Jimin ignorait depuis combien de temps, il était dans la voiture avec Zeus. L'animal dormait sur la banquette arrière et en voyant sa patte avant entourée par le bandage, le médium eut les larmes aux yeux. Il était le seul responsable de cette situation. S'il n'avait pas réussi à s'enfuir, son ami à quatre pattes aurait pu y rester.

Autour d'eux, c'était l'anarchie, du moins c'était ainsi que le blond voyait la situation. Il avait tellement mal à la tête qu'il avait l'impression que tous les bruits étaient amplifiés. Le personnel scientifique ne cessait de faire des allers-retours dans le bâtiment pendant que les policiers étaient en train d'interroger tous les voisins.

Dans l'appartement, Jungkook venait de rassembler des affaires à Jimin dans un sac de sport et avait fait de même avec les siennes. Il avait veillé à prendre leur passeport ainsi que leur ordinateur portable avant de rejoindre le salon qui était envahi par des inconnus. Quand il était entré et qu'il avait vu l'état des lieux, son cœur s'était brutalement comprimé dans sa poitrine. Tout était sens dessus dessous. Il ne restait que le souvenir de ce meuble de salon ainsi que tout ce qui s'y trouvait. La table de la salle à manger avait également été poussée, sans parler de l'état de leur cuisine ou une mare de sang avait repeint leur carrelage.

Le brun n'avait pas assisté à la bagarre, mais en voyant l'état de leur domicile, il pouvait sans mal imaginer le calvaire que Jimin avait vécu et le courage qu'il lui avait fallu pour tenir tête à son agresseur.

— Commandant, appela une voix, le ramenant à la réalité.

Le concerné tourna la tête pour faire face à Luka qui venait d'arriver.

— Salut, désolé, j'ai fait aussi vite que j'ai pu, reprit ce dernier.

— Ce n'est pas grave. Merci d'être venu, je... je préfère avoir quelqu'un de confiance sur ce coup, expliqua Jungkook.

En réalisant qu'il ne connaissait pas l'équipe scientifique qui avait été envoyée chez lui, le tatoué n'avait pas pu s'empêcher d'appeler ses deux amis en qui il avait toute confiance pour lui confier cette enquête. Il avait été soulagé que ces derniers acceptent sans rechigner.

— Je comprends, comment va Jimin ? demanda-t-il, inquiet pour son ami.

— Il est sous le choc, mais ça ira.

— Ok, tu l'embrasseras de notre part.

Le brun hocha la tête avant de voir une tête blonde à lunette venir vers eux.

— Salut commandant, comment va Jimin ?

— Je viens de lui demander bébé, il a dit qu'il allait bien, répondit Luka à l'attention de son amant.

— Je suis rassuré. J'ai discuté avec le gars qui gère l'équipe scientifique. Ils ont trouvé plusieurs taches de sang et ont fait des prélèvements pour l'analyser. Ta baie-vitrée a été forcée, mais ils n'ont pas trouvé d'empreinte.

— Il devait porter des gants, supposa le commandant.

— C'est le cas, ils en ont trouvé un, près du canapé, annonça Chad.

— Zeus l'a mordu, il l'a peut-être perdu à ce moment-là.

— Il y a de forte chance, fit Luka

— Ok, je compte sur vous pour prendre le relais ou vous assurer que ces abrutis n'oublient rien. Si vous avez du nouveau, appelez-moi immédiatement.

— Bien-sûr, on se met sur le coup dès maintenant, assura Luka.

— Merci les gars, je suis désolé de gâcher votre week-end en amoureux.

— Tu rigoles, Jimin fait partie de la famille, on va t'aider à retrouver l'enfoiré qui lui a fait ça, promit Chad avec un sourire bienveillant.

— Vous êtes les meilleurs, fit Jungkook.

— On sait, gloussa le blond à lunettes.

Le tatouer se mit à rire et fit signe à ses deux amis avant de regarder une dernière fois autour de lui pour enfin partir. Il devait aller s'assurer que son cadet allait bien et surtout, il devait le mettre en lieu sûr.

En arrivant dehors, il fut immédiatement frappé par le vent frais qui avait enveloppé la ville. Sans perdre plus de temps et ignorant totalement la présence de ses voisins, il prit la direction de l'Audi qui était garée plus loin, derrière le périmètre de sécurité.

— Commandant ! s'exclama une voix féminine derrière lui.

Le concerné se stoppa, soupira longuement et vit volte face vers la femme qui marchait dans sa direction.

— Oui ?

— Je suis désolé commandant, je cherche la victime, monsieur... la jeune officier regarda dans son calepin le nom qu'elle avait noté avant de lever de nouveau les yeux vers son supérieur. Monsieur Park Jimin. Est-ce que vous l'avez vu ?

— Oui, il est dans ma voiture. Qu'est-ce que vous lui voulez ?

— Je dois l'interroger commandant, déclara la femme aux cheveux bruns.

Jungkook la toisa un instant, l'observant de la tête au pied et à en croire la plaque brillante qui était accrochée à sa chemise, elle était nouvelle dans le métier, il décida alors d'être le plus cordial possible.

— Officier...

— Wang. Officier Jia Wang, se présenta cette dernière.

— Officier Wang, reprit le tatoué avec un sourire forcé. Je suis ravi de voir que vous prenez votre travail très au sérieux, mais je vais m'occuper de l'interrogatoire de monsieur Park.

— Je m'excuse, commandant, mais j'ai reçu l'ordre de l'interroger maintenant, insista Jia.

— Ok, soupira Jungkook à bout de patience. J'ai été poli parce que vous êtes nouvelle, mais maintenant, je vais être clair. Park Jimin est non seulement la victime, mais également mon ami. Il est chamboulé, surement effrayé alors, vous allez le laisser tranquille. Comme vous le répétez depuis le début de notre conversation, je suis votre commandant, autrement dit, tous les ordres que vous pouvez recevoir sont annulés si je vous le demande. Donc, je vous le dis une dernière fois, je vais m'occuper de son interrogatoire, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

Le jeune femme sembla déboussolée par le ton dur de l'homme, mais finit par hocher la tête avant de s'incliner.

— J'ai compris, commandant.

— Merci.

Sans rien ajouter, il tourna les talons et partit en direction de sa voiture. Quand il arriva près de celle-ci, son regard se posa sur Jimin qui fixa sa fenêtre, le regard perdu dans le vide. Prudemment, pour ne pas lui faire peur, il ouvrit la portière conducteur et se pencha en avant.

— Hé microbe, ça va ?

— Qu'est-ce qu'il a dans ces sacs ? demanda-t-il, ignorant la question de son aîné.

— Des affaires pour la nuit et pour le week-end. J'ai aussi pris ton passeport et ton ordinateur.

— Je... je dois aller chercher quelque chose !

Sans attendre l'aval du brun, Jimin détacha sa ceinture et sortit de la voiture, non sans grimacer de douleur.

— Hé microbe, attends ! s'exclama Jungkook en le suivant du regard.

— Je reviens !

Le blond se mit en marche vers l'appartement et y entra sans un mot et sans accorder un seul regard à ce qui l'entourait. Il ne voulait pas revivre ce moment d'effrois alors sans s'attarder, il traversa le couloir jusqu'à sa chambre où il trouva un homme qu'il ne connaissait pas. Ce dernier était vêtu d'une veste de la scientifique et observait les lieux. Subitement, Jimin sentit un mal-être l'envahir. Sa chambre était son espace privé, sa zone de confort, savoir qu'un inconnu avait souillé ce lieu, lui tordit l'estomac.

— Bonsoir, je peux vous aider ? demanda le scientifique, ayant remarqué la présence du jeune médium.

— C'est ma chambre, je viens juste récupérer quelque chose.

— C'est une scène de crime, vous n'avez pas le droit de prendre quoi que ce soit.

— Ce sont des affaires personnelles.

— Je comprends, mais la réponse reste la même.

Jimin sentit la colère l'envahir et au moment où il était sur le point de la déverser sur cet imbécile qui lui barrait la route, une voix qu'il reconnut immédiatement résonna derrière lui.

— Laissez-le prendre ce qu'il veut, ordonna Jungkook.

— Co-

— Je ne vous demande pas votre avis, cingla le brun. D'ailleurs, sortez d'ici, l'agression a eu lieu dans les espaces de vies, vous n'avez rien à faire dans cette chambre !

L'homme s'apprêtait à répliquer, mais sous le regard noir du policier, il se ravisa et quitta la pièce.

— Je suis désolé, j'aurai dû leur dire de ne pas entrer ici.

— Ce n'est pas grave, répondit Jimin d'un ton plus froid que d'ordinaire.

— Prends tout ce dont tu as besoin.

Sans le regarder, le médium souleva le bord de son matelas et en sortit l'enveloppe où il avait rangé le dossier sur le meurtre de son meilleur ami.

— Tu as pris la clé USB de Yoongi ? demanda-t-il.

— Oui, elle est dans ta pochette avec ton ordinateur.

— Merci.

Jimin enfila ensuite la veste du mentholé et prit son bracelet qui était dans la boite à chaussure. Il rangea cette dernière dans son dressing, priant pour que personne ne l'ouvre.

— Tu as tout ce qu'il faut ? questionna Jungkook avec douceur.

Le plus jeune regarda autour de lui et quand son regard se posa sur la peluche rose que le brun avait gagnée pour lui, il ressentit le besoin vital de la prendre.

— Maintenant oui, répondit-il, les joues légèrement teintées.

— Tu as raison, il ne fallait pas oublier le lapin rose, gloussa Jungkook, attendri.

— Ferme-la, grommela Jimin, embarrassé.

— Trop mignon. Allez viens, sortons d'ici.

Le plus jeune hocha la tête, et suivit le tatoué à travers leur domicile. Lorsqu'ils arrivèrent dans le salon, le commandant donna des instructions concernant leurs chambres à l'officier Cho, puis ils quittèrent enfin leur appartement.

Dans la voiture, le silence régnait en maitre. Jimin savait que son aîné mourrait d'envie de lui remonter les bretelles. Il savait que ça arriverait, mais il le remerciait de ne pas le faire maintenant.

— Il faudra qu'on en parle, tu le sais, pas vrai ? fit le brun, le regard rivé sur la route.

— Je sais.

— Tu as été imprudent, le réprimanda doucement Jungkook.

— Je sais, répéta le médium, le regard baissé sur ses mains.

— Je pensais qu'on avait établi une relation de confiance. Je pensais que tu avais confiance en moi.

— C'est le cas, je... je ne sais pas pourquoi j'ai gardé ça pour moi. Je... je crois que j'avais peur que tu ne comprennes pas où que tu essaies de m'en empêcher, expliqua le plus jeune.

Jungkook n'était pas froid, ni même dur, au contraire, sa voix était calme et reposante et ce détail ne faisait qu'augmenter l'anxiété de Jimin. Il avait la sensation qu'à tout moment, la bombe allait lui éclater en plein visage, car Jeon Jungkook n'était pas du genre à rester aussi calme, surtout pas dans ce genre de situation.

— Je te l'ai dit un demi-million de fois, je préfère que tu me dises clairement les choses, plutôt que tu les fasses derrière mon dos et te mettes en danger.

— Je suis désolé, murmura le médium.

— Je n'ai pas besoin de tes excuses, je ne veux plus de mensonge, plus de secret. Compris ?

— Oui, répondit Jimin, d'une voix toujours aussi basse.

Ce mot mit fin à leur conversation et quelques minutes plus tard, l'Audi rouge entra dans le parking d'un hôtel. En silence, les deux hommes ainsi que Zeus quittèrent le véhicule pour se diriger vers le bâtiment. À l'accueil, ils furent accueillis par une jeune femme européenne qui leur offrit un sourire accueillant.

— Bonsoir messieurs, fit cette dernière.

— Bonsoir, je voudrais une chambre s'il vous plait. Vous acceptez bien les animaux ?

— Oui, bien-sûr. Il me faudrait un nom pour la réservation.

Jungkook sortit sa plaque et la posa sur le comptoir.

— Ce sera au nom de la police de Busan.

— Oh, très bien, acquiesça l'hôtesse.

— Merci beaucoup.

— Un ou deux lits ?

— Deux s'il vous plaît, répondit le commandant.

Jimin ne fut qu'à moitié surpris par cette réponse, même si une part de lui espérait que son aîné choisisse la première option.

— Voilà, vous avez la chambre 113 au premier étage. Il y a tout ce qu'il faut pour le chien, annonça la jeune femme.

— Merci beaucoup, bonne soirée.

Lui offrant un sourire sans joie, le médium s'inclina et se mit en marche avant de remarquer que son colocataire ne le suivait pas. Il se tourna vers lui et le vit soulever Zeus dans ses bras avant de venir le rejoindre.

— On va prendre l'escalier, déclara ce dernier.

Jimin hocha la tête et ils se mirent en route vers leur chambre. Une fois à l'intérieur, le commandant déposa prudemment son compagnon à quatre pattes dans le panier que l'hôtel avait mis à leur disposition avant de se tourner vers son cadet.

— Repose-toi, on discutera de tout ça demain.

En réponse, le blond hocha simplement la tête avant d'ouvrir son sac et de prendre son pyjama qui se résumait à un t-shirt et un jogging. Le visage fermé, il se dirigea vers la salle de bain dans laquelle il s'enferma pour s'isoler.

Ne voulant pas mouiller le pansement sur son avant-bras, Jimin prit la plus petite des serviettes, et nettoya son corps. Durant tout le temps qu'il avait passé dans cette petite pièce, il avait pris soin de ne pas croiser son reflet dans le miroir. Il savait que s'il le faisait, il y avait de grandes chances qu'il craque et il ne voulait pas que ça arrive. Il devait être fort, il devait contrôler ses émotions. C'était de sa faute s'il était dans cette situation. Il était celui qui avait menti à ses amis. Il avait voulu faire les choses à sa manière et la vie lui faisait payer le prix de son erreur.

Quand il passa son t-shirt au-dessus de sa tête, ses yeux se posèrent sur le miroir et il constata avec effroi que la partie droite de son visage commençait à changer de couleur. L'os de sa mâchoire avait pris une couleur plus sombre, ce qui voulait dire que demain, sa peau aurait viré au bleu, voir violet.

— Hé microbe, ça va ? retentit une voix derrière la porte.

— Oui, j'ai bientôt fini, répondit le médium sans quitter son reflet des yeux.

Il entendit les pas de Jungkook s'éloigner et prit une grande inspiration avant de sortir sa brosse à dent. Une fois prêt, il quitta la pièce et retrouva son colocataire assis à la petite table près de la fenêtre. Ce dernier leva les yeux de son écran pour le poser sur le plus jeune qui s'avançait vers l'un des lits.

— Est-ce que ça va ? demanda-t-il.

— Hm, je suis fatigué.

— C'est normal, repose-toi.

Le médium repoussa la couette en hochant la tête avant de s'immobiliser, son regard rivé sur la porte d'entrée.

— Est-ce que la porte est fermée à clé ?

— Oui, ne t'en fais pas. Tu peux dormir tranquille.

Rassuré, le blond prit sa peluche avec lui et s'allongea dans le lit sur le flanc droit, dos au commandant qui ne l'avait pas quitté des yeux. Il pouvait voir à quel point son cadet prenait sur lui pour ne rien laisser paraitre et même s'il aurait voulu qu'il lui parle de ce qu'il ressentait, il le laissa dans sa solitude.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Il était plus de trois heures du matin. Le silence était roi dans la chambre d'hôtel où se trouvaient les deux colocataires. Assis à la même place, Jungkook faisait des recherches dans la base de donnée de la police, à la recherche de la moindre information que ses collègues auraient pu entrer concernant l'agression de Jimin.

Allongé dans son lit, le médium dormait profondément, mais son sommeil semblait agité. Ce dernier tressautait en gémissant, recroquevillé sur lui-même. À plusieurs reprises, le commandant avait pensé à le réveiller, mais il n'avait pas osé, sachant pertinemment qu'il avait besoin de repos.

Sentant la fatigue l'envahir, Jungkook se leva avec l'intention de quitter la chambre pour aller se chercher un café lorsqu'un hurlement de terreur déchira l'air.

— NON ! PAS LUI ! NON ! NON ! hurla Jimin en se débattant.

Le médium se redressa d'un bond, le visage ravagé par les larmes qui coulaient à flot. Regardant autour de lui comme s'il recherchait quelque chose, ses yeux écarquillés transcrivaient tout l'effroi qu'il ressentait. Sa respiration était saccadée, comme si ses poumons peinaient à fonctionner.

Inquiet, Jungkook se précipita vers le lit pour s'asseoir sur le rebord. Quand Jimin parvint enfin à sortir de sa transe et que son regard se posa sur son aîné, il se jeta à son cou. Sans le lâcher, il quitta le lit et vint s'installer sur ses cuisses, le serrant si fort que le brun en eut la respiration coupée. Son cadet s'accrochait à lui avec un tel désespoir qu'il sentit son cœur se comprimer face à sa peur. Ses jambes s'étaient enroulées autour de sa taille, s'assurant qu'il ne puisse pas lui échapper.

— Hé microbe, je suis là. Tu es en sécurité. Tout va bien, murmura-t-il avec douceur.

Malgré ses paroles rassurantes, le concerné était incapable de réfléchir. Tout ce qu'il parvenait à faire était de pleurer dans le cou du plus vieux qui caressait son dos avec le plus de tendresse possible.

— Tout va bien, répéta Jungkook en tenant toujours son corps tremblant contre le sien. Ce n'était qu'un cauchemar.

Le médium voulait lui dire pourquoi il était si effrayé. Il voulait lui raconter ce qu'il avait vu, ce qu'il avait ressenti. Il voulait qu'il sache qu'il venait d'avoir la sensation de perdre une moitié de son âme, mais il était incapable de parler. Tout ce qu'il désirait, c'était qu'il continue de le serrer contre lui. Qu'il continue de lui dire qu'il était là, parce que tant qu'il entendait sa voix, cela voulait dire qu'il était bien vivant, que ce qu'il venait de vivre n'était qu'un affreux cauchemar.

Encore prisonnier de la prise du plus jeune, Jungkook restait silencieux et immobile. Il pouvait sentir le cœur de Jimin battre à travers sa poitrine. Le rythme de ce dernier était si rapide, qu'il avait l'impression qu'il pouvait exploser à tout moment.

— Je suis juste là. Je ne vais nulle part, je te le promets, mais je t'en supplie, calme-toi, ordonna le tatoué d'un ton calme et rassurant.

Jimin trouva la force de se reculer et planta ses yeux rouges et bouffis dans ceux de son vis-à-vis.

— Je... je...

Ses sanglots avaient déclenché un hoquet qu'il n'arrivait pas à contrôler, ni à calmer, l'empêchant de parler. Avec tendresse, Jungkook vint essuyer les larmes sur ses joues avant de dégager des mèches de cheveux de son visage.

— Calme-toi d'abord, tu parleras après. Allez, inspire et expire doucement.

Le tatoué suivit ses propres instructions, aidant le plus jeune à se calquer sur sa respiration. Quelques minutes plus tard, lorsqu'il parvint enfin à reprendre ses esprits, Jimin se laissa retomber contre le commandant, son visage enfoui dans son cou.

— Est-ce que tu veux me dire de quoi tu as rêvé ? demanda-t-il.

Le médium resta muet de longues secondes avant de retrouver le courage de prendre la parole.

— Je... j'ai rêvé de ce qui s'est passé.

— C'est normal, ça arrive souvent après un tel choc, mais c'est fini, tu es en sécurité, promit le brun en caressant son dos.

Le plus jeune se recula et verrouilla ses prunelles noires à celles de son aîné.

— Tu... tu étais là. Il...

En se souvenant de cette scène, les yeux du blond se remplirent de larmes qui ruisselèrent sur ses joues rougies.

— Tu es venu m'aider et il... il t'a tué. Tu... tu es mort sous mes yeux, articula difficilement Jimin, la gorge nouée par les pleurs.

— Ce n'était qu'un cauchemar microbe. Regarde, je suis devant toi. Je vais bien et toi aussi.

— Mais ça aurait pu arriver ! Si tu avais été à la maison, tu aurais pu être blessé à cause de moi. J'aurais pu te perdre toi aussi ! Je... je ne veux pas... pas encore. Je-

Jungkook l'interrompit et le ramenant contre lui, entourant son corps svelte de ses bras puissants. Il le maintint contre lui, tentant par son silence et son contact de calmer ses craintes et son angoisse. Le désarroi qui possédait ce garçon était encore plus grand que lors de sa dernière crise.

En sentant que Jimin voulait se reculer, il desserra sa prise et fut pris de court lorsqu'il sentit la bouche de ce dernier se plaquer contre la sienne dans l'espoir d'un baiser. Même s'il savait que ce n'était pas la solution, le commandant lui répondit, laissant ses lèvres danser sur les siennes tandis qu'il rapprochait davantage son corps.

— Pas comme ça, l'interrompit le tatoué en sentant le bassin du blond bouger contre le sien.

— S'il te plaît. J'ai besoin de te sentir en moi.

— Je vais rester avec toi, toute la nuit si tu veux, mais je te l'ai déjà dit, je ne te toucherai pas quand tu es dans cet état. Rappelle-toi ce que tu m'as dit hier.

Jimin se stoppa et ancra ses orbes sombres dans celles du commandant qui le regardait avec douceur.

— Je suis désolé, murmura-t-il entre deux hoquets.

Avec un sourire débordant de compassion, le tatoué déposa un baiser chaste sur ses lèvres rougies avant qu'il ne vienne se blottir contre lui.

— Je... je sais que tu ne fais pas ça, mais est-ce... est-ce que tu peux dormir avec moi ? Juste cette fois.

Il avait raison, Jungkook dormait toujours seul. Il avait été clair avec lui dès le début, mais ce soir, le médium avait besoin de lui, il avait besoin de se sentir en sécurité, alors il mit sa propre règle de côté pour lui, pour son bien.

— D'accord, acquiesça le brun en embrassant le haut de sa tête. Recouche-toi.

Avec un hochement de tête et les joues rougies, Jimin se sépara de lui et se glissa sous sa couette. C'était la première fois qu'il allait réellement partager son lit avec Jungkook sans qu'il couche ensemble et cela créa en lui une légère angoisse.

Le commandant se mit sur pied, retira ses vêtements de ville et vint enfiler un jogging qui lui servirait de pyjama pour la nuit avant de partir vers la salle de bain. Sa brosse à dent en main, il fixa le miroir pendant qu'il s'attelait à la tâche. La petite voix dans sa tête lui hurlait qu'il n'était qu'un imbécile, qu'il jouait avec le feu et en regardant son propre reflet, il hésita plusieurs fois à revenir sur ses paroles. Une part de lui espérait que Jimin se soit endormi seul, pour qu'il n'ait pas à franchir la ligne, mais l'autre moitié, voulait le prendre dans ses bras. Il désirait le réconforter, éloigner toutes ses peurs pour qu'il puisse enfin se reposer. Jungkook était totalement perdu. Il devait arrêter de faire semblant et accepter ce qu'il ressentait, mais il ne voulait pas. Il avait bien trop peur.

Quand il eut fini, le brun retourna dans la chambre et son regard se posa sur son cadet qui s'était allongé sur le flanc, au bord du matelas, pour lui laisser assez d'espace. Il fixait un point invisible devant lui, luttant presque contre la fatigue qui tentait de prendre possession de lui. Son regard se posa rapidement sur le plus vieux qui avançait vers lui.

Bien plus embarrassé qu'il ne voulait laisser paraitre, le policier se glissa sous les draps et s'allongea sur le flanc droit, faisant face au blond. Le lit une place laissait peu d'espace personnel, mais aucun d'eux ne bougea.

Les deux hommes se regardèrent dans les yeux de longues minutes, chacun enfermé avec ses propres pensées. En observant le garçon à la chevelure dorée, Jungkook eut la sensation désagréable de se voir quelques années en arrière après la mort de Sangwoo. Il n'était pas du genre à se confier, mais une part de lui avait envie de parler de ce qui s'était passé, de ce poids qu'il portait encore sur ses épaules, même après toutes ses années.

— Est-ce que... est-ce que tu veux savoir pourquoi j'ai été renvoyé de l'armée ? demanda le tatoué.

Sa question sembla surprendre Jimin qui écarquilla faiblement les yeux avant de hocher la tête. Est-ce qu'il allait avoir des réponses à ses questions ? Allait-il enfin savoir pourquoi son aîné était ainsi ? Pourquoi il avait érigé des barrières aussi épaisses autour de son cœur ?

— Seulement si tu en as envie.

— Je n'en parle pas souvent, mais je te demande sans cesse de me faire confiance et de me parler. Je... je crois que je dois m'ouvrir aussi.

Le cœur du plus jeune se mit à battre plus vite alors qu'il sentit ses joues se réchauffer. Timidement, il s'approcha du tatoué et vint entrelacer leurs jambes.

— Je t'écoute, fit le médium avec un sourire rempli de tendresse.

— Quelques années après avoir rejoint l'armée, j'ai été promu à la tête d'une unité d'élite de neuf hommes et femme dont Sangwoo, le fils du capitaine. Nous étions sous les ordres directs de l'homme le plus gradé de notre armée et nous intervenions dans les endroits les plus sensibles. Un jour, notre supérieur nous a confié une mission. Nous devions aller éliminer un homme dans un petit village à la frontière nord-coréenne. C'était simple, mais une fois sur place, les choses ont mal tourné. Je me suis rendu compte que c'était un piège et qu'on avait été trahis par notre supérieur. Avant que...

La gorge de Jungkook se noua brutalement lorsque le souvenir de cette nuit le frappa de plein fouet. Malgré lui, son esprit lui renvoya des bribes de ce moment. Il eut l'impression d'entendre de nouveau toutes les détonations et de sentir l'odeur du sang et de la poudre à canon qui l'avait entouré. Tous ces détails qu'une personne lambda aurait rapidement effacés, le hantaient. Il n'arrivait pas à oublier ce qu'il avait ressenti. Il n'arrivait pas à oublier la peur, la détresse, l'angoisse et la colère qui l'avaient envahi lorsqu'il avait vu tous ses frères et sœurs d'armes périr sous ses yeux.

— Tu n'es pas obligé de continuer, le rassura Jimin en prenant sa main dans la sienne.

Le brun prit une profonde inspiration, tentant de contrôler ce nœud qui comprimait son œsophage. Il ne voulait pas laisser la peine l'envahir. Trop de larmes avaient déjà coulé. Le commandant resta silencieux durant de longues secondes, savourant le contact chaud de la paume du plus jeune contre la sienne. Sa simple présence était un réconfort qu'il aurait aimé avoir à l'époque.

— Avant qu'on ait le temps de se replier, les balles se sont mise à pleuvoir. On était encerclé et même si nous avions réussi à en tuer une grande partie, tous mes amis y ont laissé la vie. Sangwoo et moi étions les seuls à avoir miraculeusement survécu et par chance je... j'avais trouvé un véhicule en état de marche, mais...

Les yeux du commandant devinrent subitement humides et le médium sentit son cœur se comprimer dans sa poitrine. C'était la première fois qu'il voyait son aîné aussi vulnérable et même s'il était touché de la confiance qu'il lui accordait, il était aussi attristé de le voir dans cet état. Jimin savait à quel point c'était douloureux de parler des blessures du passé, de la perte d'un être cher ou des traumatismes. Il ne le savait que trop bien.

Leurs doigts entrelacés, le plus jeune les amena jusqu'à sa bouche et y déposa un baiser, voulant par ce simple geste l'encourager et le consoler.

— Quand on est monté dans la voiture, j'ai... j'ai vu que Sangwoo était blessé. Il avait été touché à l'abdomen. J'ai... j'ai tout essayé pour le sauver, pour qu'il tienne jusqu'à la base, mais... il y avait trop de sang. On était à quelques kilomètres quand il m'a demandé d'arrêter la voiture. Il... sentait que c'était la fin alors, il m'a demandé de rester avec lui.

Jungkook eut besoin d'une nouvelle pause pour contrôler les larmes qui menaçaient de couler au moindre mouvement. Face à lui, Jimin était incapable de retenir les siennes. Il imaginait, tel un spectateur, la scène comme si elle se déroulait sous ses yeux et il ne put s'empêcher de penser aux paroles de madame Lim. Sangwoo était amoureux de Jungkook et en sentant sa vie le quitter, il avait souhaité passer ses derniers instants dans les bras de l'homme qu'il aimait. C'était si tragique, si douloureux qu'il était impossible pour le médium de contenir ses émotions.

— J'ai fait ce qu'il m'a demandé et j'ai essayé de stopper l'hémorragie, mais j'ai échoué. Il est mort dans mes bras. J'ai... j'ai vu la vie le quitter alors qu'il me regardait droit dans les yeux.

Un long silence les entoura et durant une fraction de seconde, le médium pensa que son aîné avait atteint sa limite de confession, mais sa voix retentit de nouveau.

— Quand je suis rentré à la base avec son corps, j'ai affronté mon supérieur, mais il avait tout prévu. Personne n'était au courant de cette mission et bien-sûr, il a nié toute implication, proclamant que nous avions agi de notre propre chef. L'affaire est allée jusqu'au tribunal militaire, mais faute de preuve autant contre moi que contre lui, aucun de nous n'a été inculpé. Quelques semaines plus tard, j'ai été remercié. Pour éviter d'ébruiter l'affaire, ils ont fait ça proprement. J'ai pu garder mon grade et mon dossier n'a pas été entaché, ce qui m'a permis d'entrer dans la police.

— Est-ce que tu sais pourquoi ton supérieur vous a trahis ? osa demander Jimin.

— Non, toujours pas et je ne le saurai jamais. Je n'ai que des suppositions, mais aucune réponse concrète. Je sais que cet homme ne sera jamais puni pour le meurtre de mes hommes. Je sais qu'il continuera de se pavaner avec ses médailles sans payer le prix de ses crimes, mais je sais qu'un jour, le karma s'occupera de lui.

— Je... je peux te poser une question ? murmura le plus jeune d'une voix prudente.

Le commandant ancra ses yeux dans les siens et hocha doucement la tête.

— Est-ce que c'est à cause de ce qui s'est passé que tu as commencé à te droguer ?

— En autre oui. C'était une période difficile de ma vie et même si Taehyung et mes parents étaient là, je me sentais terriblement seul. Dans... dans un sens, c'est toujours le cas, mais c'est différent.

La dernière phrase se perdit dans un murmure, mais Jimin parvint tout de même à la comprendre, ce qui serra violemment sa poitrine. À l'heure actuelle, il était avec lui, il était si près de lui, pourquoi se sentait-il seul ? Est-ce que sa présence et son attention ne suffisaient pas ? Que pouvait-il faire de plus pour l'aider ?

— Tu as intégré la police tout de suite après ton départ de l'armée ? reprit le médium.

— Non, je ne sais plus si je te l'ai dit, mais quand je suis rentré au pays, je suis retourné chez mes parents. C'était autant horrible pour eux que pour moi parce que j'étais une bombe à retardement. J'étais tout le temps en colère, je me détestais et je détestais la terre entière, car personne ne m'avait cru. C'est là que j'ai commencé à traîner avec les mauvaises personnes et à me droguer. Je passais mes journées à dormir et mes nuits dans les bars. Je me droguais, je buvais et je couchais avec n'importe qui. Je faisais tout pour ne pas être lucide, parce que lorsque j'avais les idées claires, je n'avais qu'une seule envie, c'était de me foutre en l'air. Je ne pensais qu'à ça alors, je faisais tout ce que je pouvais pour ne plus penser. Un jour, je me suis disputé avec ma mère. Pour être honnête, je ne me souviens même plus pourquoi. Cette fois, j'ai dépassé les bornes et elle a décidé de m'envoyer chez Taehyung. Il a parlé de mon état à Lim qui, bien évidemment, a tout de suite agi. Il m'a aidé à me sevrer et grâce à Tae, j'ai fait la connaissance de Lilith qui a été ma psy durant un long moment.

En écoutant l'histoire de cet homme qu'il admirait et appréciait, Jimin eut envie qu'il le prenne dans ses bras. C'était stupide, car celui qui était en train de se confier était Jungkook, c'était lui qui avait besoin de réconfort, mais sans comprendre pourquoi, le garçon aux mèches décolorées avait l'impression de ressentir toute sa peine.

Prudemment, le médium s'approcha de lui et même s'il savait qu'il y avait une chance qu'il le repousse, il vint se lover contre son torse. Lorsque leurs corps furent collés l'un à l'autre, il fut surpris de voir la facilité avec laquelle ils s'emboitaient l'un contre l'autre, telles deux pièces d'un même puzzle qui se retrouvaient enfin.

— Je suis heureux que tu aies eu le courage de te battre. Je crois que si j'avais subi tout ça, je n'aurais pas eu autant de force que toi, fit-il d'une voix basse.

— Tu es bien plus courageux que moi, répondit Jungkook en venant finalement entourer la taille de son cadet de son bras recouvert de tatouages.

— Merci de m'avoir raconté tout ça. Je sais que ça ne doit pas être simple, mais j'ai l'impression de mieux te connaitre maintenant et surtout de comprendre certaines choses.

— Je voulais que tu saches, que je sais ce que tu ressens. Je sais ce que ça fait de perdre une personne que l'on aime. Je connais ce sentiment de vengeance qui nous ronge et ce besoin vital de ne rien ressentir. J'ai laissé la colère m'envahir et je me suis perdu, mais je ne veux pas qu'il t'arrive la même chose. Je... je sais que je ne suis pas le mec le plus agréable à vivre, mais je suis là pour toi.

De nouveau, les larmes vinrent brouiller la vue du plus jeune qui enfouit son visage dans le cou du commandant. Ses paroles, aussi banales soient-elles, étaient un réel réconfort, tel un baume cicatrisant qui venait d'être appliqué sur ses blessures.

— Rendors-toi maintenant, murmura Jungkook en le serrant davantage contre lui.

— Merci, fit simplement Jimin en reniflant faiblement.

Les muscles de son corps totalement détendus, le médium laissa enfin la fatigue l'emporter aux portes des abysses. Le sommeil l'avait presque englouti, lorsque les murmures de son aîné résonnèrent dans ses oreilles.

— Je serai toujours là pour toi, je te le promets.