Taehyung était arrivé à l'heure habituelle au commissariat. Il y avait retrouvé ses deux collègues qui, comme promis, lui avaient raconté ce qui s'était passé depuis leur réveil et les recherches qu'ils avaient faites. Malheureusement, les résultats n'avaient pas été très concluants. Au cours des dix dernières années, plusieurs personnes portant le nom de Naeyon, avaient été portées disparues. Jungkook avait donc confié à Kuina, la tâche de rassembler toutes les informations et les dossiers qui pouvaient exister.

— Au fait, commença Taehyung en levant les yeux de son ordinateur. C'était quoi cette invasion de peluche sur mon lit ?

— Oh ça, gloussa Jungkook. Un cadeau pour tes gremlins.

— Gremlins ? répéta le lieutenant.

— C'est comme ça que Jungkook appelle tes futurs enfants, expliqua Jimin en tentant de retenir un rire.

Le châtain haussa les sourcils et regarda ses deux amis à tour de rôle, choqué et amusé.

— Eh bien, je vais le dire à Lilith, elle sera contente de l'apprendre, gloussa Taehyung.

— Bon, oublie le surnom ! Tu as vu les peluches ? Elles sont cool non ? lança le tatoué en tentant de détourner la conversation.

Cet essai fit rire ses deux coéquipiers avant que leur conversation ne soit interrompue par la sonnerie de téléphone du commandant.

— C'est le légiste, annonça ce dernier.

— Mets le haut-parleur, exigea le lieutenant.

Le brun hocha la tête et accepta l'appel.

— Salut Fong, t'es sur haut-parleur.

— Oh, bonjour les gars.

— Tu as du nouveau ? demanda Taehyung après avoir salué son collègue.

— Oui, est-ce que vous pouvez passer à la morgue ?

— Oui, bien-sûr, on arrive, répondit Jungkook.

— Ok, à tout de suite alors.

Le médecin légiste mit fin à l'appel et immédiatement, les deux policiers se levèrent en parfaite synchronisation.

— Je viens avec vous ! annonça Jimin, sans réellement demander l'autorisation.

Le commandant regarda son coéquipier qui haussa les épaules en guise de réponse. Sans attendre l'aval verbal des deux hommes, le médium prit son téléphone et se dirigea vers la sortie avant de s'arrêter et de se tourner vers ses coéquipiers qui n'avaient pas bougé.

— Vous attendez le déluge ou quoi ?

— Mais c'est qu'il est pressé le microbe, répliqua Jungkook, faussement agacé.

Taehyung laissa échapper un petit rire et ils quittèrent enfin le bureau.

— Kuina, on va à la morgue ! lança le commandant. Tu avances de ton côté ?

— Quatre appels sur dix, mais je n'ai aucun résultat pour le moment, répondit la jolie brune depuis la table tactile.

— Ok, tu m'appelles si tu as du nouveau, ordonna le tatoué.

— À vos ordres, commandant, répondit Kuina, mimant un salut militaire.

En silence, les trois collègues quittèrent le bâtiment pour rejoindre leur véhicule. Le trajet jusqu'à la morgue fut court et silencieux. Comme toujours, les deux meilleurs amis échangèrent quelques banalités et Jimin les écoutaient jusqu'à ce qu'il ne ressente un étrange frisson le traverser.

Salut, lança Yoongi avec un grand sourire. Tu as vu, je m'améliore, j'annonce mon arrivée.

— Oui, je te félicite, ricana Jimin.

Les deux hommes à l'avant furent interpellés par la voix de leur cadet. Jungkook regarda à travers son rétroviseur, confus, tandis que Taehyung se tourna légèrement.

— Il recommence, murmura le tatoué.

— Ferme là, répliqua le châtain sur le même ton.

Qu'est-ce qu'il dit le grincheux ? lança le mentholé.

— Laisse tomber, gloussa le médium. Pourquoi tu es là ?

Je m'ennuie. Vous avez du nouveau sur Naeyon ?

— Non, aucune. Tu as revu Mei ?

Nope, je l'ai cherché au bar des fantômes, mais elle a disparu.

La petite pointe d'humour dans la réponse de Yoongi fit de nouveau rire Jimin avant que son meilleur ami ne reprenne la parole.

Au fait, tu as eu du nouveau sur la fille du flic ? demanda ce dernier.

Le blond ne pouvait pas répondre maintenant. Ses deux coéquipiers ignoraient tous de son enquête solitaire et il ne voulait pas qu'ils sachent, car ils tenteraient de l'arrêter.

— Pas maintenant, murmura le médium.

Oh, c'est vrai, les deux rigolos ne sont pas au courant.

— On en parle plus tard, chuchota Jimin.

Ok, ok, se résigna Yoongi en s'enfonçant dans son siège.

Lorsque l'Audi se gara sur le parking de la morgue, le conducteur coupa le contact et les trois hommes quittèrent le véhicule. Ensemble, ils prirent le chemin de la morgue et furent accueillis par Sang-min.

— Bonjour messieurs, fit ce dernier.

— Salut Sang, où est Renji ? demanda Jungkook.

— Juste là, répondit l'assistant du légiste en désignant une porte battante blanche qui se trouvait derrière lui.

Après l'avoir remercié, le commandant et ses deux coéquipiers poussèrent la porte et firent face à Renji Fong qui était assis derrière son bureau, pianotant sur son ordinateur.

— On est là, Renji, qu'est-ce que tu as de beau pour nous ? lança le tatoué.

La première chose sur laquelle se posèrent les yeux de Jimin fut le corps de Mei qui était allongé sur la table, recouvert jusqu'aux épaules.

— Comme je vous l'ai déjà dit, la mort est due à un traumatisme crânien. En plus de la blessure à la tête, la victime a des côtes cassées et un poumon perforé.

— Elle a été battue ? demanda Jimin.

— Non, ces blessures ont été provoquées par un massage cardiaque et vu la force qu'il faut pour briser une côte, je pense que la personne qui a fait ça, est un homme.

— Alors, il a essayé de la sauver après lui avoir fracassé le crâne ? lança Jungkook, confus.

— Peut-être qu'il s'agit de deux personnes différentes, supposa le médium, attirant l'attention des trois hommes. Ou alors, le coupable ne voulait pas la tuer.

— Vu l'emplacement de la blessure, la personne qui à fait ça se trouvait derrière la victime lorsque le coup a été porté. Je ne pense pas que ce soit accidentel, expliqua le légiste.

— Ok, soupira le tatoué. Est-ce qu'il y a des traces d'abus sexuel ?

— Non.

— C'est déjà ça, fit Taehyung soulagé.

— Notre seule piste vient de partir en fumée. Nous voilà de retour à la case de départ, lança le commandant, visiblement désabusé

— Est-ce que tu as autre chose ? demanda le lieutenant.

— Votre victime présente des signes évident de malnutrition, ce qui peut confirmer l'hypothèse de la captivité. Ça, plus les marques aux poignets et aux chevilles. Ses poumons étaient, eux aussi, en mauvais état, elle souffrait probablement de troubles respiratoires. Elle a dû être retenue dans un endroit sombre et humide.

— D'accord, merci Fong, fit Jungkook avant que son coéquipier ne prenne la parole.

— On devrait aller au labo, peut-être que Luka a trouvé quelque chose sur ses vêtements qui pourrait nous dire où elle a été retenue.

Le tatoué hocha la tête avant de saluer une dernière fois le médecin légiste et de s'en aller, suivi par Jimin et le lieutenant. Le labo se trouvait dans le même bâtiment alors le trajet fut court. Comme Jungkook le craignait, l'équipe scientifique n'avait rien qui les aiderait à avancer. Ils avaient retrouvé une forte quantité de pollen, mais étant donné l'endroit où le corps avait été trouvé, cela n'avait rien d'étonnant.

Une fois hors du bâtiment, le tatoué sortit son paquet de cigarette et alluma l'une d'elle. Adossé contre la porte conducteur de l'Audi, il fixait l'horizon.

— Bon, on n'a que dalle, lança le commandant en shootant sur une pauvre pierre qui se trouvait à ses pieds.

— J'avoue que là, c'est la merde, soupira Taehyung, les mains jointes sur le toit de la voiture.

— Dis, microbe, tu as réessayé d'appeler Mei ?

— Non, pas depuis hier et puis, tu me prends pour un téléphone funéraire ? Je n'ai pas une ligne fixe spéciale fantôme, tu sais, répliqua Jimin, une mine faussement contrariée.

Le lieutenant ne put retenir un rire en écoutant la répartie de son cadet. Plus les jours passaient, plus Jungkook déteignait sur lui, c'était si flagrant, que même un aveugle pouvait le voir.

— Arrête de rire toi, il va prendre la confiance, grommela le brun.

— Ne t'inquiète pas pour ça, je l'ai déjà prise la confiance, rétorqua le médium avec un clin d'œil. Allez, fume ta cigarette, qu'on retourne au poste.

Le commandant haussa les sourcils, surpris par le ton autoritaire et le culot du plus jeune avant de pouffer de rire. Ne voulant pas les faire attendre, il tira deux lattes supplémentaires avant d'écraser le bout de sa cigarette sur le sol et de la jeter dans la poubelle qui se trouvait à proximité. Taehyung fut le premier à monter dans la voiture, le laissant désormais seul avec Jimin.

— Tu sais que tu vas me payer cette insolence, n'est-ce pas ? murmura le brun, un rictus espiègle sur les lèvres.

— Hm, j'ai hâte de voir ça commandant, répondit le médium avec un sourire provocateur.

Un nouvel éclat de rire quitta les lèvres de Jungkook pendant qu'il s'installait derrière le volant de son véhicule. Certes, leur enquête était au point mort, mais l'ambiance entre les trois coéquipiers ne pouvait pas être plus détendue.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Le reste de la matinée était passé à une vitesse folle. Jimin avait travaillé avec Kuina, l'aidant avec les coups de téléphone pendant que Jungkook et Taehyung avaient été appelés en renfort sur une prise d'otage. Il était à présent midi et aucun de ses deux colocataires n'étaient rentrés, ce qui commençait à l'inquiéter.

— Hé les gars, vous avez des nouvelles de Tae et Jungkook ? demanda-t-il à l'attention de Rose et Lian qui étaient dans leur bureau.

— J'ai écouté la fréquence du central et ils étaient en pleine négociation il y a trente minutes, répondit Lian.

— Je me demande si tout va bien, murmura Jimin depuis son bureau.

— Et si on allait manger ? proposa Rose, visiblement peu préoccupée. Ne t'en fais pas Min, ils vont bien. Ils ont fait ça des centaines de fois.

— Hm, grommela le médium, nullement rassuré.

Malgré son inquiétude, le blond se leva et prit son portable avant de quitter le bureau pour retrouver ses trois collègues qui l'attendaient. En marchant vers la salle de pause, il en profita pour envoyer un message à Ha-eun, la fille de Kang Do-sik. Elle était censée lui donner une réponse pour une éventuelle rencontre avec l'ancien policier, mais il n'avait plus eu de ses nouvelles.

Une fois dans leur petit espace de repos, Jimin prépara son repas et s'attabla à côté de ses amis.

— Bon, dans moins de deux semaines, c'est l'anniversaire de Jungkook, lança la rouquine.

— Ça tombe quand ? demande Kuina en prenant une bouchée de son plat.

— Le premier septembre, répondit Lian.

— Jimin, tu vis avec eux, tu sais si Tae et Lilith ont prévu quelque chose ? questionna Rose.

— Non, enfin, ils ne m'en ont pas parlé, et puis je te rappelle que depuis que Lilith est enceinte, Tae ne vit plus vraiment à l'appartement.

— C'est vrai. Je vais lui envoyer un message.

— Dans tout les cas, oubliez la fête surprise, il déteste ça, rappela l'inspecteur.

— Ah bon ? Pourquoi ? s'étonna le médium.

— On parle de Jungkook, c'est suffisant comme raison, gloussa le brun.

— En fait, il n'aime pas vraiment fêter son anniversaire. D'après ce que Tae m'a dit, c'est comme ça depuis qu'ils sont enfants.

— Le lieutenant Kim et Jungkook sont frères ? demanda Kuina, confuse.

— Adoptif, répondit Jimin.

— Oh, je vois. Vous faites quoi les autres années ?

— En général rien. On va juste boire un verre, expliqua Rose.

— Oui, enfin, quand il ne décide pas de s'esquiver à la dernière minute pour aller voir une de ses conquêtes, ajouta Lian.

— Arrête, c'est arrivé une fois, le contredit la jolie rousse.

— Deux, tu te rappelles pour ses vingt-cinq ans ? On l'a attendu au restaurant, il ne s'est jamais pointé.

Le plus jeune observait ses deux amis se chamailler sur un évènement passé et il ne put s'empêcher de rire.

— Bon, on s'en fiche, gloussa Jimin. Je pense qu'on devrait simplement respecter son souhait, s'il ne veut pas le fêter, il doit avoir ses raisons.

— Mais c'est triste de ne pas fêter son anniversaire ! s'indigna tristement Rose.

— Je n'ai jamais fêté mon anniversaire, je ne suis pas mort pour autant, déclara le médium en mâchant ses nouilles. Peut-être que cela lui rappelle ses parents. Le but d'une fête d'anniversaire, c'est de faire plaisir à la personne. Si ça devient une corvée, je ne vois pas l'intérêt.

— Jimin a raison, je ne connais pas Jungkook, mais s'il n'aime pas ça, je pense qu'il faut respecter sa décision, intervint Kuina.

Les deux coéquipiers se regardèrent une fraction de seconde avant de hausser les épaules, résignés.

— Bon, sinon vous avez vos tenues pour samedi ? demanda la rouquine pour relancer la conversation.

— Non, toujours pas, soupira Jimin.

— J'ai la mienne, lança Lian, un sourire fier sur le visage.

— Et tu comptes nous dire ce que tu vas mettre ou tu vas continuer à sourire comme un idiot, le taquina Rose.

— C'est une surprise, répliqua le brun, en haussant les sourcils.

— Kuina, tu viens toujours ? demanda la jolie rousse.

— Si je suis toujours invitée, avec plaisir.

— Cool ! s'enthousiasma la jeune femme en tapant joyeusement dans sa main avant de poser son regard sur le petit blond. Jimin, je compte sur toi pour faire en sorte que Jungkook respecte le thème !

— Attends, tu me confies une mission presque impossible. S'il refuse, je fais quoi ? Je lui mets une pichenette ?

Les trois amis furent pris d'un rire sincère face à la répartie du plus jeune.

— Vous rigolez, mais je fais quoi s'il refuse ? Vous m'avez regardé ? Je pèse à peine cinquante-cinq kilos, je ne vais pas réussir à le forcer à faire quoi que ce soit hein.

— Ce n'est pas trop dur de vivre avec un homme comme Jungkook ? demanda la nouvelle recrue.

Le médium prit une gorgée de sa boisson et se tourna vers sa jeune femme pour lui répondre.

— Hm, au début, ce n'était pas simple, mais avec le temps, on a fini par s'entendre. Au travail et à la maison, ce sont deux personnes différentes.

— Ça, c'est vrai, confirma Rose. Jungkook est beaucoup plus détendu quand il ne porte pas sa plaque.

— Oui, ça dépend de son humeur, mais en général, c'est un mec plutôt cool. Toujours dans la compétition, mais cool, ajouta Lian.

— C'est marrant, j'ai l'impression de vous entendre parler de deux hommes totalement différents. Pour le moment, j'ai simplement eu affaire à ce gars trop sûr de lui, maniaque du contrôle et autoritaire.

— Oui, tu as affaire au commandant Jeon Jungkook, gloussa Rose. Tu es nouvelle, il te teste, si tu n'es pas capable d'encaisser ses piques et ses sautes d'humeur, tu ne feras pas long feu parmi nous.

— Le capitaine m'avait dit qu'il avait un sale caractère, mais je n-

La brune fut interrompue par la porte qui s'ouvrit sur l'homme qui était au centre de leur conversation et Taehyung.

— Salut, lança ce dernier.

— Vous allez bien ? demanda immédiatement Jimin en regardant ses deux amis.

Lorsque ses yeux se posèrent sur le t-shirt gris de Jungkook et qu'il y vit le sang qui avait taché le bas du tissu, il se leva et s'approcha de lui.

— Tu es blessé ?

— Non, ce n'est pas mon sang. Je vais aller me changer, mais je vais manger avant, j'ai la dalle, répondit le tatoué d'un ton neutre.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? questionna Rose.

— Une prise d'otage dans un centre aéré. Un homme est allé chercher son fils, mais la directrice a refusé de le laisser partir avec l'enfant. Apparemment, la mère et lui sont divorcés. Le juge lui avait totalement retiré la garde de son fils qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs mois. Quand la directrice s'est opposée à lui, il a pété un plomb et a pris tous les enfants en otage, expliqua Taehyung, un air attristé sur le visage.

— Il y a eu des morts ? demanda Lian.

— Un seul, le père, répondit Jungkook sans la moindre émotion sur le visage.

— Qu'est-ce qu....

Le médium n'eut pas le courage de terminer sa phrase. Il connaissait déjà la réponse et une part de lui se sentit peiné pour cet homme.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? questionna Kuina.

— Il a usé toute ma patience, fit simplement le commandant.

— Jungkook a discuté avec lui pendant plus d'une heure. Il a tenté de le raisonner, mais il n'a rien voulu entendre. Il a commencé à s'énerver quand on lui a dit qu'il ne pouvait pas partir avec son fils et s'apprêtait à appuyer sur la détente et blesser l'un des enfants. On a été obligé de l'abattre, déclara le lieutenant.

— Attends, mais s'il avait une arme, alors ça veut dire qu'il avait préparé son coup ? pensa Lian.

— Je pense surtout qu'il voulait récupérer son fils, de gré ou de force. En cas de garde exclusive et encore plus dans ce genre de cas, tous les établissements fréquentés par l'enfant sont au courant de la situation et ont interdiction formelle de le laisser partir avec le parent concerné. Il était donc préparé à cette éventualité, répondit Taehyung.

Un silence de plomb s'installa dans la pièce. Un peu plus loin, dos à ses amis et collègues, le tatoué fixait le mur blanc devant lui, attendant que son plat chauffe. Son esprit était ailleurs. Il repensait au désespoir qu'il avait vu dans les yeux de ce père qui était au bout du rouleau. Même s'il gardait cet air froid et indifférent, la culpabilité rongeait ses tripes. Il aurait voulu que cela se termine autrement, mais son objectif premier était d'éviter que des enfants ne soient blessés. Il n'avait pas eu le choix.

— Hé, fit une voix douce sur sa droite.

Jungkook tourna légèrement la tête pour croiser les yeux noirs de son cadet qui le regardait avec compassion.

— Est-ce que ça va ? demanda-t-il.

Pour seule réponse, le brun bougea négativement la tête.

— Tu veux qu'on aille manger sur le toit ?

Encore une fois, un hochement de tête fut la seule chose à laquelle il eut le droit.

— Allez, viens, fit le médium sans tenir compte de la présence des autres policiers.

En silence, les deux colocataires quittèrent la salle de pause, leur repas et boissons en main.

— Il a l'air plus affecté que les autres fois, nota Rose avec tristesse.

— C'était différent. Il a vraiment essayé de la raisonner, il lui a même promis de l'aider à trouver une solution pour qu'il puisse voir son fils, mais c'était peine perdue. Cet homme était décidé, rien ni personne n'aurait pu le faire changer d'avis, raconta Taehyung.

— Tu devrais peut-être aller lui parler, conseilla Lian. Vous êtes proche tous les deux, tu arriverais sans doute mieux à lui remonter le moral.

— Non, intervint le lieutenant, stoppant la jeune femme qui s'apprêtait à se lever. Laisse-le avec Jimin. Allez savoir comment, cette petite tête arrive toujours à le faire redescendre.

— J'ai remarqué, sourit la rouquine. En même temps, comment lui résister, vous avez vu sa bouille.

— C'est clair, gloussa l'inspecteur.

— Ils sont proches tous les deux ? demanda Kuina.

— Disons que le temps et le fait de vivre ensemble les a rapprochés. Jimin arrive petit à petit à se frayer un chemin à travers cette carapace. Avoir la confiance de Jungkook n'est pas quelque chose de simple à obtenir, mais même s'ils passent leurs vies à se chamailler, Jimin y est parvenu, expliqua Taehyung.

— Vous aussi, vous passez votre temps à vous tirer dans les pattes, le taquina Rose.

— Oui, mais nous, on est frère. Tu connais des frères et sœurs qui ne chamaillent pas ?

Pour réponses, les quatre policiers se mirent à rire, adoucissant ainsi l'ambiance morose qui s'était installée avec l'arrivée des deux meilleurs amis.

Sur le toit, l'atmosphère était tout autre. Assis sur le rebord, les pieds dans le vide, Jimin et Jungkook mangeaient en profitant du silence et du panorama qui s'offrait à eux. Même s'ils n'avaient pas échangé un mot, la présence du plus jeune apaisait le cœur du commandant, qui avait, petit à petit, réussi à éloigner l'image de cet homme qu'il avait été obligé d'abattre. Cependant, il avait un besoin vital de justifier son geste.

— Je ne l'ai pas tué par plaisir, lança-t-il subitement, attirant le regard du médium sur sa personne. Je ne voulais pas le faire. Je ne sais pas pourquoi parce qu'en temps normal, je n'aurai pas hésité une seule seconde. Je crois que... je crois que pendant une fraction de seconde, je me suis imaginé à sa place et à ce que je pourrais ressentir. Je ne veux pas d'enfant, mais je sais que si j'en avais, je serais capable du pire si on me l'enlevait. Je... je crois que j'ai eu pitié de lui, au final, il voulait juste voir son fils.

— Je comprends. Je crois que certains parents sont prêts à tout pour leur enfant, mais tu n'avais pas le choix. Il allait finir par blesser quelqu'un. Tu as fait ce qu'il fallait, répondit Jimin avec douceur.

— J'ai aussi pensé à Lilith et à Tae et je me dis que si cette situation était arrivée dans trois ou quatre ans, ce sont leurs enfants qui auraient pu être dans cette pièce avec cet homme. C'est... c'est là que j'ai appuyé sur la détente.

— C'est pour ce genre de réflexion que tu seras le meilleur des tontons et si un jour, tu changes d'avis, je suis persuadé que tu seras un père génial.

— Ça m'étonnerait que je change d'avis, pouffa Jungkook en regardant ses mains.

— Pourquoi ?

— Hm, quand je regarde mon avenir, je n'y vois pas d'enfant. J'aime bien le fait d'être libre comme l'air. De pouvoir faire ce que je veux, quand je veux, sans contrainte. Les enfants, c'est une lourde responsabilité. Tu dois constamment veiller sur eux, t'assurer qu'ils restent en bonne santé et en sécurité. Tu dois leur accorder cent pourcents de ton temps, de ton amour et de ta patience. Et puis, tu dois les éduquer, et le faire bien, sinon, ils peuvent devenir des vrais psychopathes.

Sa dernière phrase avait été dite avec humour, mais elle dissimulait un fond de vérité.

— Je ne m'en sens pas capable, ajouta le policier d'un ton plus sérieux.

— Et si tu rencontres quelqu'un qui en veut ? demanda Jimin.

— Eh bien, nous partirons chacun de notre côté. Je ne priverai jamais une femme ou un homme de son rêve.

Le médium hocha doucement la tête sans savoir quoi dire. Un nouveau silence s'installa entre eux jusqu'à ce que le tatoué ne prenne la parole, quelques secondes plus tard.

— Et toi ?

— Hein ? tressaillit faiblement le plus jeune, surpris par la voix soudaine de son voisin.

— Est-ce que toi, tu veux des enfants ?

— Je ne sais pas, répondit Jimin dans un murmure. Je crois que je ne saurai pas comment m'y prendre. Je n'ai pas vraiment eu un bon exemple avec les miens et puis, imagine que ce truc de voir les morts soit héréditaire, je n'ai pas vraiment envie de donner ça à un enfant qui n'a rien demandé.

— C'est vrai que ça craint, lança Jungkook.

— De toute façon, la question ne se pose même pas.

— Pourquoi ?

— Avant qu'on commence ce truc entre nous, je me demandais si c'était dû à ce qui m'était arrivé, si j'étais si mal à l'aise avec les femmes ou autre chose, mais maintenant, je crois que j'ai la réponse. Même si je n'avais pas été... enfin, tu vois, je pense que je n'aurais jamais été attiré par une femme.

— Si tu essaies de dire que tu es gay, tu peux le dire distinctement, ce n'est pas interdit, et puis ce n'est pas comme si je ne le savais pas. Par contre, en ce qui concerne les enfants, tu peux adopter.

— Toi et moi, on sait que notre pays est encore bien en retard en ce qui concerne l'homosexualité, répondit Jimin d'un ton plus bas.

— C'est vrai, mais tu peux toujours le faire à l'étranger.

Le médium ne répondit rien, il se contenta de regarder l'horizon en repensant à la question. Est-ce qu'il voulait des enfants ? Est-ce qu'il voulait qu'un jour quelqu'un l'appelle "papa" ? Non, c'était la première réponse qui lui venait à l'esprit. Il ne s'en sentait pas capable.

— Enfin bref, soupira-t-il. Ce n'est pas comme si c'était près d'arriver alors laissons ça à des couples comme Tae et Lilith. Eux, ils sont faits pour ça.

— C'est clair, pouffa Jungkook. Dans six ou sept mois, on va avoir deux petites têtes brunes qui vont passer leurs vies à brailler. Ce sera amusant.

— J'ai hâte, avoua le plus jeune.

— Oui, moi aussi.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

Le reste de la pause déjeuner s'était passé dans le calme pour tous les membres de l'unité criminelle. Lorsqu'ils avaient repris le travail, Jungkook avait été convoqué dans le bureau du capitaine et y était resté durant une partie de l'après-midi. Taehyung et Lian s'étaient absentés deux bonnes heures et de leur côté, Jimin et Kuina continuaient leur recherche.

Il était à présent dix-sept heures lorsque le médium et sa collègue trouvèrent enfin quelque chose d'intéressant dans les dossiers d'alerte enlèvement qui avait été émis dans tout le pays.

— Les gars, j'ai trouvé quelque chose ! s'écria-t-il en entrant précipitamment dans son bureau, interrompant une conversation sérieuse entre Jungkook et Taehyung. Désolé, je... je ne voulais pas vous déranger.

— Ce n'est pas grave, qu'est-ce qu'il y a ? demanda le commandant.

— Venez voir !

Sans les attendre, le blond retourna auprès de Kuina qui pianotait contre la table tactile.

— Vas-y, montre-leur ce qu'on a trouvé.

La brune s'exécuta et balaya les diverses informations et photos sur les trois écrans suspendus au mur

— Comme on ne trouvait rien avec le prénom Naeyon, on a tenté de modifier l'orthographe, commença Jimin. On a essayé plusieurs déviants et on a fini par trouver une correspondance.

— Lee Naeyun âgé de dix ans, a disparu il y a six semaines. La dernière fois qu'elle a été vue, c'était ici, à la sortie Gimhae, dans une station service sur l'autoroute cent quatre, expliqua Kuina en montrant le lieu de l'enlèvement sur une carte routière.

— Qu'est-ce que cette gamine faisait sur une aire d'autoroute ? demanda Jungkook, confus.

— J'ai contacté la police de Gimhae qui a bien voulu me donner quelques informations, mais ils n'ont pas été très bavard. D'après le rapport, l'enfant était avec sa mère. Elles venaient à Busan pour les vacances. Sur la route, la petite a voulu aller aux toilettes, alors elles se sont arrêtées.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? questionna Taehyung.

— La mère en a profité pour faire le plein. Elle dit qu'elle l'a laissée seule dans la voiture deux minutes, le temps d'aller payer et quand elle est revenue, la petite avait disparu.

— On a les vidéos de surveillance de la station ? fit Jungkook.

— Eh bien, c'est là que ça coince, intervint Jimin.

— Pourquoi ? demanda le commandant.

— La police de Gimhae a refusé de nous les donner. L'enlèvement s'est produit sur leur territoire, alors, à moins que l'on ait des éléments qui relient ce kidnapping à notre affaire, ils n'ont aucune obligation de nous les donner, expliqua Kuina.

Le visage du tatoué devint plus dur, démontrant son agacement.

— C'est ce qu'on va voir.

Sans rien ajouter, le tatoué tourna les talons et se dirigea vers la sortie.

— Où est-ce qu'il va ? demanda la jolie brune.

— Récupérer les vidéos de surveillance et surement faire virer l'imbécile que vous avez eu au téléphone, répondit Taehyung avec un sourire amusé.

— Il peut faire ça ?

— Ne sous-estime jamais Jungkook quand il est en colère où qu'il a une idée derrière la tête. Peu importe par quel moyen, il parvient toujours à avoir ce qu'il veut, lança Jimin en haussant les épaules.

— C'est bon à savoir, gloussa Kuina.

Après plus de quarante minutes, Jungkook fit son apparition, un grand sourire sur les lèvres, agitant sa main gauche dans laquelle il tenait une clé USB.

— Tu les as ? demanda Taehyung.

— Bien évidemment, se vanta le commandant.

Il s'approcha de la table et inséra la clé dans le port USB avant de pianoter sur l'écran tactile et de projeter les vidéos de surveillance. Cherchant le moment qui les intéressait, le brun activa l'avance rapide avant de stopper l'image.

— Voilà la voiture de la mère, annonça le tatoué.

La caméra était positionnée juste au-dessus de la porte automatique qui menait à l'intérieur de la station. Grâce à l'angle large de l'appareil, on pouvait voir la femme sortir du bâtiment, tenant sa fille par la main. Elles marchèrent jusqu'au SUV noir qui se trouvait derrière l'une des pompes et la mère de famille l'ouvrit pour y installer la petite. Après avoir refermé la portière arrière, la femme à la chevelure ébène rebroussa chemin, certainement dans l'intention de régler le plein d'essence qu'elle venait de faire. Ce fut le calme plat pendant de longues secondes jusqu'à ce que la portière arrière ne s'ouvre et que la fillette ne descende. À travers son langage corporel, on pouvait voir que celle-ci paraissait méfiante, mais à mesure que les secondes passaient, son expression changeait jusqu'à ce qu'un sourire timide ne prenne place sur son visage. Voyant ses petites lèvres bouger, les policiers et le jeune consultant comprirent que la petite Naeyun discutait avec quelqu'un. Visiblement enjouée par ce que la personne devant elle lui disait, elle hocha la tête et se mit à avancer en sautillant dans la direction opposée à l'entrée de la station jusqu'à totalement disparaître du champ de vision.

— C'est tout ? demanda Jimin, la gorge nouée.

Bien que les images ne soient pas vraiment choquantes, son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Le sentiment qui l'avait envahi était indescriptible.

— Malheureusement oui, répondit Jungkook.

— Il n'y avait pas d'autres caméras ? questionna Taehyung.

— Si, une qui donnait sur le parking arrière, mais elle était hors service. Le gérant a dit qu'elle servait surtout de dissuasion, expliqua le tatoué.

— Eh bien, ça n'a pas marché, lança Kuina.

— On peut forcément en tirer quelque chose, repasse la vidéo, ordonna le lieutenant d'un ton calme.

Jungkook s'exécuta et en silence, les quatre personnes présentent autour de la table regardèrent de nouveau Naeyun disparaître sans laisser de trace.

⊱⋅ ──────────── ⋅⊰

La vidéo de surveillance avait été visionnée un total de quinze fois avant que Jimin n'atteigne ses limites et ne décide de partir. Il s'enferma dans son bureau, tentant de digérer ce qu'il venait de voir, mais surtout de calmer ce sentiment désagréable qui grandissait en lui. Quelqu'un de malsain avait trompé cette petite fille, lui promettant surement quelque chose pour la prendre et la retirer à ses parents et face à cela, le médium se sentait impuissant.

À dix-huit heures trente, Taehyung avait dû s'en aller pour rejoindre sa fiancée. Le couple avait prévu d'aller visiter quelques maisons pour leur futur achat, laissant Jungkook et Kuina seuls tandis qu'ils continuaient de repasser en boucle la vidéo, sans échanger un seul mot.

Comme à son habitude, le brun s'était installé à califourchon sur l'une des chaises à roulette, et fixait sans ciller, l'écran qui projetait ses images qu'il connaissait dorénavant par cœur. À chaque visionnage, ses yeux se posaient sur un autre coin et cette fois, quelque chose attira son attention.

— Pause ! ordonna ce dernier.

Aux aguets, la brune appuya sur l'écran, stoppant la vidéo.

— Ok, recule image par image.

Kuina fit minutieusement la manipulation qu'on lui demandait jusqu'à ce que Jungkook lui fasse signe de s'arrêter.

— Juste là !

— C'est...

— Oui, c'est un reflet, annonça le tatoué, un sourire satisfait sur les lèvres.

Au moment où la petite fille quittait le véhicule de sa mère, une berline était passée devant elle, capturant, grâce à la carrosserie brillante, le reflet de la personne qui s'adressait à l'enfant.

— Lian ! cria Jungkook.

— Oui ? répondit immédiatement le concerné depuis son bureau.

— Tu es occupé ?

— Oui, mais dit moi, annonça l'inspecteur en faisant son apparition dans le champ de vision de son supérieur.

— J'ai besoin de tes talents.

— Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? demanda Lian en venant se poster près du tatoué.

— Trouve-moi toutes les informations que tu peux grâce à ce reflet.

Le brun regarda le grand écran sur lequel Kuina avait affiché l'image en question, puis reporta son attention sur son ami.

— Jungkook, tu te doutes bien qu'avec une qualité aussi merdique, plus la déformation de l'image dû à la carrosserie de la voiture, il y a des risques que je ne trouve rien de concluant ?

— Oui, je sais, mais je sais aussi que tu es le meilleur pour ce genre de chose. Ce mec a probablement enlevé cette petite fille et c'est peut-être lié au corps qu'on a trouvé au parc hier, il faut que je sache qui est ce type.

— Je vais faire ce que je peux, mais je ne te promets rien. En plus, il porte des lunettes de soleil, ce qui ne va pas me faciliter la tâche, l'avertit Lian.

— Fais ton maximum, c'est tout ce que je te demande. Si tu as besoin d'un coup de main, appelle Saejin ou Sam.

— Ok, soupira l'inspecteur.

En regardant le commandant lui tourner le dos pour rejoindre son bureau, l'inspecteur comprit une chose qu'il craignait.

— Attends, tu veux que je fasse ça maintenant ?

— Non, hier, répliqua le tatoué avec sarcasme.

— Jungkook je-

— Tu as des heures à rattraper non ? Plus vite tu auras fini, plus vite, tu rentreras chez toi, le coupa Jungkook d 'un ton plus autoritaire.

Sans laisser place à la négociation, le brun pivota à nouveau et reprit la marche.

— Connard, soupira Lian.

— J'ai entendu ! lança Jungkook avant de disparaître dans son bureau.

— Je vais t'aider, annonça Kuina, un sourire chaleureux sur les lèvres.

L'inspecteur hocha faiblement la tête, remerciant silencieusement sa collègue pour l'aide qu'elle lui proposait.

Dans le bureau, Jungkook retrouva son cadet qui pianotait nerveusement sur son ordinateur.

— Allez microbe, on a assez donné pour aujourd'hui.

— Je n'ai pas fini de taper ce rapport que Taehyung m'a donné, répondit Jimin sans lever les yeux vers son aîné.

Remarquant le regard fuyant et les mains tremblantes de son colocataire, le tatoué compris que les images de l'enlèvement de cette fillette l'avaient véritablement bouleversé. Sans un mot, il s'approcha de lui et referma l'écran son ordinateur afin d'avoir son attention.

— Allez, prends tes affaires. On va aller se commander des burgers et on va se mater un film. On l'a bien mérité après une journée comme celle-ci. Qu'est-ce que tu en dis ?

Les yeux de Jimin était brillant de larmes qu'ils tentaient de retenir et cette vision comprima le cœur de Jungkook qui faisait de son mieux pour rester de marbre.

— Est-ce qu'on va la retrouver ? demanda le médium d'une voix tremblante.

— Je n'en sais rien, en tout cas, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'on y parvienne, promit le brun.

— Mais on n'a rien qui pourrait nous mener à son kidnappeur.

— J'ai trouvé quelque chose sur la vidéo qui pourrait nous aider. Lian est dessus, il m'appellera s'il a du nouveau.

— On devrait rester et l'aider alors !

— Non, notre journée est terminée. On est debout depuis quatre heures trente du matin. Je suis fatigué, tu l'es aussi et ne me dit pas le contraire parce que je le vois à tes yeux. Tu pourrais te mettre à pleurer juste parce que tu viens de casser la mine de ton crayon à papier, alors tu lèves ton petit cul de cette chaise et on rentre ! ordonna Jungkook.

Le blond s'apprêtait à le contredire, mais le regard dur du plus vieux l'en dissuada. Dans un long soupir de résignation, il rangea son ordinateur portable dans sa sacoche et se leva, quittant ainsi le bureau avec son colocataire.

— À plus les gars, lança le commandant. Lian, si tu trouves quelque chose, appelle-moi.

— Ouais ouais, soupira le concerné.

Un petit rire amusé quitta les lèvres du tatoué qui avait bien remarqué que la tache qu'il avait confiée à son subordonné l'agaçait fortement. Est-ce qu'il en profitait pour le punir à cause de leur accrochage le soir de leur diner sur la plage ? Oui. Est-ce qu'il avait honte de se servir de sa position pour le faire ? Non.

Quand ils quittèrent le bâtiment, une brise fraiche vint caresser le visage du médium, le faisant frissonner de façon désagréable.

— Alors, burger ? demanda Jungkook.

— Hm, si tu veux. Je veux surtout retrouver mon lit, répondit Jimin d'une voix basse.

— Allez microbe, arrête de faire la tête.

— Désolé, je n'arrive pas à me sortir ces images de la tête. J'imagine ce que doit ressentir cette petite fille. Elle doit être terrifiée.

La voix du médium se perdit dans les airs tandis que son estomac se tordait douloureusement. Jungkook ouvrit la voiture et les deux hommes s'installèrent à bord du véhicule. Avant de mettre le contact, il se tourna vers son voisin qui regardait un point invisible devant lui.

— Écoute, je me répète, mais si tu veux vraiment t'en sortir dans ce travail et peut-être évoluer dans ce milieu, il va falloir que tu te blindes et que tu fasses la part des choses. Je sais que c'est compliqué de ne pas laisser la compassion ou la colère prendre le dessus, mais c'est un travail à faire sur soi et tu dois t'y mettre. Je te l'ai déjà dit, dans ce métier, j'ai vu des choses horribles qui m'ont souvent maintenu éveillé la nuit, mais à chaque fois que je retire cette plaque et que je quitte le poste, j'essaie de laisser ça derrière moi. Tu dois essayer de faire pareil sinon ça risque de devenir invivable.

La voix du tatoué était douce, prévenante. Il ne voulait pas brusquer son cadet, non, ce qu'il souhaitait, c'était l'aider à aller mieux.

— Comment tu fais ? Parce que moi, j'ai beau essayer de ne pas y penser, je revois encore et encore le visage de cette gamine.

— Je pense que c'est l'habitude. Avec l'armée, j'ai eu mon lot de cadavres et de morts, je crois qu'à force, je me suis forgé une carapace qui me protège de tout ça. Je ne dis pas que ça ne me touche pas, je suis humain aussi, mais je me répète que je finirai pas arrêter ces monstres et ça me soulage un peu.

— Comment tu peux être aussi sûr de toi ? Nous n'avons rien qui puisse nous mener à ceux qui ont tué Mei ni même à celui qui a enlevé Naeyun. On ne sait même pas si les deux affaires sont liées.

Le regard de Jimin débordait de peine, comprimant le cœur du commandant qui détestait voir cette émotion dans ses yeux sombres.

— Parce que j'ai confiance en mon équipe, ça peut prendre longtemps, mais je finirai par trouver les coupables. Il n'y a pas de crime parfait, il n'y a que des personnes incompétentes. Est-ce qu'on est des incompétents ?

Bien-sûr que non. Le médium travaillait avec Jungkook et son équipe depuis longtemps pour savoir qu'ils étaient tous sauf incompétents. Jusqu'à présent, l'unité du tatoué était parvenue à résoudre toutes ses enquêtes, peu importe le temps que cela prenait, ils arrivaient toujours à trouver les coupables.

— Non.

— Alors voilà, fais-nous confiance, fais aussi confiance à ton don.

— Mon don ne sert à rien si le fantôme décide de ne pas se montrer.

— Tu trouveras une solution, j'en suis convaincu et puis si jamais ce n'est pas le cas, on travaillera à l'ancienne.

Jimin observait son aîné de longues secondes. Il scruta ce visage si parfait, ce sourire affectueux qui ne quittait pas ses lèvres rosées qu'il voulait embrasser.

— Merci, murmura-t-il.

— Il n'y a pas de quoi. Je ne suis pas tout le temps un connard, il m'arrive aussi d'être sympa, répondit Jungkook avant qu'un sourire espiègle ne prenne vie sur les lèvres. Est-ce que j'aurai une récompense pour avoir été un gentil garçon ?

Cette question fit rire le médium qui leva les yeux au ciel. Il savait bien que le commandant plaisantait, qu'il cherchait surtout à le faire rire et cette idée lui réchauffa le cœur.

— Hm peut-être, mais pour le moment, démarrez cette voiture commandant, je meurs de faim, répliqua Jimin avec amusement.

— À votre ordre consultant Park.

Déclenchant un rire sincère chez son cadet, le tatoué enclencha la vitesse et quitta le parking pour rejoindre le fast-food où ils voulaient aller chercher leur diner.

Leur destination se trouvait à une trentaine de minutes du commissariat, bien après leur appartement dans le quartier voisin. Alors que l'Audi était immobile au feu rouge, les deux hommes discutaient tranquillement lorsqu'un brouhaha se fit entendre suivi d'une agitation à quelques mètres devant eux.

— C'est quoi tout ce bordel ? soupira Jungkook.

Enclenchant le frein à main, le brun descendit de la voiture avec l'intention de voir ce qui se passait.

— Appelez une ambulance ! hurla une voix cristalline.

En entendant cela, Jimin descendit à son tour de la voiture et les deux amis partirent à toute vitesse en direction de la voix et du cœur de l'agitation. Lorsqu'ils arrivèrent sur place, le regard du médium se posa avec effroi sur le corps d'un homme étendu sur le bitume. Ses vêtements étaient déchirés et il lui manquait une chaussure, en voyant cela, le blond nota la fracture ouverte sur son tibia gauche.

— Police de Busan, qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Jungkook à la femme qui avait appelé à l'aide.

Sans attendre, Jimin retira son sweat à capuche et se jeta au sol auprès de l'homme. Il souleva doucement sa tête et y glissa son haut. Du sang coulait abondamment de son crâne ainsi que des multiples blessures sur tout le corps.

— Hé monsieur, tenez bon, fit Jimin avant de lever la tête vers son coéquipier.

Ce dernier était sûrement au téléphone avec le central ou les urgences.

— Jungkook, où est l'ambulance ?

— Elle ne devrait plus tarder, répondit le brun.

—S-s'il v-vous plaît, fit faiblement la victime en attrapant le poignet du médium. M-ma f-emme, di-dite l-lui que je... j-je-

Le sang qui sortait par la bouche de l'inconnu n'annonçait rien de bon et en constatant cela, Jimin sentit ses entrailles se tordre et sa gorge se nouer.

— Vous lui direz. Tenez bon, l'ambulance va arriver.

La voix du blond se brisa à la fin. Il pouvait voir dans les yeux de l'homme, la vie entrain de le quitter doucement jusqu'à qu'il n'y ait plus rien, simplement deux orbes dénués de vie qui le regardaient.

— Non, murmura le médium, la gorge nouée. S'il vous plaît, restez avec moi.

Les larmes ruisselaient sur ses joues et lorsque la main ensanglantée de la victime retomba lourdement sur le sol, il comprit que c'était fini.

— C'est terminé Jimin, fit prudemment Jungkook en venant saisir ses deux bras pour le relever.

— Non ! Lâche-moi ! cria le plus jeune en se débattant. Elle est où cette putain d'ambulance !?

C'était trop, d'abord Mei, ensuite la petite Naeyun et maintenant cet homme qui venait de mourir dans ses bras. Près de lui, le commandant vit qu'il était en train de se laisser submerger par ses émotions alors d'un geste brusque, il le releva et le fit pivoter pour lui faire face.

— Il est mort Jimin ! C'est terminé ! lança plus durement le tatoué avant de s'adoucir en voyant l'avalanche de larmes qui ruisselait sur ses joues. Je suis désolé, tu ne peux plus rien faire pour lui.

Sans hésiter et sans tenir compte du sang qui avait taché le vêtement de son cadet, Jungkook le tira jusqu'à lui et le prit dans ses bras, voulant calmer la crise de larmes dans laquelle il se trouvait.

— Tu n'aurais rien pu faire d'autre, murmura-t-il en enroulant ses bras autour de son corps fin.

Contre lui, Jimin laissait enfin sortir toute la peine et la colère qu'il avait amassées au cours de la journée. Ses mains ensanglantées s'accrochaient désespérément au t-shirt de son aîné qui ne le lâchait pas, caressant son dos pour tenter de le calmer.

Le bruit des sirènes se fit entendre au loin et ce ne fut qu'à ce moment-là que Jungkook recula et verrouilla ses prunelles dans celle du médium.

— Va dans la voiture, j'arrive, fit le brun en passant doucement la pulpe de ses pouces sous les yeux rougis du plus jeune.

Ce dernier hocha simplement la tête et partit en direction de l'Audi qui était plus loin. Autour de lui, la circulation était totalement arrêtée, les divers véhicules s'étaient poussés sur le bas côté pour laisser passer les secours qui venaient d'arriver.

Quand il passa devant la patrouille de police qui venait d'arriver, Jimin reconnut l'officier Cho qui s'avança vers lui.

— Jimin, vous êtes blessé ?

— Non, ce n'est pas mon sang, répondit simplement le concerné avant de reprendre le chemin vers l'Audi.

Tel un robot, il ouvrit sa portière et s'installa sur le siège passager, le regard perdu dans le vide et le cœur lourd.

Plus loin, près du cadavre qui était en train d'être recouvert d'un drap blanc, Jungkook parlait à l'un des hommes en uniforme.

— Je suis le commandant Jeon Jungkook de l'unité criminelle, commença ce dernier en montrant sa plaque. La victime a été renversée par une Chevrolet noir mat conduite par un homme blond alors qu'il traversait sur le passage piéton, voici un début de plaque.

— Très bien, merci commandant.

— Commandant Jeon ! appela un autre officier.

— Bonsoir Hyun, le salua Jungkook.

— Je viens de voir Jimin, est-ce qu'il va bien ?

— Il est bouleversé, mais ça ira.

— Très bien, acquiesça Hyun.

— Prenez la déposition de tous les témoins et contactez la femme de la victime. Qu'elle passe au poste demain matin dès la première heure afin qu'elle puisse récupérer les affaires de son époux.

— À vos ordres, répondit l'officier Cho.

— Je vais appeler Rose pour qu'elle vienne vous donner un coup de main. C'est elle qui est de garde ce soir.

— D'accord, bonne soirée commandant.

— Merci Hyun, toi aussi, bon courage.

L'homme en uniforme s'inclina poliment puis contourna son supérieur pour rejoindre le petit groupe de personne qui avait été témoin de cet incident mortel. Avant de partir vers son véhicule, Jungkook passa par l'endroit où avait eu lieu l'impact entre le véhicule et le corps de la victime. Il n'y avait aucune trace de freinage, ce qui voulait dire que le chauffard n'avait même pas eu le temps de voir ce pauvre homme avant de le faucher.

Sur le bitume, à quelque pas seulement du passage piéton, se trouvait une boite kraft blanche. En s'approchant, le commandant pu voir que celle-ci s'était déchirée sous le choc, laissant apparaitre un gâteau en piteux était sûr lequel était encore inscrit "Happy Birthday". Était-ce pour lui ? Pour sa femme ? Pour son enfant ? Il n'en avait aucune idée, la seule chose qu'il savait, c'était que la vie ne tenait qu'à un fil. En une fraction de seconde, cet homme avait perdu la vie, laissant derrière lui une famille qui l'attendait pour fêter ce jour qui aurait dû être synonyme de bonheur.

Dans un soupir, Jungkook sortit son portable, sélectionna dans son répertoire le contact de Rose et rédigea rapidement un message avec les coordonnées du lieu où il se trouvait. Il lança ensuite l'appel afin d'en discuter avec sa subordonnée. Au bout de la deuxième sonnerie, la rouquine décrocha, prenant son éternelle voix séductrice.

— Salut beau gosse, lança cette dernière.

— Salut Rose, j'ai une affaire pour toi. Je t'ai envoyé l'adresse par message, répondit Jungkook d'un ton neutre.

— Je viens de recevoir, de quoi s'agit-il ?

— Un chauffard qui a grillé un feu rouge et tué un homme qui traversait. J'ai donné un début de plaque à l'un des officiers. Cho est en train de prendre les dépositions des témoins. Si elle est encore là, demanda à Kuina de t'accompagner et trouvez-moi cet enfoiré.

— Ok, je m'en charge.

— Merci Rose, tiens-moi au courant.

Le brun s'apprêtait à raccrocher quand la voix de la jeune femme résonna dans le combiné.

— Attends, Kook !

— Oui ?

— Est-ce que tout va bien ? Où est Jimin ? Lian m'a dit que vous étiez partis ensemble.

— Oui ça va et oui, il est avec moi. Je te laisse maintenant, je dois retourner auprès de lui.

— Est-ce qu'il va bien ?

— Il ira bien.

Sans rien ajouter, le commandant mit fin à l'appel et partit en direction de la voiture où le médium l'attendait. Ce dernier regardait droit devant lui, le regard perdu dans le vide. Quand il monta dans la voiture, Jungkook remarqua qu'il tremblait comme une feuille et ce n'était pas étonnant. L'adrénaline était redescendue et surtout, il n'était vêtu que d'un t-shirt. En silence, il prit sa veste qui était posée sur la banquette arrière et la déposa prudemment sur les avant-bras de son cadet qui reposait sur ses cuisses.

— Enfile ça, fit-il doucement.

— C'est bon. Je suis couvert de sang, je ne veux pas la tâcher, refusa le médium en repoussant le vêtement.

— Ne sois pas stupide, tu as froid, alors enfile cette veste, insista Jungkook d'un ton plus autoritaire.

Le brun regretta immédiatement d'avoir été aussi dur quand il vit les yeux du plus jeune devenir larmoyant.

— Excuse-moi, soupira Jungkook avant de reprendre la parole d'une voix plus douce. S'il te plaît, enfile cette veste, je m'en fiche si elle est tâchée. Je ne veux pas que tu attrapes froid.

Reniflant doucement, Jimin finit par obéir sans poser une seule fois son regard sur son voisin.

— Est-ce qu'on peut rentrer ? demanda-t-il, la gorge nouée.

— Oui, mais avant, on va passer te prendre quelque chose à manger.

— Je n'ai pas faim, je veux juste prendre une douche et dormir.

— Très bien, répondit le tatoué dans un murmure.

Ce dernier regarda autour de lui avant d'enclencher la marche arrière et de faire demi-tour. Le trajet jusqu'à l'appartement se fit dans un silence de plomb. Jimin avait gardé la tête tournée vers sa fenêtre tout le long, tentant d'oublier ce qu'il venait de vivre. Peu importe ce à quoi il pensait, tout le ramenait au visage de cet inconnu et à la vie qui s'était éteinte dans ses yeux. Depuis qu'il travaillait avec Taehyung et Jungkook, il avait vu des cadavres, mais c'était la première fois que quelqu'un mourait dans ses bras sans qu'il ne puisse rien faire. C'était un sentiment horrible qui le rongeait doucement, tel un parasite qui se propageait dans son corps.

Il fut arraché à ses pensées néfastes lorsque l'Audi se stoppa sur le parking de leur résidence. Retirant mécaniquement sa ceinture, il descendit de la voiture et se dirigea vers le bâtiment sans même attendre Jungkook qui marchait derrière lui. Une fois dans l'appartement, il retira ses chaussures ainsi que la veste de son aîné qu'il posa délicatement sur le dos du sofa. Muré dans un mutisme, il marcha jusqu'à la salle de bain et lorsqu'il s'apprêtait à refermer la porte derrière lui, la voix du tatoué fit écho derrière lui.

— Hé microbe, est-ce que tu as besoin de quelque chose ? demanda-t-il, un air compatissant sur le visage.

— De solitude.

Ces paroles furent les seuls que Jimin prononça avant de fermer la porte et d'entrer dans la cabine de douche où il resta plus d'une heure. Il laissa le bruit du jet d'eau camoufler ses sanglots pendant qu'il frottait sa peau plus que nécessaire pour se débarrasser de ce liquide rougeâtre qui lui rappelait que la vie était aussi fragile qu'un verre de cristal.