la détermination dans son regard, elle comprit qu'il était inutile d'insister. Dans un soupir, elle tapa rapidement le nom et prénom du patient, puis ouvrit la fiche.
— Il est au troisième étage, chambre trois cent onze, mais les-
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que le brun était déjà parti en direction de l'ascenseur.
— Monsieur, les visite ne sont pas autorisées ! cria-t-elle sans pour autant être entendue.
La cage de métal était déjà en route vers le troisième étage du bâtiment. À l'intérieur, Jungkook sentait son cœur pulser dans ses tempes tant il était anxieux à l'idée de le voir. Quand les portes de métal s'ouvrirent, il se précipita comme il put hors de l'habitacle et suivit la direction indiquée.
— Trois cent onze... trois cent... c'est ici, murmura-t-il pour lui-même.
Statufié devant la porte, Jungkook jeta un coup d'œil par le petit hublot. Son regard se posa en premier lieu sur un homme qu'il ne connaissait pas, puis il vit le profil de Hee-sun apparaître lorsque celle-ci se recula contre le dossier de sa chaise. Ses yeux se posèrent ensuite sur le lit et il vit les pieds de Jimin, recouvert par la couverture bleu roi qu'il avait également dans sa chambre.
Prenant son courage à deux mains, il toqua contre le battant en bois et attendit d'avoir l'autorisation pour entrer. D'un geste hésitant, il abaissa la poignée et poussa la porte. Quand il apparut enfin, il fut accueilli par quatre yeux noirs qui le fixaient et immédiatement, l'expression de Hee-sun changea, passant de la tristesse à la colère. Elle détailla rapidement le visiteur, puis encore une fois, ses émotions changèrent et l'inquiétude prit le dessus.
— Je... je suis désolé de vous déranger. Je voulais voir comment il allait, fit Jungkook d'une voix prudente sans avancer dans la chambre.
— Comme tu peux le voir, il ne se réveille pas, cingla madame Park.
Le ton dur de cette dernière lui fit l'effet d'une gifle. Encaissant sans rien dire, le brun tenta de rester de marbre, même s'il hurlait de l'intérieur. Elle aussi, le tenait responsable de cette situation. Min-ji et Taehyung avaient beau dire qu'il n'y était pour rien, il ne parvenait pas à accepter ça.
— Je... j'ai demandé à Taehyung de lui ramener ses affaires. S'il se réveille avant qu'il ne les ait ramenées, rassurez-le, la veste de Yoongi est intacte et il va pouvoir la récupérer.
— Tu penses vraiment qu'il va s'inquiéter pour une vulgaire veste ? répliqua froidement la mère de Jimin.
— Il... Il y tient beaucoup.
— C'est ridicule, cingla-t-elle.
— Hee-sun, intervint l'homme dont Jungkook ignorait le nom.
La concernée souffla faiblement et détourna ses yeux débordant de larmes.
— Non, elle a raison, intervint le commandant d'une voix brisée. Je comprends votre colère madame Park. J'avais promis de veiller sur votre fils et j'ai failli à ma mission. Je sais que ce que je vais dire n'allègera en rien votre peine, mais je suis sincèrement désolé.
La mère de famille ne répondit rien, se contentant de regarder le visage tuméfié de son fils. La colère qu'elle ressentait n'était pas réellement dirigée contre Jungkook. Elle en voulait à la terre entière, mais surtout à elle-même. Pour se protéger de son ex-mari, elle avait une nouvelle fois abandonné son fils et n'avait pas été présente pour lui. Malgré toutes ces émotions néfastes, voir ce jeune homme qui avait pris soin de son enfant dans cet état lui faisait mal au cœur.
— Prends soin de toi Jungkook. Tu as besoin de te reposer, fit-elle sans le regarder.
Le brun sentit une chaleur inexpliquée envahir son cœur lorsqu'il entendit ces paroles. Ne voulant plus imposer sa présence, il s'inclina poliment avant de prendre une dernière fois la parole.
— Des agents vont être placés devant la chambre pour sa protection et je suis prêt à prendre, à mes frais, toutes les dépenses nécessaires à votre séjour ici.
Hee-sun se tourna enfin vers le policier et se leva. D'un pas lent et une mine plus inquiète sur le visage, elle s'approcha du brun.
— Une protection ? Tu penses qu'il est en danger ?
— Je ne sais pas madame. Nous n'avons pas retrouvé ceux qui sont derrière tout ça. C'est une simple précaution. Les agents prendront le relais lorsque je serai absent, mais je vais faire mon possible pour rester dans le coin, répondit Jungkook en posant son regard sur la seule partie du corps de Jimin qu'il pouvait voir.
Il voulait avancer jusqu'à lui, le regarder, le toucher, lui parler. Il avait besoin de lui dire qu'il l'aimait, qu'il regrettait et qu'il était désolé, mais il ne fit rien. Il resta simplement paralysé par la peur et la culpabilité.
— Je vais vous laisser en famille, fit-il sans quitter son amant des yeux. Est-ce que... je suis désolé madame si c'est déplacé de vous demander cela, mais est-ce que vous pourrez lui dire que je suis venu le voir quand il se réveillera ?
Hee-sun observa le garçon qui se tenait devant elle et il n'avait plus rien de l'homme confiant qu'elle avait rencontré au commissariat quelques mois plus tôt. En détaillant son visage et les diverses blessures qu'il présentait, elle repensa à ces quelques mots qu'ils avaient échangés lors de leur dernière rencontre, et à tout l'amour à l'attention de son fils qu'elle avait vu dans son regard. En se rappelant cela, son cœur se serra dans sa poitrine. Même si elle le voulait, elle ne pourrait rien faire pour soulager la peine de Jungkook. Elle aurait beau lui dire qu'il n'était pas fautif, ce dernier s'autoflagellait et rien ne pouvait soulager sa conscience.
— Je lui dirai, mais tu pourras revenir le voir si tu le souhaites. Je... je suis désolée pour ce que je t'ai dit et pour mon comportement envers toi. Je devrais plutôt te remercier de l'avoir sauvé, fit Hee-sun en faisant un pas vers lui.
La mère de famille ouvrit faiblement ses bras dans une demande silencieuse pour l'enlacer et Jungkook acquiesça. Ce contact, aussi bref fut-il, lui serra la gorge, faisant remonter les larmes qu'il essayait de toutes ses forces d'enterrer au fond de lui.
— Je donnerais ma vie pour lui. Si je le pouvais, je prendrais sa place sans hésiter, murmura-t-il juste avant que madame Park ne se recule.
— Je le sais, mais ce n'est pas ce qu'il voudrait. Mon fils est un battant, il va se réveiller, assura Hee-sun, d'une voix tremblante.
— Il l'est madame, confirma le commandant. Je vais vous laisser. Les deux officiers ne devraient plus tarder alors d'ici là, fermez la porte à clé.
— Ne vous en faites pas Jungkook, je veille sur eux, intervint Minkyun.
— Je... les hommes qui s'en sont pris à lui ne plaisantent pas. Je ne remets pas en cause vos capacités monsieur, mais-
— Minkyun est un ancien militaire et professeur de Ju-jitsu. Nous sommes en sécurité avec lui, assura madame Park, avec un sourire à l'attention de son ami.
Jungkook les observa un instant et bien qu'il ne veuille pas porter de conclusion hâtive, il avait bien compris que ces deux-là étaient plus que de simples amis.
— Très bien, mais ne vous mettez pas inutilement en danger. Si quelque chose vous semble suspect, signalez-le aux deux agents.
— Ne t'en fais pas, pars tranquille, fit Hee-sun d'une voix douce.
Le policier hocha lentement la tête et jeta un dernier coup d'œil à son amant, dont il n'avait pas encore pu voir le visage. Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, il recula d'un pas et quitta la pièce sans se retourner.
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
Taehyung était venu rendre visite à son frère à la fin de sa journée de travail, accompagné de ses deux collègues et sa fiancée. Malheureusement pour le commandant, les trois policiers n'avaient pas apporté de bonne nouvelle concernant leur enquête qui était au point mort. Malgré toutes les traces ADN qu'ils avaient trouvées, aucune n'avait été concluante, les emmenant dans un cul-de-sac qui rendait Jungkook encore plus nerveux qu'il ne l'était déjà.
Le lendemain, Min-ji fut la première visite du commandant qui se sentait un peu mieux, même si son corps lui faisait encore payer les conséquences de l'explosion. Avec l'accord de son médecin, cette dernière lui avait ramené ses muffins préférés et comme toujours, Jungkook s'était rué dessus tel un affamé. Cette simple pâtisserie avait apaisé son cœur le temps de quelques minutes, avant que la réalité ne le frappe à nouveau.
Lorsqu'il se retrouva seul, le brun échappa à la surveillance des infirmières et se rendit devant la chambre de Jimin. Les deux agents y étaient postés comme il l'avait exigé et en jetant un coup d'œil à travers le petit hublot, il remarqua avec tristesse que son amant n'était toujours pas réveillé. Les médecins avaient assuré qu'il n'y avait rien d'anormal. Son corps était épuisé par toutes ces épreuves, mais Jungkook savait également qu'il devait être éreinté psychologiquement par tout ce qu'il avait vécu ces dernières quarante-huit heures.
Ne voulant pas briser le calme qui régnait dans la chambre, le brun donna quelques instructions aux hommes en uniforme puis tourna les talons et marcha jusqu'à l'ascenseur pour se rendre sur le toit. Sur place, il sortit son téléphone et composa un numéro qu'il connaissait par cœur.
Une cigarette entre ses lèvres, il alluma cette dernière tout en écoutant les tonalités qui se succédaient dans ses tympans.
— Allô, fit une voix grave et nonchalante.
— Bonjour Hoseok, c'est Jungkook.
— Je sais que c'est toi, j'ai reconnu ton numéro, répondit le mafieux, sans entrain.
— Je me demande quel nom j'ai dans ton répertoire.
— Gros casse couille de flic.
Le commandant pouffa et même s'il tentait de rester de marbre, il put entendre son interlocuteur rire avant de reprendre son sérieux.
— Plus sérieusement, pourquoi tu m'appelles ? demanda Hoseok.
— Est-ce que tu l'as trouvé ?
— Non, si c'était le cas, tu serais le premier au courant, répondit le mafieux. Tu as retrouvé ton petit ami ?
— Oui. On... on est à l'hôpital. L'un des hommes l'a poignardé, alors tu comprends pourquoi je veux mettre la main sur Yeosang, expliqua Jungkook en prenant une latte de sa cigarette.
Le vent frais fouettait son visage, mais il ne se sentait pas encore prêt à retourner à l'intérieur. Tout en continuant de consommer ce poison sous forme de nicotine, le brun attendit la réponse de son vis-à-vis qui se faisait désirer.
— Je comprends. Tu as tué le gars qui l'a poignardé ?
— Non, soupira-t-il. Il s'est enfui.
— Donc, le mec qui a voulu tuer ton petit ami est encore dans la nature ? questionna Hoseok.
Le ton de sa voix surprit le brun qui fronça les sourcils.
— C'est du mépris que j'entends ? Je n'ai pas une armée derrière mon cul moi, j'ai dû me débrouiller seul ! Je...
— Hé, détends-toi le superflic, ce n'était pas du mépris, mais de la surprise. J'ai fait mes recherches sur toi et ton CV est plutôt intéressant. J'étais persuadé que tu sèmerais les cadavres derrière toi, mais à part une petite explosion, tu as été plutôt sage.
Dire que son orgueil était intact serait mentir, mais à cet instant, Jungkook savait que ce n'était pas le plus important. Hoseok avait raison, il avait échoué. Par le passé, jamais aucun de ces hommes ne s'en serait sorti intact. Il les aurait très certainement tués sans hésiter, mais aujourd'hui, les choses étaient différentes. En voyant son amant se faire poignarder, son cœur avait pris le dessus sur sa raison et avait paralysé son corps. Il avait été faible, il le savait, toutefois son amour pour Jimin était ancré en lui et il ne pouvait plus lutter contre ça.
— Quand tu parles de mon armée, c'est une façon peu subtile de me demander de te prêter quelques-uns de mes hommes ? repris Hoseok.
— Et si c'était le cas, tu le ferais ?
— Je ne te dois plus rien, répliqua l'autre homme d'un ton détaché.
— C'est bien ce qui me semblait, souffla Jungkook tout en écrasant le mégot de sa cigarette.
— Mais Na-bi t'adore. Tu es important pour elle alors, si tu me le demandes, je le ferai.
Le tatoué fût touché par les mots du mafieux. Leur relation était des plus étranges, ils n'étaient pas amis, mais ils n'étaient pas ennemis pour autant. Ils étaient liés par une petite brune au regard débordant d'innocence qui rendrait n'importe quel homme rigide aussi doux qu'un agneau. C'était l'effet que Na-bi avait sur son père, mais aussi sur lui.
— J'ai déjà posté deux hommes devant sa chambre, annonça Jungkook.
— Deux flics ?
— Oui.
— Toi et moi, on sait qu'ils seront morts avant d'avoir touché le sol si ce gars décide de revenir, se moqua Hoseok. Ne le prends pas mal, mais les agents en uniforme sont des guignols. Par contre, si tu ne veux pas de mon aide, alors je retire ma proposition.
Le commandant soupira profondément. Hoseok était dans le vrai, il en avait bien conscience. Il avait besoin d'aide, alors s'il voulait assurer une sécurité sans faille à l'homme qu'il aimait, il devait accepter la proposition qu'on lui faisait.
— Deux hommes, devant l'hôpital, c'est tout ce dont j'ai besoin. Juste au cas où ils reviennent finir le travail.
— Ce sera fait. Maintenant, c'est toi qui as une dette envers moi, lança le mafieux, amusé.
— C'est ce que tu attendais, pas vrai ?
— Disons que c'est assez jouissif, mais rassure-toi superflic, je ne toucherai pas à ton intégrité.
Sans attendre une quelconque réponse, Hoseok mit fin à l'appel, laissant son interlocuteur pantois. Venait-il de faire un pacte avec le diable ? Probablement. Allait-il le regretter ? Certainement, mais il était prêt à vendre son âme si cela lui permettait de garder Jimin en sécurité.
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En fin d'après-midi, Jungkook avait enfin obtenu l'autorisation de quitter l'hôpital. Peu désireuse de laisser son fils cadet seul, Min-ji était venue le chercher et avait décidé, avec son accord, de s'installer à son domicile afin de pouvoir veiller sur lui durant sa convalescence.
Une fois le soleil couché, les infirmières de l'hôpital public de Busan s'attelèrent à la distribution des repas du soir, passant par toutes les chambres, sauf une, la trois cent onze. Dans cette pièce du troisième étage, un silence assourdissant caressait les murs blancs et dénué de joie, accompagné du bip régulier du moniteur cardiaque. Allongé sur le lit, dans la même position depuis deux jours, le corps de Jimin reprenait lentement des forces. Sa respiration était lente, mais régulière, témoignant d'un sommeil profond.
Depuis qu'il avait été admis, Hee-sun n'avait pas quitté le chevet de son fils unique. Les nerfs à vif et épuisée de dormir sur le fauteuil, elle s'était accordée une pause se rendant ainsi à son hôtel pour s'y rafraîchir.
À son retour, la mère de famille avait repris sa place, prenant la main de son enfant dans la sienne. Ce qu'elle ignorait, c'était que dans son inconscient, Jimin était loin de vouloir revenir parmi les vivants.
✺✺✺
Je n'avais jamais vu une lumière aussi belle et aveuglante de toute ma vie. Le temps d'adaptation avait été long et j'avais dû être patient avant de pouvoir enfin retrouver l'usage de mes yeux et enfin pouvoir espérer admirer ce paysage aussi sublime qu'irréel qui m'entourait. Il n'y avait rien, aucun immeuble, aucune civilisation, juste une immense plaine verdoyante qui s'étendait sur des kilomètres.
Durant mes vingt-trois années de vie, j'avais connu des jours ensoleillés, mais c'était la première fois que je voyais un ciel si clair, pur et aussi beau. Les rayons du soleil caressaient ma peau pâle, la réchauffant presque instantanément. Je sentais une douce brise effleurer mon épiderme, dressant les poils de mes bras, cependant, je n'avais pas froid. C'était étrange, mais ce frisson était agréable, comme ceux que l'on ressentait lorsque la personne qu'on aimait nous touchait. Je me sentais bien, en paix, en sécurité. Sous mes pieds nus, je pouvais sentir l'herbe douce et fraîche se glisser entre mes doigts à chaque fois que je les bougeais, les chatouillant légèrement, ce qui me fit sourire. En baissant les yeux, je remarquai que ces vêtements qui recouvraient mon corps n'étaient pas les miens. Mon jean et mon pull à capuche avaient été troqués contre un pantalon en lin ainsi qu'un haut de la même couleur et du même tissu. Je me sentais si légers dans ces habits, c'était même étrange que de simples tissus provoquent une telle sensation de liberté.
J'ignorais où je me trouvais, la dernière chose dont je me souvenais, était d'avoir vu le visage de l'homme que j'aimais juste avant que la pénombre ne m'emporte et pourtant, je n'avais pas peur. Je me sentais apaisé, j'avais l'impression que rien de mal ne pouvait m'arriver.
Même si je n'étais pas inquiet, j'étais tout de même curieux de savoir où je me trouvais. En pivotant sur moi-même, un effluve salin, bien plus fort que l'odeur d'herbe fraîchement coupée, effleura mes narines, me donnant un nouvel indice sur cet endroit mystérieux. Il y avait un point d'eau non loin, j'en avais la certitude.
N'écoutant que mon instinct, je me mis alors en marche, profitant de cette sensation sous mes pieds qui me donnait l'impression d'être plus vivant que jamais. Plus j'avançais, plus j'avais l'impression que mon rythme cardiaque s'emballait, comme si mon cœur tentait de me parler, de m'annoncer quelque chose.
Le regard rivé devant moi, cherchant un signe de vie, quelque chose ou quelqu'un qui pourrait répondre à mes questions, je me figeai lorsque mes yeux se posèrent sur une silhouette au loin.
Assis, dos à moi, vêtu d'une veste en cuir que je parvins à reconnaître sans mal, se trouvait un jeune homme à la chevelure verte que je connaissais bien. Il était là, c'était lui, j'en avais la certitude, alors sans attendre plus longtemps, mes pieds se remirent en marche vers lui. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine à une telle vitesse, que j'avais l'impression qu'il pouvait exploser à tout instant. J'étais si impatient d'arriver jusqu'à lui, si impatient de peut-être pouvoir enfin le toucher.
Quand il fut enfin à portée de bras, je tendis ma main tremblante jusqu'à son épaule puis, je la touchai enfin. Il était réel, autant que je l'étais. J'en avais la certitude. Je pouvais sentir le cuir réchauffé par les rayons du soleil sous mes doigts, ça ne pouvait pas être un mirage.
En levant enfin les yeux vers son visage, je le vis se tourner vers moi, m'offrant le plus magnifique et sincère des sourires.
C'était lui, Yoongi.
— Yoongi, murmurai-je, d'une voix tremblante, la gorge douloureusement nouée par l'émotion.
— Salut Min.
Malgré moi, les larmes de bonheur inondèrent mes yeux avant de les quitter et de continuer leur route sur mes joues. Bouillonnant d'impatience, je ne pus contenir cette envie presque vitale de le prendre dans mes bras alors, je cédai et me jetai dans ses bras sans aucune retenue.
Pendant que Yoongi resserrait lui aussi sa prise autour de ma taille, je ne pus empêcher une question de venir entacher mon instant de bonheur. Est-ce que j'étais mort moi aussi ? Peut-être. Après tout, je me souvenais de cet homme qui m'avait attaqué et de la douleur que j'avais ressentie. Peut-être que j'avais finalement succombé à mes blessures et cessé de me battre. Ce n'était que des suppositions, mais à cet instant cela m'importait peu, tant que je pouvais être avec lui, c'était tout ce que je désirais.
— Tu es là, sanglotai-je en resserrant ma prise autour du cou de mon ami d'enfance. Tu es vraiment là.
— Oui, je suis bien là, petite tête. Je suis là, me jura Yoongi dans un murmure en venant enfouir son visage dans mes cheveux.
Tant d'émotions me traversaient à cet instant. Je riais, mais je pleurais aussi de bonheur. Tout ça était un cadeau. Je n'avais pas pris mon meilleur ami dans mes bras depuis d'innombrables années. Je n'avais pas pu le toucher, ni même sentir son odeur, et pourtant à ce moment précis, c'était le cas. Il était là, je le tenais contre moi. Toute cette frustration, tout ce manque, qui avait tant alourdit mon cœur, venait de disparaître en un seul toucher, le seul que j'avais tant attendu et espéré. Je pouvais ressentir la chaleur qui émanait de lui à travers mes propres vêtements. Je pouvais humer son délicieux parfum si fruité qui contrastait totalement avec son caractère. Je pouvais sentir son souffle chaud contre ma peau. Tous ces petits détails d'habitude si insignifiants et ordinaires qui me laissaient croire que c'était réel.
Nous restâmes ainsi, dans les bras l'un de l'autre, durant un long moment qui, pour moi, aurait pu être éternel, jusqu'à ce que Yoongi ne rompe le contact et se recule, m'offrant à nouveau un sourire doux et réconfortant. Il me fit signe de m'asseoir près de lui, ce que je fis sans hésiter, suspendant mes jambes dans le vide, au-dessus du ruisseau qui passait sous le pont.
Le paysage qui s'offrait à moi était une fois encore à couper le souffle. D'autres plaines s'étendaient à perte de vue ainsi qu'une rivière qui rendait ce lieu encore plus magnifique. Confus par ce changement, je tournai légèrement la tête derrière moi, remarquant ainsi que les plaines de verdure avaient laissé place à d'immenses montagnes. Je remarquai également que le pont sur lequel nous nous trouvions, flottait juste au-dessus de l'eau, réveillant d'autres interrogations dans mon esprit déjà bien trop curieux.
— Où sommes-nous ? demandai-je en tournant la tête vers le mentholé.
— On est dans les limbes, me répondit Yoongi avec douceur. Du moins, dans ceux que tu as créés dans ton subconscient.
Sa réponse ne réveilla que plus de questions encore, mais aussi une pointe d'angoisse que j'aurais préféré ne pas ressentir.
— Est-ce que je suis mort ?
En prononçant ces mots, mon pouls s'était emballé. Et si je l'étais ? Cela voudrait dire que je pourrais rester avec lui pour toujours ? C'était ce que je désirais à cet instant, plus que toute autre chose, je ne voulais plus le quitter. Je me sentais bien dans cet endroit, mieux que je ne l'avais jamais été. Je ne voulais pas retourner là-bas.
— Non, pas encore et pour éviter que ça n'arrive, tu vas devoir repartir, m'expliqua le garçon aux cheveux verts, un air attristé sur le visage.
— Je me sens bien ici. Je suis en paix et ça faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien.
— Je sais, mais cet endroit n'est pas fait pour toi. C'est encore trop tôt.
— Pourquoi ? Je ne veux pas partir, on vient à peine de se retrouver.
Pourquoi Yoongi voulait tant que je m'en aille ? Ne voulait-il pas que je reste à ses côtés ? Je pouvais enfin mettre fin à sa solitude, alors pourquoi voulait-il que je parte ?
— Tu ne veux pas que je reste avec toi ? Tu ne serais plus seul.
Affichant un sourire rassurant et le plus apaisant possible, Yoongi prit ma main dans la sienne et la pressa légèrement tout en la caressant du bout de ses doigts chauds.
— C'est trop tôt Min. Ton heure n'est pas encore arrivée.
Je ne voulais pas entendre ça. Je n'avais pas besoin d'entendre ça. Toute la joie et l'apaisement que j'avais ressentis à mon arrivée commençaient à se noyer au milieu de cette peine qui grandissait au creux de ma poitrine.
— Pourquoi pas ? J'ai assez donné, je ne veux pas te quitter, refusai-je à nouveau, les yeux débordant de larmes. Je veux rester ici avec toi. S'il te plaît.
Ma voix était étrangement tremblante, implorante. J'étais prêt à cela, si ça me permettait de rester à ses côtés. Soudainement, le soleil se fit plus discret. Il fut recouvert par quelques nuages qui entachaient le ciel bleu qui l'avait accueilli quelques minutes plus tôt.
Yoongi sembla remarquer ce détail, car ses yeux me quittèrent un instant pour admirer le voile qui nous surplombait. En l'observant, je crus voir un éclair de tristesse le traverser, mais je n'en fus pas certain, son visage était si impassible par moment. Ce dont je fus persuadé en revanche, c'était que le sourire qu'il afficha ensuite était débordant de compassion et de tendresse à mon égard. Avant de prendre la parole, il leva sa main et vint dégager une mèche blonde avant de la poser sur ma joue.
— Tu as encore tellement de belles choses à accomplir dans la vie. Tu ne peux pas rester ici. Cet endroit ne t'est pas encore accessible, mais ça viendra. Quand ton heure sera venue, on se retrouvera, je te le promets, mais pour le moment, tu dois retourner auprès des tiens et vivre ta vie.
Je continuai de bouger la tête de gauche à droite, refusant catégoriquement de le quitter. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas, c'était trop douloureux. Je me sentais si serein dans ce lieu, comme si toute la douleur et la tristesse étaient restées dans l'autre monde. Alors pourquoi je devais retourner dans ce monde dans lequel seul la souffrance m'attendait ?
— Je t'aime Min, ne l'oublie jamais. Ne t'en fais pas, je t'attendrai.
Ses paroles firent couler une larme orpheline de mes yeux. Moi aussi, je l'aimais et si je m'en allais, il me manquerait à nouveau et je ne souhaitais pas revivre cela. Je savais que je ne pourrais rien faire pour faire disparaître cette douleur. Je plantai mon regard dans le sien et encore une fois, la seule émotion que je vis sur son visage fût de l'amour pur et sincère.
Quand je m'apprêtai à lui répondre, lui dire que moi aussi, je l'aimais, je sentis une légère pression dans mon dos, accompagnée d'une étrange chaleur qui me fit frissonner. Je ne compris que trop tard ce qu'il allait faire et avant que je n'aie le temps de contester, la main de Yoongi me poussa dans le vide, loin de lui.
✺✺✺
Dans la chambre d'hôpital, le silence était accompagné par le son régulier du moniteur cardiaque qui était relié à Jimin. Hee-sun discutait avec Minkyun de leur séjour à Busan ainsi que des obligations qu'ils avaient à Jeju. Leurs voix étaient basses afin de ne pas perturber le repos du jeune patient et ce fut sans doute grâce à cela, que madame Park put entendre le faible gémissement qui s'échappa des lèvres de son fils. Lorsqu'elle tourna la tête vers lui, elle put sentir ses doigts se resserrer légèrement autour des siens.
— Jimin ? Mon ange, tu... tu m'entends ?
Son nez légèrement plissé, le concerné tourna la tête du côté opposé, protégeant ainsi ses globes oculaires du peu de luminosité qui l'aveuglait.
— Min-kyun, va chercher un médecin ! ordonna-t-elle en se mettant debout
Le blond resta immobile quelques secondes, inspirant doucement et battant des paupières afin d'habituer ses yeux à la clarté environnante. Pendant qu'il fixait le sol loin devant lui, il sentit un léger toucher effleurer ses cheveux. Attiré par ce parfum fleuri, il se tourna enfin vers la femme qui lui avait donné la vie et sans qu'il ne puisse les contrôler, les larmes vinrent inonder sa vue encore trouble.
— Maman, murmura-t-il.
Ces mots, c'était la première fois que Hee-sun les entendait, et lorsqu'ils vinrent effleurer ses tympans, la brune fondit en larmes, à la fois soulagée et heureuse que son garçon ait enfin ouvert les yeux.
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